1L’accession au pouvoir d’Andrés Manuel López Obrador (AMLO) a marqué un tournant dans les débats sur la légalisation du cannabis au Mexique. Au lieu d’engager le débat démocratique sur la réforme de la politique des drogues, le nouveau président ferme la porte à toute libéralisation de la substance. AMLO s’inscrit ainsi dans la continuité de ses prédécesseurs en dénonçant le cannabis comme une substance dangereuse et en condamnant moralement la légalisation. Toutefois, ses fortes majorités politiques et sa vision très négative des drogues ont fait d’AMLO un acteur de veto tout-puissant, capable de bloquer complètement les débats et les processus de régulation engagés dans les différentes institutions politiques du pays. Malgré l’inconstitutionnalité de l’interdiction du cannabis prononcée par la Cour suprême en 2018, les votes favorables à une légalisation du cannabis dans les deux chambres du Parlement, et le soutien de la majorité de la population à une régulation de la substance, le changement de la politique publique du cannabis a simplement été bloqué par le président. Comment rendre compte de ce pouvoir démesuré du président dans le contexte d’une trajectoire de consolidation démocratique depuis les années 2000 ?
2Les études sur la légalisation du cannabis au Mexique ont eu tendance à se concentrer sur le court terme, analysant comment les différentes institutions légifèrent sur la substance. Les principaux débats ont commencé après un arrêt de la Cour suprême en 2015 et les analyses ont considéré la légalisation comme une « réforme improbable » fondée sur la volonté des juges constitutionnels de protéger les droits humains [von Hoffmann, 2020, p. 149]. Les recherches montrent que des membres de l’élite socioéconomique du pays ont pu œuvrer dans le sens d’un jugement favorable à la légalisation du cannabis dans la Cour en raison des liens sociaux, professionnels et de parenté entre les plaidants et les membres du système juridique [Martínez Carmona, 2020]. Par ailleurs, de nombreuses études, souvent issues du monde associatif ou politique, ont également valorisé l’action collective et les stratégies parlementaires des acteurs réformateurs [Barra, 2016 ; Richter, 2018 ; Ríos Piter, 2019]. Ces travaux partent du postulat selon lequel les blocages présidentiels pouvaient être désarticulés grâce à la mobilisation sociale et la judiciarisation des problèmes publics. Or, la réalité empirique des processus de formulation des politiques du cannabis au Mexique montre que, sous le gouvernement AMLO, toute tentative de réforme est vouée à l’échec et les réformes passées restent lettre morte. Malgré une séparation des pouvoirs théorique, le système politique mexicain n’a pas permis de contourner la décision du président dans un contexte d’ultra-majorités.
3La théorie des acteurs veto propose un cadre conceptuel intéressant pour analyser cette réalité. Développée originellement par George Tsebelis [1995, 2000, 2002], cette approche analyse le processus de changement dans les politiques publiques à partir des acteurs capables de bloquer les réformes. Théoriquement, le modèle propose que dans les régimes présidentialistes, comme celui du Mexique, trois acteurs principaux aient un pouvoir de veto dans le processus décisionnel : les deux chambres du Parlement, chargées de formuler le texte de la loi, et le président, chargé de la ratifier. Chaque chambre possède un pouvoir de veto puisque leur accord est nécessaire à l’approbation de la loi. Contrairement aux idées reçues, dans les régimes présidentialistes, c’est le Parlement – et pas le président – qui joue le rôle de formulateur de la politique publique parce que le gouvernement n’a pas la capacité de contrôler tout le processus parlementaire [Tsebelis, 2000, p. 456-458]. Dans les contextes de fracturation partisane, avec des majorités et des coalitions changeantes, les partis politiques ont aussi un pouvoir de veto relatif, car leur positionnement peut faire basculer une décision et les rendre nécessaires au changement. Par conséquent, le nombre important des acteurs veto a tendance à provoquer la stabilité et à favoriser les changements graduels des politiques publiques, voire l’inertie.
4Dans la pratique, toutefois, la théorie des acteurs veto doit être utilisée au regard des contextes électoraux particuliers et des secteurs d’action publique. Selon la configuration des majorités au Parlement, le nombre des points vetos peut évoluer. Par exemple, si un président a des majorités absolues dans les deux chambres du Parlement, il absorbe les pouvoirs de veto du Parlement. De plus, les pouvoirs de veto présidentiels peuvent être contournés et neutralisés grâce aux institutions et stratégies des opposants. Les instruments de participation citoyenne, comme le référendum ou le plébiscite [Albert & Stacey, 2022], la judiciarisation du changement social par les contrôles de constitutionnalité [Helmke & Rios-Figueroa, 2011], ou même les changements graduels transformateurs effectués par les bureaucraties [Mahoney & Thelen, 2009], sont des tactiques capables de provoquer un changement de la politique publique dans des contextes de blocage parlementaire.
