- 1 Sur 318 conflits socioenvironnementaux liés aux industries extractives au Mexique, seuls 46 projet (...)
1La politique extractive menée depuis l’arrivée au pouvoir d’Andrés Manuel López Obrador (AMLO) à la présidence du Mexique en décembre 2018, se caractérise de prime abord par une certaine ambiguïté. D’un côté, son gouvernement dit de la Quatrième transformation (4T) suspend divers projets miniers et énergétiques contestés par les mouvements de « lutte en défense du territoire ». De l’autre, ces suspensions ne concernent qu’une maigre part des projets extractifs contestés1 et les activités extractives se sont intensifiées au cours du mandat. Dès lors, comment analyser l’apparente contradiction entre intensification des activités extractives et fermeture de projets miniers et énergétiques ? Alors qu’AMLO a plusieurs fois annoncé que son mandat marquerait la « fin du néolibéralisme », dans quelle mesure sa politique extractive se distingue-t-elle de celle menée par ses prédécesseurs ?
- 2 Régulièrement mobilisée dans le débat public mexicain, la catégorie politique de population « indi (...)
2Afin de répondre à ces questions, l’article revient dans un premier temps sur les deux « régimes extractifs » qu’a connus le Mexique au cours du dernier siècle. Le premier, mis en place entre les années 1930 et 1980, peut être qualifié de « nationalisme extractif » et correspond à la constitution de monopoles d’État sur le secteur énergétique et à la « mexicanisation » du secteur minier. Le « régime extractif néolibéral » instauré à partir de la décennie 1980, se caractérise quant à lui par l’ouverture de ces secteurs aux capitaux privés internationaux au détriment des entreprises extractives paraétatiques. Nous présenterons ensuite les principales caractéristiques de la politique minière et énergétique de la 4T, avant de nous pencher sur les facteurs déterminants des suspensions, en apparence aléatoires, de divers projets. Dans la description de chaque régime extractif, une attention particulière est prêtée aux différents dispositifs de gouvernementalité visant à encadrer les contestations (syndicales, paysannes ou indigènes2), pouvant faire obstacle à la mise en œuvre des projets extractivistes.
- 3 Le terme paraétatique renvoie à une entreprise de propriété publique, disposant d’un certain degré (...)
3L’hypothèse développée est que la politique extractive de la 4T est en partie déterminée par les rapports de force entre les différents groupes d’acteurs structurant le champ extractif mexicain. De manière à atténuer le degré de conflictualité entre ces derniers, le gouvernement procèderait à la suspension de projets extractifs stratégiquement sélectionnés, parvenant ainsi à conserver le soutien d’une partie des organisations contestataires locales, sans pour autant remettre en cause sa politique extractive à l’échelle nationale. Ceci conduit à l’instauration d’un régime extractif hybride, caractérisé par un faible niveau de conflictualité, malgré l’intensification des activités extractives qu’implique la superposition des projets des entreprises privées et paraétatiques3.
- 4 Alors que pour Eduardo Gudynas, l’extractivisme implique divers critères spécifiques et concerne e (...)
- 5 Alberto Acosta considère que « l’extractivisme ne se limite pas seulement aux minerais ou au pétro (...)
- 6 Le choix d’aborder ensemble activités minières et énergétiques se justifie par leur étroite interd (...)
4Le concept d’extractivisme est mobilisé de manière à développer une analyse systémique, permettant de souligner les ruptures et les continuités entre la politique extractive de la 4T et celles des gouvernements précédents. Initié par divers auteurs latino-américains, le travail de conceptualisation du terme d’extractivisme a abouti à en proposer une pluralité de définitions, plus ou moins restrictives4. Si les auteurs s’accordent sur le fait que ce concept renvoie à un large panel d’activités5, le présent article n’aborde que celles relatives au secteur minier (métallurgique) et énergétique (puits d’hydrocarbures, barrages hydroélectriques et champs éoliens)6.
- 7 Réalisées entre 2019 et 2023 dans le cadre de ma thèse de doctorat, ces données ont été recueillie (...)
- 8 Constituée en 2018 par une équipe de chercheuses de la FLACSO México, cette base de données recens (...)
5Le cas de la Sierra Norte de Puebla est plus spécifiquement étudié, à partir de données recueillies dans le cadre d’enquêtes de terrain7. Nous verrons en effet que l’évolution des relations entre le gouvernement fédéral et l’une des principales organisations de la région (la Tosepan), illustre les transformations des dernières décennies, en matière de contention de la contestation ainsi que d’intermédiation entre État central et populations locales. Afin de procéder à une analyse multiscalaire, combinant approches qualitative et quantitative, l’article s’appuie également sur des sources bibliographiques scientifiques, des rapports officiels, des articles de presse spécialisée, ainsi que sur une base de données recensant 318 conflits socioenvironnementaux liés aux industries extractives au Mexique8.
