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Dossier – Paraguay : une cartographie entre oubli et mémoire

Réévaluer le rôle de la société civile dans la transition démocratique paraguayenne (1989-2019)

Julien Demelenne et Damien Larrouqué
p. 95-108

Résumés

La littérature académique présente la société civile paraguayenne comme fragile ou atomisée. Nous entendons relativiser cette vision pessimiste, voire conservatrice, en démontrant qu’elle constitue un acteur important de la transition démocratique. L’épisode insurrectionnel du Marzo paraguayo de 1999 marque un point de bascule majeur dans l’évolution des relations entre la société civile, la classe politique et le pouvoir militaire.

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Texte intégral

  • 1 Casaccia, Gabriel, Los exiliados, 1re éd. 1966, Asunción, Intercontinental Editora, 2005, p. 173.

« […] nosotros los paraguayos somos sumisos por herencia a las autoridades prepotentes y mandonas. Esa parte de indio que tenemos nos ha hecho obedientes y respetuosos a las órdenes y al látigo1. »
Gabriel Casaccia

  • 2 Rivarola, Domingo, « Conservadurismo y cultura política en la transición » [1994], Revista Paragu (...)
  • 3 Rodríguez Alcalá, Guido, Ideología Autoritaria, Asunción, Servilibro, 2007.
  • 4 García, José, « La psicología política en el Paraguay: historia, cultura y comportamiento », in I (...)
  • 5 Sondrol, Paul, « Paraguay: a Semi-Authoritarian Regime ? », Armed Forces & Society, vol. 34, no 1 (...)
  • 6 Fuentes, Claudio José, La maldición del legionario, Asunción, Editorial Tiempo de Historia, 2016  (...)
  • 7 Capdevila, Luc, Une guerre totale : Paraguay, 1864-1870. Essai d’histoire du temps présent, Renne (...)

1Considéré comme l’un des précurseurs de la littérature contemporaine paraguayenne, Gabriel Casaccia (1907-1980) décrit dans Los exiliados (1966) un trait caractéristique de l’idiosyncrasie nationale, dont les travaux académiques se font également l’écho. Réputée conservatrice2, soumise à une « idéologie autoritaire3 » et rétive aux changements4, la société civile paraguayenne serait encline à la servitude. Pour Sondrol, cette apathie politique constituerait même l’un des facteurs de la fragilité démocratique d’un pays au régime « semi-autoritaire5 ». Il est vrai que la récurrence des interventions militaires dans la vie politique, notamment à la suite de la guerre du Chaco (1932-1935), a été peu propice à l’enracinement d’une culture démocratique. Bien au contraire, la figure du soldat paraguayen, associée à celle du Pynandí colorado (le colorado aux pieds nus) après la guerre civile de 19476, sont devenus les marqueurs à part entière d’une identité nationale érigée sur la base de préceptes martiaux, nationalistes et anticommunistes7.

  • 8 Sondrol, Paul, « The Emerging New Politics of Liberalizing Paraguay: Sustained Civil-Military Con (...)
  • 9 Riquelme, Marcial, « Toward a Weberian Characterization of the Stroessner Regime in Paraguay (195 (...)
  • 10 Nickson, Andrew, « Tyranny and Longevity: Stroessner’s Paraguay », Third World Quarterly, vol. 10 (...)
  • 11 García, José, op. cit., passim ; Soler, Lorena, « Beyond Coercion: Social Legitimation and Conser (...)
  • 12 Arditi, Benjamin, Adiós a Stroessner. La reconstrucción de la política en el Paraguay, Asunción, (...)
  • 13 Dans une contribution récente, Soler affirme que la coercition la plus violente s’est d’abord exe (...)
  • 14 Roa Bastos, Augusto « Prólogo a la primera edición: El terror escrito por el mismo », in Boccia P (...)

2À partir de 1954, la dictature d’Alfredo Stroessner correspond à l’acmé d’une « tradition prétorienne8 » qui s’est cristallisée dans un régime « néo-sultaniste9 », où l’anti-intellectualisme primaire, la répression politique indifférenciée et le culte à la personnalité en constituaient les éléments distinctifs. Durant ses 34 longues années de domination indiscutée, le Stronato (1954-1989) a instillé une « culture de la peur10 » si étouffante, qu’elle aurait fini par ancrer dans l’inconscient collectif la soumission à l’autorité et aux valeurs traditionnelles11. D’après Benjamín Arditi, l’État stroessniste se serait même montré « omnivore12 », dans le sens où il a eu un appétit insatiable à l’heure de « dévorer » toute forme de dissidence13. Comme l’a également affirmé l’écrivain Augusto Roa Bastos après la découverte des Archives de la Terreur – lesquelles ont permis de révéler les atrocités d’un terrorisme d’État organisé à l’échelle régionale, « Las atrocidades [de la dictadura] fueron innumerables: la mayoría de ellas, indescriptibles. Su marca a fuego pirograbó el cuerpo de la sociedad paraguaya, en su totalidad14 ».

  • 15 Cité par Soler. Cf. Soler, Lorena, Paraguay: La Larga Invención del Golpe, Asunción, Arandurã, 20 (...)
  • 16 Potthast, Barbara, Whigham, Thomas, « The Paraguayan Rosetta Stone: New Insights into the Demogra (...)
  • 17 Makaran, Gaya, « La imagen de la mujer en el discurso nacionalista paraguayo », Latinoamérica, vo (...)
  • 18 Cerna Villagra, Sarah, « Yvy Marae’y: el conflicto con los pueblos indígenas en Paraguay », Améri (...)

3À la lumière de la littérature, il faudrait croire qu’il existe au Paraguay une espèce d’atavisme socioculturel ayant eu pour double effet la dévitalisation et la dépolitisation de la société contemporaine. Dans les récits de la post-dictature, on croise souvent cette idée d’un « pays sans société » ou, selon l’expression non dénuée de machisme et que dénonce José Carlos Rodríguez, d’un pays de « gente niña15 ». Cette représentation d’une société paraguayenne « démasculinisée », voire infantilisée, remonte aux conséquences de la Guerre de la Triple Alliance (1864-1870) qui, dans les faits, a saigné le pays de sa population masculine dans des proportions considérables : certaines communautés ne comptaient plus qu’un homme pour vingt femmes dans les années 188016. Cette « émasculation démographique » a eu pour incidence de porter les femmes paraguayennes au pinacle de l’histoire nationale17, sans que pour autant elles n’y gagnent en termes d’émancipation sociale. Le machisme reste prégnant et les revendications féministes largement inaudibles. Toutefois, l’émergence du mouvement Kuña Pyrenda (Les femmes debout) à partir de 2013 tend à montrer que cette société paraguayenne est moins velléitaire qu’on ne pourrait le croire18.

