1Si les cathédrales romanes de Palerme, Cefalù et Monreale, joyaux de la Sicile occidentale sont universellement connues, il n’en est pas de même pour celles de Troina et de Catane, situées à l’est de la grande île. Dans son état actuel, la cathédrale de Catane déroute le visiteur par sa complexité. Les causes principales en sont évidentes : érigée au tournant des xi^e-xii^e siècles par la volonté des chefs normands de la famille Hauteville, elle a terriblement souffert non seulement de multiples sursauts de l’Etna, en particulier en 1169, 1542 et 1693, mais aussi d’un incendie en 1197 et de bombardements durant la seconde guerre mondiale, pour ne signaler que les plus grandes catastrophes. Chaque fois, elle fut relevée, consolidée et souvent remise au goût du jour. Tancredi Bella ne s’est pas contenté d’en faire renaître l’aspect primitif, mais après des années de recherches dans le bâtiment, les fonds d’archives et les bibliothèques, il s’est attelé à diffuser l’histoire de l’édifice dans sa continuité, ses ruptures et ses reconstructions jusqu’à notre époque. C’est un exploit. La tâche était d’autant plus difficile qu’il lui a fallu, faute de moyens financiers extérieurs, choisir une formule éditoriale visant à l’économie, reléguant en fin de volume la quasi-totalité de ses riches illustrations (photographies, plans, relevés, reconstitutions, etc.) présentées, hélas, à échelle réduite, obligeant à des va-et-vient continuels sans même un renvoi aux pages. Dans un pays où les cathédrales ont fait l’objet d’ouvrages superbes, il est à souhaiter qu’il y ait rapidement une nouvelle édition de ce livre, édition digne du sujet, de l’érudition (très nombreuses notes et 46 p. de bibliographie) et du travail de l’auteur, mais aussi soucieuse du confort du lecteur. Des cartes, des tableaux généalogiques, seraient également les bienvenus.

2L’ouvrage est divisé en quatre parties. I : Le cadre et l’histoire ; II : Survivances et absences. L’évidence des sources ; III : Un « exemple majestueux d’architecture archaïque normande ». Cent ans d’études ; IV : Le tracé plani-volumétrique entre renaissances et innovations.

3L’auteur décrit, en premier lieu, les grandes étapes de la mise en place de l’évêché de Catane à la fin du xi^e siècle. Une introduction historique s’imposait, même si l’épopée des Normands dans le sud de l’Italie est bien connue. Après avoir triomphé des Sarrazins dans le sud de la péninsule italienne et en Sicile au xi^e siècle (1016-1091), la famille normande des Hauteville, très active, s’efforça de rétablir au plus vite un réseau d’églises dans l’île. Tâche délicate, car il fallait tenir compte non seulement des populations de religions diverses – chrétienne, byzantine et musulmane –, mais aussi, évidemment, des intentions de la papauté et des autorités religieuses locales. Avant de concentrer son étude sur la cathédrale de Catane, T. Bella a pris soin de signaler la naissance (ou renaissance) des principaux évêchés de la partie orientale de l’île. On retiendra particulièrement celui de Troina, dû à la volonté du grand comte Roger. Une cathédrale fut élevée en cette ville vers 1072-82.

4Catane fut libérée en 1071 par Roger de Hauteville et son frère Robert Guiscard, mais la reconquête demeura incertaine. La refondation de l’évêché se fit attendre jusque vers 1085… Les circonstances de la construction de sa cathédrale sont originales. En effet, la future maison-mère du diocèse fut associée, dès l’origine, à une abbaye bénédictine placée sous la protection de l’illustre martyre locale, sainte Agathe. Un certain Ansgerius (ou Angerius) assuma la double direction, devenant abbé et évêque en 1092. L’auteur consacre avec raison plusieurs pages au parcours fort intéressant de ce breton d’origine, passé par Saint-Florent de Saumur, avant de rejoindre la Terre sainte puis la Calabre, où il devint prieur à Santa Eufemia de Lamezia. Il est probable, comme l’avait suggéré René Crozet en 1947, qu’Urbain II ait remarqué les qualités de l’ecclésiastique lors d’un de ses périples en France dans le dernier quart du xi^e s. On retiendra le rôle majeur de cet abbé-évêque dans les rapports entre la papauté et les Hauteville.

