Ángel Luis Román Tamez, Indios mineros y encomenderos. Análisis sobre la composición y comportamiento de la renta de la encomienda de Opiramá, provincia de Popayán, Nuevo Reino de Granada (1625-1627)
Ángel Luis Román Tamez, Indios mineros y encomenderos. Análisis sobre la composición y comportamiento de la renta de la encomienda de Opiramá, provincia de Popayán, Nuevo Reino de Granada (1625-1627), Bogotá, Pontificia Universidad Javeriana, 2017, 293 p.
Texte intégral
1L’encomienda est sans doute un des sujets sur lequel s’est le plus attardée l’historiographie suscitée par l’ancien empire espagnol d’Amérique et qui a entraîné bien des débats. Il suffit de penser, par exemple, aux travaux classiques de Silvio Zavala, Lesley Byrd Simpson, Charles Gibson, John Murra, et de Germán Colmenares dans le cas de la Nouvelle-Grenade. Les approches ont été diverses et ont privilégié, selon les cas, les perspectives théoriques, juridiques ou sociales mais, comme le remarque l’auteur, bien peu se sont attachées au fonctionnement économique des encomiendas, et les chercheurs qui l’ont fait, par exemple Carlos S. Assadourian pour les Andes, ont pour l’essentiel envisagé les choses au niveau macro.
2L’auteur de ce livre s’est engagé dans une voie résolument nouvelle, dans la mesure où il a eu la chance de trouver les comptes d’une encomienda sur deux années (1625-1627), lorsque son titulaire ayant disparu, pour des raisons non élucidées, l’administration de l’encomienda passa aux oficiales reales, c’est-à-dire à la Couronne. C’est donc de l’intérieur et presque au niveau du quotidien que l’enquête a pu être menée, d’où le caractère exceptionnel de ce livre.
3Il s’ouvre sur un premier chapitre théorique et de cadrage dans lequel est analysée, en quelque sorte « l’histoire de l’histoire » de l’encomienda, à partir des coordonnées historiographiques et méthodologiques de la production bibliographique sur cette question. Puis, passant au cadre de l’ouvrage, une encomienda de la région de Popayán, A. L. Román Tamez dresse à grands traits et de manière évocatrice le contexte juridique et territorial des encomiendas néo-grenadines et les conséquences qu’elles eurent sur les populations premières des régions concernées.
4Avec le second chapitre, on entre dans le vif du sujet, à savoir l’étude de l’encomienda d’Opiramá à l’époque en question. Pour ce faire et afin de bien comprendre son fonctionnement, l’auteur examine, sans s’attarder mais avec une grande précision et une efficacité certaine, la façon dont le fonctionnement de l’encomienda est passé au fil du temps des règles pour l’essentiel fixées par l’Espagnol à qui elle avait été attribuée à celles appliquées par les oficiales reales et la Couronne. Enfin se trouvent exposés la nature et le fonctionnement du système de charges externes pesant sur l’organisation productive de l’encomienda et leur incidence sur le revenu de cette dernière.
5Le troisième chapitre, le plus long, le plus précis et le plus neuf, est consacré à une étude très minutieuse des comptes de l’encomienda d’Opiramá au cours des années en question. On y voit la nature, la composition et l’évolution de la rente qu’elle produisait en fonction de ses entrées (cargos) et de ses sorties de fonds (egresos). Au fil des pages, on trouve aussi une fine analyse du tribut payé en métal, en maïs et en poules, mais aussi un aspect très intéressant, la conmutación, à savoir la remise d’or extrait par une cuadrilla d’Indiens tributaires travaillant sur des placers aurifères le long des berges du fleuve Buenavista. Bien que située aux marges de la légalité (elle avait été interdite par les Leyes nuevas et leur application néo-grenadine), cette pratique en était venue à fournir près de la moitié (42,85 %) de la rente nette. Très significative est aussi la constatation que les communautés indigènes de l’encomienda en question durent assurer par leur force de travail le transfert à leur charge des frais de fonctionnement de l’encomienda. Une double peine en somme.
6Les conclusions tirées de cette enquête sont à la fois nettes et fort intéressantes dans la mesure où elles peuvent être appliquées sans doute à bien d’autres encomiendas. Elles montrent d’abord que les modèles de recherche auxquels souvent ont été soumises les encomiendas peuvent à de nombreux égards être remis en question quand il est possible, comme dans le cas présent, d’avoir à sa disposition les comptes de l’unité productrice. Le livre prouve aussi une réalité dont on se doutait mais qui restait à prouver, à savoir l’impact significatif des modèles de production préhispaniques et des premières années de colonisation sur le fonctionnement postérieur de l’encomienda. Ensuite, près de la moitié de la rente nette de l’encomienda fut générée par des processus indirects non enregistrés dans les livres d’administration et ainsi, fait d’une grande importance, une partie non négligeable des sommes payées par l’encomienda furent en réalité transférées aux communautés indiennes dont les charges devinrent de ce fait bien plus lourdes que l’on ne le croit généralement.
7En conclusion, à partir de ses constatations et de ses analyses, l’auteur remarque que, comme l’avait écrit Assadourian, malgré un cadre juridique en principe unique, les encomiendas ont aussi évolué selon des contraintes régionales variées et les périodes concernées. Les visitas ont également joué un rôle déterminant. À cet égard, l’apparition de la conmutación dont il a été question plus haut est significative. D’un autre côté, le jeu entre « rationalisation économique » et déviance par rapport à la norme édictée a été, dans ce domaine comme dans d’autres, un aspect décisif de l’évolution des pratiques en cours dans les encomiendas.
8Román Tamez signale d’autres éléments à prendre en compte, la persistance de certaines composantes du système, la disparition progressive des services personnels obligatoires, l’augmentation continue de la monétarisation de la rente, le transfert vers la Couronne et la Hacienda Real des paiements effectués dans le cadre de l’encomienda.
9Comme on le voit, on est en présence d’un livre très original, très bien conduit, dont l’intérêt dépasse et de loin le cadre de la région étudiée. Il est désormais indispensable à toute étude de l’encomienda et devrait susciter de nouvelles approches sur cette question que l’on pouvait croire épuisée.
Pour citer cet article
Référence papier
Bernard Lavallé, « Ángel Luis Román Tamez, Indios mineros y encomenderos. Análisis sobre la composición y comportamiento de la renta de la encomienda de Opiramá, provincia de Popayán, Nuevo Reino de Granada (1625-1627) », Caravelle, 111 | 2018, 191-192.
Référence électronique
Bernard Lavallé, « Ángel Luis Román Tamez, Indios mineros y encomenderos. Análisis sobre la composición y comportamiento de la renta de la encomienda de Opiramá, provincia de Popayán, Nuevo Reino de Granada (1625-1627) », Caravelle [En ligne], 111 | 2018, mis en ligne le 01 mai 2019, consulté le 18 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/caravelle/4061 ; DOI : https://doi.org/10.4000/caravelle.4061
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