Gouvernement, Forces Armées et Parlement. Introduction à la politique de défense de l’Espagne contemporaine (1989-2015)
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Thèse préparée en co-tutelle entre l'Université d'Angers et l'Université Nationale d'Éducation à Distance (UNED) de Madrid, sous la direction de Mesdames les Professeures Alicia Alted Vigil et Manuelle Peloille, et soutenue le 16 décembre 2022 devant un jury composé de MM. Florence Belmonte (Professeure, U. Paul Valéry, Montpellier), Guillem Colom Piella (MCF, U. Pablo de Olavide, Séville), Bernard Labatut (MCF HDR, U. Toulouse Capitole).
Texte intégral
Pourquoi la politique de défense ?
- 1 Instituto Universitario General Gutiérrez Mellado (IUGM), de investigación sobre la Paz, la Segurid (...)
- 2 Sepúlveda Muñoz Isidro, «De la Historia Militar a la Historia de la defensa en España», in Sepúlved (...)
1En 2007, Isidro Sepúlveda Muñoz, alors directeur de l’Institut Universitaire général Gutiérrez Mellado1, évoquait les limites d’une histoire militaire entendue comme le récit, la recréation et l’analyse de guerres et de batailles. Cette conception s’est vue dépassée à partir des années 1980 et 1990 par l’apparition d’une nouvelle approche (la Nouvelle Histoire Militaire) qui faisait place à de nouvelles perspectives2. Cette nouvelle approche justifiait, pour l’auteur, de parler non plus d’histoire militaire mais bien plutôt d’histoire de la Défense. Elle maintenait néanmoins l’instrument militaire au centre de l’attention, faisant de toutes ces nouvelles perspectives (sociale, psychologique, industrielle et technologique, économique et budgétaire), des domaines connexes à partir desquels il allait être possible de continuer à étudier le rôle, le fonctionnement et l’organisation des Forces Armées. Par ailleurs, si cet élargissement du champ d’étude a illustré une diversification des perspectives, le passage d’une histoire militaire à une histoire de la Défense nous semble plutôt relever d’une réflexion plus large encore sur l’évolution du rôle de la guerre et des Forces Armées dans la société.
2Si la mission Défense est déléguée au ministère du même nom, chargé de mettre en application toutes ses modalités, l’évolution des risques et des menaces identifiées ainsi que les bouleversements du panorama géopolitique et stratégique amèneront une révision du concept même de Défense. Les Forces Armées, dans ce contexte, cessent d’être cet instrument traditionnellement privilégié de la défense, comme action de résistance face à une agression extérieure, au profit d’autres modalités de défense. La diversification des missions des Forces Armées illustrera ces bouleversements, qui affectent leur rôle et leurs modalités d’action au sein de la mission Défense.
3Parler de Défense et, a fortiori, de politique de Défense, implique donc de déplacer le centre de l’attention depuis les Forces Armées vers la dimension politique, sommet d’une hiérarchie dont l’armée constitue le dernier maillon. En effet, de nombreux auteurs rappellent que les Forces Armées correspondent à l’instrument privilégié, mais non unique, de la politique de Défense qui, si elle est formulée en accord avec de hauts responsables militaires, requiert également l’assentiment du Parlement. Aussi convient-il de modifier l’objet d’étude et de faire des Forces Armées à la fois les destinataires et l’instrument de la politique de Défense. Toutefois, ce concept même de politique de Défense pose question car toute la documentation officielle consultée, qu’elle soit à caractère juridique, politique ou stratégique, témoigne de l’absence de définition précise de ce qu’est une politique de Défense. L’approche choisie privilégie la dimension politique et institutionnelle, de manière à appréhender l’impact du contexte géopolitique et stratégique ainsi que des décisions politiques sur l’armée et la possibilité d’assurer la mission de défense de l’État, déléguée, entre autres, au ministère de la Défense.
Les trois temps de la défense espagnole (1931-1989)
4La réforme militaire de Manuel Azaña (1931-1933), véritable laboratoire de la modernité en matière de Défense Nationale, pose, dès le début, les bases d’un nouveau rapport entre l’armée et l’État, autrement dit avec la société civile. L’armée cesse d’être l’instrument de Défense d’une institution et le garant de la cohésion nationale pour devenir l’instrument de l’État, au service de l’État, contre toute agression ou invasion étrangère. Cette réorientation conceptuelle entre en contradiction avec la prérogative militaire accordée par la Loi sur les Juridictions de 1906 mais considérant la Défense du territoire contre l’ennemi extérieur un élément naturel de sa raison d’être, l’armée ne s’offensera que lorsque Azaña concrétisera ce revirement de la Défense intérieure vers la Défense extérieure à travers la réforme de la justice militaire qui, pourtant, était annoncée par l’abrogation de la Loi de 1906.