6Issue de la révolution (1910-1920), la Constitution mexicaine de 1917 (article 27) instaure la propriété inaliénable de l’État sur le sous-sol et ses richesses. Depuis lors, les entreprises privées ne peuvent en extraire des ressources qu’à condition de bénéficier d’une concession, accordée par les autorités étatiques. En 1937, afin de concurrencer les trois entreprises privées se partageant le marché de l’électricité, le gouvernement fédéral crée l’entreprise paraétatique Comisión Federal de Elecricidad (CFE). L’année suivante, le président Lázaro Cárdenas (1934-1940) décrète la nationalisation des entreprises pétrolières et la création de l’entreprise paraétatique d’hydrocarbures Petróleos Mexicanos (Pemex). Deux décennies plus tard, le président Adolfo López Mateos (1958-1964) nationalise l’industrie électrique. Avec ses entreprises paraétatiques, l’État détient alors le monopole sur les secteurs des hydrocarbures et de l’électricité. López Mateos ratifie également la loi de mexicanisation du secteur minier : toute concession entre les mains d’une entreprise n’étant pas détenue à plus de 51 % par du capital mexicain, sera résiliée dans les 25 ans. Outre la création de diverses entreprises minières paraétatiques (suite à l’acquisition partielle ou totale d’entreprises étrangères), cette politique donne une impulsion considérable au secteur minier privé mexicain [Sariego Rodríguez, 2009].
- 9 De son nom complet, Sindicato Nacional de Trabajadores Mineros y Metalúrgicos de la República Mexi (...)
7La société mexicaine est structurée selon une division en quatre secteurs (militaire, paysan, ouvrier et populaire), chacun encadré par une confédération centrale, regroupant elle-même diverses organisations. L’État central est relié aux populations locales par un large maillage de relations clientélaires limitant les risques de structuration de mouvements contestataires autonomes. Né en 1934, le puissant syndicat de mineurs9 encadrera les revendications des travailleurs de ce secteur jusqu’à la fin du xxe siècle.
8Ce système dit « corporatiste » n’est pas l’unique dispositif de gouvernementalité permettant la contention des mouvements contestataires. En 1948, le gouvernement fédéral crée l’Institut national indigéniste (INI), qui constituera le principal instrument d’intermédiation clientélaire entre l’État central et les populations indigènes du pays. Les fonctionnaires de l’INI sont notamment en charge d’encadrer les déplacements forcés de populations lors de la mise en place de mégaprojets extractifs [Gálvez, 2004].
9Même joints à la violence répressive, ces dispositifs ne suffisent toutefois pas à empêcher l’émergence de mouvements contestataires autonomes dans diverses localités rurales en proie à la pauvreté et à la domination de caciques locaux [Castellanos, 2007]. À partir du mandat présidentiel de Luis Echeverría (1970-1976), le gouvernement favorise la création de coopératives agricoles dans les zones sujettes à l’émergence de contestations paysannes afin de contenir la contestation et établir de nouvelles modalités d’intermédiation avec les populations locales.
10En 1974, alors que la Sierra Norte de Puebla est sujette à des velléités révolutionnaires, un groupe de jeunes ingénieurs agronomes y est envoyé afin d’accompagner la mise en œuvre d’un programme de « modernisation de l’agriculture ». Selon l’un de mes interlocuteurs membre de ce groupe,
- 10 Entretien réalisé par visioconférence le 17 avril 2019. Décédé depuis, mon interlocuteur fut l’un (...)
« [i]l s’agissait d’une politique fédérale pour certaines régions du pays hautement marginalisées... et où commençaient à apparaître des foyers de soulèvement pour... des luttes pour la terre [...] Face à cette inquiétude, le gouvernement a invité le Colegio de Postgraduados à offrir de l’assistance technique aux producteurs de ces régions, avec pour stratégie de... les organiser. […] que les producteurs s’organisent pour recevoir les services gouvernementaux10 ».
11À la suite de ce programme, l’Union de coopérative Tosepan Titataniske (« unis nous vaincrons » en nahuatl) est fondée en 1977. En garantissant des prix de vente décents aux producteurs locaux via un contournement des intermédiaires, la Tosepan rassemble rapidement plusieurs milliers de membres et s’impose comme un acteur central de la configuration politique locale. Pour le gouvernement fédéral, l’existence de coopératives telles que la Tosepan comporte divers avantages. En impactant favorablement les conditions de vie d’une grande partie des producteurs agricoles locaux, ses actions contribuent à réduire le degré de conflictualité à l’échelle locale. Par ailleurs, les actions prises en charge par la coopérative sont autant de missions dont l’État est en mesure de se décharger. Surtout, le gouvernement dispose de relais facilitant l’intermédiation avec les populations locales grâce à ce type d’organisation.