5Depuis la montée d’AMLO au pouvoir, tout espoir de changement s’évapore, malgré un alignement des forces politiques en faveur du cannabis au niveau national et une tendance régionale à assouplir la prohibition de cette substance. Par rapport à la légalisation du cannabis, le gouvernement d’AMLO est le plus paradoxal des dernières années, avec la promesse d’une approche différente vis-à-vis des drogues, mais un blocage total des évolutions. Utilisant la théorie des vetos, cet article montre qu’en comparant le gouvernement AMLO à celui de ses prédécesseurs, le président devient un acteur veto superpuissant avec des pouvoirs de blocage exceptionnels grâce à deux phénomènes principaux. Premièrement, AMLO arrive au pouvoir avec des majorités parlementaires absolues, ce qui lui permet d’absorber les capacités de veto des institutions parlementaires. Les décisions présidentielles sont donc celles qui s’imposent au reste des institutions démocratiques. Deuxièmement, AMLO neutralise progressivement les pouvoirs de contournement des blocages, promettant de soumettre la décision au référendum, contestant les décisions de la Cour suprême, ou instaurant une bureaucratie favorable au changement, mais contrôlée. Alors que tous les présidents mexicains ont été défavorables à la légalisation du cannabis, entre 2010 et 2018, les acteurs favorables à la réforme bénéficiaient d’une capacité de contournement, certes limitée, mais capable de produire des changements graduels. L’absence des mécanismes de contrôle des pouvoirs présidentiels montre ainsi une faiblesse démocratique du système politique mexicain.
6Notre analyse se base sur une enquête qualitative de longue durée entre 2015 et 2023. Cherchant à retracer le processus de réforme du cannabis depuis le début des années 2000, nous avons collecté nos données de quatre sources différentes. Nous avons réalisé 46 entretiens semi-directifs avec des activistes, des experts, des entrepreneurs, des représentants politiques et du personnel administratif. Nous avons également observé des débats parlementaires (mars-avril 2016, juin 2017), des votes à la Cour suprême (octobre 2018, juin 2021) et de nombreuses réunions de discussion politique sur la légalisation du cannabis. Ces données ont été confrontées aux documents officiels publiés au Parlement, par la Cour suprême et par les différents ministères. Enfin, nous avons fait un suivi rigoureux de la couverture médiatique et de la littérature grise pendant la période.
7Nous proposons une description chronologique du processus en trois parties. La première section revient sur la manière dont les mouvements sociaux ont contourné le blocage présidentiel des gouvernements Calderón et Peña Nieto par la judiciarisation de la demande à la Cour suprême. La deuxième partie revient sur les contournements des blocages présidentiels au Parlement entre 2016 et 2017. La troisième partie décrit, à l’inverse, comment le président AMLO devient un acteur veto tout-puissant capable d’absorber le pouvoir des autres acteurs veto et neutraliser les voies de contournement. La dernière section conclut l’article.
8Le Mexique présente une longue histoire de demandes en faveur d’une réforme de la politique des drogues, notamment en ce qui concerne la légalisation du cannabis. Déjà dans les années 1940, le pays expérimentait des modèles de légalisation en claire opposition avec les prérogatives internationales [Astorga, 2016 ; Campos, 2018 ; Enciso, 2015]. De plus, depuis les années 1970, un mouvement pro-légalisation du cannabis s’organise et évolue jusqu’à se consolider véritablement au début des années 2000. Ce mouvement réussit à former quelques alliances au Parlement et finit par déposer quelques projets de loi favorables à la légalisation, qui ne sont pas discutés, mais qui symbolisent la maturité des revendications [Hernández Tinajero et al., 2013]. Pour le mouvement pro-légalisation, la plante est perçue de manière positive et la prohibition est considérée comme une mesure disproportionnée pour contrôler les consommateurs.
9Cette vision se répand progressivement et gagne en légitimité lorsque des acteurs de l’élite socioéconomique du pays adoptent la légalisation du cannabis comme un premier pas pour réformer l’approche sécuritaire de la lutte contre les drogues. En effet, dans un contexte de faible légitimité politique liée à une maigre victoire électorale (tableau 1), le président Felipe Calderón lance une politique de « guerre contre le narcotrafic » dès son arrivée au pouvoir en 2006 [Astorga, 2015]. Fortement critiquée par les défenseurs des droits humains, cette politique devient hautement impopulaire en 2011, quand les statistiques officielles révèlent qu’elle est la source d’une augmentation exponentielle de la violence et du nombre d’homicides dans le pays [Hope, 2015], sans compter les dérives en termes de dépenses publiques [Atuesta, 2014] ou de violation des droits humains [Magaloni Kerpel, 2015]. Par conséquent, une partie de l’élite libérale du pays, également victime de cette augmentation de la violence [Bizberg, 2015 ; Villagran, 2013], se convainc de la nécessité de changer d’approche vis-à-vis des enjeux sécuritaires.