5La réforme de l’organisation technique de l’armée consacre cette nouvelle conception de la Défense. En parlant de Défense nationale, Manuel Azaña non seulement donne un sens nouveau à l’idée de Défense et réoriente la fonction défensive mais il renforce également la charge politique et symbolique de l’idée en lui adjoignant l’adjectif national qui, dans le cadre de la réforme en cours, acquiert une profondeur, une consistance et une importance nouvelles. Car il ne s’agit plus de défendre la cohésion nationale et la stabilité de l’existence de l’État malgré les turbulences de la vie politique et sociale dont l’Espagne fait l’expérience depuis le début du XIXe siècle, mais bien plutôt d’appliquer un concept qui n’est pas nouveau dans un cadre de pensée et avec des objectifs qui, eux, doivent transformer le rapport de l’armée à l’État et à la Nation. L’idée de Défense nationale avait été détournée par l’armée qui s’était posée comme garante de l’ordre et de la stabilité pour le plus grand profit, soi-disant, de la Nation, en s’arrogeant le droit de déterminer la destinée des gouvernements par pronunciamiento. La conception d’Azaña vise à séparer l’armée de la tradition historique interventionniste qui est la sienne en affirmant dès le 17 avril 1931 la force suffisante de la société civile pour assurer la direction des affaires de l’État sans intervention ni participation militaire.
6Face au contexte stratégique né de la victoire des Alliés en Europe, le régime franquiste a mené une politique consistant à mettre en place les moyens de la défense territoriale de l’Espagne et surtout du régime. Mais la conception militaire de l’État sous Franco ne peut pas être mise sur le même plan que la réforme de Manuel Azaña, laquelle portait en germe une réelle politique de Défense, pensée comme une politique d’État et non pas seulement comme réponse à une potentielle agression extérieure. Là encore, les deux emplois du même terme de Défense Nationale ne peuvent être appréhendés de la même manière puisqu’ils renvoient à deux représentations différentes de la Défense, l’une plus particulière et personnelle (celle de Franco), l’autre plus globale et plus politique (celle d’Azaña).
7Consciente du déséquilibre fondamental entériné par les Pactes de Madrid (1953), entre les États-Unis et l’Espagne, celle-ci cherchera lors des renouvellements postérieurs à obtenir une aide économique plus importante pour compenser cette servitude volontaire et opérer une réelle modernisation des forces armées espagnoles, au point de parler de « chantage espagnol », d’après Benjamin Welles, pour qui « en réalité, ce n’était pas tant du chantage qu’une croyance espagnole typiquement exagérée de son importance stratégique et de la capacité de combat de ses hommes. La conception personnaliste de pouvoir et sa confiscation par Franco, ainsi que les accords de Défense avec les Etats-Unis et le financement insuffisant de l’armée espagnole constituent autant de facteurs qui configurent une dictature sans défense.
8La chronologie de la Transition peut être abordée depuis plusieurs points de vue, selon que l’on s’intéresse à sa dimension politique et institutionnelle, internationale ou encore militaire. L’alternance au pouvoir qui résulte élections générales du 28 octobre 1982, démontre la solidité des institutions et leur capacité à accepter le changement politique et idéologique. De la même manière, l’intégration de l’Espagne dans les principales organisations régionales européennes, la Communauté Économique Européenne et l’Alliance Atlantique (OTAN), marquent la réinsertion de l’Espagne en Europe et la fin de la Transition internationale. Toutefois, dans le domaine militaire, la Transition ne s’achèvera qu’en 1988, avec la renégociation des accords hispano-nord-américains sur des bases plus équilibrées, l’intégration des femmes dans les Forces Armées et l’intégration de l’Espagne dans l’Union de l’Europe Occidentale (UEO) prévue dans les accords d’intégration dans la CEE. En outre, la fin de la réforme de la justice militaire permet de repousser la fin de la Transition jusqu’en 1989.
