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Texte intégral

1Le décès de Christian Vonhoff le 17 janvier 2021, à l’âge de 45 ans, a été brutal et totalement inattendu. Il était pour moi à la fois un jeune chercheur très prometteur, un collègue sympathique, toujours serviable, et un excellent ami.

2Christian Vonhoff était né le 16 mars 1975 à Kemnath, dans le Haut-Palatinat. Après avoir passé son baccalauréat en 1995 dans le lycée de la ville voisine d’Eschenbach, et accompli son service militaire dans la Bundeswehr, il avait d’abord entrepris en 1996-1997 – suivant la voie de son père pharmacien – des études de pharmacie à l’université Friedrich-Alexander d’Erlangen-Nuremberg. Mais son penchant pour les sciences humaines, en particulier l’archéologie, s’imposa rapidement, si bien qu’en 1997 il changea d’orientation pour s’inscrire en archéologie classique à l’université d’Erlangen, avec comme matières secondaires l’histoire ancienne, moderne et contemporaine. Ce choix reflétait déjà son intérêt pour le lien entre la recherche archéologique et la réflexion historique, plutôt que pour une archéologie tournée vers l’histoire de l’art, dans la tradition allemande.

Christian Vonhoff.

Christian Vonhoff.

3Un tournant décisif – son « chemin de Damas », si l’on peut dire – a eu lieu, de façon tout à fait significative, lors d’une excursion de l’Institut d’Archéologie Classique dans le Péloponnèse (sous la direction de Christoph Börker). Il tomba spontanément sous le charme de la citadelle de Mycènes, une fascination persistante qui détermina ensuite son orientation scientifique : ses travaux ont dès lors été centrés sur le monde égéen de l’âge du Bronze. Lorsque j’ai été recruté en 2001 à Erlangen il avait déjà décidé de traiter un sujet consacré à ce domaine de recherches. En 2003 il présentait son Magister Artium sur les représentations de combats dans la peinture murale mycénienne, puis en 2007 sa thèse sur les représentations de combats et de guerre dans la civilisation minoenne et mycénienne : dans cette excellente synthèse sur la documentation alors disponible, il analysait clairement l’évolution chronologique des monuments figurés et mettait en valeur les implications historiques, culturelles et sociales qui ressortaient de sa remarquable étude iconographique.

4De 2008 à 2010 Christian Vonhoff a occupé un poste d’assistant à l’Institut d’Archéologie Classique de l’université d’Erlangen : il y a acquis une vaste expérience de l’enseignement universitaire sur des sujets qui s’étendaient de l’âge du Bronze égéen à l’architecture et à la peinture de vases grecques, à la sculpture hellénistique et aux portraits romains, autant de marques d’intérêt qui dépassaient largement sa propre spécialité scientifique. À Erlangen, comme ensuite à l’université de Bochum, son enthousiasme et son engagement ont amené plusieurs générations d’étudiants à se spécialiser en archéologie classique.

5Il s’est orienté d’autre part, à cette même époque, vers un autre domaine d’étude, l’archéologie du Bronze Récent et du premier âge du Fer à Chypre. En 2010 il a obtenu la bourse doctorale de l’Institut allemand d’Athènes pour un programme de recherche consacré spécifiquement à l’archéologie chypriote : il portait sur l’étude de la culture matérielle chypriote du début de l’âge du Fer (1100‑750 av. J.‑C.), entre traditions locales et influences culturelles extérieures ; ce sujet devait être celui de son Habilitation. Ce séjour à Athènes, jusqu’en 2013, a été consacré à la fois à des recherches intensives au Cyprus Museum (Nicosie) et à l’approfondissement de ses travaux sur l’iconographie minoenne et mycénienne, ainsi qu’aux problèmes de continuité entre l’époque mycénienne et les périodes protogéométrique et géométrique en Grèce continentale. Ce séjour lui permet également de participer aux fouilles de l’Institut allemand à Samos, où il entreprend l’étude des objets en fer anciennement découverts et, surtout, celle des obeloi en fer trouvés lors des campagnes récentes, ce qui lui permettait de faire le lien avec ses précédentes recherches sur la typologie, la chronologie et la fonction des obeloi chypriotes géométriques et archaïques.

  • 1 « Wandel durch Handel – Kupferexport und Bronzehandwerk als Motor antiker Kulturentwicklung: das Fa (...)

6Après son séjour à Athènes il s’installe à Bochum où il occupe en 2016 et 2017, par intérim, un poste vacant de Wissenschaftlicher Rat à l’Institut des Sciences de l’Archéologie de l’université de la Ruhr. Il obtient ensuite une bourse post-doctorale de la Fondation Gerda Henkel à Düsseldorf pour un projet de recherche sur l’évolution de l’exportation du cuivre et de l’artisanat du bronze, et leur rôle dans l’évolution de la civilisation, à partir de l’exemple de Chypre entre la fin du IIe et le début du Ier millénaire av. J.‑C.1.

7Les publications de Christian Vonhoff ont deux fondements principaux. En premier lieu les civilisations du monde égéen à l’âge du Bronze : des études concernant la civilisation des Cyclades au IIIe millénaire, les images de combats dans l’art minoen et mycénien (le sujet de sa thèse), mais aussi celles de la chasse, également des recherches sur la topographie mycénienne, ou encore sur l’artisanat du bronze aux époques minoenne, mycénienne et géométrique. Après son doctorat, en 2007, se sont ajoutées les recherches sur Chypre antique, plus particulièrement sur le Bronze Récent et le début de l’âge du Fer. Des travaux plus modestes concernent les portraits romains impériaux, ainsi que toute une série de comptes rendus, une activité devenue peu courante chez les jeunes chercheurs.