  • 19 Flecha, Victor Jacinto, Matini, Carlos, Historia de la Transición. Pasado y Futuro de la Democrac (...)
  • 20 Lefort, Claude, L’invention démocratique : Les limites de la domination totalitaire, Paris, Fayar (...)
  • 21 Le concept de « transition pactée » désigne le processus par lequel les cadres d’un régime milita (...)

4Dans cet article, nous entendons précisément relativiser cette vision pessimiste d’une société civile atomisée, en démontrant bien au contraire qu’elle a été et demeure un acteur important de la période démocratique. Nous proposons de dépasser la vision d’une transition commandée « d’en haut et de l’intérieur » par le parti Colorado et les forces armées19. De fait, en ignorant ou plus exactement en sous-évaluant le rôle joué par la société civile depuis 1989, une grande partie de la littérature académique donne à voir une interprétation conservatrice du social. Nous suggérons qu’un changement de lentille permet une nouvelle lecture de la réalité politique paraguayenne. Notre objectif est ainsi d’étayer la thèse selon laquelle la société civile a contribué à « l’invention démocratique20 ». Après avoir présenté les raisons de l’impossibilité d’une « transition pactée21 », nous revenons sur les différents épisodes de contestation sociale qui, depuis 1989, émaillent la vie politique nationale. De notre point de vue, l’épisode insurrectionnel du Marzo paraguayo de 1999 constitue un point de bascule majeur dans l’évolution des relations entre la société civile, la classe politique et le pouvoir militaire.

Une transition « non-pactée » dominée par les acteurs traditionnels

  • 22 Palau, Tomás, « Transición a la “democracia” y hegemonía militar en el Paraguay » [1991], Revista (...)
  • 23 Abente Brun, Diego, González-Bozzolasco, Ignacio, « Thirty years past. Transitology in the Southe (...)
  • 24 Fernández Palacios, Fernando, « Paraguay desde la dictadura de Stroessner hasta las elecciones pr (...)

5Plus encore que le parti Colorado, ce sont les forces armées qui ont été au centre de la transition démocratique paraguayenne22. Celle-ci n’a rien eu d’une « transition pactée » à l’espagnole ou à l’uruguayenne, compte tenu du fait que la structure patrimonialiste du régime s’avérait peu compatible avec une transmission pacifique du pouvoir23. En clair, elle n’a pas été le fruit d’une révolution de palais, mais bien au contraire le produit d’un coup d’État militaire intenté par une faction rebelle du coloradisme contre la branche la plus réactionnaire. Fomenté dans la nuit du 2 au 3 février 1989, ce putsch a été sanglant : on évoque entre 50 et 300 victimes, blessés compris24.

  • 25 Sondrol, Paul, « The Emerging New Politics of Liberalizing Paraguay… », art. cit, p. 133.
  • 26 Nickson, Andrew, « El régimen de Stroessner (1954-1989) », op. cit., p. 279.
  • 27 Sondrol, Paul, « The Emerging New Politics of Liberalizing Paraguay… », art. cit., p. 153.
  • 28 Linz, Juan, Stepan, Alfred, op. cit., p. 57.

6Du reste, les raisons qui ont justifié le renversement violent du dictateur relevaient moins de principes démocratiques que de motivations bassement triviales alimentées par des luttes de pouvoir militaro-politiques. Il s’est agi ni plus ni moins d’un conflit de succession, au sein d’une hiérarchie militaire macrocéphale comptant plus de 40 généraux et presque 250 colonels pour quelque 26 000 hommes25. Alors en convalescence après une opération de la prostate, le plus vieux dictateur d’Amérique latine entend mettre à la retraite anticipée plusieurs officiers, afin d’imposer son propre fils. Cette décision ravive les divisions qui traversent les forces armées autant que le parti colorado depuis le milieu des années 1980. Pas moins de cinq factions s’étrillent alors ; ce qui effrite la fameuse « unité granitique » du Stronato forgée autour de la figure du général Stroessner à la fois chef de l’État, chef du parti et chef des armées26. Outre les guionistas à l’idéologie fascisante, les éticos qui se montrent favorables à un dialogue avec l’opposition et les membres du Movimiento de Integración Colorado (MOC) qui réclament la mise sur pied d’une junte de gouvernement, les deux principaux blocs réunissent les tradicionalistas, lesquels se rangent derrière les figures civiles du coloradisme et celui des militantes, indéfectibles partisans du dictateur et alors en position de force. Craignant d’être limogé et sans doute aussi de faire l’objet de poursuites judiciaires aux États-Unis pour les activités de narcotrafic qu’il parraine depuis de nombreuses années27, le général Andrés Rodríguez embrasse la cause des tradicionalistas et prend les armes contre celui qui n’est autre que le… beau-père de sa fille. Ce conflit politico-militaire, doublé d’une affaire de famille, sur fond d’activités délictueuses en dit long sur le caractère néo-sultaniste du Stronato. Dans un tel contexte, une transition pactée qui repose, en termes wébériens, sur une logique « légale-rationnelle » de compromis, est « virtuellement impossible28 ».

  • 29 Abente Brun, Diego, « Después de la dictadura », in Ignacio Telesca (dir.), Historia del Paraguay(...)
  • 30 Fernández Palacios, Fernando, « Paraguay desde la dictadura de Stroessner… », art. cit, p. 154.
  • 31 Lachí, Marcello, « Construir clientela. Llave del éxito electoral en Paraguay », Revista Paraguay (...)
  • 32 Duarte Recalde, Liliana, « Democracy and Representation in Paraguay », Partecipazione e Conflitto(...)