La seconde transition militaire et l’intégration européenne (1989-2004)
9La période retenue dans cette thèse s’ouvre donc avec l’année 1989 qui a le double avantage de représenter la fin de la Transition dans le secteur militaire et de la Défense et le début de la disparition de l’URSS. Il s’agit là d’une année charnière qui connecte trois transitions. Elle relie, d’une part, la première Transition (1975-1989) à une seconde transition de nature différente (1989-2004), en même temps qu’elle fait le lien entre un monde divisé en deux blocs antagonistes et un monde unipolaire marqué néanmoins par l’émergence de plusieurs foyers de puissance potentiels. La seconde transition qui commence à partir de 1989 (avec la troisième législature du PSOE au pouvoir) constitue-t-elle une continuation des restructurations des années précédentes, sans que l’impératif de transformation du régime préside à la prise de décision et à l’orientation de la transition. Par ailleurs, la menace d’une possible intervention militaire, à la manière d’une épée de Damoclès, et qui avait imposé prudence et précaution aux dirigeants politiques, s’évanouit dans la seconde moitié des années 1980. À cette transition continuée, s’ajoute une transition internationale qui oblige, à son tour, à de nouvelles restructurations et révisions des niveaux de forces nécessaires pour faire face au nouveau panorama stratégique et géopolitique, à l’aube d’un XXIe siècle dont le poids symbolique participe à la détermination des échéances et des horizons.
10Les années de la Transition avaient vu le budget du ministère de la Défense augmenter de manière vertigineuse, essentiel pour mener à bien la modernisation et la professionnalisation d’une armée obsolète. Les différentes lois de programmation militaire, celles issues de la loi de 1971 d’abord, celles issues de leur adaptation à travers la loi 44/1982 ensuite, permirent aux armées de moderniser leurs équipements et matériels dans la mesure où l’évolution budgétaire et de l’économie nationale le permettait. Lorsque l’on s’attarde sur le budget de l’État et sur celui de la Défense pour la période qui va de 1989 à 2004, on constate que l’augmentation des crédits, qui avait été initiée dans les années 1960, prolongée et accrue durant la Transition, poursuit son chemin ascendant à l’aube du XXIe siècle.
11Qu’en est-il, par ailleurs, du rôle du Parlement dans l’élaboration, le suivi et le contrôle de la politique de Défense ? Quelles sont ses attributions et ses compétences ? Dans quelle mesure le Parlement a-t-il voix au chapitre en matière de Défense nationale ? Le contrôle parlementaire de la politique de Défense est d’autant plus important qu’il est tout à la fois le symbole de l’autorité civile retrouvée sur l’organisation proprement militaire et l’une des marques du fonctionnement démocratique d’un État. À cet égard, la fonction de contrôle attribuée au Parlement apparaît, d’un point de vue historique, comme le contrepoint de l’interventionnisme militaire en politique depuis le XIXe siècle. Ce sont donc ces rapports de force qui conditionnent le contrôle parlementaire de la première moitié des années 1990. L’accord général sur l’évolution et les principes fondamentaux de la politique de Défense ainsi que le caractère primordial de la poursuite de la réforme justifient une entente relative des divers partis sur la question. Ce n’est qu’à partir de 2002 et en particulier à l’occasion de la guerre en Irak que ce consensus relatif autour des politiques étrangère et de Défense sera rompu, faisant apparaître, sinon des conceptions particulières, du moins une perception spécifique à chaque groupe de ce que sont ou devraient être les priorités de la Défense. Le début du XXIe siècle, notamment à partir de 2004, confirmera un modèle de Forces Armées, en même temps que la crise de 2008 imposera une perspective presque essentiellement économique et financière au contrôle parlementaire.
Une défense nationale en crise (2004-2016)
12Avec la réintégration de l’Espagne dans le système international et son entrée dans les principales organisations européennes et atlantiques de sécurité et de défense, et suite à l’effondrement de l’URSS, les opérations militaires extérieures tendent à devenir la norme de l’intervention internationale, sous la forme d’opération de maintien de la paix. Si le concept est, en lui-même, discutable compte tenu des intérêts politiques, énergétiques et stratégiques qui sont en jeu, il témoigne pourtant d’une nouvelle réalité et de la prétention morale des interventions occidentales à l’étranger, notamment au Proche et au Moyen Orient. Parallèlement, la publication, en 2011, de la première Stratégie de Sécurité Nationale espagnole donne à voir une nouvelle hiérarchie des concepts liés au secteur de la défense intégrant la Défense Nationale dans le cadre plus large de la sécurité nationale. Celle-ci englobe, entre autres secteurs, la sécurité alimentaire, humaine, énergétique ou la cybersécurité, témoignant d’une vision plus globale de la sécurité et de la mission de défense de l’État, laquelle ne peut plus se comprendre depuis une perspective strictement militaire. Le développement de la Diplomatie de Défense, et plus encore la création de l’Unité Militaire d’Urgences (Unidad Militar de Emergencias – UME), cristallise la transformation du rôle de l’armée en l’éloignant un peu plus de sa fonction guerrière première. Sans pour autant déplacer le rôle de l’armée, ces nouvelles initiatives tendent à élargir l’éventail des missions qui lui sont dévolues.
