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Comptes rendus

Ingrid Simson et Guillermo Zermeño Padilla, La historiografía en tiempos globales

Antonella Romano
p. 218-220
Référence(s) :

Ingrid Simson et Guillermo Zermeño Padilla, La historiografía en tiempos globales, Édition Tranvia, Berlin, 2020.

Texte intégral

1Publié sous la direction de Ingrid Simson et de Guillermo Zermeño Padilla, La historiografía en tiempos globales, l’ouvrage réunit des articles aux histoires distinctes : partant des actes d’un colloque de 2014 qui réunissait certain.e.s des auteur.e.s sur la question de l’histoire globale et de ses effets sur l’historiographie – mais aussi sur la nouvelle écriture de l’histoire susceptible d’être portée par des projets d’histoire globale –, le volume s’est progressivement enrichi : d’une part de textes de référence sur les enjeux actuels de l’historiographie écrits par certains des principaux auteurs spécialisés dans ce domaine ; d’autre part, de contributions complémentaires à celles déjà réunies en vue d’approfondir certains aspects des questions soulevés dès 2014. L’histoire de cette genèse en trois temps se retrouve dans la table des matières, elle-même orchestrée en quatre mouvements : « L’historiographie par temps incertain » ; « Les approches de l’histoire par temps de globalisation » ; « Globalisation, philosophie, histoire et anthropologie » ; « L’histoire globale en mouvement ».

2L’introduction est signée par les deux éditeurs. Pour des lecteurs de l’espace de travail francophone spécialisés dans les mondes ibériques, la géopolitique académique dont elle témoigne peut surprendre. Elle s’appuie en effet sur le binôme Mexico-Berlin, représenté par Ingrid Simson, de l’Institut d’études sur l’Amérique latine, basé à la Frei üniverstät de Berlin, et Gullermo Zermeño Padilla, historien du Colegio de Mexico, dont les liens avec la France et la réflexion historiographique de François Hartog à l’Ehess, dans le sillage de Michel de Certeau, complètent une riche relation avec l’Europe dont l’Allemagne a été son premier lieu de formation. Si l’on sait l’importance des travaux d’origine allemande sur les espaces ibéro-américains, on n’en mesure pas toujours la dimension dialogique, habitués que l’on est, de ce côté-ci du Rhin, à une relation privilégiée entre la France et les espaces hispanophones et lusophones du continent américain. Or c’est une des particularités de ce volume que de rassembler un ensemble de collègues, de différentes générations, qui dessinent implicitement une communauté d’échanges scientifiques dont la réflexion se trouve à la croisée de l’historiographie et de l’histoire globale. Le travail choral permet ainsi de mettre au jour les contributions qui émanent principalement du Brésil, de l’Uruguay, du Mexique et de l’Allemagne, sur la base d’un ensemble de références historiographiques qui se retrouvent au fil des contributions, et qui émanent principalement de la recherche anglophone ou produite en anglais sur l’histoire globale. À cet égard, l’article de S. Rinke (p. 255-273), qui fait le point sur l’état de l’historiographie allemande sur l’Amérique latine est particulièrement intéressant, notamment pour un public français, qui découvre à la fois la richesse (déjà ancienne) des recherches du monde germanique sur les échelles de l’analyse, et en particulier sur le « régional », et les possibilités du réinvestissement de ces travaux sur l’Amérique latine (p. 255-273).

3On pourra ainsi apprécier à leur juste valeur les bilans historiographiques sur les avancées de l’histoire globale sur le continent ibéro-américain dressés par George Zeidan Araujo, Fabio Franzini, Juan Andres Bresciano, Lizette Mora et Luis Ferla dans la deuxième partie du volume (p. 101-193). Ils viennent heureusement compléter une connaissance encore trop inégale sur l’état de l’historiographie sur le global dans cette partie du monde, et invitent à dresser d’autres états des lieux à partir d’autres parties du monde. Le monde ibéro-américain est un des acteurs de ces débats, comme en témoigne par exemple le numéro spécial de la revue colombienne Historia crítica de 2018. Ce qui invite à un travail réflexif sur la variété des configurations épistémologico-institutionnelles que couvre ce vaste espace régional, comme le programme « Iberoconceptos » présenté par Zermeño vise à le faire (p. 303-318). À lire les différents articles, à commencer par l’introduction, on mesure tout à la fois la richesse et la diversité de ces expériences qui se déploient ainsi dans une polyphonie de quêtes de généalogies pour l’histoire globale et ont l’avantage de ne chercher à en proposer aucune définition.