7À la suite du renversement de Stroessner, Rodríguez se fait élire en mai 1989. L’armée conserve ainsi le contrôle sur l’appareil d’État pendant quatre ans supplémentaires. Plusieurs auteurs confirment qu’il n’y avait alors aucune intention de la part des leaders du coup d’État de promouvoir une démocratisation complète, en dépit de la ratification de la Convention interaméricaine des droits de l’homme en août 1989 et de la tenue d’élections constituantes en décembre 1991. Selon Diego Abente Brun, le putsch de février 1989 a ouvert la voie à « un processus de libéralisation, mais pas nécessairement de démocratisation stricto sensu29 ». Pour Fernández Palacios, la situation au début des années 1990 était plus celle « d’une démocratie cosmétique que d’une démocratie réelle30 ». De fait, parasitée par un clientélisme irréductible31, la compétition électorale reste jusqu’à aujourd’hui encore sujette à de nombreux subterfuges et irrégularités32.

  • 33 Lambert, Peter, « A Decade of Electoral Democracy: Continuity, Change and Crisis in Paraguay », B (...)
  • 34 Nickson, Andrew, « Tyranny and Longevity… », art. cit., p. 248.
  • 35 Galeano, Luis Antonio, « Los campesinos y la lucha por la tierra », in Ignacio Telesca (dir.), Hi (...)

8Toujours est-il que si la mobilisation in crescendo de la société civile à partir du milieu des années 1980 n’a pas entraîné la chute du Stronato33, on ne peut ignorer qu’elle l’a déstabilisé. Aux termes des travaux pharaoniques du barrage d’Itaipu, la situation économique s’est brutalement dégradée et le mécontentement social s’en est trouvé exacerbé. Toute une série d’épisodes contestataires atteste de cette grogne latente. Dès 1985, la Conférence épiscopale paraguayenne propose sa médiation dans le cadre d’un dialogue national entre les partis politiques d’opposition et le gouvernement, lequel se refuse à y participer et répond par l’intimidation et la répression. En 1986, l’Hôpital de Clínicas est secoué par une grève du personnel soignant qui réclame des augmentations salariales. En avril de l’année suivante, la Fédération des étudiants universitaires du Paraguay (FEUP) organise une manifestation en faveur de la démocratie à laquelle participent plus de 5 000 personnes34. Dans le secteur paysan, 23 conflits éclatent en 198835. Le 10 décembre de cette même année, jour de la commémoration du 40e anniversaire de la signature de la Déclaration universelle des droits de l’homme, une « marche pour la vie » se tient à Asunción. Elle aurait rassemblé la plus importante foule jamais descendue dans la rue au Paraguay. La confrontation avec les forces de l’ordre a abouti à l’arrestation de plus de 400 personnes. Moins de deux mois après cette manifestation historique, la dictature était renversée.

  • 36 González Delvalle, Alcíbiades, El Golpe del 3 de Febrero de 1989, Asunción, El Lector, 2013, p. 1 (...)

9Pour González Delvalle, le coup d’État de février 1989 apparaît comme « la conséquence naturelle d’un long désir contenu et de plusieurs projets subversifs qui ont échoué36 ». Si la société civile n’y a pas pris directement part, elle va en revanche se faire la vigie d’un processus de démocratisation fragile et toujours susceptible d’involution.

Un apprentissage social à la démocratie sous menace autoritaire

  • 37 Capdevila, Luc, Larrouqué, Damien, « 1989-2019 : la démocratie paraguayenne trente ans après Stro (...)

10À l’image d’Andrés Rodríguez, les principaux protagonistes du régime autoritaire ont aussi été les artisans de la transition démocratique paraguayenne. Au-delà de la très forte continuité politico-institutionnelle avec le Stronato – qui aurait fait ironiquement dire à Stroessner qu’il « ne manquait que lui » lors des célébrations du premier anniversaire du coup d’État37, le gouvernement militaro-civil de Rodríguez n’en a pas moins marqué une rupture en matière de libertés publiques. La presse ne craignant plus la censure, la parole s’est libérée, comme en témoigne la multiplication des dénonciations des violations perpétrées durant le régime dictatorial. Sous la pression des associations de victimes, les places, rues ou villes portant le nom du dictateur ont été rebaptisées – à l’instar de Puerto Presidente Stroessner, désormais Ciudad del Este –, tandis qu’une nouvelle Constitution, qui garantit la protection des droits de l’homme et limite drastiquement les prérogatives de l’Exécutif, a été proclamée en 1992.

  • 38 Pilz, Diana, Riquelme, Quintín, « Estado y sociedad en Paraguay: reforma, políticas públicas y mo (...)

11L’année précédente, sont organisées les premières élections municipales. La victoire dans la capitale de Carlos Filizzola, figure des protestations de l’Hôpital de Clínicas et leader du mouvement « Asunción para todos », constitue une vraie surprise. La consécration électorale de ce mouvement citoyen indépendant s’inscrit dans une période d’intense effervescence démocratique comme le pays n’en a sans doute jamais connue. Douze partis sont légalisés ; quant au nombre de travailleurs affiliés dans des syndicats désormais non nécessairement inféodés à l’Association nationale républicaine (ANR-parti colorado), il dépasse les 100 00038.

  • 39 Ce combat pour le droit à posséder la terre par celles et ceux qui la travaillent a coûté la vie (...)

12Quant au principal foyer de contestation, il se situe alors dans les zones rurales, d’où se mobilise un grand nombre d’associations de petits producteurs en faveur de la réforme agraire. Bien que certaines aient été fondées à la fin de la dictature, la plupart l’ont été au cours des premières années de la transition politique, telles que la Fédération paysanne nationale (FNC), l’Organisation paysanne nationale (ONAC) et l’organisation de la lutte pour la terre (OLT). En dépit de leur fragmentation, ces associations puisent dans le même répertoire d’action. Au-delà des marches de protestation, leur modalité privilégiée consiste en l’installation de campements sur des parcelles laissées en déshérence par leurs propriétaires. Durant les quinze premières années de la transition, on estime le nombre de manifestations liées au conflit agraire à 3 500, pour 250 occupations de terres et 230 évictions39. Jusqu’à aujourd’hui encore, les tensions autour de ces enjeux restent particulièrement vivaces.

  • 40 Précisons que sous Stroessner, l’appartenance des militaires au parti Colorado était obligatoire, (...)
  • 41 Cité par Lambert. Cf. Lambert, Peter, « A Decade of Electoral Democracy… », art. cit., p. 390.