13Face aux transformations de l’environnement international et des enjeux géopolitiques et stratégiques mondiaux, il était indispensable d’assurer un financement qui permette aux Forces Armées d’assurer leur mission de Défense Nationale, notamment à travers les opérations extérieures. L’évolution à la baisse du budget de la défense nationale en Espagne, entamée dès 2009, comme conséquence de la crise économique de 2008, sous le premier gouvernement socialiste de José Luis Rodríguez Zapatero, entre en contradiction avec les discours servant à leur justification par les principaux responsables politiques et, dans une moindre mesure, par le Chef d’État-Major de la Défense. À l’inverse, plus les réductions se poursuivent et s’aggravent, plus le discours tend à défendre le budget comme étant réaliste, cohérent et équilibré. Les dépenses hors budget prévisionnel en matière de défense témoignent de l’ampleur des réductions et du refus de faire apparaître dans les prévisions budgétaires des sommes colossales pourtant destinées à financer des secteurs importants de la défense, comme les grands programmes d’armement ou les opérations internationales. La gestion économique et financière interroge le rôle et la mission de la Défense Nationale dans la gestion de crise, en même temps qu’elle met en lumière les diverses temporalités de programmation de la Défense : programmation financière et militaire. C’est aussi une forme d’ « éthique » de la programmation financière que cette gestion interroge qui pousse à s’interroger sur la fiction politique et économique qui a consisté, durant ces années à légitimer des budgets de Défense inadaptés aux besoins réels des Forces Armées.
- 3 Esperanza Gómez Corona, «La desparlamentarización del sistema político español. De parlamentarismo (...)
14Préférant la stratégie de l’illusion économique et financière, que l’on retrouvera au Parlement, dans les débats de la commission de Défense, les gouvernements qui tenteront d’affronter la crise entre 2008 et 2016, le feront sur la base d’un déni de réalité et en inversant les termes de l’implication de l’armée dans la Défense Nationale : moins l’État dépense en Défense, plus l’armée participe à l’effort national. Contrairement aux années 1990, la tension politique née de la crise économique de 2008 et de sa gestion, cristallisera des positions spécifiques à chaque parti tout en favorisant un espace commun d’opposition au gouvernement. Cette fiction financière, tout autant que politique, alliée à la nécessité dans laquelle se trouve le gouvernement d’appliquer un programme de réformes d’austérité économique, dessine à partir de la fin 2013, les limites du contrôle parlementaire. En effet, les débats qui ont lieu au Parlement s’apparentent davantage à une guerre de tranchées et à un dialogue de sourds par la manière dont chaque parti campe sur ses positions, obligeant l’opposition à chercher en dehors du Parlement de nouveaux instruments d’action, notamment à travers un recours auprès de la Cour Constitutionnelle, déplaçant, par la même occasion le débat politique. Plus généralement, la gestion politique de la Défense, notamment après la crise économique, interroge l’évolution de l’institution parlementaire par l’utilisation croissante d’instruments qui favorisent moins le débat, à tel point que Esperanza Gómez Corona a pu parler de « déparlementarisation » du système politique espagnol3.
2022 en guise d’épilogue
- 4 En 2018, Le Monde Diplomatique avait déjà fait paraître un numéro du magazine bimensuel « Manière d (...)
15L’année 2022 a été riche en rebondissements sur la scène internationale depuis la perspective du secteur de la défense, entre l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 23 février 2022, la révision du Concept Stratégique de l’OTAN, ou encore le 40e anniversaire de l’entrée de l’Espagne dans l’OTAN (30 mai 1982). Si le conflit russo-ukrainien se place dans la continuité de l’annexion de la Crimée par Moscou, en 2014, et de l’accord d’association entre l’Ukraine et l’Union Européenne, les conséquences militaires et stratégiques pour l’Europe sont fondamentales. Le combat se sont en effet déroulés dans un pays proche des frontières de l’OTAN faisant craindre à plusieurs reprises une confrontation directe entre la Russie et l’Alliance Atlantique, sur un mode qui a pu rappeler la guerre froide4. Si l’OTAN n’intervient pas directement dans le conflit, elle y par l’envoi de matériel militaire, et indirectement à travers la participation de combattant de toutes nationalités aux côtés de l’armée ukrainienne, initiative qui n’est pas sans rappeler l’afflux de combattants étrangers encadrés dans les Brigades Internationales durant la guerre d’Espagne (1936-1939).
- 5 Miguel González, « El gasto militar ascenderá el año próximo a más de 15 000 millones, el 1,2% del (...)
