Vincent Debiais, éd. et Cécile treffort, introd.— Corpus des inscriptions de la France médiévale. 23 : Côtes-d’Armor, Finistère, Ille-et-Vilaine, Morbihan (région Bretagne), Loire-Atlantique et Vendée (région Pays de la Loire) [collab. Robert Favreau et † Jean Michaud]
Debiais Vincent (éd.) et Treffort Cécile (introd.), Corpus des inscriptions de la France médiévale. 23 : Côtes-d’Armor, Finistère, Ille-et-Vilaine, Morbihan (région Bretagne), Loire-Atlantique et Vendée (région Pays de la Loire) [collab. Robert Favreau et † Jean Michaud], Paris, CNRS éditions, 2008, 164 pp., 98 fig.
Texte intégral
1Dès le premier regard, on mesure à la fois combien ce nouveau fascicule s’inscrit dans la continuité d’une longue aventure scientifique et, par une maquette renouvelée, entend marquer une nouvelle étape dans le travail des épigraphistes de Poitiers. On notera en particulier le progrès considérable que représente l’intégration des clichés aux notices, qui facilite beaucoup la consultation. L’objet de ce volume est ambitieux : il s’agit rien moins que de traiter d’un coup toute l’ancienne Bretagne, c’est-à-dire non seulement les quatre départements de la région administrative du moment, mais aussi la Loire-Atlantique, qui en est inséparable, et même la Vendée. Il faut dire que nous ne sommes pas ici dans une contrée où la tradition écrite serait ancienne et solidement enracinée comme dans le Midi. Pour six départements, le total des inscriptions présentées ne monte qu’à cent quarante. Mais l’intérêt de ces mentions un peu éparpillées n’en est que plus grand, et l’apport majeur de ce recueil à l’histoire régionale plus indiscutable. Il ne manque pas, d’ailleurs, d’ensembles tout à fait cohérents, parmi lesquels on citera, pour les supports classiques, les huit numéros relatifs à Saint-Gildas-de-Rhuys et, pour les formes plus originales, l’importante collection d’agrafes inscrites du Musée Dobrée (une vingtaine), qui soulève d’épineuses questions d’interprétation.
2Comme toujours face à un corpus, le lecteur s’interroge d’abord sur les critères de classement. L’enregistrement au lieu de conservation actuel a le mérite de la commodité, mais laisse parfois un peu perplexe. Certes, le monument funéraire de Blanche de Champagne, épouse du duc Jean Ier, n’est plus à l’abbaye d’Hennebont mais au Louvre ; ira-t-on pour autant le chercher au volume « Paris » ? Certes, les inscriptions anciennes de Maillezais sont au musée de Niort ; ne seraient-elles pas plus à leur place au chapitre de leur abbaye d’origine ? Mais les choix ont été faits aux origines de la série, et on comprend qu’ils ne soient plus modifiables. Dans d’autres cas, les AA. du volume ont préféré inclure des inscriptions douteuses, pour laisser juges les utilisateurs. C’est tout à leur honneur. Ils seront certainement d’accord avec ceux qui estimeront qu’au moins trois notices sont très probablement au-delà des bornes chronologiques définies, à savoir 1300 en aval. La formule de Cleder (« ouir messe ne tardit home… ») est de toute évidence du xive s. L’inscription du roi Gradlon à Landevennec, présentée avec beaucoup de prudence comme pouvant être des xiie-xiiie s., a toutes chances d’être moderne. Quant au no 11, commémoration de la fondation de l’abbaye de Carnoët, l’analyse perspicace qui en est donnée en souligne les incohérences, sans peut-être dire assez qu’au xiie s., dans « ordo cystercius », le substantif est plus invraisemblable encore que l’adjectif.
3Parmi les inscriptions qui ne posent pas de problème de datation, on retiendra, en raison de leur qualité particulière : les peintures murales de l’église de Langast (Côtes-d’Armor), du xiie s., sur lesquelles figurent les noms de Melchisédech et de saint Michel – singulier rapprochement qui semble bien s’expliquer par un recours, fort rare en ce contexte, à un apocryphe de l’Ancien Testament ; la mesure à blé de Brélévenez, qui avait déjà été décrite par Germain Darrou (Enquête sur les mesures de capacité en pierre, Paris, De Boccard, 2005, p. 87) ; l’épitaphe de Constance, fille de Guillaume le Conquérant et épouse du duc Alain Fergent (et non « Frégant » ou « Fergan ») ; l’alphabet de l’abbaye de Maillezais, qui s’inscrit dans la typologie de ces séries de lettres sur lesquelles s’interroge Cécile Treffort et qui pourraient être en relation avec le rituel de consécration des églises. Au no 46, avec le « pro Gosfredo Deum orate » de Saint-Gildas-de-Rhuys, il est peut-être possible d’être moins tranchant que les AA., qui rejettent l’identification du bénéficiaire avec Geoffroy Plantagenêt : une tradition locale affirme en effet que Constance, la veuve du duc, vint à Saint-Gildas peu après la mort de son mari ; elle aurait donc pu faire graver cette formule très simple. L’une des « vedettes » du volume reste la pierre tumulaire d’un nommé Pierre, abbé de Nieul-sur-l’Autise (Vendée) au début du xiiie s., qu’un article de V. Debiais (« L’inscription funéraire de l’abbé Pierre à Nieul-sur-l’Autise [première moitié du xiiie s.] », Revue historique du Centre-Ouest, 6, 2007, p. 297-307) avait révélée et qui jette de savoureuses lumières sur la culture rustique de ce temps : le savant docteur dont la disparition sème la consternation parmi les Arts est pleuré surtout par l’Orthographe, et Donat voisine avec Aristote… Humilité des petites écoles !
4Grâce à l’extrême variété des formes, du simple mot au système versifié complexe, grâce aux nombreuses informations qu’elles apportent sur le patrimoine d’une région dont on mesure de mieux en mieux la place dans la civilisation romane (voir par exemple la double inscription de la chapelle de Languidou en Plovan, déjà analysée en 1951 par René Couffon, qui permet de fixer la chronologie de ce bel édifice ruiné), grâce surtout aux précieuses notices, remarquablement informées, que l’on doit à Vincent Debiais, ce volume a d’ores et déjà pris place parmi les instruments de travail que l’historien tient à garder à portée de main.
Pour citer cet article
Référence papier
Alain Rauwel, « Vincent Debiais, éd. et Cécile treffort, introd.— Corpus des inscriptions de la France médiévale. 23 : Côtes-d’Armor, Finistère, Ille-et-Vilaine, Morbihan (région Bretagne), Loire-Atlantique et Vendée (région Pays de la Loire) [collab. Robert Favreau et † Jean Michaud] », Cahiers de civilisation médiévale, 208 | 2009, 433-434.
Référence électronique
Alain Rauwel, « Vincent Debiais, éd. et Cécile treffort, introd.— Corpus des inscriptions de la France médiévale. 23 : Côtes-d’Armor, Finistère, Ille-et-Vilaine, Morbihan (région Bretagne), Loire-Atlantique et Vendée (région Pays de la Loire) [collab. Robert Favreau et † Jean Michaud] », Cahiers de civilisation médiévale [En ligne], 208 | 2009, mis en ligne le 01 mai 2025, consulté le 18 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/ccm/23685 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13xr4
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page