1A. Castillero Calvo est connu pour une importante production historiographique sur de nombreux aspects de son pays, le Panamá, à l’époque coloniale. Étant donné le rôle primordial qu’a joué l’Isthme pendant des siècles dans le transit de l’argent de Potosí, il n’est somme toute pas étonnant que cet auteur s’y soit intéressé et au-delà ait cherché à reconstituer le tissu dans lequel il se situait. Ce livre traite d’une question essentielle pour l’histoire de l’Amérique et son insertion dans l’économie-monde, celle des métaux précieux qui, pendant des siècles, furent son attrait principal aux yeux des puissances européennes qui s’y étaient installées ou étaient exclues de ces pactoles et devaient donc trouver d’autres voies pour y avoir accès.

2La mine en Amérique coloniale a suscité, c’est bien connu, de nombreux ouvrages. Il n’est pas de région concernée qui ne puisse présenter aujourd’hui une bibliographie, abondante et souvent de qualité, sur les différentes composantes de cet aspect de son histoire. Le livre d’Alfredo Castillero Calvo propose, lui, une synthèse sur cette importante question mais, comme l’indique le titre, va beaucoup plus loin, dans la mesure où il s’attache aussi à montrer comment l’or, l’argent, voire les pierres précieuses en provenance du Nouveau Monde, partirent vers l’Ancien, Europe et Asie, et jouèrent à plusieurs époques dans son économie un rôle essentiel.

3On trouve donc dans cet ouvrage une somme d’informations tout à fait remarquable, d’une grande précision, très intelligemment présentée et hiérarchisée sur les grands centres que furent Potosí, dans les Andes, Zacatecas, Guanajuato, etc. en Nouvelle Espagne, le Minas Gerais au Brésil, mais aussi des zones d’extraction moins connues mais qui jouèrent néanmoins, avec des cycles plus ou moins longs, un rôle non négligeable dans le contexte général américain : l’or du Darién et de Veraguas, l’argent du Honduras, l’or de Nouvelle-Grenade, par exemple. Y sont traités les problèmes de la production, leurs implications sur les économies locales et régionales, le rythme et la durée des cycles, les conséquences sur la vie sociale, voire culturelle.

4Cet aspect, très bien mené et élégamment présenté de ce livre, n’est cependant qu’un volet du diptyque sur lequel il est construit. Alfredo Castillero s’intéresse aussi beaucoup au devenir lointain de ces richesses. Il les replace dans le monde de leur époque, analyse l’impact des métaux précieux dans l’économie occidentale du XVIIe siècle, et en particulier dans la crise globale que connaît l’Europe à cette époque, mais il insiste aussi sur l’organisation de l’empire espagnol qui en résulta, avec les longues routes de l’argent en Nouvelle-Espagne et dans les Andes, avec leurs multiples implications économiques et sociales, le système des flottes et le monopole de la Carrera de Indias, les foires annuelles qui lui étaient liées et dont vivaient de nombreux secteurs de la société américaine.

5Des pages très suggestives sont aussi consacrées à l’arrivée de l’argent américain en Asie, au Japon qui avait ses propres mines, et à la Chine, qui malgré son relatif isolement, n’en restait pas moins la destinataire finale d’une part non négligeable de l’argent américain, à la fois par le biais des Philippines et du Galion de Manille et des comptoirs portugais qui redistribuaient une partie de ce que Lisbonne avait pu capter du pactole hispano-américain. A. Castillero Calvo montre aussi excellemment le rôle de ces métaux précieux américains dans la constitution des empires maritimes hollandais d’abord, avec les Compagnies des Indes Occidentales et Orientales, mais aussi anglais, et ce jusqu’au XIXe siècle et aux guerres de l’opium.

6Le livre se conclut sur un chapitre consacré aux activités minières hispanoaméricaines à l’époque des Bourbons qui vit une sorte de renaissance de la production, surtout en Nouvelle-Espagne, entraîna une certaine reconfiguration de l’Empire espagnol, et qui eut elle aussi une forte incidence, cependant moins connue que celle du siècle précédent, sur l’économie européenne.

7Soulignons que ce livre comporte une bibliographie très complète, et donc très utile, sur les nombreuses questions abordées, et qu’il est accompagné aussi d’une iconographie très abondante et d’excellente qualité qui en fait pratiquement un beau livre au sens bibliographique du terme.

8On ne peut donc que saluer cette belle et intéressante publication qui allie une richesse et une rigueur scientifiques indiscutables à une qualité éditoriale rare dans le domaine des livres de ce type.