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Comptes rendus

Luca Bombardieri et al., Erimi Laonin tou Porakou: A Middle Bronze Age Community in Cyprus - Excavations 2008-2014

Raphaël Orgeolet
p. 206-209
Référence(s) :

Luca Bombardieri et al., Erimi Laonin tou Porakou: A Middle Bronze Age Community in Cyprus - Excavations 2008-2014, Studies in Mediterranean Archaeology vol. CXLV, Paul Aströms Förlag, Uppsala, 2017. [430 pages, 353 figures et 54 tableaux dans le texte + 6 tableaux en appendice.] ISBN 978‑91‑7081‑227‑9

Texte intégral

1Cet ouvrage vient couronner la première série de fouilles effectuées sous la direction de l’auteur de 2008 à 2014 sur l’important site d’Erimi Laonin tou Porakou (ci‑après Erimi), situé dans la vallée du Kouris dans la région de Limassol, immédiatement au nord de la péninsule d’Akrotiri. L’établissement avait été repéré avec d’autres en 2007 et 2008 dans le cadre d’une prospection menée par une mission italienne dans les parties médiane et basse de la vallée du Kouris (dir. A.‑M. Jasink et L. Bombardieri, université de Florence), et a été choisi pour une exploration stratigraphique en raison de son importance et de son ancrage chronologique. Le site semble en effet avoir été fondé au début du Bronze Moyen et être resté occupé tout au long de cette période, qui demeure relativement mal documentée à Chypre, particulièrement en ce qui concerne l’habitat. On relève à Erimi l’absence totale de mobilier du Bronze Récent et de l’Âge du Fer, tandis que le site connait une réoccupation aux époques hellénistique et romaine.

2On doit tout d’abord saluer la rapidité avec laquelle cet ouvrage a été publié, puisque cette édition intervient seulement trois années après la fin du premier programme de fouilles. Ce livre constitue donc une publication finale qui regroupe un chapitre introductif signé de l’auteur, où est présenté brièvement le contexte scientifique et géographique du projet et de la région, ainsi que les principales problématiques poursuivies. À cet égard, il est rappelé à juste titre les lacunes dans nos connaissances sur la période, ainsi que les espoirs fondés dans cette recherche pour mieux comprendre les phases initiatrices des processus d’urbanisation à Chypre. Cette introduction est suivie d’une quinzaine de chapitres thématiques pour lesquels ont contribué vingt‑deux spécialistes. Le deuxième chapitre (« Features and structures »), également proposé par L. Bombardieri, rend compte des matériaux et des techniques de construction ainsi que des différents éléments du bâti, présentés de manière analytique. Toujours du même, le troisième chapitre (« Architecture and stratigraphy ») présente la topographie du site et les trois espaces qui y ont été distingués : le complexe artisanal, la zone domestique et le cimetière. Le quatrième chapitre (« The pottery »), signé par Jennifer M. Webb, propose une étude de la céramique de l’Âge du Bronze Moyen présentée en près de soixante‑quinze pages agrémentées de tableaux et de photographies en couleurs, qui viennent efficacement compléter les dessins. Après une courte introduction où est notamment rappelée l’importance de l’assemblage céramique d’Erimi pour la connaissance des cultures du Bronze Moyen dans la région centrale de la côte méridionale de Chypre, les particularités de celui‑ci sont présentées, notamment en ce qui concerne le répertoire des différentes classes. Si les provenances sont brièvement évoquées, elles laissent néanmoins l’impression que les vases en provenance des tombes ont bénéficié d’un traitement privilégié dans cette étude, au détriment de ceux retrouvés dans l’habitat, probablement en raison du différentiel de conservation ; ce sentiment ne fera du reste que grandir à mesure qu’avancera la lecture de ce chapitre. En substance, les descriptions sont minutieuses et de nombreux parallèles avec d’autres exemples contemporains dans l’île sont proposés, permettant à l’auteur d’aboutir à une synthèse sur la chronologie de l’occupation protohistorique d’Erimi, au détriment cependant de toute autre forme de réflexion à partir du mobilier céramique, notamment sur les aspects fonctionnels. J.M. Webb, toujours, propose ensuite un cinquième chapitre fourre‑tout (« The ground stone ») où sont rassemblés aussi bien les pierres à cupules, aujourd’hui largement interprétées comme des instruments de jeu, que les meules et les molettes, le macro-outillage (haches, marteaux, enclumes), les pilons et les mortiers, les polissoirs, mais aussi les poids et les pierres à aiguiser. Quand bien même on doit tenir compte du caractère restreint de cet ensemble hétéroclite (53 numéros d’inventaire), on regrette l’absence d’une véritable étude technologique et fonctionnelle. L’intérêt principal de ces pages sera donc essentiellement de porter à la connaissance du public l’existence de ces collections, qui pourront à l’avenir faire l’objet d’études spécialisées. On aurait pu craindre du sixième chapitre (« Small finds ») qu’il souffre de défauts similaires, mais celui‑ci s’ouvre par une solide étude d’une quinzaine de pages sur les fusaïoles menée avec grand soin par Giulia Muti où, après un bref classement typologique, sont abordés longuement et de façon convaincante les aspects fonctionnels de ces objets, ainsi que leur répartition spatiale dans l’habitat et le cimetière. La même G. Muti propose ensuite un bref aperçu des pesons en terre cuite d’Erimi, dont la particularité majeure est de reprendre la forme et la taille d’un type par ailleurs bien connu de pesons de métier, à ceci près qu’ils sont ici dépourvus de perforation, ce qui conduit l’auteur à rejeter une telle fonction ; peut‑être doivent‑ils alors être interprétés comme des poids de balance.