13Lors des élections présidentielles de 1993, Juan Carlos Wasmosy, candidat de l’ANR devient le premier président civil depuis 39 ans. Son assise parlementaire est toutefois sérieusement contestée par le Parti libéral radical authentique (PLRA) qui remporte, entre autres, le poste de gouverneur de Central, le département le plus peuplé du pays. Sous le mandat de Wasmosy, la Cour suprême de justice devient plus pluraliste, l’institution veillant à la justice électorale est créée et la loi de désaffiliation politique des forces armées adoptée40. Au demeurant, un des éléments saillants de ce gouvernement a été sa relation orageuse avec le général Lino César Oviedo, d’abord allié stratégique lors de la campagne électorale, puis caudillo encombrant par la suite. Nommé commandant en chef, avant d’être démis de ses fonctions en avril 1996 pour insubordination, il menace alors de faire dynamiter le palais présidentiel si on ne lui en remet pas les clefs. Cette tentative de coup d’État échoue du fait de la loyauté d’une partie des officiers, du soutien des parlementaires de l’opposition et surtout de la pression des organisations internationales. Pour ce qui est de la société civile, la mobilisation s’avère ici très ambivalente. Une partie de la population se montre en effet séduite par le discours populiste de cet homme fort qui n’hésite pas à se présenter comme l’indéfectible partisan d’une alliance entre le parti Colorado et les militaires « per secula seculorum41 ». Sorti victorieux des primaires face à Luis María Argaña, l’un des leaders civils des tradicionalistas, il est alors en position de gagner l’élection de mai 1998. Cependant, inculpé pour sa tentative de putsch de 1996, il est écarté de la course à la présidentielle au bénéfice de Raúl Cubas Grau, qui devait être son vice-président. En mai 1998, celui que d’aucuns considèrent comme la marionnette politique du camp oviédiste est élu président. À la fin de l’année 1998, Cubas use de ses prérogatives pour commuer la peine prononcée contre son mentor et ordonne sa libération. Cette décision polémique, et plus encore, l’assassinat du vice-président Luis María Argaña imputé à des sbires à la solde d’Oviedo, le 23 mars 1999, déclenchent ce qu’on appelle le Marzo Paraguayo, un soulèvement populaire inédit dans l’histoire contemporaine paraguayenne.

14À bien des égards, cet épisode insurrectionnel correspond à l’un de ces moments fatidiques en mesure de faire basculer le destin politique d’un pays. Il constitue en l’espèce l’un des évènements les plus importants de la transition paraguayenne, au cours duquel le peuple a choisi de défendre les fragiles principes de la démocratie plutôt que de continuer à cautionner les méthodes expéditives du régime autoritaire.

Depuis le Marzo Paraguayo, la mue politique de la contestation

  • 42 Colmán, Andrés, El Marzo Paraguayo, Asunción, El Lector, 2013, p. 53.

15Le jour du meurtre d’Argaña, depuis l’hôpital où repose le corps du vice-président, un groupe de jeunes de différents secteurs s’élance en direction du palais présidentiel pour exiger la démission de Cubas et l’incarcération d’Oviedo. Cette manifestation vient renforcer la traditionnelle marche paysanne organisée chaque année en mars par la Fédération nationale des paysans (FCN) et le Comité national de coordination des organisations paysannes (MCNOC). Par ce concours de circonstances, les luttes des secteurs rural et urbain convergent sur la même place. En réaction, les partisans d’Oviedo et du gouvernement se réunissent eux aussi devant le Congrès. Des échauffourées éclatent et se poursuivent pendant trois jours. La police réprime les manifestants pro-démocratiques. Au total, sept personnes sont tuées et plus de 750 blessées42. À la suite de ces événements, Raúl Cubas Grau démissionne de la présidence et cède son mandat au président du Sénat.

  • 43 Mendonca, Daniel, Democracia vulnerable. Un estudio sobre el sistema político paraguayo, Asunción (...)
  • 44 Palau, Marielle, « Luchas sociales obligan a retroceder al gobierno y detienen el proceso de priv (...)
  • 45 Morínigo, José, « Clientelismo y padrinazgo… », art. cit., passim.
  • 46 Palau, Marielle, Ortega, Guillermo, « Paraguay, el nuevo escenario de disputa de los intereses po (...)

16Si la constitutionnalité est sauve, le système démocratique paraguayen n’en reste pas moins malade de sa corruption aussi bien électorale qu’institutionnelle : prévarication, concussion et abus de pouvoir vont rester des pratiques prépondérantes43. Comme à l’époque de Wasmosy, le nouveau président élu en 2003, Nicanor Duarte Frutos entend, avec la bénédiction des institutions financières internationales, mener à bien des réformes structurelles qui consistent, pour l’essentiel, en la privatisation des entités publiques. Or, la résistance des organisations sociales, syndicales mais aussi paysannes rend cette entreprise d’autant plus délicate44 qu’elle génère également l’opposition interne des congressistes qui ne veulent pas perdre leur instrument de politique clientéliste45. La fin du mandat de Duarte Frutos a été marquée par la tentation réitérée de concentrer le pouvoir entre ses mains : au mépris de la Constitution, il a ainsi exprimé le souhait d’occuper la présidence du parti Colorado, fonction incompatible avec celle de Président de la République. Du reste, s’il est parvenu à soumettre le pouvoir judiciaire à son bon vouloir à travers une reconfiguration de la Cour Suprême, il a en revanche échoué, sous la pression de la rue, à modifier la Constitution nationale en vue d’obtenir sa réélection. C’est en effet dans ce contexte qu’une manifestation citoyenne s’est tenue le 29 mars 2006 sous le slogan « dictature, plus jamais ! » Plus de 20 000 personnes ont alors assisté au baptême politique d’un certain Fernando Lugo, évêque du diocèse de San Pedro et adepte de la théologie de la libération. Réunissant les principaux partis politiques d’opposition, plusieurs centrales syndicales et plus d’une centaine d’associations de la société civile, ce mouvement de « Résistance citoyenne » recueille 100 000 signatures en faveur de sa candidature46.

  • 47 Pour plus de renseignements, voir notamment les références bibliographiques de l’article suivant  (...)
  • 48 Szucs, Rebecca, « A democracy’s “poor performance”: The impeachment of paraguayan president Ferna (...)