8Sa participation à un grand nombre de congrès internationaux sur l’archéologie chypriote et les multiples conférences qu’il a présentées lui ont valu une reconnaissance internationale et l’ont aidé à nouer des contacts professionnels et personnels avec des collègues et amis dans notre discipline, en Allemagne comme à l’étranger.

9Christian Vonhoff était un savant posé, ennemi de tout pathos, dont la force reposait sur sa capacité d’analyser avec précision la vaste documentation qu’il maîtrisait – aussi bien dans le domaine de la typologie et de la chronologie que de l’iconographie –, des capacités d’analyse aboutissant à une meilleure connaissance de l’histoire socio-culturelle : ainsi pour des questions relatives à l’autoreprésentation des élites sociales, aux rituels et aux modes de comportement antiques, plus encore aux contacts interculturels et aux problèmes des mécanismes du commerce et des échanges, de la réception et de l’adaptation de modèles étrangers, qui aboutissent à des processus d’acculturation en profondeur qui ont particulièrement retenu son attention. Sur cette dernière problématique l’évolution de Chypre dans l’Antiquité fournissait de précieux exemples. Il faut insister sur le fait qu’il a, ainsi, fortement contribué à rattacher plus étroitement les études chypriotes à l’archéologie classique pratiquée en Allemagne.

10Sa mort prématurée l’a empêché d’achever plusieurs projets en cours, en particulier ses deux principales études : celle sur la mixité culturelle et l’histoire sociale de Chypre au début de l’âge du Fer, qui était déjà très avancée, et celle sur le commerce des métaux et l’artisanat du bronze dans l’île d’Aphrodite au Bronze Récent et au premier âge du Fer.

11Cette mort prématurée, particulièrement brutale, a mis un terme à la vie d’un savant extrêmement prometteur. Toutes mes pensées vont vers la famille de Christian.

Bibliographie de Christian Vonhoff concernant l’archéologie chypriote

12Édition, avec H. Matthäus et B. Morstadt, du volume PoCA (Postgraduate Cypriot Archaeology) 2012. Newcastle upon Tyne, 2015.

Articles

13« The Penomenon of Feasting in Early Iron Age Cyprus. Bronze and Iron Obeloi from Cypriot Tombs as Evidence for Elite Self-Conception. Social Networks and Trans-Mediterranean Cultural Exchange ». CCEC 41, 2011, p. 133‑152.

14« Offensive Weapons in Cypriot Early Iron Age Elite Burials (LC III B/CG) as Indicators for Autochthonous Traditions and External Cultural Influences ». Pasiphae 7, 2013, p. 195‑206.

15« Phoenician Bronzes in Cyprus ». F. J. Jiménez Ávila (éd.), Phoenician Bronzes in Mediterranean. Madrid, 2015, p. 269‑294.

16« Phoenician Bronzes from Cyprus Reconsidered. Intercultural Exchange in Ancient Cyprus from a Pan-Mediterranean Perspective ». G. Bourogiannis, C. Mühlenbrock (éd.), Ancient Cyprus Today. Museum Collections and New Research. Uppsala, 2016, p. 273‑284.

17« Iron Weapons from the Archaic Royal Tombs at Salamis ». S. Rogge, Chr. Ioannou, Th. Mavrojannis (éd.), Salamis of Cyprus. History and Archaeology from the Earliest Times to Late Antiquity. Münster & New York, 2019, p. 177‑194.

Comptes rendus

18Joanna S. Smith, Art and Society in Cyprus from the Bronze Age into the Iron Age. Cambridge, 2009. Gymnasium 118, 2011, p. 309‑311.

19Vassos Karageorghis, Enkomi. The Excavations of Porphyrios Dikaios 1948-1958. Supplementary Catalogue of Finds. Nicosie, 2011. Gnomon 86, 2014, p. 282‑284.

20Penelope Mountjoy, Decorated Pottery in Cyprus and Philistia in the 12th Century BC. Vienne, 2018. Bonner Jahrbücher 218, 2018, p. 348‑354.

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Notes

1 « Wandel durch Handel – Kupferexport und Bronzehandwerk als Motor antiker Kulturentwicklung: das Fallbeispiel Zypern im späten 2. und frühen 1. Jahrtausend v. Chr. ».

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Table des illustrations

Titre Christian Vonhoff.
URL http://journals.openedition.org/cchyp/docannexe/image/297/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 124k
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Pour citer cet article

Référence papier

Hartmut Matthäus, « In memoriam Christian Vonhoff (1975‑2021) »Cahiers du Centre d’Études Chypriotes, 50 | 2020, 19-22.

Référence électronique

Hartmut Matthäus, « In memoriam Christian Vonhoff (1975‑2021) »Cahiers du Centre d’Études Chypriotes [En ligne], 50 | 2020, mis en ligne le 01 mai 2022, consulté le 19 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/cchyp/297 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cchyp.297

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Auteur

Hartmut Matthäus

Friedrich-Alexander Universität Erlangen-Nürnberg

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