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Comptes rendus

Stella Diakou, The Upper Geometric Cemetery at Lapithos. University of Pennsylvania Museum Excavations 1931-1932

Sabine Fourrier
p. 215-218
Référence(s) :

Stella Diakou, The Upper Geometric Cemetery at Lapithos. University of Pennsylvania Museum Excavations 1931-1932, Studies in Mediterranean Archaeology Volume CXLVI, Åström Editions, Uppsala, 2018. [XXVI + 395 pages, figures dans le texte, planches (dont 16 en couleurs).] ISBN 978‑91‑981535‑3‑8

Texte intégral

  • 1 « History of pots and people: re‑discovering the archaeology of Cypro-Geometric Lapithos », dans G (...)
  • 2 A. Pieridou, « An early Cypro-Geometric tomb at Lapethos », RDAC 1965, p. 74‑111.

1L’ouvrage est la publication révisée d’une thèse soutenue en 2013 au Bryn Mawr College. L’étude porte sur une série de moins de vingt tombes d’époque géométrique fouillées à Lapithos en 1931-1932 par une mission américaine rattachée à l’University of Pennsylvania Museum. Trois ans après la fouille remarquable de la mission suédoise, qui avait placé très haut la barre de l’exigence méthodologique, l’équipe américaine, dirigée par Bert Hodge Hill, mais effectivement composée sur le terrain de jeunes femmes promises à un grand avenir dans la discipline (notamment Lucy Talcott et Virginia Grace), est loin d’avoir démérité. Il n’en est que plus regrettable que ces travaux soient restés si longtemps inédits, au gré de péripéties que St. Diakou avait déjà détaillées dans une précédente contribution1 et sur lesquelles elle revient en introduction. De l’Upper Geometric Cemetery, on ne connaissait que le matériel d’une seule tombe, admirablement publié, avec une regrettable erreur de localisation, par A. Pieridou2. Malgré un jugement parfois sévère sur les méthodes d’enregistrement (en particulier l’observation des restes humains), St. Diakou rend ici l’hommage dû à ces grandes dames de l’archéologie dans un livre qui vise à l’exhaustivité, et dans lequel on a peine à reconnaître l’exercice académique dont il est tiré.

2L’édition, impeccable, fournit tous les outils d’aide à la consultation : listes, tableaux, concordances, abondante iconographie et notamment des relevés détaillés (en noir et blanc au plus près du texte, en couleurs dans les planches à la fin du volume). Car St. Diakou a su exploiter, avec intelligence et rigueur, les archives de la mission : carnets de fouille, relevés, photographies. Cela donne une documentation graphique riche et précise, à l’échelle de chaque tombe, mais aussi à l’échelle du site : relevé général de la nécropole pl. 1 ; relevé topographique associant nécropole « suédoise » de Kastros et nécropole « américaine » de l’Upper Geometric Cemetery p. 10, fig. 1.23 (qui permet de démontrer que les deux sites appartiennent au même cimetière). C’est aussi grâce aux archives qu’elle parvient à expliquer l’erreur d’attribution de la tombe 474, publiée par Pieridou, au site de Prostamenos (le carnet de fouilles de Grace portant la double mention « Upper Geometric – Prostamenos », p. 13).

  • 3 Voir la nécropole de Loures, de découverte assez récente : G. Violaris, E. Stefani, « Ἀμαθούς πόλι (...)

3Le plan du volume est clair et efficace. Un premier chapitre retrace l’histoire de la recherche archéologique à Lapithos et des vestiges qui y sont documentés. La carte archéologique y est riche (du Néolithique à la période médiévale), mais elle est très inégalement renseignée. La ville n’est, à l’âge du Fer, connue que par ses espaces funéraires : faut‑il en replacer le noyau dans la zone de la plaine côtière, que bordent les cimetières de Kastros au sud, Vathyrkakas (mal orthographié sur la figure) à l’est et Airkotissa au nord (voir la carte p. 2, fig. 1.2) ? S’agit‑il, comme le suggère l’auteur (p. 21‑22), d’une ville à la topographie segmentée, faite de différents habitats possédant chacun son cimetière ? On peut aussi supposer un noyau urbain stable, autour du lieu‑dit Lampousa qui sera le cœur de la ville hellénistique et romaine, et où des restes d’époque classique paraissent attestés par des découvertes anciennes. C’est aussi à l’est du village moderne, donc vers Lampousa, au lieu‑dit Prostamenos, que la mission américaine a fouillé un sanctuaire des veive siècles av. J.‑C. (sur lequel on aimerait posséder davantage d’informations, p. 6). Les nécropoles seraient alors éloignées du noyau urbain à l’époque géométrique, selon un mode d’implantation bien documenté ailleurs, par exemple à Amathonte3.