5Une inscription épigraphique, conservée au nord de l’édifice, fait remonter le début de la construction du monastère à l’année 1094 et en attribue la paternité au comte Roger, fils de Guiscard, duc d’Italie et à Ansgerius, même si l’on ignore le rôle exact de l’abbé dans la construction. T. Bella consacre plusieurs pages à commenter judicieusement le choix du lieu, en zone littorale, choix hautement stratégique dans une ville où cohabitaient des populations diverses, aux habitudes et intérêts parfois contraires et où le danger pouvait aussi provenir de la mer. On ne s’étonnera donc pas de l’aspect quelque peu austère du premier ensemble cathédral et de ses abords. Ce fut, dès l’origine, « un édifice conçu comme un pôle religieux et militaire inséré dans un réseau de relations politiques et culturelles de la région transalpine à la Méditerranée ». T. Bella clôt sa riche introduction historique par la notification d’une bulle d’Alexandre III datée de juillet 1168, par laquelle ce pape confirme l’indépendance de l’évêque de Catane, directement rattaché au Saint-Siège.

6De l’analyse des éléments les plus anciens encore conservés, on retiendra que la cathédrale d’Ansgerius, édifiée sur des restes de thermes romains, présentait un plan en croix latine. Il faut imaginer une nef sobre, couverte de bois, ouvrant sur un transept vraisemblablement continu plutôt que cloisonné par des arcs transversaux, chaque bras étant prolongé par une annexe comprise dans le plan général de l’édifice. La partie orientale, construite en pierres de lave sombre, attire encore fortement les regards. L’abside centrale était flanquée par deux autres plus petites, disposées en ordre échelonné. À l’intérieur, l’alignement nord-sud de ces trois absides dépassait très légèrement celui de la largeur de la nef. L’ensemble chevet-transept, encore en place, était couronné d’un chemin de ronde crénelé qui fut maintes fois repris. La documentation (plans, relevés, photographies) permet de se faire une idée précise de toute cette partie orientale de l’église à l’origine, y compris la crypte récemment découverte et les escaliers disposés dans l’épaisseur des murs. Nul doute qu’elle devait frapper par sa grandeur, sa sobriété et sa robustesse. L’auteur tire le maximum d’observations et de propositions concernant la circulation, l’éclairage et les éléments de défense et pense que la construction de la totalité du bâtiment devait être terminée à la mort d’Ansgerius, en 1124. Plusieurs restitutions en plan ou en élévation aident le lecteur à imaginer la cathédrale sous tous les angles. À ce moment de la présentation, on pourrait s’attendre à un élargissement du sujet : « À quels édifices en Sicile ou ailleurs, peut-on rattacher la cathédrale de Catane ? Avait-elle des liens avec les églises de la Normandie lointaine ? ». Les réponses ne seront pas anticipées ; elles viendront quelques chapitres plus loin.

7L’histoire de l’édifice est jalonnée d’une longue série de catastrophes, dont T. Bella s’efforce de cerner au plus près les conséquences, tâche délicate tant il est difficile de faire la part entre les désastres effectifs et le ressenti d’une génération à l’autre. Le 4 février 1169 eut lieu un tremblement de terre qui fit des milliers de morts et marqua les esprits… La critique actuelle, tout en minimisant les effets du séisme, reconnaît qu’il ébranla cependant le bâtiment, compromettant sa stabilité. La nef fut très atteinte, une grande partie des couvertures fut détruite et tout ne fut pas refait à l’identique. Des modifications partielles eurent lieu durant le dernier tiers du xii^e siècle. Les plus importantes concernèrent la façade. À la suite de Francesco Gandolfo, l’auteur pense que la décoration des supports et des chapiteaux du portail de la façade fut reprise dans les années suivant le séisme. Pour la période suivante, allant du Moyen Âge tardif à l’époque moderne, certaines interventions sont bien datées, comme la construction à partir de 1388 d’un haut et imposant clocher à l’angle nord-ouest du corps longitudinal ou d’une sacristie en 1675, d’autres sont simplement repérables par le style.

8De la fin du xvii^e siècle au xx^e, le cycle destruction-reconstruction reprend ; en 1693, un tremblement de terre à Sortino, près de Syracuse, occasionne des milliers de morts ; 60 % de la population de Catane disparaît, selon les sources les plus sûres. La cathédrale est fortement ébranlée lors d’une cérémonie, faisant des victimes parmi les clercs et les fidèles. Encore une fois, la nef fut terriblement endommagée, tandis que le transept, ses annexes et la partie basse de la façade résistèrent mieux. Pour T. Bella, suivant en cela plusieurs auteurs, ce séisme marque une césure irréparable dans l’histoire de l’édifice, car il ruina irrémédiablement plusieurs murs médiévaux, une grande partie des tours et eut pour conséquence de nouvelles modifications. La cathédrale réouverte au public en 1696 n’était plus la même.