17Deux ans plus tard, à la tête d’une coalition hétéroclite baptisée Alliance patriotique pour le changement (APC), l’ex-homme d’Église s’impose avec 41 % des votes lors des élections présidentielles d’avril 2008 et devient le premier président de gauche dans l’histoire du pays. Cette victoire « circonstancielle » comme la gestion chaotique qui l’a suivie ont fait l’objet de nombreux travaux47. L’extrême politisation administrative, le poids des lobbys de l’agrobusiness, l’opposition farouche du parti Colorado, le scandale de ses paternités illégitimes et finalement les manœuvres politico-politiciennes de ses alliés libéraux ont eu raison de son mandat, lequel s’est vu, qui plus est, écourté d’un an après une procédure d’impeachment décriée48. Il n’en faut pas moins retenir que l’élection de Fernando Lugo a été portée par une mobilisation citoyenne de grande envergure et que sa victoire représente un pas important en matière de sociabilité démocratique.

  • 49 Duarte Recalde, Liliana, González Ríos, Cynthia, « Paraguay: entre las movilizaciones sociales y (...)
  • 50 Sosa Walder, Maria, « Una primavera sin igual », Estudios Paraguayos, vol. 33, no 1-2, 2015, p. 1 (...)
  • 51 González Bozzolasco, Ignacio, « Paraguay: la reelección presidencial y los inicios de la carrera (...)

18La société civile n’a, par la suite, jamais baissé la garde. Depuis le milieu des années 2010, les mobilisations sociales se sont intensifiées49, tant et si bien que l’on a même pu évoquer un « printemps sans égal » pour qualifier les protestations étudiantes qui ont conduit à la démission du président de l’Université nationale d’Asunción (UNA), convaincu de prévarication50. Mais les événements les plus retentissants ont eu lieu en avril 2017 et ont fait suite à la tentative de passage en force du président ultra-conservateur Horacio Cartes pour imposer le droit à la réélection dans la Constitution51. À cette occasion, la violente opposition populaire a pris des airs de second Marzo Paraguayo. En marge de l’incendie et de la mise à sac du Congrès par une foule en colère, plusieurs députés de l’opposition ont été blessés lors d’une intervention policière qui a également fait une victime mortelle parmi les jeunes militants du parti libéral. Quelques jours après le limogeage du ministre de l’Intérieur, le projet de réforme constitutionnelle a été abandonné par Cartes.

  • 52 López, Magdalena, « Paraguay en un año electoral 2018: trayectorias económicas, políticas y socia (...)

19En outre, la société civile paraguayenne se révèle également de moins en moins tolérante à la corruption. Depuis la victoire de Mario Abdo Benítez, fils du secrétaire privé de Stroessner et leader de l’aile dure du coloradisme, plusieurs scandales ont éclaboussé les membres du Congrès, à l’instar du sénateur colorado González Daher. Bien qu’un temps protégé par ses pairs, puis évincé six mois plus tard, avant d’être réélu sénateur sur listes fermées (listas sabanas), celui-ci a dû in fine renoncer à son poste sous la pression populaire et croupit désormais en prison52. À bien des égards, ce cas est paradigmatique d’un changement de perception de l’opinion vis-à-vis des délits de concussion. En l’espèce, l’exaspération citoyenne se manifeste par une nouvelle modalité de contestation empruntée au répertoire d’action argentin : consistant à jeter l’opprobre depuis leurs domiciles sur des personnalités (politiques, religieuses ou militaires) suspectées de manquement à la probité publique, accusées d’avoir couvert des abus sexuels ou poursuivies pour avoir commis des crimes de lèse-humanité, la pratique dite de l’escarche se développe aujourd’hui au Paraguay.

  • 53 Cerna Villagra, Sarah, « Yvy Marae’y... », art. cit., passim ; Cerna Villagra, Sarah, « De reside (...)
  • 54 Selon des observateurs aussi avisés que Cerna et Solís, l’ancrage des valeurs traditionnelles dem (...)
  • 55 Costa, José María, « Ciudadanía y medios aliados para la “primavera de la transparencia” », Cahie (...)
  • 56 Galland, Olivier, « Inghelart Ronald, La transition culturelle dans les sociétés industrielles av (...)

20Signalons que les mobilisations sociales se sont élargies à de nouveaux secteurs sociaux, comme en témoigne l’émergence des mouvements féministes et indigénistes53. Par ailleurs, elles ont pris un ton non pas nécessairement moins vindicatif, mais sans doute plus politique, dans le sens où les revendications contemporaines tendent de plus en plus à embrasser de grands enjeux de société : l’égalité homme-femme, l’avortement ou le mariage pour tous suscitent le débat et obligent désormais les élus à se positionner54. Ainsi que l’illustre le « printemps de la transparence » relatif à la question de l’accès à l’information publique55, la défense des valeurs et principes démocratiques tend désormais à supplanter les problématiques sectorielles, telles que la réforme agraire, l’informalité du travail ou le surendettement paysan. En somme et pour emprunter au vocabulaire d’Inglehart, le Paraguay est aussi en train de vivre sa « révolution silencieuse56 ». L’un des signes de cette post-modernité réside dans le fait que le pays vit aujourd’hui au diapason de sa société civile et non plus au rythme des bruits de bottes.

Conclusion : La démilitarisation de la démocratie paraguayenne

  • 57 Sondrol, Paul, « Paraguay : a Semi-Authoritarian Regime ? », art. cit, p. 60-61.
  • 58 Abente Brun, Diego, « The quality of democracy in small South American countries: the case of Par (...)
  • 59 Larrouqué, Damien, « Innovación institucional, rendición de cuentas y control ciudadano en Paragu (...)
  • 60 Demelenne, Julien, « Una interpretación de la historia política contemporánea del Paraguay a part (...)

21À la lumière des différents épisodes que nous avons présentés, il est difficile de continuer à percevoir la société paraguayenne comme « apathique57 » ou « invertébrée58 ». Cette dernière s’avère plus autonome que l’on ne le pense et tend, de surcroît, à s’affranchir des réseaux de clientèles entretenus par les partis politiques traditionnels. Elle se montre, qui plus est, capable d’impulser des innovations politico-administratives significatives, comme l’illustre la sanctuarisation budgétaire du Fonds pour l’excellence de l’éducation et la recherche, grâce à la mise sur pied d’une entité fiduciaire où siègent membres du gouvernement et représentants des citoyens59. Mais surtout, elle n’est plus disposée à cautionner les interférences de la soldatesque sur la vie politique. De ce point de vue, la transition a été synonyme de normalisation des relations institutionnelles entre acteurs civils et militaires. Dans une contribution à paraître60, Julien Demelenne a identifié plusieurs moments clés qui attestent du déclin de l’armée comme protagoniste politique : 1) l’élection de Wasmosy en tant que premier président civil en 1993 ; 2) la loi de désaffiliation des forces armées approuvée par le parlement cette même année 3) l’échec des tentatives de coup d’État de 1996 et 1999 ; 4) les mobilisations sociales du Marzo Paraguayo et le refus de la part de la Marine (Armada Paraguaya) d’intervenir pour les réprimer. Cette révolte populaire a montré qu’il n’était plus question, pour la société paraguayenne, de se plier à des modalités martiales d’exercice du pouvoir, dignes du Strossnisme. Que cela soit en 2006 sous Duarte Frutos ou en 2017 sous Cartes, l’opposition farouche aux dérives anticonstitutionnelles n’a cessé de se confirmer par la suite.