  • 4 RDAC 1982, p. 119‑122, pl. XXI-XXII.
  • 5 Voir J.M. Webb, « Lapithos revisited: a fresh look at a key Middle Bronze Age site in Cyprus », da (...)

4Le deuxième chapitre, consacré à la présentation des tombes et de leur matériel, est le plus fourni. Chaque ensemble est soigneusement décrit et commenté. Deux céramiques sont inhabituelles. La première est une cruche Black Slip (pl. 64, n° 128) de forme tout à fait ordinaire, mais dont le décor de godrons est remplacé par des panneaux verticaux de zigzags profondément incisés. Le mode de décor est étranger au Black Slip géométrique comme au Black Slip Grooved ware défini par V. Karageorghis4 et dont la production paraît d’ailleurs cantonnée à la région d’Amathonte pendant la période archaïque. On pense davantage à des motifs du Red ou Black Polished du Bronze Ancien et Moyen, rapprochement que le décalage chronologique rend incongru mais non pas impossible. De fait, le nord de l’île, de Vounous à Lapithos, est un grand centre de production de ce type céramique et le potier a pu trouver son modèle lors de l’ouverture, accidentelle ou non, d’une tombe de l’âge du Bronze, si nombreuses à proximité, par exemple dans la nécropole de Vrysin tou Barba5. La seconde est un étonnant « panier » (pl. 92, n° 96), qui reproduit exactement la forme et le décor d’étoile d’un plat géométrique, mais avec une structure ajourée qui invite à s’interroger sur ses possibilités d’usage. Ce sont là les seules exceptions notables dans un répertoire qui, pour le reste, est commun.

5Les chapitres 3 (consacré à la céramique) et 4 (consacré aux petits objets) le soulignent. L’accent est mis sur la portée chronologique de la céramique, avec l’emploi d’une méthode de sériation qui permet l’établissement d’une chronologie relative assez convaincante. On s’interroge sur la définition exacte du White Painted Reddish ware qui serait une « combination of White Painted and Black‑on-Red ware » (p. 217). Les procédés techniques étant différents (avec et sans engobe rouge), et les vases en question ne combinant pas les deux types de décors, il faut sans doute en déduire qu’il s’agit de vases White Painted réalisés dans une pâte fortement oxydée à la cuisson pour imiter l’effet du Black‑on-Red.

  • 6 A. Cannavò, S. Fourrier, A. Rabot, Kition-Bamboula VII. Fouilles dans les nécropoles de Kition (20 (...)
  • 7 Le renard chypriote est un animal fouisseur qui aime s’installer dans des caveaux antiques : ibid. (...)

6Le dernier chapitre offre une synthèse sur la nécropole et les pratiques funéraires qu’elle révèle, comparées à celles d’autres nécropoles géométriques de Lapithos et de Chypre (notamment Palaepaphos). Toutes les questions sont abordées, selon une méthode rigoureuse et avec une argumentation solide. L’hypothèse que les inhumations dans le dromos soient celles d’esclaves est ainsi, à juste titre, déconstruite au profit de la suggestion de liens familiaux (p. 236‑237). On peut se demander si ce lien supposé est même nécessaire : des raisons prosaïques d’économie peuvent sans doute justifier ce type de sépulture informelle, souvent placée haut dans le comblement. De même, je ne suis pas certaine que la proximité topographique des caveaux 480 et 485 soit volontaire (p. 251) : la tombe 485 a peut‑être été creusée lors d’un moment de fermeture de la tombe 480, dont l’emplacement n’était alors plus visible. La variété des tombes (et en particulier de la forme du dromos) est remarquable. Seule la pratique de l’inhumation est attestée, avec quelques réductions en vases qu’on peut placer à la fin du Chypro-Géométrique III – début du Chypro-Archaïque I : de manière remarquable, cette dernière variante est documentée dans toute l’île pendant cette même période6. Une pratique largement partagée, donc, mais non systématique et circonscrite dans le temps : il est difficile d’en expliquer la diffusion pour de seules raisons pratiques. Il faudrait d’ailleurs pouvoir prouver que les inhumations secondaires en vases étaient, à l’origine, des inhumations primaires dans les mêmes caveaux, ce qui n’est pas certain. Il faut s’accrocher aux détails pour émettre des réserves : ainsi faut‑il sans doute faire attention à la mention de chien7 ; par ailleurs, je doute que l’espace exigu des dromoi ait pu accueillir des cérémonies du type mortuary feasting (sinon à supposer que les participants levaient le coude à tour de rôle…).