Tableau 1. Résultats des élections présidentielles au Mexique, 2006-2018
| Parti |
PRI
Parti révolutionnaire
institutionnel |
PAN
Parti action
nationale |
PRD
Parti de la
révolution
démocratique |
MORENA
Mouvement de
régénération
nationale |
Autres |
| 2006 |
Roberto Madrazo
22,3 % |
Felipe Calderón
25,9 % |
AMLO
35,3 % |
--- |
3,7 % |
| 2012 |
Enrique Peña Nieto
39,2 % |
Josefina Vázquez
26,1 % |
AMLO
32,4 % |
--- |
|
| 2018 |
J. A. Meade
16,4 % |
Ricardo Anaya
22,3 % |
|
AMLO
53,2 % |
|
Source : Institut national électoral INE, Mexique, 2006, 2012, 2018.
10En ce qui concerne le cannabis, ce changement se matérialise en 2012 lorsque l’organisation México Unido Contra la Delincuencia (MUCD) organise un forum international sur le « bilan d’un siècle de prohibition [des drogues] » [MUCD, 2012]. Convoquant un débat de haut niveau avec des experts internationaux et des personnalités politiques du pays, telles que le ministre de la Sécurité publique, Genaro García, et la femme du président, Margarita Zavala, ce forum met en évidence deux choses contradictoires : une maturité des modèles théoriques sur les alternatives à la « guerre contre les drogues », notamment en ce qui concerne la légalisation du cannabis [Rolles & Murkin, 2014], mais aussi un refus du gouvernement Calderón de mettre le sujet à l’agenda politique national. Le président Calderón se positionne alors comme un acteur veto refusant le changement, avec une conception morale qui voit la drogue comme « l’esclavage du xxe siècle » [Langellier & Stolz, 2009].
11Ce blocage s’accentue après les élections de 2012 lorsque le candidat gagnant, Enrique Peña Nieto, se déclare fortement défavorable à la légalisation du cannabis [Moreno, 2014]. Face à ces blocages, MUCD développe une stratégie de mobilisation pour amener la question du cannabis devant la Cour suprême. Utilisant leur expertise juridique et leur légitimité sociale, les membres de MUCD demandent aux tribunaux « le droit à consommer du cannabis » découlant du droit au « libre développement de la personnalité » reconnu dans la Constitution [Suprema Corte de Justicia de la Nación, 2015]. Pour les requérants, l’objectif de la demande est de contester la politique de guerre contre la drogue responsable de l’augmentation de la violence, mais en termes juridiques, c’est la carte des droits fondamentaux qui permet de formuler un contentieux juridique solide. MUCD se mobilise donc sur le volet juridique et ses membres engagent une mobilisation collective plus traditionnelle sous forme de lobby parlementaire ou de débats d’idées. Dans ce processus, ils participent à la formation d’une coalition pour la réforme de la politique en matière de drogues, qui revendique la légalisation du cannabis comme la première étape d’une transformation plus radicale et qui se compose des mouvements sociaux et des personnalités politiques plutôt à gauche de l’échiquier politique.
12À l’intérieur du système judiciaire, la trajectoire de la demande prend du temps et, lorsque celle-ci arrive à la Cour suprême en 2015, la rédaction de la sentence demande une triple coordination de la part du juge chargé de rédiger un projet d’arrêt, Arturo Zaldivar. Très techniquement, la demande exige une révision de la littérature scientifique afin de vérifier les connaissances sur le cannabis et d’étudier la demande des requérants autour de la proportionnalité de la prohibition. Ce travail est lourd et l’équipe de rédaction compte sur l’aide des membres de la coalition réformatrice qui rendent accessibles des arguments et des idées grâce à des traductions de jurisprudences étrangères, d’articles scientifiques ou des amicus curiaes – une opinion par des acteurs non liés à l’affaire judiciaire – devant la Cour.
13De plus, les décisions juridiques, surtout au Mexique, ne sont jamais déconnectées de la réalité sociopolitique du pays, car les juges anticipent et évitent la possibilité d’être sanctionnés ou que leur décision soit infirmée [Sánchez et al., 2011]. Les juges de la Cour suprême reçoivent alors les arguments du gouvernement en défense de la prohibition du cannabis basé sur une conception morale des drogues comme des substances dangereuses pour la santé physique et psychique [Suprema Corte de Justicia de la Nación, 2015]. De même, les employés de la Cour suprême de l’époque affirment que le juge Zaldivar consulte la présidence sur la pertinence d’une sentence légalisant le cannabis en 2014 et prétendent que le gouvernement demande de ne pas toucher à la prohibition pénale des drogues, principal outil de répression du trafic illicite. Le projet d’arrêt évolue vers une légalisation administrative du cannabis, c’est-à-dire vers la création des autorisations pour cultiver du cannabis, en parallèle du maintien de la répression des drogues lorsque les règles administratives ne sont pas respectées.