  • 61 Bourscheid, Junior Ivan, Stumpf Gónzalez, Rodrigo, « Transición y precarización democrática parag (...)

22Nous nuancerions par là même les conclusions récentes formulées par Bourscheid et Stumpf, pour qui la « précarité démocratique du régime paraguayen » serait si profonde qu’elle aurait engendré dans l’opinion publique un « comportement politique négatif » à son égard, susceptible de finir par le détruire61. Nous considérons au contraire que cette vision critique partagée par les citoyens paraguayens vis-à-vis du fonctionnement (perfectible) de leur système politico-institutionnel doit plutôt être perçue comme un élément positif, gage de son amélioration. Par exemple, la réprobation populaire dans le cadre de la réélection contestée du sénateur Daher (scandale présenté supra) a été telle qu’elle a ouvert le débat à la rénovation du mode de scrutin et à la suppression des listes électorales fermées qui ont pour conséquence de déliter le lien de représentation entre citoyens et élus.

  • 62 Pour plus de renseignements, cf. Duarte Recalde, Liliana, « Funcionamiento del mecanismo de rendi (...)
  • 63 Rosanvallon, Pierre, La Contre-démocratie. La politique à l’âge de la défiance, Paris, Seuil, 200 (...)

23Bref, dans un contexte où l’indépendance des pouvoirs est encore relative compte tenu du niveau de politisation et des déficiences institutionnelles qui affectent les organismes en charge de la garantir (cour suprême, tribunal électoral, cour des comptes, etc.)62, la société paraguayenne demeure la principale vigie du processus de démocratisation. Sous cet angle et pour faire écho aux réflexions du théoricien Pierre Rosanvallon, elle devrait être appréhendée comme la principale force « contre-démocratique » du pays63.

24N’oublions pas enfin que la moitié de la population paraguayenne a aujourd’hui moins de trente ans et n’a pas connu le Stronato. Tout porte à croire que les aspirations au changement vont être confortées par cette nouvelle génération, non seulement plus ouverte sur le monde que ses aînées, mais également moins encline à cautionner des pratiques patrimonialistes héritées d’un régime sous lequel elle n’a pas grandi et auquel elle ne doit rien. Les recherches devront être poursuivies afin de mesurer l’impact que cette jeune génération, ultra-connectée et adepte des réseaux sociaux, est susceptible d’exercer sur le fonctionnement institutionnel et politique du Paraguay contemporain.

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Notes

1 Casaccia, Gabriel, Los exiliados, 1re éd. 1966, Asunción, Intercontinental Editora, 2005, p. 173.

2 Rivarola, Domingo, « Conservadurismo y cultura política en la transición » [1994], Revista Paraguaya de Sociología, no 132/133, 2008, p. 169-187.

3 Rodríguez Alcalá, Guido, Ideología Autoritaria, Asunción, Servilibro, 2007.

4 García, José, « La psicología política en el Paraguay: historia, cultura y comportamiento », in Irene Magaña et al. (dir.), Contribuciones a la psicología política en América Latina: Contextos y escenarios actuales, Santiago, RIL Editories, 2016, p. 401-439.

5 Sondrol, Paul, « Paraguay: a Semi-Authoritarian Regime ? », Armed Forces & Society, vol. 34, no 1, 2007, p. 46-66.

6 Fuentes, Claudio José, La maldición del legionario, Asunción, Editorial Tiempo de Historia, 2016 ; Gómez Florentín, Carlos, La Guerra Civil de 1947, Asunción, El Lector, 2013 ; Tarroux-Follin, Christiane, « Une figure mythique au service du nationalisme paraguayen : le Pynandí, un soldat-laboureur en terre guarani », Caravelle, no 74, 2000, p. 179‑190.

7 Capdevila, Luc, Une guerre totale : Paraguay, 1864-1870. Essai d’histoire du temps présent, Rennes, PUR, 2007, p. 221 s. q. q. ; Rodríguez, José Carlos, El Paraguay bajo el Nacionalismo 1936-1947, Asunción, El Lector, 2013.

8 Sondrol, Paul, « The Emerging New Politics of Liberalizing Paraguay: Sustained Civil-Military Control Without Democracy », Journal of Latin American Studies and World Affairs, vol. 34, no 2, 1992, p. 128-130.

9 Riquelme, Marcial, « Toward a Weberian Characterization of the Stroessner Regime in Paraguay (1954-1989) », European Review of Latin American and Caribbean Studies, no 57, 1994, p. 44-45.

10 Nickson, Andrew, « Tyranny and Longevity: Stroessner’s Paraguay », Third World Quarterly, vol. 10, no 1, 1988, p. 241.

11 García, José, op. cit., passim ; Soler, Lorena, « Beyond Coercion: Social Legitimation and Conservative Modernization in the Stroessner Regime », in Federico Pous et al. (ed.), Authoritarianism, Cultural History, and Political Resistance in Latin America. Exposing Paraguay, New York, Palgrave Macmillan, 2018, p. 163-179.

12 Arditi, Benjamin, Adiós a Stroessner. La reconstrucción de la política en el Paraguay, Asunción, CDE y RP Ediciones, 1992, p. 57.

13 Dans une contribution récente, Soler affirme que la coercition la plus violente s’est d’abord exercée contre les opposants au sein parti Colorado et surtout contre les membres légalistes des forces armées. Dès lors que ces dernières ont été « purgées » et qu’il s’est agi par la suite de réprimer « pour l’exemple », la dictature stroessniste n’a pas eu recours à des milices paraétatiques – ce qu’un régime « néo-sultaniste » supposerait. Cf. Soler, Lorena, « Beyond Coercion… », op. cit., p. 169, 174.

