Les Cahiers des Amériques latines à l’heure de la science ouverte
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- * Sont membres de ce comité de rédaction en juin 2023 et signataires de ce texte : Mathilde Allain, V (...)
- 1 Tous les numéros de la nouvelle série des Cahiers des Amériques latines sont accessibles en ligne s (...)
1Ce numéro 100-101 de la nouvelle série des Cahiers des Amériques latines – inaugurée en 1985 – est celui d’un anniversaire un peu particulier. Il marque en effet la fin du tirage papier, qui avait été conservé lorsque la revue a accédé à la plateforme OpenEdition en décembre 20141, et le passage à une édition numérique intégrale, conformément aux évolutions requises par la science ouverte et aux possibilités multiples d’enrichissement des contenus qu’offre désormais l’édition électronique. En ce sens, ce volume ouvre une nouvelle ère pour cette publication pluridisciplinaire qui, placée sous la double tutelle de l’Institut des hautes études de l’Amérique latine (université Sorbonne Nouvelle) et du Centre de recherche et de documentation sur les Amériques (Creda UMR 7227, CNRS/université Sorbonne Nouvelle), a contribué, depuis sa fondation en 1968, à structurer le paysage français, européen et international des sciences humaines et sociales latino-américanistes.
Cumpleaños feliz
2Loin des formes d’autocélébration qui accompagnent parfois les volumes commémoratifs, deux objectifs principaux ont présidé à l’élaboration des contenus de ce numéro anniversaire. Le premier correspond aux articles réunis dans la section « Regards rétrospectifs : les sciences sociales sont-elles périssables ? », qui revient sur trois thématiques qui ont nourri les Cahiers des Amériques latines au cours des dernières décennies et évalue la manière dont elles ont évolué et ont été discutées, contestées ou resémantisées jusqu’au début des années 2020.
3En 1985, le premier numéro de la deuxième série des Cahiers discutait ainsi, dans un article intitulé « Vous avez dit Indien ? L’État et les critères d’indianité en Colombie et au Brésil », paru sous la plume de Christian Gros, la question centrale des appartenances ethniques et des catégories socioraciales en Amérique latine dans un contexte où la notion de multiculturalisme émergeait, interrogeait profondément les dynamiques de fabrique des identités nationales autour du métissage et allait se retrouver en débat dans le processus de rédaction de nouvelles constitutions au Brésil (1988) ou en Colombie (1991). Dans un dialogue coordonné par Élisabeth Cunin, quatre collègues issus de disciplines et de générations différentes proposent une relecture de ce texte vieux de presque quarante ans, à la fois pionnier en ce qu’il identifie un tournant intellectuel majeur dans l’histoire contemporaine de l’Amérique latine et particulièrement propice à la discussion à l’heure où de nouvelles notions, comme celle de plurinationalité, sont désormais au cœur de nombreuses discussions épistémologiques et politiques – comme en Bolivie depuis la deuxième moitié des années 2000 ou au Chili, dans le cadre du texte proposé par l’Assemblée constituante élue en mai 2021, mais finalement rejeté par référendum en septembre 2022.
4La deuxième discussion porte sur le tournant décolonial des sciences sociales en Amérique latine, auquel les Cahiers des Amériques latines ont consacré un dossier dès 2009 alors que des figures telles d’Anibal Quijano ou Walter Mignolo demeuraient très confidentielles dans les espaces académiques européens. Coordonné par Capucine Boidin, qui avait été à l’origine de ce volume pionnier aux côtés de Fátima Hurtado López, cet éclairage revient à la fois sur la réception de ce numéro en France et la place de la question décoloniale en Amérique latine. Il est constitué d’un entretien croisé entre une philosophe et un sociologue français, Magali Bessone et Stéphane Dufoix, puis d’une conversation avec l’une des figures les plus marquantes de l’anthropologie argentine contemporaine en la personne de Rita Segato.
5Enfin, c’est à la question du genre – dont la place croissante dans les débats et la production scientifique contemporaine constitue l’une des transformations majeures des sciences humaines et sociales depuis le début du xxie siècle – qu’est consacré notre troisième regard rétrospectif. À partir d’un dossier paru en 2002, dédié aux masculinités en Amérique latine et coordonné par Mara Viveros et María Eugenia Cosio Zavala, Karine Tinat, chercheure du Colegio de México, propose une réflexion sur les vingt dernières années de production scientifique sur le genre, mais également sur la révolution féministe qui traverse aujourd’hui toute l’Amérique latine. Au-delà des thématiques ainsi mises en exergue, ces trois coups d’œil rétrospectifs portent aussi en eux une réflexion sur le renouvellement permanent des sciences humaines et sociales, des concepts qui les alimentent et des liens étroits qu’elles entretiennent avec les transformations politiques et sociales de la région latino-américaine et caribéenne.
