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Comptes rendus

Marie-Pierre Lacoste, Les Intendants de la vice-royauté de la Nouvelle-Espagne (1764-1821), répertoire prosopographique

Madrid, Casa de Velázquez, 2021, 499 p.
Bernard Lavallé
p. 221-223
Référence(s) :

Marie-Pierre Lacoste, Les Intendants de la vice-royauté de la Nouvelle-Espagne (1764-1821), répertoire prosopographique, Madrid, Casa de Velázquez, 2021, 499 p.

Texte intégral

1Ce livre, né d’une thèse soutenue en 2017 à l’université Toulouse-Jean Jaurès, présente de façon très détaillée un corps administratif qui, comme l’écrit l’autrice, fut « ni plus ni moins que la clé de voûte sur laquelle s’appuie la monarchie dans le cadre de sa politique de rénovation de son appareil étatique américain » au cours de la seconde moitié du xviiie siècle.

2Si l’action de ce corps a été l’objet de recherches importantes, voire décisives, dans la plupart des régions de l’ancien empire (pour le cas mexicain on pense en particulier aux travaux de Horst Pietschmann), les hommes qui le composèrent ont été étudiés, eux, de manière plus lacunaire, surtout dans les zones marginales de la vice-royauté. Il faut d’ailleurs préciser que le présent livre ne se réduit pas à la seule Nouvelle-Espagne géographique, mais englobe aussi les intendants des régions, parfois lointaines, qui étaient sous son autorité : Cuba, Porto Rico, à une époque Louisiane et Floride, capitainerie du Guatemala et Philippines.

3Dans une longue introduction, le livre rappelle, en s’appuyant sur la meilleure bibliographie, l’établissement du système en Espagne puis sa généralisation en Amérique, à la vice-royauté de Nouvelle-Espagne en particulier.

4On remarque d’abord que les fonctions d’intendant recouvraient en fait des réalités très diverses. Les salaires alloués le révèlent sans équivoque : 12 000 pesos par an pour celui de Mexico, 8 000 à La Havane, entre 6 000 et 7 000 pour les intendances du Mexique central, mais 4 000 en Amérique centrale et dans les intendances provinciales de Cuba et à Porto Rico, 3 000 seulement (serait-on tenté d’écrire) en Louisiane et aux Philippines.

5Utilisant les résultats de son enquête d’une très grande précision, M.-P. Lacoste montre ensuite les critères d’accession au corps : les origines géographiques et sociales, les titres et distinctions des intendants ainsi que ceux de leurs parents immédiats et les postes occupés par ces derniers. Sur le premier point, une remarque : le fait d’être créole ou péninsulaire à soi seul n’est pas suffisamment significatif : y at-il eu une évolution dans la part respective des deux groupes tout au long de la période étudiée ? Les créoles étaient-ils nommés, comme les péninsulaires, dans les postes importants des capitales ou étaient-ils en quelque sorte confinés dans les emplois de second rang ?

6Le livre analyse aussi le rôle du clientélisme, des réseaux et des relations familiales dans les nominations, les charges occupées par les heureux élus à la veille de leur nomination, ainsi que leur âge (en moyenne entre 45 et 50 ans).

7La carrière des intendants est analysée au plus près : certains intendants (13 % d’entre eux) le furent à deux reprises, et six même, exceptionnellement, trois fois. La durée dans les postes est également étudiée. Plus de la moitié des charges n’ont pas excédé cinq ans, mais près de 30 % n’ont pas atteint une seule année. Pourquoi ? À l’inverse, d’autres (plus périphériques aux yeux des intérêts de l’État ?) ont été bien plus pérennes et ont dépassé dix années, voire deux décennies. Plusieurs titulaires ont en outre exercé dans diverses intendances et cumulé de ce fait plus de vingt années d’exercice dans la fonction.

8Le livre s’attache enfin à voir quel fut le devenir de ces intendants, une fois leur fonction terminée, compte tenu du fait que plus de 20 % décédèrent en fonction : 19,8 % repartirent en Europe sur des postes du type de ceux qu’ils avaient occupés auparavant, 17,6 % se virent offrir un autre emploi dans une autre région d’Amérique. Un point mérite d’être souligné. Sur les seize intendants en poste en 1821 au Mexique, neuf choisirent de servir les autorités de l’indépendance, dont six d’origine péninsulaire. Ceux qui refusèrent eurent des destins variés en Espagne mais aussi au Mexique où ils restèrent, tel Manuel Merino qui échappa aux deux lois d’expulsion des Espagnols en 1827 et 1829.

9L’essentiel du livre, près de trois-cent-cinquante pages, est constitué par les notices prosopographiques des deux-cent-trente-six intendants concernés, classés alphabétiquement par région d’exercice. Pour chacun sont indiqués le lieu de naissance, la filiation, les frères, le(s) mariage(s) et la belle-famille, les titres et distinctions, l’environnement relationnel (disons leur réseau), le patrimoine et, pour ceux qui écrivirent, la liste de leurs œuvres.

10Ce travail a été mené avec une méticulosité et une précision exceptionnelle, à la fois dans la bibliographie consultée (celle du livre fait une vingtaine de pages) mais aussi et surtout grâce à un remarquable travail d’archives : AHN (Madrid), AGI (Séville), Archives militaires de Ségovie, AGS (Simancas), de la Real Chancillería de Valladolid, pour les plus utilisées. De façon tout à fait normale, ces notices sont d’une précision variable, en fonction des caractères propres de la trajectoire des personnages concernés. De nombreuses font plusieurs pages et sont d’une richesse et d’une nouveauté qui retiennent l’attention et ne manqueront pas d’être utilisées par les spécialistes.

11Ce livre qui est dans la lignée de ceux de Burkholder et Chandler sur les oidores et les membres du Conseil des Indes au xviiie siècle, va faire date. Il est en effet conçu comme un remarquable instrument de travail. Disons à cet égard que l’index des personnes citées fait près de cinquante pages et comporte plus de… cinq mille noms ! Il ne sera plus possible de travailler sur les intendants et les intendances de Nouvelle-Espagne, d’une façon générale, sur les territoires plus ou moins lointains qui lui étaient soumis (donc une vaste partie de l’ancien empire espagnol) à cette époque sans se référer à l’ouvrage de Marie Pierre-Lacoste.

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Pour citer cet article

Référence papier

Bernard Lavallé, « Marie-Pierre Lacoste, Les Intendants de la vice-royauté de la Nouvelle-Espagne (1764-1821), répertoire prosopographique »Caravelle, 117 | 2021, 221-223.

Référence électronique

Bernard Lavallé, « Marie-Pierre Lacoste, Les Intendants de la vice-royauté de la Nouvelle-Espagne (1764-1821), répertoire prosopographique »Caravelle [En ligne], 117 | 2021, mis en ligne le 01 février 2022, consulté le 19 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/caravelle/11886 ; DOI : https://doi.org/10.4000/caravelle.11886

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