14 Roa Bastos, Augusto « Prólogo a la primera edición: El terror escrito por el mismo », in Boccia Paz et al., Es Mi Informe: Los Archivos Secretos de la Policía de Stroessner, Asunción, Centro de Documentación y Estudios (CDE), 1994, s. s. ind. de pages.

15 Cité par Soler. Cf. Soler, Lorena, Paraguay: La Larga Invención del Golpe, Asunción, Arandurã, 2014, p. 37.

16 Potthast, Barbara, Whigham, Thomas, « The Paraguayan Rosetta Stone: New Insights into the Demographics of the Paraguayan War, 1864-1870 », Latin American Research Review, vol. 34, no 1, 1999, p. 180.

17 Makaran, Gaya, « La imagen de la mujer en el discurso nacionalista paraguayo », Latinoamérica, vol. 57, no 2, 2013, p. 43-75.

18 Cerna Villagra, Sarah, « Yvy Marae’y: el conflicto con los pueblos indígenas en Paraguay », América Latina Hoy, vol. 60, 2012, p. 83-115.

19 Flecha, Victor Jacinto, Matini, Carlos, Historia de la Transición. Pasado y Futuro de la Democracia en Paraguay, Asunción, Última Hora, 1994 ; Morínigo, José, « La transición circular », Novapolis, no  1, 2002, p. 4-19 ; Rodríguez, José Carlos, « Paraguay. Mansa Transición Democrática », Nueva Sociedad, no 127, 1993, p. 18-22 ; Sondrol, Paul, « The Emerging New Politics of Liberalizing Paraguay… », art. cit, passim.

20 Lefort, Claude, L’invention démocratique : Les limites de la domination totalitaire, Paris, Fayard, 1981.

21 Le concept de « transition pactée » désigne le processus par lequel les cadres d’un régime militaire négocient avec les représentants des partis politiques légalisés le retour conditionné à la démocratie. L’exemple typique est celui de l’Espagne post-franquiste. Cf. Linz, Juan, Stepan, Alfred, Problems of Democratic Transition and Consolidation: Southern Europe, South America, and Post-Communist Europe, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1996, p. 87-114.

22 Palau, Tomás, « Transición a la “democracia” y hegemonía militar en el Paraguay » [1991], Revista Paraguaya de Sociología, no 132/133, 2008, p. 75-90 ; Riquelme, Marcial, « Desde el stronismo hacia la transición: el papel del actor militar » [1993], Revista Paraguaya de Sociología, no 132/133, 2008, p. 43-73.

23 Abente Brun, Diego, González-Bozzolasco, Ignacio, « Thirty years past. Transitology in the Southern Cone », in Mohammad-Mahamoud Ould Mahamoud, Thimothy Sick (ed.), Democratisation in the 21st century. Reviving Transitology, New York, Routledge, 2017, p. 137-143 ; Nickson, Andrew, « El régimen de Stroessner (1954-1989) », in Ignacio Telesca (dir.), Historia del Paraguay, Asunción, Santillana, 2011, p. 265-294.

24 Fernández Palacios, Fernando, « Paraguay desde la dictadura de Stroessner hasta las elecciones presidenciales de 2013 », Tempus Revista en Historia General, no 6, 2017, p. 153 ; Fregosi, Renée, Le Paraguay au xxe siècle : naissance d’une démocratie, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 249.

25 Sondrol, Paul, « The Emerging New Politics of Liberalizing Paraguay… », art. cit, p. 133.

26 Nickson, Andrew, « El régimen de Stroessner (1954-1989) », op. cit., p. 279.

27 Sondrol, Paul, « The Emerging New Politics of Liberalizing Paraguay… », art. cit., p. 153.

28 Linz, Juan, Stepan, Alfred, op. cit., p. 57.

29 Abente Brun, Diego, « Después de la dictadura », in Ignacio Telesca (dir.), Historia del Paraguay, Asunción, Taurus, 2010, p. 295.

30 Fernández Palacios, Fernando, « Paraguay desde la dictadura de Stroessner… », art. cit, p. 154.

31 Lachí, Marcello, « Construir clientela. Llave del éxito electoral en Paraguay », Revista Paraguaya de Sociología, no 132/133, 2008, p. 191-202 ; Morínigo, José, « Clientelismo y padrinazgo en la práctica patrimonialista del gobierno en el Paraguay », Revista Paraguaya de Sociología, no 132/133, 2008, p. 203-224 ; Quiñónez, Raúl, « Clientelismo político y cambio institucional », Revista Paraguaya de Sociología, no 132/133, 2008, p. 225-236.

32 Duarte Recalde, Liliana, « Democracy and Representation in Paraguay », Partecipazione e Conflitto, vol. 10, no 1, 2017, p. 65-88 ; Larrouqué, Damien, « Introduction. Le Paraguay peut-il encore être considéré comme un pays “semi-autoritaire” ? », Cahiers des Amériques latines, no 90, 2019, p. 21-38 ; Villalba, Sara, « Obstáculos para unas elecciones democráticas en Paraguay: Panorama para el 2018 », Acción, no 94, 2017, p. 9-15.

33 Lambert, Peter, « A Decade of Electoral Democracy: Continuity, Change and Crisis in Paraguay », Bulletin of Latin American Research, vol. 19, no 3, 2000, p. 379-396.

34 Nickson, Andrew, « Tyranny and Longevity… », art. cit., p. 248.

35 Galeano, Luis Antonio, « Los campesinos y la lucha por la tierra », in Ignacio Telesca (dir.), Historia del Paraguay, op. cit., p. 369.

36 González Delvalle, Alcíbiades, El Golpe del 3 de Febrero de 1989, Asunción, El Lector, 2013, p. 12.

37 Capdevila, Luc, Larrouqué, Damien, « 1989-2019 : la démocratie paraguayenne trente ans après Stroessner », Les Études du CERI, no 245-246, Les Etudes du CERI, no 245-246, 2020, p.52.

38 Pilz, Diana, Riquelme, Quintín, « Estado y sociedad en Paraguay: reforma, políticas públicas y movimientos sociales », in Garcés, Mario et al. (dir.), Democracia y ciudadanía en el Mercosur, Santiago, LOM Ediciones, 2006, p. 449-450.