6Le second objectif de ce numéro spécial consiste précisément à questionner l’évolution des sciences sociales produites sur l’Amérique latine et permet, dans le même temps, de remettre sur le métier la question tant de fois débattue des études aréales, de ce que celles-ci sont susceptibles d’apporter à chacune des disciplines des sciences humaines et sociales, mais aussi des problèmes qu’elles soulèvent. En donnant la parole – à travers des entretiens menés par des membres du Comité de rédaction – à quelques figures scientifiques dont la trajectoire latino-américaniste a toujours été accompagnée d’un dialogue approfondi avec d’autres aires géographiques ou culturelles, nous proposons des points de vue représentatifs des principales disciplines couvertes par la revue (histoire, géographie, anthropologie, sociologie, démographie, science politique). Six conversations se succèdent et jettent des passerelles entre elles : avec Marianne Braig, qui interroge, depuis la science politique et depuis l’Allemagne où elle enseigne, le devenir du latino-américanisme ; avec Hervé Théry, dont la trajectoire de géographe entre France et Brésil pose la question d’une certaine géographie régionale ; avec Rita Segato, féministe décoloniale ; avec María Eugenia Cosio Zavala, dont la trajectoire de démographe s’est construite entre France et Mexique ; avec Gioconda Herrera, sociologue du genre et des migrations, qui depuis la FLACSO-Quito revient sur un itinéraire déployé entre Équateur, Andes, États-Unis et Europe ; avec Luiz Felipe de Alencastro enfin, historien brésilien spécialiste de la traite, mais aussi d’un Atlantique Sud pensé dans la longue durée depuis les débuts du commerce des esclaves entre l’Afrique et le Nouveau Monde ibérique jusqu’au début du xxie siècle.
7Point d’orgue de ces entretiens, une conversation avec Leonardo Padura, l’un des écrivains et des intellectuels latino-américains les plus importants de sa génération dont les livres ont été traduits dans le monde entier, est placée en ouverture de ce volume. Celui-ci interroge la notion même d’Amérique latine, qui demeure actuellement communément admise d’un point de vue institutionnel, mais qui n’a jamais sans doute fait autant l’objet de critiques et de discussions du fait des multiples connotations qu’elle charrie et des recompositions actuelles des relations intellectuelles Nord/Sud. Enfin, ce numéro s’achève par un hommage à une géographe qui a marqué à la fois la production scientifique sur les villes d’Amérique latine – et notamment brésiliennes – et la vie des Cahiers des Amériques latines. Tragiquement décédée en mars 2021, Hélène Rivière d’Arc, qui a mené toute sa carrière de chercheure au CNRS au sein du Creda, dialogue ici avec sa collègue brésilienne Anete Ivo dans un entretien réalisé il y a quelques années et que nous reproduisons ici, grâce à la traduction française qu’en a fait Marion Aubrée. Ce texte fait résonner une fois encore sa voix dans les pages de notre revue.
La pluridisciplinarité au cœur du projet éditorial
- 2 Olivier Compagnon, « Les Cahiers des Amériques latines : bilan d’étape et perspectives », Cahiers d (...)
8Dans l’éditorial du no 65 des Cahiers paru en 2010, la rédaction en chef d’alors proposait un bilan de la production sur les cinq années précédentes, couvrant 18 livraisons2. À l’occasion de ce numéro 100, nous avons reconduit l’exercice en comparant la production des années 2005-2010 à celle des années 2010-2022 – soit 33 numéros, du no 66 au no 99, dont 2 doubles. Cette démarche comparatiste permet à la fois de dessiner les évolutions récentes de la revue et de tracer de nouvelles perspectives pour son avenir.
9Les Cahiers des Amériques latines restent assurément fidèles à leur ambition de couvrir un vaste champ pluridisciplinaire dans les sciences humaines et sociales. Par rapport aux années 2005-2010, la période 2010-2022 est caractérisée par la continuité de disciplines traditionnellement fortes dans la revue : l’histoire, l’anthropologie, la sociologie et la démographie, à peu près à parts égales, qui représentent environ 45 % des textes publiés. Les articles issus du droit et de la science politique sont en forte croissance, de 11 % à 21 % d’une période à l’autre, ce qui reflète la vitalité de ces disciplines dans le cadre régional de l’Amérique latine et notre volonté d’en rendre compte en restant en prise avec les enjeux contemporains. En revanche, les publications de géographie et en urbanisme, traditionnellement importantes au sein d’une revue fondée par Pierre Monbeig et plusieurs fois dirigée par des géographes, ont diminué – passant de 25 % à 13 % du total. Quant à l’économie, elle reste l’une des disciplines les moins représentées (4 % des auteur·es) malgré la parution récente d’un dossier sur l’après-cycle des commodities (no 99).
