1Par contre coup aux célébrations officielles et à grand spectacle du « cinquième centenaire » de 1992, on a assisté dans beaucoup de pays d’Amérique latine à un « réveil indien » qui en fait a été l’accès à plus de visibilité des peuples « autochtones » ou des « premières nations ». Cette visibilité s’est fondée en grande partie sur un militantisme accru pour une reconnaissance historique, et dans certains cas politique, qui a conduit en 2007 à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUPA). Elle oblige désormais les États concernés à considérer d’une autre manière que par le passé ces peuples dont le point commun, quel que soit le continent, est d’avoir été longtemps spoliés par la colonisation puis niés ou ignorés par les États qui ont pris sa suite.

2Le présent livre a étudié cette question dans le cas des Mapuche chiliens. Ils constituent environ 10 % de la population chilienne et 90 % des « autochtones » de ce pays qui a été relativement en retrait sur cette question par rapport aux pays voisins mais a fini quand même par souscrire à la Déclaration de 2007.

3L’auteur analyse la double expérience d’internationalisation de la question mapuche. Il le fait d’abord au travers de l’évolution de la diaspora à l’étranger de ce peuple, suite au renversement du gouvernement Allende et à l’instauration de la dictature de Pinochet. Ensuite, il analyse comment les leaders mapuche se sont déplacés vers les instances internationales, en particulier l’ONU pour interpeller l’État chilien et l’amener à les considérer.

4Après avoir montré les premières actions d’internationalisation mapuche, en général dans le cadre de l’exil, l’auteur se centre sur l’activisme de la diaspora mapuche, sa mobilisation contre la dictature, sa constitution de solidarités transnationales avec d’autres minorités et sa mise à profit des nouvelles communications globalisées et de leurs conséquences.

5Le chapitre suivant est consacré aux recours à diverses institutions internationales dans le cadre de l’internationalisation des revendications des peuples autochtones, on pense par exemple, à ceux du Canada ou de l’Australie. Cette action s’est concrétisée par la mise au point d’une véritable stratégie de défense des droits au sein des organisations internationales, relayée par le soutien de puissantes ONG. Le livre expose aussi bien sûr les réactions de l’État chilien à ces campagnes et à leurs effets sur l’opinion publique.

6La seconde partie du livre est plus tournée vers ce qui s’est passé au Chili, avec l’émergence d’un peuple autochtone dans le cadre de la transition démocratique qui a suivi la fin de la dictature : demande d’une reconnaissance politique aux résultats incertains, mouvement d’autonomisation en liaison avec l’international, radicalisation d’une politique de « libération nationale » à l’extrême fin du siècle passé. Le livre examine ensuite les conséquences de l’autodétermination par adoption des conventions internationales et la constitution d’autonomies locales, les résultats pour le moins inégaux, la vigilance des organisations internationales et l’articulation d’autonomies transnationalisées.

7Le dernier chapitre, sans établir un véritable bilan montre comment s’est établie ou renforcée l’identification mapuche, entre autochtonie, nationalité et internationalité, comment s’est constitué un parti tourné vers l’international et l’échec de la politique institutionnelle, enfin pourquoi s’est fragmenté le mouvement politique né sur cette question.

8Ce livre bien documenté, étayé par une bonne connaissance de la sociologie politique et des relations internationales apporte un éclairage complémentaire à la connaissance de la question mapuche au cours des dernières décennies qu’il envisage dans les liens unissant la mobilisation intérieure et les stratégies d’internationalisation du problème.