12Suite à la crise de la dette de 1982, le président Miguel de la Madrid (1982-1988) lance un vaste programme d’ajustement structurel et la tendance à l’accroissement de la participation étatique dans les secteurs productifs s’inverse radicalement. En même temps qu’il répond aux attentes des bailleurs de fonds internationaux, le gouvernement accède aux demandes des milieux d’affaires en adoptant un nouveau mode de développement fondé sur la libéralisation et l’ouverture internationale de l’économie. Dans un contexte de hausse des cours des matières premières et de découverte de nouvelles technologies d’extraction (type fracking et mines à ciel ouvert), est menée une politique visant à faire sauter les verrous instaurés durant la période postrévolutionnaire, en matière de propriété agraire et de contrôle étatique du secteur extractif. En 1992, la réforme de l’article 27 de la Constitution permet la division des propriétés collectives (ejidales et comunales) en lots de propriétés privées. Elle est suivie de l’adoption d’une nouvelle Ley minera, réouvrant l’exploitation minière aux capitaux privés internationaux.
13Adossées à des mesures fiscales particulièrement attractives, ces réformes ont un impact aussi rapide que conséquent : en vingt ans, on extrait au Mexique deux fois plus d’argent et 5,7 fois plus d’or que durant les trois siècles de colonisation. Le nombre d’entreprises minières y passe de 441 en 1994 (dont 12 % étrangères), à 3 368 en 2018 (dont 37 % étrangères). Durant la même période, plus de 65 500 concessions minières sont accordées à des entreprises privées, pour une superficie passant de 0,3 à 21,3 millions d’hectares, si bien qu’en 2018, plus de 10,6 % du territoire mexicain était concerné par une concession de ce type [INEGI, 2010 ; Notimex, 2019 ; Nuñez Rodríguez, 2019 ; García Zamora & Gaspar Olvera, 2020].
- 11 Il convient de souligner que cette politique s’est accompagnée de la ratification de diverses norm (...)
14Du fait du caractère hautement symbolique du monopole étatique sur le secteur énergétique, sa remise en cause est plus progressive. Ce n’est qu’en 2013 qu’un accord entre les principaux partis politiques du pays permet à Enrique Peña Nieto (2012-2018) de procéder à une modification des articles constitutionnels établissant le monopole d’État sur le secteur énergétique. Quelques mois plus tard, la Reforma Energética est adoptée et le secteur est réouvert aux entreprises privées. Si la CFE et Pemex ne sont pas démantelés, la néolibéralisation du secteur les fragilise grandement face à leurs nouveaux concurrents privés. La baisse de leur production et l’aggravation de leur situation financière semblent amorcer la disparition des entreprises énergétiques paraétatiques11.
- 12 C’est notamment le cas des mines de San Martín (Zacatecas), Cananea (Sonora) et Taxco (Guerrero).
15Forgé en tant que rouage du système corporatiste et de la politique postrévolutionnaire de nationalisme extractif, le syndicat de mineurs oppose une résistance farouche à la libéralisation du secteur. Au tournant du xxie siècle, de nombreuses grèves de mineurs sont déclenchées et certaines des plus grandes mines du pays sont mise à l’arrêt. En 2006, afin de briser les mouvements de grève, le gouvernement impose la destitution du Comité exécutif national du syndicat de mineurs et la nomination d’une nouvelle direction syndicale. Son sulfureux secrétaire général, Napoleón Gómez Urrutia, est quant à lui contraint à l’exil au Canada [Suárez, 2023]. La rupture quasi totale des relations entre le syndicat et l’État central empêche de trouver une issue à ces conflits, dont plusieurs étaient encore en cours à l’arrivée au pouvoir d’AMLO12.
16Dans les zones dans lesquels ils s’implantent, les nouveaux projets miniers et énergétiques privés, nés à la faveur de la néolibéralisation du secteur extractif, doivent faire face à la multiplication de mouvements de « lutte en défense du territoire » qui les contestent. À l’avant-garde de ces derniers, se trouvent bien souvent des organisations locales apparues durant la décennie 1970 comme relais locaux de l’État central. Là encore, le cas de la Sierra Norte de Puebla est illustratif. Si celle-ci était jusqu’alors peu concernée par les activités extractives, au tournant du xxe siècle, près de 20 % de son territoire se voit subitement menacé par des projets miniers (mines d’or et argent à ciel ouvert) et énergétiques (puits de pétrole et barrages hydroélectriques) [Poder, 2014]. La municipalité de Cuetzalan, où se trouve le siège de la Tosepan, est notamment concernée. Si cette organisation, issue d’un programme gouvernemental, entretenait jusqu’alors des liens étroits avec les autorités fédérales, ses membres dirigeants s’engagent dans les mouvements locaux de lutte en défense du territoire et s’exposent à une violente répression. À Puebla comme dans de nombreuses autres localités du Mexique, la multiplication des projets extractifs provoque ainsi la rupture des liens entre l’État central et ses anciens relais locaux.
- 13 Dès son arrivée au pouvoir, le premier président du Partido Acción Nacional, Vicente Fox (2000-200 (...)