Une revue internationale plurilingue
10Dire que notre revue est internationale peut sembler tautologique dans la mesure où les Cahiers des Amériques latines ont pour vocation première de saisir l’Amérique latine au prisme des sciences humaines et sociales, mais il est important de souligner qu’elle l’est également si l’on se penche sur la provenance des auteur·es, ce qui est le fruit d’une politique éditoriale qui encourage la diversité par des publications en quatre langues (français, espagnol, portugais, anglais).
11L’affiliation institutionnelle des auteur·es témoigne, en effet, d’une part croissante et devenue désormais majoritaire d’auteur·es non français·es, qui ont signé 55 % des textes parus entre 2010 et 2022 (contre 48 % entre 2005 et 2010), et d’une augmentation notable de la part des auteur·es latino-américain·es (de 36 à 44 % des auteur·es). Cela résulte des efforts conduits en faveur d’une politique d’ouverture de la revue et reflète notre ambition de donner à voir, en Europe, les travaux de chercheur·es installé·es en Amérique latine. Si la part des auteur·es nord-américain·es et européen·nes reste à peu près stable (11-12 % du total), celle des auteur·es français·es a baissé (de 56 à 45 %), comme celle des auteur·es issu·es de l’IHEAL (de 16 à 11 %), résultat positif d’une politique décidée de longue date visant à réduire la part des publications endogames.
12Enfin, en ce qui concerne l’origine des éditeurs des ouvrages recensés par la revue afin de rendre compte de l’actualité scientifique, peu d’évolutions sont à noter entre les deux périodes. Un peu plus de la moitié des éditeurs sont français et la part des ouvrages européens a légèrement augmenté (de 10 à 13 %) lorsque celle des ouvrages nord-américains et latino-américains reste stable. De ce point de vue, l’un des objectifs de la revue dans les années à venir est d’accroître sa veille sur les publications américaines afin de mieux connaître et diffuser les productions scientifiques du continent.
L’Amérique latine dans toute sa diversité
13Si l’on s’intéresse désormais au contenu des articles publiés dans les dossiers ou hors dossiers (rubrique « Études ») entre 2005 et 2023, soit 434 articles sur dix-huit ans de production, plusieurs éléments de bilan apparaissent.
14En matière d’espaces couverts par les publications, notre carte rend compte à la fois des articles publiés selon les pays abordés sur l’ensemble de cette période (2005-2023) et de leur évolution relative entre les années 2000 et les années 2020-2023. Outre les articles relatifs à l’espace latino-américain dans son ensemble (66 articles), les grands pays de la région, tant par leur poids démographique que par la densité de leur production scientifique, sont les plus représentés dans la revue : le Brésil (64 articles depuis 2005), le Mexique (44) et l’Argentine (34). Viennent ensuite le Chili, Cuba, l’ensemble centraméricain et le Pérou (entre 21 et 28 articles chacun), devant le Venezuela et les autres pays andins (Colombie, Équateur, Bolivie), avec 17 à 18 articles chacun, les autres espaces donnant lieu à une production scientifique moindre.
- 3 Revue électronique en libre accès sur OpenEdition Journals depuis sa création : https://journals.op (...)
15En termes d’évolution (à-plats de couleur sur la carte), la part relative des articles consacrés aux États-Unis ou au Canada, à l’Amérique centrale, à Cuba, au Venezuela et au Brésil a diminué depuis 2010. Alors que nous notions en 2010 une surreprésentation du Brésil, un rééquilibrage s’est opéré et aucun dossier spécifique n’a été consacré au pays lusophone depuis 2010 (no 63-64 sur « Le Nordeste de Lula », cinq ans après le no 48-49 intitulé « Brésil/Brésils »). Les États-Unis et le Canada ne font pas l’objet d’articles spécifiques dans la mesure où le champ de notre revue est bien celui de l’Amérique latine, à la différence de la revue IdeAs – Idées d’Amériques, revue de l’Institut des Amériques fondée en 2011, qui embrasse l’ensemble du continent3. Dans nos pages, États-Unis et Canada ne sont envisagés que dans leurs relations avec l’Amérique latine, que l’on sait fondamentales dans les domaines historiques, politiques ou économiques, qu’il s’agisse de la question des intégrations régionales (l’ALENA, devenue ACEUM, en particulier) ou des enjeux migratoires et frontaliers, en particulier entre le Mexique et les États-Unis (un dossier ayant été consacré à cette frontière dans le no 56 de 2007). Cuba et l’Amérique centrale ont fait l’objet de deux dossiers récents en 2017 (« Cuba : les temporalités et tensions du changement ») et 2018 (« Nicaragua : Sandinismo 2.0 ? »), comme dans la décennie précédente (2008, no 57-58, « Cuba, un demi-siècle d’expérience révolutionnaire », no 57-58, 2008 ; et « L’Amérique centrale au xxie siècle », no 60-61, 2009). Quant au Venezuela, la dégradation considérable des conditions locales de production scientifique au cours de la dernière décennie, les difficultés pour y conduire des recherches de terrain et l’exode des universitaires sont autant d’éléments qui expliquent, en partie du moins, la diminution du nombre d’articles publiés au Venezuela. Si le dernier volume consacré à ce pays date de 2006 (« Venezuela, portrait d’une société au quotidien », no 53), un dossier à paraître dans les prochains mois est en préparation. La part des articles consacrés au Mexique dans la revue est stable, dans un pays où la production scientifique est importante, bien qu’aucun dossier n’y ait été spécifiquement consacré depuis 2001 (« Le Mexique : vieux démons, nouveaux défis », no 37). Mais un prochain numéro, qui propose un bilan de la Cuarta Transformación entreprise sous la présidence d’Andrés Manuel López Obrador, est d’ores et déjà programmé.