14Enfin, au sein de la politique interne à la Cour suprême, le juge Zaldivar cherche à se positionner en tant que juge progressiste et libéral, dans un contexte de concurrence des réputations entre juges et de minorité des positions libérales face aux positions plus conservatrices [Fierro, 2015]. Pour le juge Zaldivar, le cadrage du projet d’arrêt doit lui permettre de se démarquer vis-à-vis des autres juges libéraux, tout en trouvant le soutien de la majorité des membres de la Cour. Le timing du vote est important pour le juge Zaldivar, car le cadrage et le timing du projet d’arrêt doivent lui permettre de se démarquer vis-à-vis des autres juges libéraux, tout en trouvant le soutien de la majorité des membres de la Cour.
15Cette fenêtre d’opportunité s’ouvre lorsque la coalition revendiquant une nouvelle politique des drogues découvre le cas d’une fille atteinte d’une épilepsie réfractaire, Grace Elizalde, et décide de le publiciser, avec l’accord des parents [Benavides & Elizalde, 2016]. Leur objectif est certes de faciliter l’accès de l’enfant aux traitements à base de cannabis, mais aussi d’utiliser le cas pour souligner les effets pervers de la « guerre à la drogue ». Ainsi, ce sont les avocats de MUCD qui réussissent à trouver un permis d’importation des produits médicaux à base de cannabis très rapidement – un mois – grâce à un grand travail de médiatisation du cas. La communication autour du cas de Grace est soigneusement conçue afin de créer un emballement médiatique. La coalition décide de publier un reportage grand format dans le journal The Washington Post aux États-Unis afin d’éviter une coloration politique interne au Mexique. Le reportage offre un cadrage autour du désespoir de la situation (« [à 8 ans] Grace est comme un nourrisson. Une fois elle a appris à dire “maman”, mais ensuite elle a perdu la capacité de parler »), de l’absence de revendication politique préméditée (« Mayela et son mari ne se voyaient pas comme des activistes faisant la promotion de la légalisation »), et du potentiel du cannabis (« la dernière chance », « le résultat alternatif de ne pas essayer est la mort ») [Partlow, 2015].
16Le cas de Grace inscrit la question du cannabis à l’agenda médiatique. Le cas est repris en long, en large et en travers dans les médias, et l’opinion publique se déclare à 81 % favorable à la légalisation du cannabis médicinal en octobre 2015, contre 48 % en janvier 2014 [Parametría, 2016]. Parallèlement, quelques initiatives parlementaires sont déposées par des parlementaires sensibles à la réforme de la politique des drogues.
17Ce contexte favorise le débat autour du cannabis récréatif à la Cour suprême. Le 4 novembre 2015, après un court débat, les juges déclarent que même si la prohibition du cannabis est légitime parce que la substance n’est pas « sans danger », elle est « disproportionnée » et donc « inutile » [Suprema Corte de Justicia de la Nación, 2015]. Selon les juges, la prohibition du cannabis est disproportionnée parce que, selon de nombreuses études citées dans le verdict, elle se fonde sur des arguments moraux qui ne permettent pas de montrer que la consommation de cannabis est une activité néfaste pour le consommateur ou pour la collectivité. Par conséquent, la prohibition devient une mesure non nécessaire, car d’autres instruments de prévention des dommages sanitaires (comme la dépendance) et sociaux (comme la délinquance) sont employés sans pour autant restreindre les libertés fondamentales. En examinant les politiques de régulation du cannabis dans d’autres pays et en comparant les modèles de régulation du tabac et de l’alcool, les juges mexicains affirment que la prohibition absolue du cannabis est inconstitutionnelle, car elle viole « le droit au libre développement de la personnalité » et autorise les requérants à consommer du cannabis.
18Toutefois, les règles de la jurisprudence au Mexique ne permettent pas de considérer que l’arrêt de 2015 change directement la politique publique. À la différence des autres pays où une seule sentence est nécessaire pour écarter une loi, au Mexique, cinq arrêts similaires sont nécessaires pour démontrer que les juges ne se substituent pas au législateur à partir d’un cas particulier. Ceci amène les défenseurs de la réforme à renouveler la mobilisation pour amener plus de cas devant la Cour suprême et consolide l’idée que la judiciarisation permet de contourner l’opposition présidentielle pour mettre la légalisation du cannabis à l’agenda politique. Ce faisant, l’arrêt sur le cannabis de 2015 catapulte le sujet sur les autres arènes politiques, et notamment au Parlement.
19À la suite de la décision de la Cour suprême, entre novembre 2015 et avril 2016, 19 propositions de loi pour légaliser le cannabis médicinal et/ou le cannabis récréatif sont déposées au Parlement par des membres de tous les partis politiques. L’arrêt change de manière radicale l’interprétation sociale autour du cannabis et, distinguant la plante des autres drogues et la rapprochant du tabac et de l’alcool, il légitime le besoin de créer un modèle d’accès au cannabis qui respecte les droits des consommateurs. Les présidents de la Chambre de députés et du Sénat décident de convoquer des audiences publiques conjointes pour discuter des modèles de régulation à choisir.
