Benoît Santiano, La Monnaie, le prince et le marchand : une analyse économique des phénomènes monétaires au Moyen Âge
Benoît Santiano, La Monnaie, le prince et le marchand : une analyse économique des phénomènes monétaires au Moyen Âge, Paris, Classiques Garnier (Classiques jaunes. Économies, 682), 2018.
Texte intégral
1Benoît Santiano, nous prévient l’éditeur, a suivi des études de mathématiques et d’économie et travaille en qualité de chargé d’études en finance. Était-il préparé à livrer une étude historique sur la monnaie au Moyen Âge dans le royaume de France ? Le livre se réduit en effet au seul royaume en dépit de certains sous-titres, comme « le reste de l’Europe » réduit à 10 lignes et une citation de John Day de 6 lignes et demie, alors que l’on attendait des développements sur les monnaies des Républiques italiennes ou sur le sterling du royaume d’Angleterre, l’Europe dont il est question est réduite au seul comté de Flandre et à son voisin le Brabant (comptabilisant seulement 3 p.).
2Le livre est divisé en 12 chapitres répartis en trois parties. Tout d’abord, une première partie constituée de l’affirmation du pouvoir royal en quatre chapitres qui culminent avec l’examen de la monnaie au service du roi et une histoire de l’impôt royal. Ensuite, l’affirmation de la puissance des marchands qui commence dès l’époque des croisades et se poursuit avec les inventions techniques portées au crédit de Gênes, Venise et Florence (p. 154-171). Cependant, la lettre de change, le change et rechange ont été étudiés au chapitre précédent (p. 112-131, une des meilleures études du livre, très claire et didactique). Enfin l’étude des mutations monétaires, propos essentiel de l’a. qui leur consacre près de 200 p. dont il est vrai le chapitre qui ouvre cette troisième partie examine des définitions telles : le titre, la taille et le pied des monnaies ou encore des questions métrologiques (marc, livre de Troyes, poids de marc). La cause des mutations monétaires, qui commencèrent dès le règne de Philippe le Bel quand la monnaie en argent créée au temps de saint Louis perdit près de 60 % de sa valeur, est perçue par l’a. dans la difficulté de faire coexister deux métaux précieux : l’or et l’argent, dans un système bimétalliste qui fait référence à la fois à un cours légal des monnaies défini par le roi sur la base du cours commercial en vigueur quand le roi prit sa décision (« faire monnaies et donner tel cours, pour tel prix comme il nous plaît et bon nous semble », proclame l’ordonnance royale du 16 janvier 1347) et à un cours commercial éminemment variable qui obéit à la loi de l’offre et de la demande, c’est-à-dire à l’afflux ou à la pénurie de métaux précieux sur le marché (p. 201). Les mutations monétaires consistaient en un affaiblissement, diminution de la masse de métal fin dans l’unité monétaire en circulation ou à un renforcement (augmentation de la masse de métal fin…). Cependant, il est difficile de s’en tenir au rapport entre les deux métaux précieux et l’a. invoque la guerre, la disette, les épidémies et les crises politiques (p. 295-296) pour expliquer l’accélération du rythme des mutations (34 de 1337 à 1354 et 51 en 6 ans seulement, de 1355 à 1360). En 1360, année noire, en l’espace de quatre mois, la monnaie perdit 85,6 % de sa valeur arrêtée au 22 novembre 1359, ou, pour le dire autrement, elle passa du pied 72 au pied 500 (on taillait 500 pièces de monnaie dans un marc d’argent, il y avait donc très peu d’argent dans la pièce devenue une monnaie noire). Les Anglais avaient gravement contribué à cette instabilité en exigeant une forte rançon de trois millions d’écus (près de 22 tonnes d’or) pour la libération du roi Jean, qui avait vidé le royaume de son métal jaune (p. 295).
3Une étude attendue termine ce livre, « les mutations, un instrument de régulation sociale » qui aurait « favorisé économiquement les plus faibles au détriment des possédants » (p. 350) et « soulagé la vie rude et difficile du peuple », alors que les rentes exprimées en monnaie de compte s’effondraient ; l’ordre féodal, qui intégrait l’Église et dont la richesse reposait sur ces rentes immuables, s’en trouva « pulvérisée » (p. 351). Il faudrait voir, pour confirmer ces affirmations trop rapides, l’évolution des prix de détail et le passage à la rente en nature.
4Voici donc un livre à la lecture excitante, à l’index à la fois soigné et mal commode, et nous voudrions poursuivre ces compliments mais, hélas ! l’écriture est émaillée de fautes d’orthographe, trop nombreuses. Un seul exemple suffira, à la p. 266, je recopie : « ces mesures sont inefficaces, ont les aggraves donc en 809 en multipliant l’amande par quatre. En cas de non-application, le comte, l’abbé ou l’évêque perdait leur dignité. Des mesures coercitives sont mises en place, Charles le Chauve les rappelle en 856 », cinq fautes en six lignes, c’est notre langue qui se trouve dévaluée. L’a., disions-nous, est mathématicien et son livre abonde de formules mathématiques, notamment de la p. 204 à la p. 263, mais celles-ci sont considérées comme insuffisantes car le chapitre se termine sur « des améliorations à apporter au modèle ». La bibliographie à laquelle l’a. a eu recours est vieillie, le plus souvent il utilise un auteur de langue française pendant des pages et des pages, avant de passer à un autre qu’il exploite de même, et il recopie en notes « id. » alors qu’il a intercalé une référence qui rompt l’unité de lecture. De même il cite des auteurs dont il oublie de signaler l’œuvre dans sa bibliographie. Ainsi en va-t-il de Borelli de Serres, Dieudonné, Renouard (1968), Van Houtte. Un éditeur universitaire devrait utiliser les services d’un correcteur ou d’un comité de lecture avant de livrer au public un tel travail dont l’a. aurait dû écouter ce conseil venu du Grand Siècle : « cent fois sur le métier remettez votre ouvrage ».
Pour citer cet article
Référence papier
Jean-Claude Hocquet, « Benoît Santiano, La Monnaie, le prince et le marchand : une analyse économique des phénomènes monétaires au Moyen Âge », Cahiers de civilisation médiévale, 250-251 | 2020, 207.
Référence électronique
Jean-Claude Hocquet, « Benoît Santiano, La Monnaie, le prince et le marchand : une analyse économique des phénomènes monétaires au Moyen Âge », Cahiers de civilisation médiévale [En ligne], 250-251 | 2020, mis en ligne le 01 septembre 2021, consulté le 04 décembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/ccm/5182 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ccm.5182
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