17Alors que depuis les années 1990, les luchas campesinas d’orientation marxiste et fondées sur une identité de classe, ont progressivement cédé le pas à des luchas indígenas aux revendications identitaires porteuses d’une nouvelle utopie révolutionnaire, les gouvernements néolibéraux tentent de réactualiser l’indigénisme d’État13. Cependant, les liens entre l’État fédéral et ses anciens relais (syndicats et organisations locales) ayant été rompus, celui-ci n’apparaît plus en mesure de contenir la multiplication des mouvements contestataires, concomitante de celle des projets extractifs. En 2018, une équipe de chercheuses de la FLACSO México comptabilisait plus de 300 conflits syndicaux et luttes en défense du territoire liés aux industries extractives au Mexique [Zaremberg et al., 2018].
18C’est dans ce contexte qu’AMLO (candidat aux élections présidentielles de 2006, 2012 et 2018), multiplie les déclarations de soutien aux organisations contestataires locales. Durant plus d’une décennie de campagnes, ses déplacements dans diverses localités menacées par des projets extractifs lui permettent de nouer de précieux liens avec les mouvements de lutte en défense du territoire. En promettant de « mettre fin au néolibéralisme », il adopte une position critique suffisamment large pour épouser les aspirations, pourtant antagonistes, des mouvements anti-extractivistes et des syndicats des mines et de l’énergie désireux d’un renouveau du nationalisme extractif.
19En juillet 2018, l’alliance menée par López Obrador remporte finalement la présidence de la République et la majorité des deux chambres parlementaires. La victoire électorale a été permise par l’alliance de mouvements hétéroclites et l’exercice du pouvoir met rapidement au grand jour leurs antagonismes. Tandis que les organisations de lutte en défense du territoire ayant apporté leur soutien à AMLO sont pour la plupart porteuses d’une ligne anti-extractiviste radicale, le président considère les industries extractives comme un moteur de développement, dont la reprise en main par l’État permettra de financer la Quatrième transformation.
20Nostalgique du monopole étatique sur les hydrocarbures et fervent opposant de la Reforma Energética adoptée par son prédécesseur, la politique énergétique menée par López Obrador consiste à relancer les entreprises paraétatiques (Pemex et CFE) et à les avantager face aux multinationales privées. Pour-ce-faire, en février 2021, le gouvernement propose une loi de l’industrie électrique, visant à rendre prioritaire l’achat de l’électricité produite par la CFE sur celle de ses concurrents privés. Il promulgue aussi une « [l]oi des hydrocarbures (22 avril 2021) pour avantager la société nationale sur l’importation, la distribution et la commercialisation de combustibles […] [cherchant ainsi] à mettre en difficulté les compagnies privées pour laisser le premier rôle à Pemex, dans tous les segments de la chaîne de valeur du pétrole et du gaz naturel » [Rousseau, 2021, p. 2].
- 14 Lors de la prise de pouvoir d’AMLO en janvier 2019, avec 106 milliards de dollars de dette, Pemex (...)
- 15 Il expliquait que 2 milliards de dollars ont été alloués à la réhabilitation de six raffineries. P (...)
- 16 Si le gaz naturel intéresse fortement le gouvernement, c’est que près de 60 % de la production éle (...)
21Des investissements publics massifs sont engagés afin de relancer des entreprises extractives paraétatiques en grande difficulté14. Entre janvier 2019 et juin 2022, le gouvernement fédéral a versé plus de 40 milliards de dollars à Pemex « au titre d’apports patrimoniaux, d’incitations fiscales et d’autres soutiens » [IMCO, 2022]. Le 27 novembre dernier, devant plus d’1,2 millions de personnes réunies pour l’ovationner à l’occasion du quatrième anniversaire de la 4T, AMLO détaille les sommes dépensées dans le cadre de sa politique de « souveraineté énergétique »15. Dans ce même discours, il affirme que ces investissements permettront d’atteindre l’autosuffisance et de mettre un terme à l’achat d’essence et de diesel à l’étranger. Le président se félicite également de la reprise de la production pétrolière (après 14 années de baisse) et de la hausse de l’extraction de gaz naturel (atteignant dorénavant près de 4,8 milliards de pieds cubes quotidiens)16.
22Le gouvernement a aussi alloué un appui financier massif (environ 25 milliards de dollars en 2022) à la CFE [Gobierno de México, 2022]. Outre la relance de la production d’électricité à base de gaz naturel, ces investissements visent à donner les moyens à la CFE d’accentuer sa production géothermique, nucléaire et surtout hydroélectrique (60 centrales doivent être modernisées). Enfin, en avril 2023, le gouvernement a annoncé le rachat de 13 centrales électriques à l’entreprise espagnole Iberdrola pour 6 milliards de dollars. L’opération, permettant à la CFE de produire 55 % du total de l’électricité générée dans le pays (contre 39 % auparavant), est présentée par AMLO comme « une nouvelle nationalisation de l’industrie électrique ».