20Toutefois, le gouvernement décide de lancer en parallèle un « débat national sur la marijuana » [Gobierno Federal, 2016] afin de consulter des experts plus prohibitionnistes et retarder la prise de décision. Le président lui-même se déclare en « opposition à la légalisation du cannabis [mais] en faveur du débat » [El Economista, 2015]. Les débats gouvernementaux sont fortement prohibitionnistes, comme l’illustre la conférence inaugurale de la Dr. Bertha Madras, ancienne commissaire de l’Office national de la politique de contrôle des drogues de la Maison Blanche, qui affirme que la légalisation du cannabis provoque « une augmentation de la population dépendante, l’appauvrissement de la productivité académique et au travail, et la dégradation de la qualité de vie » [Gobierno Federal, 2016, p. 9-10].
21En raison d’une absence de majorité parlementaire (tableaux 2 et 3), il est nécessaire que les trois acteurs veto, c’est-à-dire les parlementaires et le gouvernement, s’accordent sur les points à modifier. Sur le cannabis médicinal, le pays doit faciliter l’accès aux produits dérivés à base de cannabis, avec un standard de qualité exigeant. Ceci favorise l’importation des produits dérivés depuis les États-Unis, où les produits à base de cannabis sont créés légalement depuis 1996, même si la production nationale est encouragée à moyen terme.
22Sur le cannabis récréatif, en revanche, les voix nécessaires à la légalisation ne sont pas suffisantes et la discussion se focalise sur la dépénalisation de la consommation. Ceci implique que, plutôt que de reconnaître le droit à consommer du cannabis, le gouvernement est prêt à tolérer la consommation sans garantir un accès légal à la substance. Concrètement, le gouvernement rejette l’idée de légaliser l’autoculture du cannabis, prônée par la Cour suprême, et se déclare uniquement favorable à la dépénalisation de la possession de 28 grammes de cannabis au maximum. Ces deux propositions sont les objectifs principaux d’un projet de loi soumis par le gouvernement au Parlement en avril 2016 [Presidente de los Estados Unidos Mexicanos, 2016]. Toutefois, le contexte politique change rapidement après l’annonce et le gouvernement perd l’intérêt pour la réforme.
23En effet, le parti du gouvernement, le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), sort perdant des élections locales de juin 2016. Les raisons de cet échec sont nombreuses et complexes [Payan Alvarado, 2016 ; Rocha Quintero, 2016], mais l’impression générale relève de l’idée que le président reçoit un vote de sanction de son électorat conservateur après s’être déclaré favorable à la reconnaissance du mariage entre des personnes de même sexe au niveau national [Beauregard, 2016]. Avec une popularité en chute libre à l’époque [Molina, 2018], le gouvernement décide d’écarter la légalisation du cannabis de l’agenda, car quelques parlementaires de son parti refusent de soutenir la réforme [Hernandez, 2016]. Par conséquent, le gouvernement, et en particulier les responsables de la politique des drogues au ministère de la Santé [Valdívia García, 2016, p. 177-178], conteste le projet de loi et freine les discussions au Parlement.
24Ce sont donc les membres de la coalition réformatrice, aidés en grande partie par les mères des enfants malades, qui contournent les vetos parlementaires et arrivent à trouver les voix nécessaires pour la légalisation du cannabis médicinal. Voyant lors de la session ordinaire des débats de l’automne 2016 que le cannabis n’entre pas à l’agenda, les membres de la coalition se proposent de forcer une prise de décision, si limitée soit-elle. Face aux oppositions des groupes conservateurs, comme l’Église [Sin Embargo, 2016] ou les sénateurs du parti conservateur PAN [González & Guerrero, 2016], la coalition décide d’abandonner les demandes autour de la dépénalisation et de se concentrer sur une légalisation du cannabis médicinal. Reprenant dans son ensemble la proposition du président, assez timide sur des produits à potentiel psychoactif et la production nationale, le lobby parlementaire réussit à organiser un vote au Sénat, quelques jours avant la fin de la session parlementaire ordinaire. Le 13 décembre 2016, avec une écrasante majorité de 98 voix à faveur, 7 voix contre et une abstention, le Sénat approuve la légalisation du cannabis médicinal. Ce sont surtout les sénateurs les plus libéraux qui, en guise de contestation face à une réforme plus ambitieuse, votent symboliquement contre la loi.