16Les publications de la revue ont été – en part relative – en augmentation pour les autres pays de l’Amérique du Sud depuis 2010. Des dossiers ont été consacrés à des pays souvent moins représentés dans la recherche : « Modes de gouvernement en Haïti après le séisme de 2010 » (no 75, 2014), « L’Uruguay de José Mujica » (no 77, 2014), « Le Paraguay 30 ans après Stroessner » (no 90, 2019) ou encore « Les relations sociales et ethnoraciales dans les Guyanes » (no 93, 2020). Nous avons aussi consacré, depuis 2010, des dossiers à chacun des pays andins : « Le Chili déconcerté » (no 68, 2011), « Colombia, tierra de pelea : le(s) conflit(s) au cœur de la société » (no 71, 2012), « Le Pérou : de l’intégration nationale à l’inclusion sociale » (no 78, 2015), « L’Équateur de Rafael Correa » (no 83, 2016) et « L’État plurinational de Bolivie » (no 96, 2021). Sous un prisme toujours spécifique, chacun de ces dossiers analyse les tensions politiques, économiques et sociales de pays traversés par de multiples clivages.
Espaces couverts par les articles des Cahiers des Amériques latines de 2005 à 2023 et évolution entre la période 2005-2010 (no 48-65) et la période 2010-2023 (no 66-99)

Réalisation : Patrick Pentsch (Aix-Marseille université).
17Toutefois, sur les 33 derniers numéros de la revue depuis 2010, seul un petit tiers a donné lieu à des dossiers « pays », car c’est surtout la croissance des numéros thématiques, transversaux et permettant de réfléchir à la fois dans une perspective régionale et comparative, qui a marqué l’évolution de la revue.
Un espace régional en mutation
18Cette lecture peut être illustrée par les nuages de mots que nous avons produits afin de rendre compte des champs thématiques privilégiés. Nous avons travaillé à partir des mots-clés des articles publiés, dans les dossiers ou les textes de la rubrique « Varia », depuis 2002 (soit vingt ans de la revue, 60 numéros et 1 700 mots-clés), en distinguant la période 2002-2010 (no 39 à no 65) et 2010-2023 (no 66 à no 99) et en éliminant toutes les occurrences de mots uniques afin de privilégier les récurrences – dont l’importance est proportionnelle à la taille des caractères dans les nuages de mots.
19Un regard sur ces représentations met en évidence une grande stabilité des notions clés travaillées par les auteur·es : les enjeux politiques, notamment liés à l’État, aux politiques publiques ou aux mouvements sociaux, ceux du développement, des identités et des questions socioraciales, restent largement dominants, abordés par toutes les disciplines travaillées dans la revue. Plusieurs dossiers interrogent ainsi, de manière transversale, des questions politiques ou géopolitiques – « Le clientélisme en situation : échanges politiques, politisation et conflits moraux » (no 69, 2012), « Les droites latino-américaines pendant la guerre froide » (no 79, 2015), « Les relations Sud-Sud » (no 80, 2015) – ou la notion de développement (no 85, 2017). Parce qu’ils renvoient à des réalités de terrain évidentes, les thèmes du conflit et de la violence ont gagné en importance dans les publications depuis 2010 et occupent une place centrale dans plusieurs dossiers comme « Mouvements sociaux et espaces locaux » (no 66, 2011), « Colombia tierra de pelea » (no 71, 2012) ou encore « Syndicalismes et gouvernements progressistes » (no 86, 2017). Ils ont toutefois toujours été présents dans l’histoire de la revue comme l’attestent des livraisons anciennes consacrées aux expériences de la guérilla (no 36, 2001) ou aux images de la violence en Amérique latine (no 38, 2001).
