Luca Bombardieri, Marialucia Amadio, Francesca Dolcetti (éd.), Ancient Cyprus, an Unexpected Journey. Communities in Continuity and Transition
Luca Bombardieri, Marialucia Amadio, Francesca Dolcetti (éd.), Ancient Cyprus, an Unexpected Journey. Communities in Continuity and Transition, Rome, éditions Artemide, 2017. [245 pages, nombreuses figures dans le texte.] ISBN 978‑88‑7575‑254‑5
Texte intégral
1Comme il est indiqué en face du titre, ce volume rassemble les études présentées lors du 15e colloque du PoCA, organisé à l’université de Turin du 25 au 27 novembre 2015. Les éditeurs rappellent utilement, dans l’introduction, l’histoire et les objectifs de l’entreprise « Postgraduate Cypriot Archaeology », née à Cambridge en 2001 sous la forme de journées d’étude sur des recherches en cours, et qui a rapidement évolué vers de véritables colloques internationaux. On trouvera p. 12‑14 la liste des réunions organisées entre 2005 et 2015 : toutes, sauf celle de 2006, ont fait l’objet d’une publication. On constate en même temps que, même quand les colloques ont lieu en dehors des îles britanniques, l’anglais tend à s’imposer comme langue officielle pour les jeunes chercheurs qui y participent. Ainsi, les 13 articles du PoCA de Turin sont tous publiés en anglais, bien que seuls trois auteurs soient rattachés à une université britannique ou américaine. Sur le plan formel, il est dommage qu’une relecture trop rapide ait laissé passer beaucoup de fautes matérielles : p. 48, « long durée », p. 60 « Feuilles récents à Khirokitia », p. 79 Keswany pour Keswani, p. 80 Nicolau pour Nicolaou, p. 207 et 211, Karagheorgis et Karagheorghis pour Karageorghis, p. 232 Basquet pour Bousquet, ou encore p. 232 et 238, à quelques lignes d’écart à chaque fois, Moni (bonne orthographe) et Mony.
2Le « voyage inattendu » auquel le lecteur est convié s’inscrit, comme le précise la suite du titre, dans le thème des continuités et des transitions, sujet de la conférence inaugurale de Lindy Crewe (« Community, continuity and change at the transition to the Late Cypriot Bronze Age: Brewing and building at Kissonerga-Skalia ») qui n’est pas publiée ici. Mais en réalité – et c’est bien normal – les jeunes chercheurs ont présenté au colloque un bilan sur les recherches qu’ils mènent, souvent sans rapport avec ce thème.
3Les cinq premiers articles, qui concernent la Préhistoire et l’Âge du Bronze, sont rassemblés sous le titre « Cultural forms and practices in Prehistoric and Protohistoric Cyprus ». Deux d’entre eux s’intéressent aux activités artisanales. Giulia Muti (université de Manchester et mission italienne d’Erimi) étudie longuement les aspects matériels, économiques et sociaux de la teinture des textiles au Chypriote Moyen et Récent ; elle se fonde principalement sur la documentation provenant des fouilles d’Erimi (Laonin tou Porakou, atelier et nécropole) et d’Hala Sultan Tekké, mais utilise également les données (jugées douteuses) des fouilles de Pyrgos-Mavroraki, ainsi que celles d’Enkomi et de Kition-Kathari : pour ce dernier site, il faut se référer aux remarques de Sabine Fourrier (Topoi 17, 2011) sur les interprétations proposées par Joanna Smith. L’autre activité artisanale est celle de la fabrication de vases en verre sur noyau au Bronze Récent, étudiée par Peter Cosyns (Free University de Bruxelles). Il propose un nouvel inventaire de ce matériel : 98 vases, dont 35 trouvés à Enkomi, où les vases en forme de grenade étaient particulièrement appréciés (19 exemplaires sur 30 connus à Chypre) ; cette production date principalement des xive-xiiie siècles. Alessandra Saggio (université de Turin) revient sur la question des gaming tables (plus souvent nommées gaming stones), en comparant les documents chypriotes et égyptiens : alors que ces derniers sont le plus souvent liés à la mort, ceux de Chypre proviennent rarement de contextes funéraires, mais l’auteur fait connaître un exemplaire gravé sur un rocher dans la zone de la nécropole de Dhenia (entre Nicosie et Morphou). Mari Yamasaki (université de Mayence) présente différentes remarques sur les ressources maritimes et le commerce international à Chypre durant la Préhistoire ; il est notable que, durant le Néolithique acéramique et céramique et même pendant la culture de Philia, les sites restent à une certaine distance de la mer, malgré le développement de la consommation du poisson et le commerce de l’obsidienne. Enfin, Stefano Ruzza et Elena Scarsella (université de Rome, La Sapienza) font le point sur les « interactions sociales » dont témoigne le changement des pratiques funéraires entre le Chypriote Récent IIC et le Chypriote Récent IIIB. On est là au cœur du thème choisi pour le livre et de la question éminemment complexe de la présence mycénienne à Chypre et de ses conséquences : les auteurs concluent, de façon prudente, que la nouvelle culture « hybride » dont témoignent les pratiques funéraires indique la présence d’une population mycénienne, mais probablement sans arrivée massive.
