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Comptes rendus

Alain YACOU.- La longue guerre des nègres marrons de Cuba (1796-1852)

Paris, CERC-Karthala, 2009.- 486 p.
Bernard Lavallé
p. 315-316
Référence(s) :

Alain YACOU.- La longue guerre des nègres marrons de Cuba (1796-1852).- Paris, CERC-Karthala, 2009.- 486 p.

Texte intégral

1Le marronnage a été une des caractéristiques constantes et générales dans toutes les régions où a sévi l’esclavage des Noirs en Amérique coloniale. Aucune époque, aucune région n’y a échappé, si bien que le refus qu’il signifie est sans aucun doute tout aussi porteur de sens que l’esclavage lui-même.

2Alain Yacou nous donne ici un livre fondamental que l’on attendait depuis longtemps sur le cas cubain du XIXe siècle auquel il a consacré tant d’études décisives. L’ouvrage se présente en trois parties. La première, intitulée Le marronnage comme élément de subversion de la société coloniale esclavagiste, pose les cadres de la question et les problèmes qu’elle suscite : origine du mot marron, présence du marron dans la littérature cubaine, actualité politique du personnage et état des travaux sur la question, puis en vient à une typologie des marrons : circonstances et mécanismes de leur désertion, facteurs ethniques et socio-culturels, causes classiques du marronnage (mauvais traitements, conditions de travail, relâchement de la discipline et surtout aspiration à la liberté).

3Ensuite A. Yacou passe à une géographie très intéressante du phénomène analysé par régions (Vuelta Abajo, La Havane-Matanzas, Las Villas-Camagüey, Oriente) qui prouve que le marronnage a été partout présent à Cuba, même si la configuration des différentes contrées de l’île a évidemment joué un rôle déterminant. L’ouvrage étudie aussi très en détail les fondements socio-culturels de la société marronne : l’organisation des palenques, les conditions de vie et les activités qui s’y organisèrent pour assurer la subsistance des fugitifs. La contrepartie était évidemment les luttes contre la société esclavagiste que les marrons avaient fuie : incursions dans les zones de culture sucrière, maraudage et rapines de toute sorte dans le monde colonial, dans certains cas même véritable mise à sac des habitations et tentatives de désorganisation de l’appareil de production.

4La seconde partie du livre est consacrée à la répression de l’appareil colonial : législation (notamment le règlement de 1796), le contre-projet de la Santa Hermandad de 1798, l’organisation des « chasses » et de la police rurale, la composition des brigades, leur gratification, le contrôle des forces de répression, les Règlements de 1814 et 1832. A. Yacou montre aussi avec une grande précision comment travaillaient les rancheadores, et termine cette longue partie en tentant une sorte de bilan de cette politique répressive : ses résultats, son coût, l’opinion des propriétaires de plantations mais aussi d’autres secteurs de la population, et celle des autorités coloniales obsédées par le coût de cette politique et en définitive son piètre rendement en matière d’efficacité au regard des résultats obtenus.

5La troisième partie de l’ouvrage est consacrée aux luttes armées entre marrons et forces de l’ordre, non plus sous la forme de simples opérations de police mais dans la perspective d’une véritable guerre, comme l’annonce le titre du livre, certes larvée, non déclarée, cependant bien réelle entre les marrons et les autorités. L’étude est divisée en deux ensembles concernant les deux domaines géographiques où s’était surtout développé le problème : la partie occidentale de l’île (1819-1847) notamment dans les hauteurs de la Vuelta Abajo où les conflits commencent dès le début du XIXe siècle (1819-1822) et se poursuivent de manière épisodique par l’offensive marronne de 1821-1822, les grandes battues de 1833 et 1840, avant la reprise de la violence par les deux groupes en présence au cours des années 1845-1847.

6Pour la région orientale, l’étude est encore plus précise et détaillée dans la mesure où la guerre marronne a été plus violente, plus présente, plus multiforme aussi, étant donné la plus grande prégnance de l’esclavage dans cette zone, parfois inattendue dans sa forme, puisqu’il y eut aussi des négociations, et que l’Église s’en mêla et envoya des missionnaires. On voit bien aussi à quel point cette question hantait l’esprit des gouvernants, de l’Eglise et des Espagnols qui vivaient dans la région et y avaient leurs intérêts. De l’étude d’Alain Yacou, il ressort qu’en fait au cours de la première moitié du siècle toute la vie de l’Oriente cubain fut en quelque sorte scandée par cette question lancinante.

7Ce gros livre particulièrement bien documenté, assis sur un travail d’archive considérable en Espagne et à Cuba et conduit de manière magistrale, donne une vision générale et détaillée d’un phénomène sans lequel on ne peut comprendre les réflexions politiques sur et à Cuba dans la première moitié du XIXe siècle, jusqu’à la veille de l’explosion de 1868 et de la Guerre de dix ans. Dans des pages de conclusion très fines, A. Yacou fait aussi un bilan du marronnage en lui-même. Loin des perspectives orientées qui ont voulu parfois faire de cette réalité du monde colonial, cubain en l’occurrence, le ferment même de sa dissolution¸ ce livre s’efforce de donner sa juste place au marronnage qui, loin des slogans, acquiert ainsi tout son sens mais son véritable sens.

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Pour citer cet article

Référence papier

Bernard Lavallé, « Alain YACOU.- La longue guerre des nègres marrons de Cuba (1796-1852) »Caravelle, 94 | 2010, 315-316.

Référence électronique

Bernard Lavallé, « Alain YACOU.- La longue guerre des nègres marrons de Cuba (1796-1852) »Caravelle [En ligne], 94 | 2010, mis en ligne le 01 avril 2010, consulté le 27 mars 2025. URL : http://journals.openedition.org/caravelle/8058 ; DOI : https://doi.org/10.4000/caravelle.8058

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