20Les questions identitaires – indianité, ethnicité, relations raciales – ont été mises en valeur dans deux numéros récents – « Relations ethnoraciales dans les Guyanes » (no 93, 2020) et « Relire l’indigénisme aujourd’hui : sources, pratiques, acteurs » (no 95, 2020), les précédents dossiers consacrés à ces enjeux remontant au début des années 2000 (no 44 en 2003 sur « Relations interethniques et identité au Brésil et au Mexique, fin xviiie-xxie siècles » et no 45 en 2004 sur « Migrations, territoires et multiculturalisme »). Présente à travers des articles isolés ou transversaux, l’afrodescendance n’a en revanche jamais donné lieu à un dossier spécifique en dépit des nombreux travaux récents ayant renouvelé ce champ – depuis l’anthropologie et l’histoire notamment. La question des migrations et des mobilités reste très présente, du fait de son actualité permanente dans la région ; mais si la notion de frontière est significative dans les numéros des années 2000, celles de transnationalisme et de circulation sont plus récurrentes au cours de la dernière décennie, notamment au travers d’un numéro récent intitulé « Migrations, le(s) sens des liens » (no 91, 2019).
21Les villes et espaces urbains sont plus représentés que les espaces ruraux et paysans, dans un continent qui reste le plus urbanisé au monde avec une population citadine à plus de 80 %, mais un seul numéro a été consacré à la ville (« Repenser la nature dans les villes latino-américaines », no 97, 2021) depuis 2010 contre deux dans les années 2000 (« Métropoles d’Amérique latine : de l’espace public aux espaces privés », no 35, 2000 ; « La ville dans les Amériques, un regard de part et d’autre de la frontière », no 59, 2008). Aucun dossier n’a été dédié aux mondes ruraux et agricoles depuis celui qui avait porté sur « Agricultures et marchés nationaux en Amérique latine » (no 40, 2002), mais les notions d’environnement et de ressources – associées à une série d’autres mots-clés comme biodiversité, écologie, etc. – ont naturellement gagné en importance à l’aune de leur place devenue centrale dans les sociétés contemporaines (« La question environnementale en Amérique latine », no 54-55, 2007 ; « Gouverner les hommes et les ressources », no 81, 2016 ; « Repenser la nature dans les villes latino-américaines », no 97, 2021). Le dossier sur « L’extraction minière : entre greffe et rejet » (no 82, 2016) permet d’aborder ces enjeux environnementaux au prisme de la reprimarisation des économies à l’œuvre depuis les années 2000 et de l’extractivisme, objet de nombreux débats contemporains sur lesquels revient également notre dernier dossier consacré aux effets du boom des commodities sur les territoires de la région (no 99, 2022). Par ailleurs, les enjeux démographiques ont été mis en valeur dans un numéro double consacré aux naissances et aux politiques publiques concernant les droits sexuels et reproductifs (no 88-89, 2018), après un dossier de 2004 (no 47) consacré aux changements démographiques en Amérique latine. Enfin, parmi les thématiques auxquelles la revue a accordé une place de plus en plus significative figurent d’une part celle des drogues et trafics (« La prohibition des drogues au quotidien », no 92, 2019), d’autre part certaines évolutions dans le domaine des droits, appréhendées dans un dialogue entre discipline juridique et sciences sociales, autour d’enjeux de sociétés majeurs : tel est le cas du dossier consacré au pluralisme juridique en Amérique latine (no 94, 2020), mettant notamment l’accent sur les complexités des justices indigènes, et de celui interrogeant la révolution des droits LGBTQIA+ en Amérique latine (no 98, 2021) qui discute des mobilisations et des avancées, mais aussi des freins à la mise en œuvre de politiques respectueuses des droits des personnes homosexuelles et transgenres dans des sociétés encore marquées par un fort conservatisme.
22Cela étant dit, ce bilan thématique révèle également des angles morts et peut utilement orienter les réflexions du Comité de rédaction dans les années à venir. Aussi omniprésent dans le quotidien que structurant des sociétés latino-américaines, le religieux n’a fait l’objet que de deux dossiers lors des deux dernières décennies (« Religion et religiosité populaire en Amérique latine », no 33, 2000, et « Religion et société en Amérique latine : traces et destin d’une “orthodoxie coloniale” », no 67, 2011) alors que la grande mutation des soixante-dix dernières années, qui se caractérise par une érosion du catholicisme, une croissance exponentielle des églises évangéliques et une redéfinition des relations entre religion et politique, mériterait qu’on s’y attache davantage. Plus généralement, en dépit d’un dossier dédié à la place du football (« L’autre continent du football », no 74, 2013), les approches culturelles des sociétés latino-américaines semblent sous-représentées et pourront donner matière, à l’avenir, à de nouveaux projets collectifs.