4Sous le titre « Materiality, rituality and social identities from the Archaic period to Hellenistic and Late Antique Cyprus », la deuxième partie rassemble cinq articles d’orientation très diverse, dont l’un concerne en fait la période de transition entre le IIe et le Ier millénaire av. J.‑C. : Anna Paule (alors « independent scholar ») fait le point sur les bijoux de la fin de l’Âge du Bronze et de la période chypro-géométrique qu’elle a étudiés au Louvre et au musée d’Art Cycladique d’Athènes. Dans ce dernier cas, il s’agit d’objets appartenant à la collection Zintilis dont le catalogue a été publié par Stella Lubsen-Admiraal : on note la présence de boucles d’oreilles en or du CG I et du CG III, mais deux autres boucles d’oreilles datent en fait de l’époque romaine, de même, sans doute, qu’une bague en or. La période chypro-archaïque n’est exceptionnellement représentée ici que par l’article d’Alice M. Dissinger (University of Virginia) sur les oiseaux aquatiques protecteurs des morts. Il s’agit d’une étude comparative, dans l’art chypriote de cette époque, des images d’oiseaux aquatiques (« waterfowls »), d’oiseaux chanteurs (« songbirds »), comme les coqs et les poules, et d’oiseaux de proie (« birds of prey ») ; les statistiques qu’elle établit montrent, sans surprise, que les représentations d’oiseaux aquatiques – du type échassier sur les vases et anatidés (canards) sur les figurines en terre cuite – sont nettement plus fréquentes dans des contextes funéraires que les deux autres catégories. L’auteur n’évoque guère les petites oenochés amathousiennes décorées d’un oiseau aquatique, dont un nombre assez important provient d’un contexte cultuel ou palatial ; elle ne pouvait pas connaître, vu la sortie très tardive du volume, le bloc décoré d’un oiseau gravé, trouvé dans la nécropole ouest d’Amathonte, qu’a publié E. Louka dans le RDAC 2011-2012. On passe ensuite directement à l’époque hellénistique avec l’article d’Anaïs Michel (alors doctorante à l’université d’Aix‑Marseille) sur « l’identité » de la société chypriote à l’époque hellénistique. On est alors pleinement dans le thème « communities in continuity and transition » pour une société locale qui, après la chute des royaumes, s’adapte à la domination ptolémaïque. L’auteur montre bien comment, parallèlement à une persistance non négligeable de l’usage du phénicien et du syllabaire local, la classe sociale la plus élevée fait vivre les nouvelles structures de la cité (en particulier le gymnase) et promeut le culte royal, dont celui de la reine Arsinoé II. Le saut chronologique est ensuite considérable, puisque l’article suivant, dû à Richard Maguire (université de Norwich), traite de Chypre à la fin de l’Antiquité (« mythes métropolitains et nésophiles »). L’auteur y fait un bilan sur les relations souvent agitées, du ive au viie siècle, entre Constantinople et Chypre qui obtient, en 431, le statut d’église « autocéphale » ; d’« île‑prison », Chypre devient « île-laboratoire » et, contrairement à ce qui se passe à Constantinople, les Chypriotes restent « iconodoules » à la fin de cette période, comme en témoignent les mosaïques de Lythrankomi et Kiti. Enfin, Stavros S. Panayiotou traite de la deuxième moitié du viie siècle, quand Chypre est disputée entre Byzance et l’Islam, en mettant l’accent sur les fortifications de Palaepaphos, site assailli dès 649 par les troupes arabes ; mais, alors que Paphos et son port constituent un point d’appui majeur pour les occupants, on ne voit pas quelle importance garde la ville ancienne par la suite.
5La troisième partie (« Conservation strategies and geoarchaeological methods to the analyses of islandscapes ») contient un article de Valentina Vassallo (Cyprus Institute et université de Lund) sur une approche 3D de la collection archéologique d’Ayia Irini, destinée à en renouveler l’analyse et l’interprétation (attendons les résultats) et deux comptes rendus provisoires de prospections menées autour de Pyrgos, Moni et Monagroulli (Marialaura Di Giovanni et Chiara Santarelli, université de Chieti-Pescara) et dans la vallée de la rivière Moni (Veronica Petraccia, université du Salento, et Clara Tamburino, université de Chieti-Pescara). Ici encore, il faut attendre le développement des programmes, en rappelant aux auteurs de ne pas négliger les découvertes anciennes, comme les tombes de Pyrgos.
6Comme les volumes précédents du PoCA, les actes du colloque de Turin rassemblent des études inégalement originales ou abouties, mais il reste important pour les jeunes chercheurs de faire connaître leurs travaux en cours, et que la réunion soit suivie d’une publication dans des délais raisonnables, ce qui est le cas ici.
Pour citer cet article
Référence papier
Antoine Hermary, « Luca Bombardieri, Marialucia Amadio, Francesca Dolcetti (éd.), Ancient Cyprus, an Unexpected Journey. Communities in Continuity and Transition », Cahiers du Centre d’Études Chypriotes, 48 | 2018, 218-220.
Référence électronique
Antoine Hermary, « Luca Bombardieri, Marialucia Amadio, Francesca Dolcetti (éd.), Ancient Cyprus, an Unexpected Journey. Communities in Continuity and Transition », Cahiers du Centre d’Études Chypriotes [En ligne], 48 | 2018, mis en ligne le 01 mai 2022, consulté le 15 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/cchyp/395 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cchyp.395
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