23Le gouvernement de la 4T a également procédé à deux réformes de la législation minière. La première, adoptée par décret en avril 2022, instaure un nouveau monopole d’État sur l’extraction du lithium. La seconde, entérinée par le Parlement en mai 2023, soumet les entreprises minières à un cadre normatif plus contraignant. L’industrie minière a ainsi perdu son caractère d’« utilité nationale » qui la rendait prioritaire sur tout autre type d’activité. L’exploration et l’exploitation sont désormais prohibées en mer, de même que dans les aires naturelles protégées et les zones souffrant de stress hydrique. Les entreprises doivent présenter aux autorités un « programme de restauration, fermeture et post-fermeture de mine » et procéder à un dépôt de garantie au cas où elles ne respecteraient pas leurs obligations. Les sanctions encourues en cas de transgression ont été durcies et divers nouveaux motifs de retrait des autorisations d’exploitation ont été ajoutés à ceux existants.
24Il convient toutefois de souligner que la proposition de réforme initialement présentée s’est vue fortement assouplie par les parlementaires. Alors que l’exécutif proposait de ramener la durée maximale des concessions minières à 55 ans (au lieu de 100 jusqu’à présent), la réforme a finalement fixé une durée maximale de 80 ans. De même, si le décret prévoyait d’obliger les entreprises à verser un minimum de 10 % de leurs bénéfices aux communautés indigènes situées dans l’air d’influence de leur mine, les parlementaires ont réduit l’obligation à 5 %. Par ailleurs, bien que le gouvernement se soit engagé à ne plus accorder de concessions minières et à refuser les demandes d’ouverture de nouvelles mines à ciel ouvert, les concessions existantes n’ont pas été remises en cause et la réforme ne stipule aucune interdiction des techniques d’extraction les plus dévastatrices pour l’environnement (telles que les mines à ciel ouvert).
25De même que de nombreux projets d’extraction d’hydrocarbures et de production d’électricité sont actuellement menés dans le cadre de partenariats publics-privés, le gouvernement a annoncé que l’extraction de lithium sera finalement réalisée en collaboration avec des entreprises privées. Aussi, bien qu’AMLO ait fait le choix de réengager l’État dans la participation aux activités extractives, et nonobstant les annonces en grande pompe de « nationalisations » du lithium et de l’industrie électrique, le secteur privé est loin d’en être évincé. Alors que durant les deux dernières décennies, la montée des conflits syndicaux et des mouvements de lutte en défense du territoire avait conduit à paralyser une partie des projets miniers et énergétiques, les entreprises extractives privées semblent tirer profit de la popularité du nouveau président. Lors d’un entretien semi-directif réalisé à Mexico en décembre 2022 avec un haut cadre de la CFE, celui-ci déclarait :
« Le fait que la population ait confiance en le président López Obrador, donne la possibilité, à des entreprises comme Pemex ou comme la CFE, de mieux développer nos projets. Et c’est aussi valable pour les entreprises privées ! Le secteur privé a bénéficié de la popularité du gouvernement, car la conflictualité a diminué ! »
- 17 Alors que la production nationale de gaz était passée de plus de 7 358 millions de pieds cubes par (...)
- 18 À l’exception de la production aurifère des années 2015, 2016 et 2017, les valeurs actuelles sont (...)
26Davantage qu’un retour au modèle étatiste postrévolutionnaire caractérisé par un monopole d’État sur une grande partie du secteur extractif, ou que la poursuite du modèle extractiviste néolibéral (activités extractives prises en charge par des entreprises privées), la 4T semble avoir instauré un régime extractif hybride, dans lequel s’additionnent projets privés et paraétatiques, intensifiant de fait l’extraction de ressources naturelles. Si la production d’hydrocarbures était en baisse constante depuis une décennie, celle-ci s’est stabilisée depuis le début du mandat d’AMLO et la production d’électricité (à base de gaz naturel majoritairement) a quant à elle augmenté17. De même, les chiffres relatifs à l’extraction de divers minerais (notamment or, argent, plomb et cuivre) sont actuellement supérieurs à ce qu’ils étaient sous les gouvernements précédents18.
- 19 Lors de l’arrivée au pouvoir d’AMLO, s’il faisait toujours partie des quinze principaux pays en te (...)
27En 2021 le secteur minier-métallurgique représentait 2,5 % du PIB national et 8,5 % du PIB industriel [INEGI, 2021]. Le gouvernement de la 4T ne souhaite pas renoncer à cette source considérable de revenus. Dans le domaine énergétique, les investissements évoqués visent quant à eux à donner les moyens à Pemex et à la CFE d’augmenter la production d’électricité et d’hydrocarbures, mais également de transformer ces derniers sur le sol mexicain afin de diminuer la dépendance aux importations19. Il convient toutefois de souligner que les entreprises paraétatiques ne disposent pas des capacités techniques et financières suffisantes pour assurer seules la prise en charge de l’ensemble de la production. Le contexte mondial de crise de l’approvisionnement en ressources minières et énergétiques, ainsi que les injonctions internationales à la transition énergétique, sont par ailleurs déterminants. Ainsi, la récente « nationalisation » du lithium n’est pas sans lien avec le fait que l’Agence Internationale de l’Énergie estime que la demande mondiale devrait être multipliée par 10 dans les vingt prochaines années [IEA, 2022].