  • 8 Un royaume de Lapéthos n’est attesté dans les sources littéraires qu’à partir des Diadoques. En re (...)

7Voilà donc une publication exemplaire, qui redonne à Lapithos sa juste place sur la carte archéologique de Chypre, même s’il reste délicat de statuer sur le statut politique de la ville à l’époque géométrique8 : indéniablement, « Cypro-Geometric Lapithos [is] back on the map » (p. 254).

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Notes

1 « History of pots and people: re‑discovering the archaeology of Cypro-Geometric Lapithos », dans G. Bourogiannis, Chr. Mühlenbock (éd.), Ancient Cyprus Today. Museum Collections and New Research, SIMA PB 184, Uppsala, 2016, p. 21‑30. L’étude repose sur une remarquable exploitation de la correspondance archivée au Penn.

2 A. Pieridou, « An early Cypro-Geometric tomb at Lapethos », RDAC 1965, p. 74‑111.

3 Voir la nécropole de Loures, de découverte assez récente : G. Violaris, E. Stefani, « Ἀμαθούς πόλις Κύπρου αρχαιοτάτη...’ η πόλη και οι νεκροπόλεις της », dans N. Papadimitriou, M. Toli (éd.), Αρχαία Κύπρος. Πρόσφατες εξελίξεις στην αρχαιολογία της ανατολικής Μεσογείου, Athènes, 2017, p. 233‑255.

4 RDAC 1982, p. 119‑122, pl. XXI-XXII.

5 Voir J.M. Webb, « Lapithos revisited: a fresh look at a key Middle Bronze Age site in Cyprus », dans G. Bourogiannis, Chr. Mühlenbock (éd.), op. cit., 2016, p. 57‑67.

6 A. Cannavò, S. Fourrier, A. Rabot, Kition-Bamboula VII. Fouilles dans les nécropoles de Kition (2012-2014), TMO 75, Lyon, 2018, p. 383.

7 Le renard chypriote est un animal fouisseur qui aime s’installer dans des caveaux antiques : ibid., p. 67‑68.

8 Un royaume de Lapéthos n’est attesté dans les sources littéraires qu’à partir des Diadoques. En revanche, les premières monnaies (anépigraphes, avec la tête d’Athéna casquée) peuvent être datées du tout début du ve siècle (vers 500, et non pas du milieu du vie  siècle, comme écrit p. 253). Voir E. Markou, Coinage and History. The case of Cyprus during the Archaic and Classical periods, Nicosie, 2015, p. 117‑119.

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Pour citer cet article

Référence papier

Sabine Fourrier, « Stella Diakou, The Upper Geometric Cemetery at Lapithos. University of Pennsylvania Museum Excavations 1931-1932 »Cahiers du Centre d’Études Chypriotes, 48 | 2018, 215-218.

Référence électronique

Sabine Fourrier, « Stella Diakou, The Upper Geometric Cemetery at Lapithos. University of Pennsylvania Museum Excavations 1931-1932 »Cahiers du Centre d’Études Chypriotes [En ligne], 48 | 2018, mis en ligne le 01 mai 2022, consulté le 13 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/cchyp/393 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cchyp.393

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Auteur

Sabine Fourrier

HiSoMA, Maison de l’Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux, Lyon

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