25Quand le projet passe à la Chambre des députés, cependant, les objections du parti de gouvernement PRI et du parti conservateur PAN se manifestent à nouveau. Les discussions politiques avancent lentement et ce n’est qu’une semaine avant la fin de la session ordinaire du printemps 2017, afin d’éviter un nouvel ajournement de la votation, que la coalition réformatrice se mobilise directement pour adresser les blocages. Mis devant le fait accompli que le texte approuvé au Sénat est majoritairement celui rédigé par la présidence, les députés du parti de gouvernement PRI sont convaincus rapidement de soutenir la réforme. Du côté de l’opposition conservatrice du PAN, néanmoins, les mères des enfants malades développent une double stratégie [Rivera-Vélez, 2023]. D’une part, elles ont cherché à visibiliser la réalité de leur situation en amenant leurs enfants malades dans la discussion avec les parlementaires. Ceci permet de rendre compte, en chair et en os, du potentiel transformateur que le cannabis pourrait avoir pour certaines personnes. D’autre part, utilisant une rhétorique conservatrice, elles arrivent à convaincre que la réforme n’est pas immorale. Selon leurs déclarations, les mères finissent par persuader un groupe de députés sceptiques grâce au « Rapport de la Commission nationale pastorale sur les drogues et la toxicomanie » publié par la Conférence épiscopale argentine, très proche du Pape François Ier, et qui revendique un « accès aux médicaments [à base de cannabis], distribués gratuitement par l’État » [Comisión Nacional de pastoral de adicciones y drogadependencia, 2016]. Les mères argumentent que le Mexique ne doit pas être « plus conservateur que le pape » et réussissent à faire basculer les opposants à la réforme.
26Le 28 avril 2017, la loi sur le cannabis médicinal est finalement adoptée par la Chambre des députés par une majorité de 374 voix en faveur, 7 voix contre et 11 abstentions. Afin de ne pas modifier le texte approuvé au Sénat, les mères encouragent les députés conservateurs à accepter le texte en général, même si de nombreuses réserves sont exprimées dans le vote particulier des articles. Le président Peña Nieto hésitera encore à ratifier la loi, mais finira par le faire le 16 juin 2017, avec un retard de plus d’un mois du délai prévu par la Constitution.
27Le processus parlementaire de la loi sur le cannabis médicinal au Mexique montre qu’en l’absence d’un commandement clair de la part du gouvernement, la négociation d’une réforme devient plus difficile, car les acteurs veto comme les partis politiques deviennent puissants. Toutefois, l’absence d’une participation constante et volontariste des acteurs administratifs et du gouvernement n’empêche pas les organisations de la société civile et les groupes d’intérêt de négocier avec l’ensemble des acteurs politiques pour aboutir à une décision a minima. En ce sens, les pouvoirs de veto peuvent être contournés par un jeu de prise de position, où face aux pressions des autres institutions, les acteurs préfèrent d’éviter le blâme d’être étiquettes comme ceux qui bloquent le changement [Weaver, 1986]. Plutôt que de s’opposer à ratifier la réforme, le gouvernement de Peña Nieto tentera de retarder et limiter l’accès au cannabis, y compris dans ses usages médicinaux, à travers la réglementation de la loi. Quoi qu’il en soit, la contestation et le contournement de ses blocages étaient toujours possibles à l’époque.
28La victoire d’AMLO au 1er juillet 2018 représente un espoir dans la réforme du cannabis. Certes, AMLO déclare depuis 2013 que la légalisation du cannabis est un « écran de fumée » qui tente de cacher les autres priorités du pays, notamment la lutte contre la pauvreté [Seco, 2013]. Par conséquent, il n’intègre pas la question du cannabis dans son projet politique et, au contraire, renforce la politique sécuritaire en consolidant le pouvoir de l’armée, malgré l’opposition de la société civile [Bizberg, 2019]. Pourtant, trois éléments donnent de l’espoir à la réforme du cannabis, même si à chaque fois ils sont bloqués par le président.
29Premièrement, AMLO arrive au pouvoir en même temps que la Cour suprême décide d’un cinquième cas de reconnaissance du droit à consommer du cannabis, créant une jurisprudence dans le pays. Prononcé le 31 octobre 2018, cet arrêt induit que tous les juges du pays doivent désormais reconnaître ce droit aux personnes demandant une autorisation pour cultiver et fumer du cannabis récréatif [Suprema Corte de Justicia de la Nación, 2018a, 2018b]. Avant de prononcer une déclaration générale d’inconstitutionnalité qui annulerait la loi de prohibition du cannabis, la Cour octroie 90 jours au Parlement pour légiférer en faveur de la légalisation.
30L’injonction à la réforme de la Cour suprême se couple à l’ouverture d’une fenêtre d’opportunité politique au Parlement. En effet, AMLO décide de nommer une ancienne juge de la Cour suprême et sénatrice, Olga Sánchez Cordero, en tant que ministre de l’Intérieur. Très favorable à la reconnaissance du droit à consommer du cannabis, Sánchez Cordero propose un projet de légalisation du cannabis au Parlement, le 18 novembre 2018. La proposition, dite de « régulation et contrôle du cannabis », se positionne globalement comme un « point intermédiaire entre la prohibition absolue et le libre marché », autorisant trois voies d’accès au cannabis – la culture à domicile, les clubs associatifs et un marché commercial légal – et encourageant le développement d’une véritable industrie des usages récréatifs, industriels, thérapeutiques et pharmaceutiques [Sánchez Cordero, 2018]. La proposition compte en plus avec le soutien du parti d’AMLO, MORENA, qui compte avec des majorités absolues dans les deux chambres du Parlement et ne subit ni opposition ni soutien explicite du président à l’époque [Nochebuena, 2023].