9On trouvera ensuite dans l’ouvrage les différentes étapes de sa mutation de la fin du xvii^e siècle jusqu’à nos jours, les fonds d’archives étant abondants. La façade d’aujourd’hui est l’œuvre la plus majestueuse du baroque de Giovanni Battista Vaccarini, qui l’édifia en 1736. Le portail a été commandé par l’évêque Pietro Galletti en 1738 ; on y trouve des scènes de la vie de sainte Agathe, les armes de princes et des souverains aragonais. En bref, les longs chapitres des deux premières parties ont le mérite de conduire le lecteur au-delà de la simple visite d’un bâtiment isolé : la cathédrale est présentée dans sa ville et le chaos de son histoire.

10La troisième partie, intitulée : « Un “majestueux exemple d’architecture archaïque normande”. Cent ans d’études » entraîne le lecteur dans une perspective nouvelle, celle qu’attend le passionné d’histoire de l’art. Il n’ignore plus à ce stade de la lecture que les bâtiments monastiques, au sud de la cathédrale, ont disparu ; il sait que la cathédrale a parfois subi de grands désastres, suivis de réparations plus ou moins importantes. Il est averti de certaines reconstructions à l’identique, mais aussi d’apports nouveaux ; il attend en premier lieu d’être mis face à face avec le bâtiment d’origine, mais il lui faudra encore un peu de patience. Avec raison, T. Bella va d’abord l’entraîner dans le sillage de ceux qui, au siècle dernier, ont cherché à retrouver la silhouette médiévale. Citons, parmi eux, le surintendant Paolo Orsi dont on a gardé de précieux carnets, avec des relevés, des dessins et des notes. En 1916, lors de travaux de voierie, il remarqua quelques vestiges de murets dans un jardinet flanquant le côté nord de l’édifice et les interpréta comme des ruines chrétiennes sur le site de la « future cathédrale ». La voie était ouverte à une meilleure interprétation des lieux. Elle se fit en quelques décennies. Ces quelques lits de pierres observés, d’une épaisseur d’environ 0,70 m, à la hauteur du chevet, étaient constitués « d’un conglomérat solide de blocs basaltiques mélangés à un ciment de sable de lave très dur tandis que les élévations présentaient une suite horizontale de briques maçonnées sur trois rangs ». On suit, avec plaisir, la discussion que P. Orsi eut alors sur le terrain avec un professeur d’Histoire ancienne de l’Université, Vincenzo Casagrandi. Celui-ci proposa d’y voir les fondations du clocher, supposé primitif, situé au nord du transept à proximité de l’annexe, tandis que P. Orsi préféra s’en tenir alors à l’idée d’une consolidation des fondations périmétrales de la somptueuse église monastique. Les fouilles révélèrent la présence de tombes présumées d’âge roman. P. Orsi eut également à cœur d’examiner les parois de l’église, nota la présence de stucs et des traces de peintures anciennes, s’intéressa aussi au trésor de la cathédrale, etc. Ses carnets restent et resteront indispensables aux chercheurs.