Mots-clés des articles parus dans les Cahiers des Amériques latines

Représentation réalisée avec l’outil NuagesDeMots.fr
Un lectorat plus nombreux et international
- 4 Les Cahiers des Amériques latines sont actuellement indexés sur DOAJ, Latindex, Mir@bel, Scimago, S (...)
23Depuis dix ans, la politique du full open access, dans laquelle les Cahiers des Amériques latines se sont engagés en 2014 avec l’équipe d’OpenEdition, a non seulement permis d’améliorer l’indexation de la revue dans des bases de données bibliographiques internationales4, mais aussi d’augmenter et de diversifier son lectorat. Cette meilleure visibilité scientifique est significative dans le graphique sur l’évolution du nombre de visites des pages de la revue entre 2015 et 2022, qui témoigne d’une multiplication par 3,7 si l’on excepte l’anomalie que constitue l’année 2020 – et, dans une moindre mesure, l’année 2021 – correspondant aux confinements liés à la pandémie de la Covid-19 lors desquels le lectorat, en plein boom, a pu dépasser 450 000 individus lecteurs différents. En huit ans, la revue est passée de 90 900 lecteurs uniques à 341 500, soit près de 1 000 visites au quotidien.
Nombre de visites uniques des Cahiers des Amériques latines par année, 2015-2022

Source : OpenEdition Journals, AW Stats (2015-2022).
24Malgcré les biais qui caractérisaient les moyens de mesure mis à disposition par OpenEdition jusqu’à une date récente, le libre accès nous permet également de mieux connaître l’origine géographique de notre lectorat. La carte que nous proposions dans l’éditorial des 50 ans de la revue en 2018, à partir de la mesure des pages vues, peut être mise en perspective avec notre audience actuelle. Sur les six derniers mois de 2022, la revue compte plus de 162 000 visites uniques : une personne sur cinq est localisée en France, 13 % en Argentine, 8 % au Chili, 8 % en Colombie, 8 % au Mexique, ces cinq pays représentant ainsi plus de la moitié des localisations du lectorat. Suivent d’autres pays latino-américains (le Brésil avec 4 %, le Pérou, le Venezuela) puis le Canada, où les lectrices et les lecteurs (2,5 %) sont plus nombreux·ses que celles et ceux situé·es aux États-Unis (2,2 %). Car, bien que les Cahiers publient de plus en plus d’articles en anglais – qu’il s’agisse de textes directement soumis dans cette langue ou de traductions d’articles considérés comme particulièrement importants et publiés à la fois dans leur langue originelle et en anglais –, la part encore dominante de la production en français favorise le lectorat québécois qui fréquente plus naturellement les sciences humaines et sociales européennes que le monde académique étatsunien. Ceci explique également l’existence d’un lectorat non négligeable situé en Afrique puisque, parmi les 20 premiers pays dans le classement, se trouvent le Cameroun, le Maroc et la Côte d’Ivoire. En revanche, l’Espagne, classée en vingtième position (1 %), nous lit encore trop peu, notamment en raison de l’importance du champ latino-américaniste et de nombreuses revues existant dans ce pays.
Lectorat des Cahiers des Amériques latines (répartition des visiteurs sur openedition, juillet-décembre 2022)

Source : statistiques d’OpenEdition.
Et après ? Les Cahiers des Amériques latines au futur
- 5 Voir notamment Feuille de route du CNRS pour la science ouverte, 18 novembre 2019 (https://www.scie (...)
25À l’aune d’une nouvelle ère, celle de la science ouverte et du tout numérique, comment envisageons-nous désormais l’avenir de la revue ? Tandis que de nombreux éditeurs scientifiques anglo-saxons persistent dans une politique de marchandisation des savoirs scientifiques, l’engagement pour la science ouverte – activement promu par le CNRS5 – est avant tout un projet politique et éthique où il s’agit de rendre les résultats de la recherche et les nouveaux savoirs accessibles au plus grand nombre, dans le respect de bonnes pratiques éditoriales assurant un fonctionnement transparent de la revue. Le soutien financier renouvelé de l’Institut des sciences humaines et sociales (InSHS) du CNRS à la revue pour 2023 et 2024, ainsi que la création récente d’un poste d’éditrice pérenne dédié aux Cahiers des Amériques latines, sont des appuis considérables pour faire vivre ce projet, qui repose également sur l’engagement d’un comité éditorial qui – faut-il le rappeler ? – assume ses fonctions sans aucune rémunération.