Tableau 2. Répartition à la Chambre des députés (500 sièges), 2006-2024
| Parti |
2006 |
2009 |
2012 |
2015 |
2018 |
2021 |
| PRI |
106 |
237 |
213 |
203 |
45 |
70 |
| PAN |
206 |
143 |
114 |
109 |
83 |
114 |
| PRD |
127 |
71 |
103 |
55 |
21 |
15 |
| MORENA |
|
|
|
35 |
189 |
198 |
| PT |
15 |
13 |
15 |
6 |
61 |
37 |
| Convergencia |
16 |
6 |
|
|
|
|
| PES |
|
|
|
8 |
56 |
|
| PVEM |
17 |
21 |
28 |
47 |
16 |
43 |
| MC |
|
|
17 |
25 |
27 |
23 |
| PANAL |
9 |
|
10 |
11 |
2 |
|
| Autres |
4 |
|
|
1 |
|
|
| Total sièges du parti ou coalition de gouvernement (Majorité : 251) |
PAN 206 (41,2 %) |
PAN 143 (28,6 %) |
PRI+PVEM 241 (48,2 %) |
PRI+PVEM 250 (50 %) |
MORENA +PT+PES 306 (61,2 %) |
MORENA +PT+PVEM 278 (55,6 %) |
En couleur figurent les différentes coalitions parlementaires.
Source : Institut national électoral INE, Mexique, 2006-2024.
Tableau 3. Répartition au Sénat (128 sièges), 2006-2024
| Parti |
2006 |
2012 |
2018 |
| PRI |
33 |
52 |
13 |
| PAN |
52 |
38 |
23 |
| PRD |
26 |
22 |
8 |
| MORENA |
|
|
55 |
| PT |
5 |
5 |
6 |
| Convergencia |
5 |
|
|
| PES |
|
|
8 |
| PVEM |
6 |
9 |
7 |
| MC |
|
1 |
7 |
| PANAL |
1 |
1 |
1 |
| Total sièges du parti ou coalition de gouvernement (Majorité : 65) |
PAN 52 (41 %) |
PRI+PVEM 61 (48 %) |
MORENA +PT+PES 69 (54 %) |
En couleur figurent les différentes coalitions parlementaires.
Source : Institut national électoral INE, Mexique, 2006-2024.
31L’initiative de Sánchez Cordero est une bouffée d’air frais dans le débat sur la légalisation des drogues au Mexique. Elle représente la première tentative de légalisation du cannabis récréatif émanant de l’exécutif et certains analystes prévoient que la loi pourra être adoptée sans grande entrave [Ferri, 2018]. À cette époque, de grandes figures de l’opposition, comme l’ancien maire de Mexico, Miguel Angel Mancera, ou l’ancien ministre de l’Intérieur de Peña Nieto, Miguel Angel Osorio Chong, manifestent aussi un soutien à la légalisation. Le processus parlementaire est quelque part retardé par les priorités politiques du nouveau gouvernement, mais au moment d’arrivée à expiration des délais octroyés par la Cour suprême, les parlementaires demandent de nouveaux délais et discutent des détails de la réforme. Le débat tourne alors sur les modalités de la légalisation et non plus sur la pertinence de légaliser, et les propositions les plus consensuelles sont celles de Sánchez Cordero.
32Enfin, AMLO envoie des signaux contradictoires par rapport à son opinion personnelle sur le cannabis. Très proche des courants évangéliques, le président a une perception des drogues comme source de violence et de déchéance sociale [Angles, 2020] et penche vers une envie de légaliser uniquement les usages médicinaux [Forbes, 2020]. Toutefois, la pandémie de Covid-19 provoque en lui un « changement de mentalité » et le président se dit sûr que les usagers de cannabis agiront « avec responsabilité », sans que des règles trop strictes ne soient imposées par l’État, et ce afin que chaque personne puisse agir en liberté [Bolaño, 2020]. Ceci répond à l’évolution de l’opinion publique, qui peu à peu bascule majoritairement en faveur de la légalisation (graphique 1). Quand les sénateurs adoptent un projet de légalisation du cannabis, le 19 novembre 2020, le président tolère la réforme.