39 Ce combat pour le droit à posséder la terre par celles et ceux qui la travaillent a coûté la vie à une centaine de paysans. Cf. ibid, p. 489.

40 Précisons que sous Stroessner, l’appartenance des militaires au parti Colorado était obligatoire, de même que pour obtenir un poste de fonctionnaire dans l’administration. En 1986, le parti revendiquait ainsi plus de 1 300 000 membres. Cf. Nickson, Andrew, « Tyranny and Longevity… », art. cit., p. 251.

41 Cité par Lambert. Cf. Lambert, Peter, « A Decade of Electoral Democracy… », art. cit., p. 390.

42 Colmán, Andrés, El Marzo Paraguayo, Asunción, El Lector, 2013, p. 53.

43 Mendonca, Daniel, Democracia vulnerable. Un estudio sobre el sistema político paraguayo, Asunción, Intercontinental Editora, 2010, p. 47-55.

44 Palau, Marielle, « Luchas sociales obligan a retroceder al gobierno y detienen el proceso de privatización », OSAL, Observatorio Social de América Latina, no 9, 2002, p. 20-25.

45 Morínigo, José, « Clientelismo y padrinazgo… », art. cit., passim.

46 Palau, Marielle, Ortega, Guillermo, « Paraguay, el nuevo escenario de disputa de los intereses populares », OSAL, Observatorio Social de América Latina, no 24, 2008, p. 103-112.

47 Pour plus de renseignements, voir notamment les références bibliographiques de l’article suivant : Larrouqué, Damien, « État de grâce et fenêtre d’opportunité politique : les victoires historiques de Vázquez (Uruguay) et Lugo (Paraguay) en perspective comparée », Nuevo Mundo Mundos Nuevos, extraits de thèses, 2017, p. 1-16.

48 Szucs, Rebecca, « A democracy’s “poor performance”: The impeachment of paraguayan president Fernando Lugo », George Washington International Law Review, vol. 46, 2014, p. 409-436.

49 Duarte Recalde, Liliana, González Ríos, Cynthia, « Paraguay: entre las movilizaciones sociales y el reordenamiento electoral », Revista de Ciencia Política, vol. 36, no 1, 2016, p. 287-312.

50 Sosa Walder, Maria, « Una primavera sin igual », Estudios Paraguayos, vol. 33, no 1-2, 2015, p. 13-21.

51 González Bozzolasco, Ignacio, « Paraguay: la reelección presidencial y los inicios de la carrera electoral 2018 », Revista de Ciencia Política, vol. 37, no 2, 2017, p. 543-562.

52 López, Magdalena, « Paraguay en un año electoral 2018: trayectorias económicas, políticas y sociales en la transición entre el gobierno colorado saliente y el entrante », Revista de Ciencia Política, vol. 39, no 2, 2019, p. 319 s. q. q.

53 Cerna Villagra, Sarah, « Yvy Marae’y... », art. cit., passim ; Cerna Villagra, Sarah, « De residentas a presidentas: la procelosa participación de la mujer paraguaya en la política y la emergencia del movimiento político feminista Kuña Pyrenda », Ciencia Política, vol. 10, no 20, 2015, p. 219-241.

54 Selon des observateurs aussi avisés que Cerna et Solís, l’ancrage des valeurs traditionnelles demeure encore trop fort pour espérer voir inscrites, à court ou moyen terme, ces propositions disruptives à l’agenda décisionnel. Cf. Cerna Villagra, Sarah, Solís Delgadillo, Juan Mario, « Fricción, (re)construcción y afianzamiento conservador tras las elecciones de 2018 en Paraguay », Estudios Políticos, no 54, 2019, p. 280.

55 Costa, José María, « Ciudadanía y medios aliados para la “primavera de la transparencia” », Cahiers des Amériques latines, no 90, 2019, p. 103-120.

56 Galland, Olivier, « Inghelart Ronald, La transition culturelle dans les sociétés industrielles avancées », Revue française de sociologie, vol. 37, no 3, 1996, p. 481-483.

57 Sondrol, Paul, « Paraguay : a Semi-Authoritarian Regime ? », art. cit, p. 60-61.

58 Abente Brun, Diego, « The quality of democracy in small South American countries: the case of Paraguay », Kellogg Institute Working Paper, no 343, 2007, p. 11-16.

59 Larrouqué, Damien, « Innovación institucional, rendición de cuentas y control ciudadano en Paraguay: el caso del Fondo para la Excelencia de la Educación y la Investigación », in Dabène, Olivier, Launay Gama, Claire (dir.), Los efectos de los procesos participativos en la acción pública, Buenos Aires, Editorial Teseo, 2019, p. 124-153.

60 Demelenne, Julien, « Una interpretación de la historia política contemporánea del Paraguay a partir de la lectura de los golpes de Estado (1947 - 2012) », in Lorena Soler, Paulo Renato da Silva, El stronismo, Nuevas Lupas, Foz do Iguaçu, EdUnila, à paraître.

61 Bourscheid, Junior Ivan, Stumpf Gónzalez, Rodrigo, « Transición y precarización democrática paraguaya: los efectos de la baja calidad institucional y del comportamiento político negativo », Colombia Internacional, no 98, 2019, p. 31-65.

62 Pour plus de renseignements, cf. Duarte Recalde, Liliana, « Funcionamiento del mecanismo de rendición de cuentas en el Paraguay », Estudios de Políticas Públicas, no 2, 2012, p. 23-33.

63 Rosanvallon, Pierre, La Contre-démocratie. La politique à l’âge de la défiance, Paris, Seuil, 2006.

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Pour citer cet article

Référence papier

Julien Demelenne et Damien Larrouqué, « Réévaluer le rôle de la société civile dans la transition démocratique paraguayenne (1989-2019) »Caravelle, 114 | 2020, 95-108.

Référence électronique

Julien Demelenne et Damien Larrouqué, « Réévaluer le rôle de la société civile dans la transition démocratique paraguayenne (1989-2019) »Caravelle [En ligne], 114 | 2020, mis en ligne le 01 septembre 2020, consulté le 19 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/caravelle/8183 ; DOI : https://doi.org/10.4000/caravelle.8183

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Auteurs

Julien Demelenne

EHESS, programme Carlos Antonio López (BECAL) julien.demelenne@ehess.com

Damien Larrouqué

INAP-Université du Chili (Fondecyt no3190155) OPALC-Sciences Po damien.larrouque@sciencespo.fr

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