28L’instauration de ce régime extractif hybride répond à des contraintes d’ordre économique, technique… et politique. Au Mexique comme ailleurs, la pression exercée par les milieux d’affaires nationaux et internationaux est un facteur non négligeable de la prise de décision gouvernementale. Les tentatives de réforme des secteurs minier et énergétique ont ainsi dû faire face à d’intenses campagnes de communication, menées par les organisations patronales représentatives des entreprises extractives privées. Des pressions sont également directement exercées par les gouvernements des pays dont sont originaires ces entreprises, Canada et États-Unis en tête [Morales, 2023]. Enfin, les réformes visant à avantager les entreprises paraétatiques face à leurs concurrentes privées, contreviennent potentiellement à divers accords commerciaux (en premier lieu desquels le T-MEC) et exposent de ce fait l’État mexicain à de lourdes sanctions économiques.
- 20 Suite à des litiges intentés par des entreprises privées, les juges saisis se prononcent en défave (...)
29Malgré sa majorité parlementaire, AMLO n’a pas les mains totalement libres et n’apparaît pas en mesure de réformer à sa guise les législations minières et énergétiques. Il a ainsi dû renoncer à ses lois des hydrocarbures et de l’industrie électrique20 et la menace d’une censure par la Suprema Corte de Justicia de la Nación plane au-dessus de la réforme minière.
30Si sa politique extractive est en partie déterminée par les pressions exercées par les groupes d’acteurs liés aux intérêts des entreprises privées, AMLO doit également composer avec les attentes antagoniques des organisations contestataires (syndicats et mouvements de lutte en défense du territoire). Le caractère hétéroclite du personnel politique de la 4T reflète les rapports de force structurant le champ extractif mexicain.
31Dès le début de sa mandature, afin d’établir « des liens de confiance » avec les milieux d’affaires, López Obrador nomme le multimillionnaire (et très libéral) Alfonso Romo au poste de chef du bureau présidentiel. L’universitaire Víctor Manuel Toledo (porteur d’un écologisme radical) est nommé à la direction de la Secretaría de Medio Ambiente y Recursos Naturales (Semarnat). Des désaccords éclatent rapidement entre ces deux derniers, les conduisant à quitter le gouvernement en 2020. Si Toledo démissionne officiellement pour raisons de santé, il est de notoriété publique que ses désaccords avec Romo et Rocío Nahle (titulaire de la Secretaría de Energía – SENER) ont accéléré son départ. En tant qu’ingénieure pétrochimiste et ancienne employée de Pemex, la ministre de la SENER n’est en effet pas défavorable au renforcement de l’entreprise paraétatique et à la relance de la production d’énergies fossiles qu’elle implique.
32Afin d’assurer la mise en œuvre de sa politique de « souveraineté énergétique », López Obrador confie la direction de Pemex à Octavio Romero Oropeza (ancien membre du cabinet d’AMLO lorsqu’il dirigeait la ville de Mexico). Celle de la CFE est attribuée à Manuel Bartlett Díaz (membre du Partido del Trabajo allié à Morena, il fut l’un des rares parlementaire à s’opposer à la Reforma Energética de 2013). Le ministère de l’Énergie et les deux entreprises paraétatiques sont ainsi dirigés par des personnalités politiques proches du nouveau président, pleinement favorables à l’intensification et à la ré-étatisation partielle des activités extractives.
33Pour renouer les liens avec les organisations syndicales, le gouvernement de la 4T peut par ailleurs compter sur le soutien de Napoleón Gómez Urrutia. Rentré au Mexique en 2018 après douze années d’exil au Canada, le secrétaire général du syndicat de mineurs a été élu sénateur sous la bannière du parti présidentiel (Morena). Toutefois, la Quatrième transformation donne également lieu à l’entrée au gouvernement de personnalités proches des mouvements de lutte en défense du territoire. En 2018, María Luisa Albores González est nommée ministre du Bienestar, avant de remplacer Toledo à la tête de la Semarnat. Militante engagée dans les mouvements de la Sierra Norte de Puebla, la ministre de l’Environnement fut longtemps membre de la Tosepan, avec laquelle elle entretient aujourd’hui encore des liens étroits.
- 21 Ancien membre du PRI, AMLO a débuté sa carrière politique au sein de l’INI. Loin d’être propres à (...)