26Ce comité de rédaction est la clé de voûte de la politique éditoriale et gère la programmation à moyen et long terme des dossiers et leur suivi, l’évaluation des articles soumis et la confection des notes de lecture. Trois réunions plénières annuelles permettent des échanges collectifs et la construction d’un consensus scientifique à partir d’une diversité d’approches. Elles sont complétées par des réunions en équipes restreintes (entre la rédaction en chef de la revue, l’éditrice, les coordinateurs de dossiers, les responsables de rubriques, etc.) de manière hebdomadaire tout au long de l’année. Partiellement renouvelé en 2023 sur la base d’une parité de genre comme c’est l’usage depuis le milieu des années 2000, le comité de rédaction est composé d’une vingtaine de chercheur·es issu·es des différents champs disciplinaires couverts par la revue, spécialisé·es sur des aires géographiques distinctes et exerçant au sein d’institutions diverses – parmi lesquelles l’IHEAL et le Creda sont évidemment représentés en tant que tutelles de la revue, mais non majoritaires. Chaque membre du comité, engagé·e pour un mandat renouvelable de quatre ans au même titre que la rédaction en chef, participe au processus d’évaluation en double aveugle, tous les articles bénéficiant d’une double évaluation d’un·e membre interne et d’un·e membre externe au comité – voire une triple évaluation en cas d’appréciations divergentes. C’est ici l’occasion de remercier à la fois les membres du comité pour leur investissement, tout comme les évaluatrices et les évaluateurs externes – d’Europe et des Amériques – qui contribuent, par leur travail aussi invisible qu’exigeant, à faire aboutir, parfois au terme de plusieurs allers-retours avec les auteur·es, des articles toujours inédits qui contribuent à la connaissance des mondes latino-américains. De même, notre groupe de correspondant·es étranger·ères, composé de chercheur·es travaillant dans des institutions européennes (Allemagne, Belgique, Suisse, Espagne) et américaines (du Canada à l’Argentine), invité à chaque réunion du Comité de rédaction, assure la diffusion internationale des appels à contribution et participe à une veille éditoriale permettant notamment de recenser des ouvrages récemment parus et d’encourager des auteur·es étranger·ères à soumettre des propositions aux Cahiers des Amériques latines. Enfin, en cours de renouvellement, le comité scientifique, dont sont membres des personnalités qui ont été amenées à jouer un rôle important dans l’histoire de la revue ou qui incarnent l’excellence dans le domaine du latino-américanisme, est garant de la valeur scientifique de la revue et contribue également à son rayonnement international depuis plus d’un demi-siècle.
27Par ailleurs, de nouveaux outils éditoriaux viennent d’être mis en place ou sont en passe de l’être afin de fluidifier les processus d’évaluation, de production et de diffusion de la revue. D’une part, l’adoption du logiciel à code ouvert Open Journal Systems en 2022 garantit désormais une parfaite visibilité sur tout le processus d’évaluation des articles, depuis leur réception jusqu’à leur publication, et délivre le secrétariat de rédaction de tâches répétitives et chronophages comme la relance des auteur·es. D’autre part, la production de la revue sera assurée à partir du numéro 102 grâce aux outils développés par le projet Métopes (Méthodes et outils pour l’édition structurée), qui permettront de rationaliser la production et d’en assurer l’interopérabilité et la pérennité.
28Enfin, les rubriques qui structurent actuellement la revue (« Chronique », « Dossier », « Études » et « Lectures ») seront maintenues, mais les Cahiers des Amériques latines n’en seront pas moins enrichis de nouveaux contenus que les contraintes d’une édition papier ne permettaient pas toujours. Tous les textes pourront désormais s’appuyer sur des supports iconographiques plus nombreux, intégrer des formats audio ou vidéo et proposer ainsi des formes plus variées et novatrices d’écriture des sciences humaines et sociales. Comme nous avons commencé à le faire ponctuellement, nous proposerons de manière plus systématique certains textes en deux langues, en assurant leur traduction, afin d’élargir notre lectorat et de donner davantage de lisibilité à des propositions scientifiques considérées comme essentielles. En outre, une nouvelle rubrique sera inaugurée dès le prochain numéro, placée sous la responsabilité de Denis Merklen. Intitulée « Passages », elle visera à rendre accessibles dans l’espace francophone des sciences humaines et sociales des productions latino-américaines, originellement écrites en espagnol ou en portugais et considérées comme structurantes de leur champ disciplinaire. Ce faisant, les Cahiers renforceront leur rôle de passerelle entre les deux rives de l’Atlantique et permettront de faire connaître plus largement des travaux importants, mais souvent méconnus parce que produits au sein de présumées « périphéries » du monde scientifique. La transmission de textes latino-américains vers le français ne se justifie pas seulement par la possibilité de lecture que la traduction offre à qui s’intéresse aux configurations sociales d’Amérique latine, mais aussi parce que les sciences humaines et sociales ont leur propre histoire de production conceptuelle, de points de vue, de création narrative, analytique, descriptive, ou de catégorisation. La rubrique « Passages » est ainsi un pari sur le caractère multilatéral de la réflexion et de la recherche sur le social, la politique, la culture, l’économie ou le territoire. Elle est tributaire d’une conception de la recherche où les langues ne fournissent pas uniquement des canaux de communication, mais constituent également des espaces spécifiques de pensée qui s’enrichissent par l’accueil offert à des productions d’ailleurs et d’autrui. Enfin, deux autres rubriques verront le jour dans les années qui viennent : l’une consacrée au décryptage d’images, l’autre à l’actualité de la recherche au travers de la présentation d’un livre ou d’un article récent ayant particulièrement retenu l’attention de la rédaction.
