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Comptes rendus

Christopher P. Evans (éd. et trad.), Simon of Tournai, On the Incarnation of Christ. Institutiones in sacram paginam 7.1-67

Denyse Riche
p. 177-178
Référence(s) :

Christopher P. Evans (éd. et trad.), Simon of Tournai, On the Incarnation of Christ. Institutiones in sacram paginam 7.1-67, Toronto, Pontifical Institute of Mediaeval Studies (Studies and Texts, 211), 2017.

Texte intégral

1Il faut remercier Christopher P. Evans de nous offrir la première édition critique, accompagnée de sa traduction en anglais, de l’œuvre majeure – sa Somme – de Simon de Tournai sur l’Incarnation du Christ, autrement dit les Institutiones in sacram paginam 7.I-67, dont seuls quelques fragments ont fait l’objet de publication ; des écrits de S. de Tournai, nous ne disposions jusqu’à présent que de ses Disputationes, éditées par Jospeh Warichez (Les Disputationes de Simon de Tournai, Louvain, Peeters [Spicilegium sacrum Lovaniense, 12], 1932). C. P. Evans nous permet ainsi d’accéder à la pensée d’un théologien majeur du xiie s., qui a tenu un rôle important dans les controverses christologiques de son temps, mais qui est demeuré moins bien connu – pour ne pas dire méconnu – que ses contemporains, tels Gilbert de Poitiers (ou Gilbert de la Porrée), Hugues de Saint-Victor, Pierre Abélard ou Pierre Lombard.

2Précédée d’une longue introduction (62 p.), l’édition du texte et sa traduction sont suivies d’une abondante bibliographie et de précieux index (renvois aux différents manuscrits, références scripturaires, noms des auteurs cités, thèmes) qui rendront les plus grands services à tous les chercheurs.

3Cette introduction mérite une mention particulière. Pour être attendu, le rappel biographique sur S. de Tournai (v. 1130-v. 1201) n’en est pas moins utile pour éclairer une personnalité trop souvent réduite à quelques stéréotypes voire à quelques rumeurs. Venu de Tournai pour étudier à Paris, il devient l’élève d’Odon de Soissons, dont il semble avoir assuré la reportatio d’une partie de ses Quaestiones, avant d’enseigner lui-même à l’école cathédrale de Paris. Il fut peut-être aussi en relation avec Gilbert de Poitiers. Enseignant les arts libéraux, puis la théologie, c’est un homme de talent, un esprit brillant et érudit, un dialecticien habile, ce qui lui vaut une grande renommée. Mais, sans doute trop sûr de lui et aisément sarcastique, il suscite aussi des inimitiés, si l’on en juge par la légende colportée à son sujet selon laquelle il aurait brusquement perdu la mémoire, voire la parole selon Matthieu Paris qui reconnaît par ailleurs son talent ; si certains estiment que Dieu l’a puni pour son arrogance, d’autres l’accusent de blasphème voire, comme Thomas de Cantimpré, d’hérésie ; une accusation liée à son intérêt pour Aristote et portée à tort, si l’on en juge par l’opinion favorable exprimée par Odon de Soissons, Étienne de Tournai, et l’on sait qu’Albert le Grand connaissait ses Institutiones. Il est admis aujourd’hui que S. de Tournai a influencé les théologiens de la fin du xiie et du début xiiie s., qu’il prit part au débat sur le sacrement de pénitence et Jacques le Goff le considère comme un des pionniers du concept de purgatoire. En tenant compte de la parcimonie des renseignements et des incertitudes sur sa vie, C. P. Evans tente d’établir une chronologie des écrits de S. de Tournai.

4Après ces préliminaires, s’ouvre ce qui est une véritable performance : la présentation de la vision de S. de Tournai sur l’union hypostatique (p. 15-54) et tout lecteur ne pourra qu’apprécier la précision et l’ampleur de cet exposé. Un lecteur qui se voit plongé dans la vivacité des débats et des controverses qui animent le monde des écoles à Paris, dans les années 1150-1163, année marquée par l’intervention du pape Alexandre III au concile de Tours ; des débats d’une grande virulence où les adversaires s’accusent facilement d’hérésie. C’est dans ce contexte d’effervescence intellectuelle que S. de Tournai commence ses Institutiones (ca. 1160) et propose sa vision christologique.

5C. P. Evans replace la pensée de S. de Tournai dans une perspective diachronique, remontant aux discussions des premiers conciles (Éphèse, Chalcédoine), et aux débats liés au Nestorianisme, sur les modalités de l’union entre divinité et humanité, mais aussi synchronique en rappelant les arguments – et ce qui les oppose – de Hugues de Saint-Victor (et de l’ensemble des Victorins), Gilbert de Poitiers, Pierre Abélard, et bien sûr Pierre Lombard, dont les Sentences constituent une des pierres angulaires de ce débat. S. de Tournai est d’ailleurs le premier à traiter systématiquement la question de l’union hypostatique après la rédaction des Sentences (Pierre Lombard, Sentences III, Distinctions 6-7) ; il apparaît comme un penseur original et subtil dont les arguments sont diffusés à la fin du xiie et au xiiie s. C. P. Evans accompagne son propos d’une abondance de notes qui, loin de se limiter à de simples références bibliographiques, proposent de larges extraits des différentes œuvres évoquées et ouvrent à de véritables discussions. Bien au-delà d’une simple présentation, il s’agit d’une véritable leçon sur les discussions autour de l’union hypostatique au xiie s. À elle seule, elle permet d’avoir un large exposé sur la question, la christologie de S. de Tournai, mais aussi celle des autres maîtres, et elle pourrait suffire à un lecteur qui hésiterait à se plonger dans le texte complexe des Institutiones, ce qui serait fort regrettable vu la qualité de l’édition proposée.

6Les Institutiones se présentent sous la forme de 67 questions (l’index des questions – en anglais – permet au lecteur de se repérer plus aisément dans le texte latin), donnant lieu à un développement s’appuyant sur les auctoritates selon les règles de la scolastique. La traduction anglaise s’avère un utile complément d’un latin parfois extrêmement concis. Sans prétendre rendre compte de la richesse du texte, nous nous limiterons là encore à souligner l’excellence de l’édition réalisée, l’abondance des notes d’édition (variantes codicologiques) mais aussi des notes bibliographiques dont certaines se transforment en discussions et pistes de recherche. Cette première édition des Institutiones constitue non seulement une réussite éditoriale, mais elle permet d’accéder à la pensée d’un théologien majeur du xiie s. encore trop méconnu.

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Pour citer cet article

Référence papier

Denyse Riche, « Christopher P. Evans (éd. et trad.), Simon of Tournai, On the Incarnation of Christ. Institutiones in sacram paginam 7.1-67 »Cahiers de civilisation médiévale, 242 | 2018, 177-178.

Référence électronique

Denyse Riche, « Christopher P. Evans (éd. et trad.), Simon of Tournai, On the Incarnation of Christ. Institutiones in sacram paginam 7.1-67 »Cahiers de civilisation médiévale [En ligne], 242 | 2018, mis en ligne le 01 juin 2018, consulté le 19 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/ccm/4870 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ccm.4870

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Auteur

Denyse Riche

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