3L. Bombardieri consacre ensuite quelques pages aux objets de parure, Martina Fissore aux objets métalliques, et le chapitre se clôt par un très court exposé sur les « objets divers » par L. Bombardieri et G. Muti. Bien que le mobilier en pierre taillé soit peu volumineux (80 numéros d’inventaire), on aurait pu attendre du chapitre de Carole McCartney (septième chapitre, « The chipped stone ») un peu plus de consistance : les quatre pages de catalogue, sous forme de table, ne sont accompagnées que de quelques tableaux et d’une seule page de texte. Dans ces conditions, il n’y a guère à attendre de cette intervention, et il faut espérer dans le futur une véritable étude qui se nourrira soit du mobilier exhumé lors des campagnes suivantes, soit de collections de sites voisins et contemporains. Le huitième chapitre signé par Marialucia Amadio présente les résultats d’une recherche géo-archéologique développée en parallèle et en étroite association avec les fouilles (« Erimi Laonin tou Porakou at the micro-sale: integrated micro-analytical materials and use of space »). Il s’agit d’un travail essentiellement analytique appliqué aux différents types de matériaux de construction reconnus sur le terrain, qui combine l’observation au microscope de lames minces effectuées à partir de blocs de sédiment figés dans de la résine (micromorphologie), ainsi que plusieurs méthodes de caractérisation de matériaux, telles que la spectroscopie infrarouge et l’analyse dispersive en longueur d’onde (XRF). Si l’ensemble de ces investigations permet de parvenir à caractériser finement la composition des différents types de matériaux mis en œuvre dans l’habitat, on peut regretter que ce travail n’aborde pas la question de leur préparation et ne se donne ainsi pas les moyens d’accéder à un pan entier des technologies développées par les anciens (voir les travaux effectués par la mission française de Khirokitia à Chypre sur l’habitat néolithique, dont notamment une étude de F. Hourani [« Les matériaux de construction en terre à Khirokitia (Chypre) : origine, techniques de préparation et emplois », dans Cl.‑A. de Chazelles, A. Klein (éd.), Échanges transdisciplinaires sur les architectures et les constructions en terre crue, 1, Montpellier, 2003, p. 161‑168] pour les apports de la micromorphologie dans ce domaine). Le neuvième chapitre (« Environmental setting: archaeobotanical and anthracological evidence »), proposé par Caterina Scirè Calabrisotto, Elena Vassio, Marco Fioravanti et Peter Gasson, s’ouvre par un brève introduction sur les conditions environnementales dans la vallée du Kouris, avant la présentation de deux brèves études sur les restes botaniques d’une part, et anthracologiques d’autre part. Des premiers notamment, on retiendra avec intérêt la présence de plantes tinctoriales dans le secteur de l’habitat où se tenaient les activités artisanales. Le dixième chapitre, de C. Scirè Calabrisotto et Mariaelena Fedi, est consacré à la datation (« Radiocarbon dating »). Sept échantillons de charbon de bois en provenance de la zone artisanale et dix‑sept os ou fragments d’os en provenance du cimetière ont été datés, et les résultats des analyses intégrés dans un modèle bayesien. La précision de celui‑ci demeure cependant relativement faible, et il semble souhaitable que d’autres séries de datations soient entreprises dans le futur. Le onzième chapitre, de C. Scirè Calabrisotto (« Palaeodiet reconstruction »), propose une restitution