11Le chapitre 2 de la troisième partie entraine le lecteur vers les nécessaires campagnes de restauration dans l’après-guerre mondiale 39-45. Les bombardements avaient à plusieurs reprises gravement affecté le bâtiment situé près du port et du viaduc ferroviaire. L’auteur a examiné attentivement les archives de l’architecte Raffaele Leone et les restaurations que ce dernier entreprit dans les années 50 du xx^e siècle. On trouvera un long développement sur les péripéties concernant les travaux à exécuter. De 1951 à 1954, il y eut beaucoup de discussions, quelques interventions douteuses, mais aussi des découvertes majeures. À l’extérieur, on put examiner de près les fondations des absides. Dans la chapelle Sainte-Agathe (abside sud), des angles de piliers ayant été bûchés apparurent des fûts de colonnes lisses, etc. 1954 marque un tournant, car c’est alors que le Conseil Supérieur des Antiquités et des Beaux-Arts de Rome donna un avis sur le travail prévu pour une première tranche de travaux. Elle devait concerner la zone du transept et du « presbytère », tout en excluant la démolition des créneaux sommitaux du chevet, du moins jusqu’à ce que soit examiné de près le couronnement de l’extrados de la semi-calotte de l’abside, la question étant de savoir si elle était ou non de conception d’origine. Le parti fut pris d’enduire le transept, mais en laissant apparente la maçonnerie normande. Les supports de la nef, dans leur apparence du xviii^e siècle, ayant suscité une véritable querelle entre les responsables du futur chantier, il fut prévu de procéder d’abord à une étude approfondie. T. Bella présente au lecteur de nombreuses photos, des plans et des projets de décapage réunis par R. Leone et ses successeurs. De tout cela, il résulta d’importantes découvertes. De sérieuses analyses pétrographiques furent décidées et surtout les campagnes de travaux continuèrent dans la seconde moitié du siècle. En 1999, la plus importante permit la mise au jour, sous l’abside centrale, d’une crypte très ancienne, ainsi qu’un cimetière romain réutilisé par les Byzantins. Au total, les efforts coordonnés aboutirent à donner à la cathédrale son aspect actuel. Il est déjà évident que le chercheur du futur trouvera dans l’ouvrage de multiples pistes de réflexions concernant les problèmes de toute restauration.

12Après cet historique très développé, qui rend à chacun ses mérites et présume de nouvelles investigations, l’auteur revient à la lecture des différentes parties du monument en plan et en volume et à leur développement dans le temps. Il s’attarde longuement sur l’aspect que l’ensemble devait présenter dans sa première version, sachant que la fin du premier chantier pourrait être fixée, selon lui, vers la troisième décennie du xii^e siècle. Toutefois, pas de date de consécration, ni mention de fête commémorative. Ceci mis à part, l’édifice est donc scruté très attentivement. On notera spécialement le chapitre intitulé « Lecture stratigraphique de l’extrémité orientale » qui situe les travaux et la physionomie de cet ensemble dans le temps.

13La documentation graphique montre bien que les dispositions choisies au départ pour tout l’édifice dénotent une recherche évidente d’harmonie. Son plan est largement commenté, avec les trois absides échelonnées, disposition fréquente bien avant la fin du xi^e siècle, particulièrement en France, l’exemple le plus célèbre étant celui de Cluny II. En élévation, T. Bella note les passages établis entre les absides, comme dans la petite église de Saint-Généroux en Poitou, mais on pourrait s’orienter davantage vers des édifices à plus grande échelle, maintes églises du Berry, etc. Cette option fut certainement choisie pour faciliter la circulation dans des locaux, aux endroits où le mobilier de pierre et de bois tenait sans nul doute une place considérable ; il fallait donc le contourner, surtout lors des cérémonies. T. Bella focalise avec raison l’attention du lecteur sur le bloc central (chœur, carré du transept, partie orientale de la nef) qui fait l’objet d’une révision critique. Les fouilles ont permis de repérer la présence, dans la partie orientale de la nef, d’un emplacement probablement destiné, selon l’auteur, à la schola cantorum, mais peut-être pourrait-on suggérer que des bancs ou des sièges étaient dressés en cet endroit pour les moines et les membres du clergé, prêtres ou diacres, lorsqu’ils n’officiaient pas. Les traces d’un autel et de deux ambons disparus ont également été relevées. L’hypothèse proposée par l’auteur de voir, dans la partie orientale de la nef, à l’époque post-médiévale, une sorte de chœur bas, comme il l’était vraisemblablement à l’origine, paraît plausible. La planche 31 donne une très bonne image de la répartition des espaces… Rappelons que le cas d’un débordement, dans la nef, de l’espace dévolu au clergé est connu dans maintes églises, surtout monastiques. Il n’étonne pas dans un édifice où prêtres, moines, novices et chantres étaient appelés à se déplacer, lors des messes et des funérailles, ou à participer à diverses cérémonies suivies de processions, quelquefois intra-muros. Dans la cathédrale de Catane, si l’on ajoute aux participants habituels, les foules venues de la ville, voire de tout l’évêché pour certaines fêtes (dont celle de sainte Agathe), la formule semble judicieuse, car elle évitait les débordements d’une masse de laïcs. Sur les plans, on appréciera particulièrement les proportions harmonieuses de la partie de l’église comprenant tout le chœur liturgique, y compris l’est de la nef ; elles ne sont certainement pas l’effet du hasard. Reste à savoir où se situait exactement l’autel majeur. Était-il à la croisée du transept ou en surélévation au-dessus de la crypte, au sommet du plus haut escalier ?