Graphique 1. Opinion publique sur le cannabis récréatif au Mexique, 2013-2021
Source : Palazuelos Covarrubias [2020] ; Parametría [2013, 2014, 2016, 2018] ; UVM [2021]
33Cependant, les espoirs réformateurs sont très vite frustrés quand l’évolution politique de la mandature AMLO l’amène à absorber les pouvoirs de veto du Parlement et à neutraliser les voies de contournement des oppositions. En effet, les majorités absolues du président au Parlement lui octroient un pouvoir décisionnel sans entrave. Lorsque le débat sur la légalisation du cannabis arrive à la Chambre des députés, le gouvernement propose une rédaction complètement nouvelle du modèle de régulation, qui s’imposera comme la seule solution possible. Rejetant les propositions de Sánchez Cordero, le gouvernement prétend donner plus de liberté à l’industrie, supprime la création d’une nouvelle institution pour éviter des coûts, et même s’il autorise la culture à domicile du cannabis, augmente les sanctions pénales en cas de non-respect de la loi. Pour les défenseurs du cannabis, ces modifications sont vues comme contraires à l’esprit de la jurisprudence de la Cour suprême, mais l’idée qu’une régulation imparfaite est meilleure que le statu quo gagne en popularité parmi les réformateurs.
34Avec l’aval du pouvoir exécutif, le nouveau texte est adopté à la Chambre des députés le 10 mars 2021, avec 316 voix en faveur, 128 contre et 23 abstentions. Cependant, lors de la navette parlementaire, le sujet n’est plus prioritaire en raison des élections législatives de mi-mandat, décisives au président pour maintenir ses majorités parlementaires. Le président déclare que pour lui, même si la légalisation peut avoir des bénéfices économiques pour le pays, les drogues ne sont qu’« un commerce nuisible pour la santé ou, pire, qui provoque[nt] la violence ou [entraînent] la perte d’une vie humaine » [Forbes, 2021], ce qui, encore une fois, met à mal la réforme. Au Sénat, le cannabis n’entre pas à l’ordre du jour des sessions ordinaires et le cinquième délai octroyé par la Cour suprême arrive à terme le 30 avril.
35Par conséquent, le 28 juin 2021, la Cour se réunit en plénière et émet une « déclaration générale d’inconstitutionnalité » qui est censée légaliser officiellement le cannabis récréatif au Mexique en supprimant de la loi la prohibition totale du cannabis récréatif. Pourtant, la décision de la Cour suprême reste lettre morte. La bureaucratie chargée de l’instaurer perd sa capacité de mise en œuvre et d’interprétation de la loi, car, comme l’explique la théorie des acteurs veto, la diminution des points de veto permet au président d’exercer un contrôle plus direct sur l’action bureaucratique [Tsebelis, 2000, p. 467]. De plus, le président menace les réformateurs de soumettre la décision à un référendum populaire [Cortes, 2021], sachant que sa popularité lui donne un poids considérable pour faire basculer l’électorat. Au Mexique, l’apathie d’AMLO vis-à-vis du cannabis empêche la construction d’un système de légalisation solide et cohérent assurant un accès légal à la plante dans le pays.
36L’échec du processus de légalisation du cannabis au Mexique illustre comment le président AMLO devient un acteur veto tout-puissant en comparaison à ses prédécesseurs. D’une part, le président bénéficie des majorités parlementaires fortes qui lui permettent d’absorber les deux autres grands acteurs veto du pays, le Sénat et la Chambre des députés. Alors que pendant le mandat de Peña Nieto, la société civile était parvenue à contourner le blocage présidentiel en s’adressant directement aux parlementaires, dans le mandat d’AMLO ce sont les décisions du président qui s’imposent aux autres acteurs. Malgré un grand travail de l’exécutif à penser la légalisation du cannabis, incarné par le travail de la ministre de l’Intérieur au Sénat, le président modifie la politique publique à sa guise et décide de son approbation ou pas.
37D’autre part, le président réussit à neutraliser les voies de contournement de son pouvoir de veto. Alors que le refus des anciens présidents avait amené la société civile à judiciariser la légalisation du cannabis, celle-ci reste lettre morte en raison d’une inaction bureaucratique. À la différence d’une lecture des limites de la judiciarisation dans le contexte latino-américain [Botero et al., 2022], la légalisation du cannabis par la Cour suprême échoue, non pas parce que l’État est trop faible, mais parce que l’exécutif contrôle profondément la bureaucratie. Dans ce contexte, sans l’approbation présidentielle, aucun changement de la politique publique n’est possible.
38La théorie des acteurs veto soutient que la stabilité des politiques publiques provoque de l’instabilité politique parce que le gouvernement est considéré comme inefficace à résoudre les problèmes sociaux et cela renforce l’opposition. Alors que la légalisation du cannabis est soutenue par une majorité de la population, que les deux chambres du Parlement adoptent positivement des modèles de légalisation, et que la Cour suprême oblige l’État à reconnaître le droit à consommer du cannabis, le positionnement d’AMLO comme un acteur veto tout-puissant remet en question les mécanismes de contrôle politique, et par là même le caractère démocratique du pays.
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