4Il est difficile pour un seul ouvrage de prendre à bras le corps l’ensemble des défis que l’histoire globale pose à l’historiographie comme domaine propre de la recherche historique et on comprend bien que l’un des fils conducteurs de plusieurs contributions soit celui de l’articulation analytique de la globalisation comme phénomène contemporain et de l’histoire globale comme approche dominante et susceptible de redessiner les contours du débat historiographique. On ne peut donc qu’apprécier l’intérêt du volume et son originalité.

5Si c’est bien la question de l’historiographie comme discipline qui en est le cœur, il est alors d’autant plus intéressant de mettre en lumière les connexions historiographiques qu’il renforce. On constatera en effet l’absence de l’Afrique, de l’Asie ou de l’Océanie dans les textes réunis, alors qu’ils sont a priori inscrits dans un débat d’échelle globale. Or les deux dernières décennies ont été non seulement marquées par de profonds bouleversements dans les modalités mêmes de recomposition de l’historiographie mondiale et sur le global, mais aussi par la relecture de l’histoire des empires ibériques au-delà du cadre transatlantique.

6Sur le premier point, on est entré, depuis le début du siècle, et il n’était que temps, dans un moment où la critique de l’eurocentrisme épistémique a produit deux types de phénomènes parfois disjoints : d’une part, la réflexivité sur la pluralité des traditions épistémologiques d’écriture de l’histoire, qui invite à prendre la mesure des différents outils, questions ou méthodes mobilisés dans différentes régions et langues du monde  ; d’autre part, la recherche d’épistémologies alternatives, dont l’article de Federico Navarrete Linares, sur la « cosmohistoire » offre un exemple (p. 227-252), mais sans ouvertures sur d’autres propositions développées ailleurs, alors que la question plurielle des « historie indigènes » ne relève a priori d’aucune spécificité (ibéro)américaine. La question du « Sud global » par exemple aurait pu être un des horizons de la discussion. Sur le second point, l’histoire des connexions de l’Amérique ibérique dans une direction transpacifique ou atlantique qui privilégie l’axe afro-américain, est sans doute porteuse de nouvelles potentialités de dialogues historiographiques.

7Plusieurs articles développent des points de vue critiques sur la catégorie de globalisation et ses impensés, ou, pour le moins, ses angles morts. À les pousser davantage, ils auraient pu mettre en perspective leurs propres travaux avec d’autres qui font surgir d’autres questions ou des problèmes identiques. Il s’agirait ainsi de mieux mesurer l’intensité et l’homogénéité du phénomène selon les différentes régions du monde considéré, voire, dans une même région, selon les différents mondes sociaux considérés. En d’autres termes la question du caractère situé de l’analyse prend sans doute une épaisseur particulière dès lors que l’on parle du « global ». La critique de l’historiographie comme pratique historienne eurocentrique par excellence (que la première partie du volume pourrait sembler soutenir en regroupant des textes de R. Koselleck, F. Hartog, K. Schlögel et H. U. Gumbrecht) est au cœur de débats renouvelés sur la question de l’écriture de l’histoire du/dans le Nouveau Monde. Le volume édité par Simons et Zermeño invite au dépassement de cette critique.

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Pour citer cet article

Référence papier

Antonella Romano, « Ingrid Simson et Guillermo Zermeño Padilla, La historiografía en tiempos globales »Caravelle, 119 | -1, 218-220.

Référence électronique

Antonella Romano, « Ingrid Simson et Guillermo Zermeño Padilla, La historiografía en tiempos globales »Caravelle [En ligne], 119 | 2023, mis en ligne le 01 janvier 2023, consulté le 18 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/caravelle/13489 ; DOI : https://doi.org/10.4000/caravelle.13489

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