14On trouvera dans l’ouvrage beaucoup d’autres renseignements concernant le transept et ses annexes. Dans cette église monastique, il y avait obligatoirement une liaison directe avec les bâtiments de l’abbaye et à deux niveaux au moins ; les moines ayant des temps de prières dans la nuit, une communication directe entre les dortoirs et l’église existait certainement. Cet aspect des choses mériterait d’être encore approfondi. Quant à la structure de la nef, sa vision à l’époque normande est mieux connue depuis les sondages et les fouilles. On s’accorde maintenant à affirmer que les piliers plats rythmant les travées étaient flanqués de colonnes (pl. 26, 31, 32).

15À l’extérieur, lorsqu’on aborde l’édifice par l’est, donc côté mer, on est frappé par la sévérité des murs imposants faits de gros blocs de lave, des baies étroites et longiformes enfin par le couronnement crénelé (remonté au xvi^e siècle). Cet aspect quasi militaire incite à se demander si les autres faces du bâtiment présentaient la même apparence et, si oui, dès l’origine. La réponse est déjà positive pour le flanc sud, côté cloître. Après la lecture, on peut le présumer aussi pour la façade. Espérons qu’un jour des fouilles sur le parvis puissent nous éclairer sur sa physionomie d’origine…avec ou sans tours.

16L’intitulé de la conclusion, « Pour une cathédrale retrouvée », est bienvenu, même si la recherche de la décoration du xii^e siècle ne semble pas avoir retenu l’attention de l’auteur. Quelques chapiteaux et la sculpture d’un portail, aujourd’hui déplacé, l’auraient mérité. En effet, ce portail dénote un art roman déjà très épanoui (Cf. Giuseppe Agnelo, L’architettura civile e religiosa in Sicilia nell’età sveva, Rome, 1961, p. 345-358). Confronté à la question des origines du schéma général de la cathédrale de Catane, au tournant des années 1100 et un peu au-delà, T. Bella propose, à plusieurs reprises, des liens avec tel ou tel édifice hors de la Sicile : exercice indispensable mais difficile. Il ne faut jamais oublier que des centaines d’églises et particulièrement de cathédrales de cette époque ont disparu, que d’autres ont été très mutilées, que les archives remontant au temps de la construction sont souvent inexistantes, etc. Parfois, seul le monument parle encore. C’est presque le cas pour la cathédrale de Catane. Ici, par exemple, l’emploi de la pierre de lave très dure interdisait pratiquement l’adoption d’un déambulatoire à chapelles rayonnantes pour la partie orientale. Les commanditaires sont les Hauteville. Le ou les architectes ? Ansguerius ? Aucun texte ne le dit, mais on a tout lieu de penser que ce dernier participa à la constitution d’une équipe, à l’administration du chantier, à la gestion des fonds et sans doute aussi à la conception d’une église dont il allait être à la fois l’évêque et l’abbé. Dommage que l’on ignore l’origine et le parcours de ses premiers compagnons bénédictins… T. Bella ne manque pas de rappeler, tout au long de l’ouvrage et dans sa conclusion, que le choix du plan conduit à se tourner vers les édifices français (Bourgogne, pays d’Ouest principalement). Avec raison, il évoque à plusieurs reprises l’importance de la main-d’œuvre musulmane, appréciée des comtes normands. On doit très probablement à ces bâtisseurs les procédés de taille des grands blocs de lave sombre, l’adoption des fenêtres longues, étroites et pointues, dites « lancettes », ainsi que les décors plaqués, de même schéma, qui évoquent l’art musulman. Rappelons qu’il en fut ainsi dans certaines régions d’Espagne. Reste le travail du bois, dont on peut penser qu’il fut très important. Plusieurs portes ouvrent sur le vide ; des escaliers et des passerelles assuraient les liaisons indispensables entre les différents niveaux dans la cathédrale même et permettaient aussi la communication avec les bâtiments adjacents.

17Le premier chantier de la cathédrale, y compris les reprises après le tremblement de terre, est très bien daté. Pour cette raison, il serait intéressant d’axer en premier lieu les comparaisons avec des édifices de la même génération devant accueillir des prêtres et/ou des moines au service des laïcs.