29Si toutes ces transformations constituent des évolutions importantes qui enracinent plus que jamais notre revue dans les formes de production de la science au xxie siècle, elles ne changent en rien la vocation des Cahiers des Amériques latines telle qu’elle a pu être formulée à plusieurs reprises par celles et ceux qui ont dirigé la revue par le passé. À partir des terrains latino-américains, qu’il convient de ne jamais essentialiser comme a pu le faire une certaine tradition des area studies et de toujours penser dans leur relation complexe avec le reste du monde, il s’agit bien de perpétuer une certaine idée du dialogue disciplinaire au sein des sciences humaines et sociales et de contribuer à la connaissance de sociétés en mouvement qui donnent à voir les mutations du monde global.
Notes
* Sont membres de ce comité de rédaction en juin 2023 et signataires de ce texte : Mathilde Allain, Virginie Baby-Collin (corédactrice en chef), Capucine Boidin, Robin Cavagnoud, Olivier Compagnon (corédacteur en chef), Élisabeth Cunin, David Dumoulin-Kervran, Nicolas Ellison, David Garibay, Marie-Laure Geoffray, Christophe Giudicelli, Alejandro Gomez, Delphine Mercier, Denis Merklen, Anna Perraudin, Franck Poupeau, Aurélie Quentin, Luis Rivera-Vélez, Romain Robinet et Sébastien Velut. La première version de ce texte a été rédigée par Virginie Baby-Collin.
1 Tous les numéros de la nouvelle série des Cahiers des Amériques latines sont accessibles en ligne sur le site de l’Institut des hautes études de l’Amérique latine pour les numéros 1 à 32 parus entre 1985 et 1999 (http://www.iheal.univ-paris3.fr/publications/152) et sur OpenEdition Journals à partir du no 33, 2000/1 (https://journals.openedition.org/cal/).
2 Olivier Compagnon, « Les Cahiers des Amériques latines : bilan d’étape et perspectives », Cahiers des Amériques latines, no 65, 2010/3, p. 7-16 (https://journals.openedition.org/cal/230).
3 Revue électronique en libre accès sur OpenEdition Journals depuis sa création : https://journals.openedition.org/ideas/
4 Les Cahiers des Amériques latines sont actuellement indexés sur DOAJ, Latindex, Mir@bel, Scimago, Scopus et Web of science.
5 Voir notamment Feuille de route du CNRS pour la science ouverte, 18 novembre 2019 (https://www.science-ouverte.cnrs.fr/wp-content/uploads/2019/11/Plaquette_Science-Ouverte_18112019.pdf).
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Titre | Disciplines des articles publiés |
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Titre | Espaces couverts par les articles des Cahiers des Amériques latines de 2005 à 2023 et évolution entre la période 2005-2010 (no 48-65) et la période 2010-2023 (no 66-99) |
Crédits | Réalisation : Patrick Pentsch (Aix-Marseille université). |
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Titre | Mots-clés des articles parus dans les Cahiers des Amériques latines |
Crédits | Représentation réalisée avec l’outil NuagesDeMots.fr |
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Titre | Nombre de visites uniques des Cahiers des Amériques latines par année, 2015-2022 |
Crédits | Source : OpenEdition Journals, AW Stats (2015-2022). |
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Titre | Lectorat des Cahiers des Amériques latines (répartition des visiteurs sur openedition, juillet-décembre 2022) |
Crédits | Source : statistiques d’OpenEdition. |
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Pour citer cet article
Référence papier
« Les Cahiers des Amériques latines à l’heure de la science ouverte », Cahiers des Amériques latines, 100-101 | 2022, 17-33.
Référence électronique
« Les Cahiers des Amériques latines à l’heure de la science ouverte », Cahiers des Amériques latines [En ligne], 100-101 | 2022, mis en ligne le 15 septembre 2023, consulté le 25 mars 2025. URL : http://journals.openedition.org/cal/15220 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cal.15220
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