du régime alimentaire des populations au travers de l’analyse des isotopes stables présents dans les restes humains. Malheureusement, l’absence de données exploitables concernant les espèces végétales ou animales consommées diminue considérablement la portée des résultats. Dans le douzième chapitre (« Human remains »), Erika Albertini et Martina Monaco publient une étude archéo-thanatologique des restes humains mis au jour dans le cimetière. Malgré un certain nombre de lacunes probablement dues à l’état de préservation des ossements, les auteurs offrent là un ensemble qui sera utile aux spécialistes des pratiques funéraires ou à ceux qui fouilleront à Chypre des contextes funéraires contemporains. David S. Reese et Mari Yamakasi proposent ensuite dans le treizième chapitre (« Shells ») une courte synthèse consacrée aux restes malacofauniques. Le quatorzième chapitre de Francesca Dolcetti, Valentina Bonora, Lidia Fiorini, Alessandro Conti et Grazia Tucci (« 3D modelling and architectural visualisation ») représente l’aboutissement d’une entreprise encore peu suivie dans les publications archéologiques, consistant à livrer au public la documentation graphique en trois dimensions, dans le but affiché de pallier les effets destructeurs de la fouille archéologique. Le résultat, visible dans les chapitres consacrés à la stratigraphie et à l’architecture, se voit notamment dans la présence d’un grand nombre d’images numériques issues de modèles en trois dimensions. Si l’intention est louable, on peut s’interroger sur l’intérêt d’une publication papier de tels documents, dont la puissance heuristique réside justement dans la possibilité d’une manipulation numérique en trois dimensions. Par ailleurs, parmi d’autres inconvénients, on peut relever que ce ne sont ni des photographies – elles véhiculent moins d’informations que ces dernières –, ni des plans : elles ne permettent pas, contrairement à ces derniers, de trier et ordonner l’information, et présentent avant tout un état de la fouille plutôt qu’une phase archéologique. Il demeure néanmoins indéniable que le relevé 3D, en tant qu’outil et aide à l’interprétation, se révèle aujourd’hui indispensable, ce dont on se convaincra avec les restitutions de bâtiments proposées dans cet ouvrage, plus convaincantes que les simples modèles de terrain. Après un quinzième chapitre consacré à l’atelier de restauration d’Erimi (Giulia Dionisio, « Conservation and restauration procedures for archaeological artefacts: the Erimi conservation laboratory »), le seizième chapitre (« Erimi in content ») rassemble les conclusions et remarques générales de L. Bombardieri, qui viennent clore un ouvrage indispensable pour tout spécialiste de l’Âge du Bronze à Chypre.

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Pour citer cet article

Référence papier

Raphaël Orgeolet, « Luca Bombardieri et al., Erimi Laonin tou Porakou: A Middle Bronze Age Community in Cyprus - Excavations 2008-2014 »Cahiers du Centre d’Études Chypriotes, 48 | 2018, 206-209.

Référence électronique

Raphaël Orgeolet, « Luca Bombardieri et al., Erimi Laonin tou Porakou: A Middle Bronze Age Community in Cyprus - Excavations 2008-2014 »Cahiers du Centre d’Études Chypriotes [En ligne], 48 | 2018, mis en ligne le 01 mai 2022, consulté le 15 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/cchyp/385 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cchyp.385

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