34Pleinement conscient de l’intérêt politique de l’indigénisme d’État mis en place par le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) au cours du xxe siècle21, López Obrador annonce, moins de quatre jours après sa prise de fonction, la création d’un nouvel Institut national des peuples indigènes (INPI). Sa direction est confiée à Adelfo Regino Montes, ancien assesseur de l’EZLN (Armée zapatiste de libération natinale) et membre dirigeant de l’association Servicios del Pueblo Mixe (SERmixe), engagée dans les mouvements de lutte en défense du territoire à Oaxaca. À l’instar de celle de María Luisa Albores, cette nomination permet d’entretenir les liens constitués durant la campagne entre Morena et divers mouvements de lutte en défense du territoire, et partant, de réactiver les chaînes d’intermédiation entre l’État central et ses anciens relais locaux.
35La présence simultanée de personnalités proches des entreprises extractives privées, de responsables politiques acquis au nationalisme extractif, de leaders syndicaux et de membres d’organisations locales porteuses d’une ligne anti-extractiviste, permet au gouvernement d’atténuer la conflictualité inhérente à toute forme d’extractivisme. D’après la base de données de la FLACSO, 71,3 % des conflits extractifs en cours à l’arrivée au pouvoir d’AMLO, ont été résolus sous son mandat.
36En tant qu’intermédiaire entre le syndicat de mineurs et le gouvernement, Napoleón Gómez Urrutia œuvre par exemple à la résolution de divers conflits miniers, à l’instar de celui de la mine de San Martín (Zacatecas), où les mineurs ont repris le travail en 2018 après plus d’une décennie de grève. À l’heure où cet article est rédigé, le sénateur et leader syndical joue un rôle actif dans les négociations tripartites visant à mettre un terme aux grèves initiées en 2007 dans les mines de Cananea (Sonora) et Taxco (Guerrero).
- 22 Il s’agit des projets Puebla 1, Coyolapa-Atzalan, Gaya, Cuamono-Cuetzalan et Olintla.
- 23 À Ixtacamaxtitlán, Zautla, Tetela et Tlatlauquitepec.
- 24 À Santa María de Zaniza, Magdalena Teitipac, Natividad et Juchitán.
- 25 À Juchitán, Unión Hidalgo, San Dionisio del Mar et El Espinal.
- 26 Il s’agit des projets Paso de la Reina et Miguel de La Madrid Hurtado.
37Par ailleurs, bien que la politique menée favorise l’intensification de l’exploitation des ressources naturelles, les dirigeants de l’INPI et de la Semarnat apportent leur soutien à divers mouvements de lutte en défense du territoire, en appuyant leurs demandes de suspension de projets extractifs. Dans la Sierra Norte de Puebla, les projets hydroélectriques22 et miniers23 contre lesquels se mobilisaient les mouvements de lutte en défense du territoire, ont tous été suspendus. De même, divers mégaprojets miniers24, éoliens25 et hydroélectriques26 ayant fait l’objet d’importantes contestations à Oaxaca, sont aujourd’hui suspendus.
38Au cours de mes enquêtes de terrain portant sur les mouvements de lutte en défense du territoire à Puebla et Oaxaca, il est apparu que dans ces deux États, la quasi-totalité des organisations qui avaient obtenu la suspension des projets extractifs qu’elles contestaient, entretenaient une relation privilégiée avec l’un des membres du gouvernement. Lors de mes entretiens avec des membres de l’organisation EDUCA (engagée dans divers mouvements de lutte en défense du territoire à Oaxaca), l’entrée au gouvernement de personnalités proches des organisations contestataires locales a été présentée comme un élément facilitateur des suspensions des projets extractifs. De même, dans la Sierra Norte de Puebla, le fait que l’actuelle ministre de la Semarnat ait travaillé durant près de deux décennies à la Tosepan, a sans nul doute déterminé le refus de son ministère d’accorder les demandes d’autorisation d’exploitation minière dans la région. Peu de temps après la suspension du projet minier d’Ixtacamaxtitlán, María Luisa Albores a d’ailleurs affiché sa présence à une assemblée régionale d’organisations de lutte en défense du territoire. Lors d’une discussion informelle avec une responsable d’ONG appuyant la contestation à Puebla, celle-ci m’a affirmé que la suspension des projets hydroélectriques dans la région relevait d’une décision politique prise au regard de liens interpersonnels avec un haut responsable administratif des autorités énergétiques de l’actuel gouvernement. Lors d’un autre entretien, un haut cadre de la CFE m’a quant à lui affirmé que la suspension de ces mêmes projets répondait à un engagement de campagne, formulé par López Obrador auprès des organisations locales.
39Quelles que soient les raisons objectives de ces suspensions, dans l’ensemble des cas transparaît l’existence d’un lien de fidélité entre les membres des organisations contestataires et le gouvernement de la 4T. Pour celui-ci, le fait d’apparaître en faveur des mouvements de lutte en défense du territoire a le double avantage de permettre à Morena de renforcer son ancrage local et de rétablir les courroies d’intermédiation entre État central et populations locales. Alors que durant les deux dernières décennies, la Tosepan s’était ouvertement opposée aux gouvernements néolibéraux, elle entretient aujourd’hui à nouveau des liens étroits avec les autorités fédérales.