16Menace directe à la sécurité européenne plus qu’à l’ordre international, le conflit russo-ukrainien a motivé certaines décisions de l’Alliance en juin 2022 et a poussé la Suède et la Finlande à sortir de leur traditionnelle neutralité pour se réfugier sous le parapluie sécuritaire de l’OTAN, de manière à se prémunir d’une éventuelle intervention russe. Le nouveau Concept Stratégique de l’OTAN en porte la trace. Mais les décisions prises au niveau national témoignent bien plus encore de se réveil sécuritaire européen et occidental à travers l’augmentation prévue des dépenses consacrées à la défense nationale. En effet, dans le cas de l’Espagne, le budget de Défense devrait atteindre pour l’année 2023, les 15 milliards d’euros, soit environ 1,2 % du PIB5.
- 6 Pierre Buhler, « Chapitre VIII. La montée en puissance de l’Asie, ou le sprint des géants », La pui (...)
- 7 Peter Frankopan, Les nouvelles routes de la soie. L’émergence d’un nouveau monde [2018], Paris, Fla (...)
17Parallèlement, la Chine construit patiemment son chemin vers la puissance, pendant que l’Inde, en rassemble les instruments6. Le président américain Barack Obama avait bien reconnu un déplacement de la compétition stratégique vers l’Asie, et en particulier la zone Indopacifique, comme l’indique la politique du pivot vers l’Asie du président. L’émergence de cette nouvelle puissance qu’illustre le projet de nouvelles routes de la Soie (Belt and Road Initiative), présenté en septembre 2013, témoigne de l’ambition chinoise et fait dire à Peter Frankopan que « nous vivons déjà dans le siècle asiatique, époque où le déplacement du PIB mondial, des économies occidentales développées vers celles de l’Orient, se produit à une échelle et à une vitesse stupéfiantes7. »
18Dans un tel contexte de reconfiguration de l’ordre international et de la sécurité européenne, l’Espagne ne peut agir qu’à travers l’Union Européenne et l’OTAN. C’est dans le cadre de ces organisations internationales que l’Espagne tente d’affronter des risques et menaces constants, renforcés pour certains par les effets de la crise économique, comme l’importance des flux migratoires vers l’Espagne. Celle-ci doit contrôler une frontière à la fois nationale et européenne (à Ceuta et Melilla, et aux Canaries), et se trouve en première ligne de la lutte contre l’immigration clandestine. L’emploi régulier des Forces Armées, aux côtés des forces de police, interroge sur la militarisation des frontières en même temps qu’il ramène sur le devant de la scène l’instrument militaire et la politique de Défense, leur redonnant ainsi une importance qu’elles semblaient avoir perdu depuis la fin de la guerre froide.
Notes
1 Instituto Universitario General Gutiérrez Mellado (IUGM), de investigación sobre la Paz, la Seguridad y la Defensa.
2 Sepúlveda Muñoz Isidro, «De la Historia Militar a la Historia de la defensa en España», in Sepúlveda Muñoz Isidro, Alda Mejías Sonia (eds.), Fuerzas Armadas y políticas de defensa: Transición y modernización, vol. 1, UNED/IUGM, Madrid, 2007, p. 27-28.
3 Esperanza Gómez Corona, «La desparlamentarización del sistema político español. De parlamentarismo excesivamente racionalizado a un parlamento diluido», Revista de Derecho Político, n° 111, mai-août, 2021.
4 En 2018, Le Monde Diplomatique avait déjà fait paraître un numéro du magazine bimensuel « Manière de Voir » intitulé précisément : La nouvelle Guerre Froide.
5 Miguel González, « El gasto militar ascenderá el año próximo a más de 15 000 millones, el 1,2% del PIB », El País, 4 octobre 2022.
6 Pierre Buhler, « Chapitre VIII. La montée en puissance de l’Asie, ou le sprint des géants », La puissance au XXIe siècle. Les nouvelles définitions du monde [2011], Paris, CNRS Éditions, 2019, p. 373-426.
7 Peter Frankopan, Les nouvelles routes de la soie. L’émergence d’un nouveau monde [2018], Paris, Flammarion, 2020 (collection Champs histoire), p. 22.
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Référence électronique
Jules Rodrigues, « Gouvernement, Forces Armées et Parlement. Introduction à la politique de défense de l’Espagne contemporaine (1989-2015) », Cahiers de civilisation espagnole contemporaine [En ligne], 29 | 2022, mis en ligne le 06 février 2023, consulté le 30 mai 2023. URL : http://journals.openedition.org/ccec/14523 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ccec.14523
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