- 27 Les suspensions officielles peuvent être le fait d’une décision juridique (26 % des suspensions of (...)
40Si les suspensions précédemment évoquées peuvent sembler contradictoires avec la politique d’intensification des activités extractives et laisser penser que les mouvements de lutte en défense du territoire obtiendraient désormais régulièrement gain de cause, il convient de souligner que celles-ci ne concernent qu’une partie des projets extractifs contestés. En effet, parmi les 318 projets extractifs conflictuels recensés, seuls 70 (soit 22 %) ont fait l’objet d’une suspension. Parmi elles, uniquement 46 (soit 14,5 % du total des projets conflictuels recensés) découlaient d’une décision officielle des autorités juridiques ou gouvernementales27.
41Par ailleurs, la propension à la suspension des projets est fortement inégale en fonction du type d’activité extractive. En effet, si 23,9 % des projets hydroélectriques et plus de 16 % des projets miniers et éoliens ont été suspendus, seuls 2,7 % des projets d’extraction d’hydrocarbures l’ont été.
Graphique 1. Part des projets officiellement suspendus parmi l’ensemble des projets extractifs conflictuels recensés
Source : Élaboration propre à partir de la base de données de la FLACSO actualisée à l’année 2023.
42En considérant que la quasi-totalité des projets d’extraction d’hydrocarbures sont menés par Pemex, le fait que seuls deux projets de ce type aient été suspendus, semblerait indiquer que le type d’entreprise (privée ou paraétatique) en charge des projets constitue un autre facteur explicatif de la distribution des suspensions.
Graphique 2. Comparaison de la part des différents types d’entreprises pour l’ensemble des projets conflictuels recensés par rapport aux projets suspendus
- 28 Seuls deux projets d’extraction d’hydrocarbures ayant été suspendus, les données concernant ce sec (...)
Source : Élaboration propre à partir de la base de données de la FLACSO actualisée à l’année 202328.
43La part des projets menés par des entreprises privées est supérieure parmi les projets suspendus que pour l’ensemble des projets conflictuels recensés, et ce quel que soit le secteur considéré. Alors que les projets privés ne représentent que 64 % du total des projets conflictuels recensés, leur part parmi les projets suspendus s’élève à 85,7 % !
44À l’aune de ces éléments, la distribution apparemment aléatoire des suspensions de projets extractifs s’explique : celles-ci concernent essentiellement des entreprises privées et épargnent largement Pemex et la CFE, dont la relance s’inscrit comme la pierre angulaire de la politique énergétique de la 4T. Autrement dit, le gouvernement de la 4T aurait recours à une forme de gouvernement par les contestataires, consistant à appuyer (et à s’appuyer sur) certains mouvements de lutte en défense du territoire, afin de procéder à la fermeture de projets extractifs essentiellement privés. En opérant une sélection stratégique des mouvements de lutte en défense du territoire qu’il décide de soutenir, l’exécutif conserve le soutien d’une partie de l’espace contestataire, tout en ne faisant peser ces suspensions que sur ses concurrents privés, préservant ainsi les intérêts des entreprises paraétatiques. Cette stratégie sauvegarde une partie des courroies d’intermédiation avec les populations locales, sans pour autant remettre en cause l’intensification des activités extractives à l’échelle nationale.
45Alors que le régime extractif nationaliste (étatisation du secteur énergétique et mexicanisation du secteur minier) mis en place au lendemain de la révolution mexicaine s’appuyait sur différents dispositifs de gouvernementalité afin de contenir l’émergence de mouvements contestataires autonomes, le tournant néolibéral initié à la fin du xxe siècle a conduit à une rupture des chaînes d’intermédiation entre l’État central et ses anciens relais locaux. En réactualisant ces liens, le gouvernement de la 4T parvient à atténuer la conflictualité qui paralysait une partie des activités extractives.
46Si les tenants du modèle néolibéral réussissent à freiner la ré-étatisation partielle du secteur extractif, AMLO n’en mène pas moins à bien sa politique de renforcement des entreprises paraétatiques. Cette configuration ouvre des fenêtres d’opportunité pour quelques mouvements de lutte en défense du territoire, en leur permettant d’obtenir la suspension des projets privés qu’ils contestent. Cependant, au regard de la rareté et de l’inégale répartition des suspensions, cette « ouverture du jeu » n’apparaît possible qu’à condition d’avoir recours à des stratégies contestataires qui, en renforçant la politique gouvernementale, participent in fine de la reproduction de l’extractivisme sous sa nouvelle forme. La Quatrième transformation donne ainsi lieu à l’instauration d’un « régime extractif hybride », dans lequel l’atténuation de la conflictualité et l’addition des projets privés et paraétatiques, conduisent à une intensification générale des activités extractives.
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