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Dossier : Ecrire la Méditerranée. Perspectives historiographiques
Regards sur la construction d'objets d'étude méditerranéens

La révolution industrielle en Méditerranée (1780-1880). Un échec ?

Arnaud Bartolomei
p. 111-127

Résumés

Traditionnellement, l’historiographie européenne a considéré que la révolution industrielle n’avait pas eu lieu en Méditerranée ou, mieux, qu’elle y avait « échoué ». C’est cette idée que la présente contribution entend discuter en se fondant pour cela sur deux séries de travaux qui ont profondément renouvelé notre connaissance du sujet au cours de ces vingt dernières années. D’une part, les historiens travaillant sur les économies méditerranéennes ont mis en valeur la diversité des formes et des réussites industrielles qu’ont connues les grands ports de la rive nord (Barcelone, Marseille, Gênes, Le Pirée) durant le xixe siècle. D’autre part, le renouvellement même des lectures de la « première révolution industrielle », amène à reconsidérer la place de la Méditerranée dans le processus européen d’industrialisation. Plus que sur le « modèle manchestérien » (la grande usine, la machine à vapeur), l’accent est en effet dorénavant mis sur la primauté de la demande dans le déclenchement de l’industrialisation, la persistance des formes d’organisation traditionnelles de travail et l’importance de l’accès aux ressources écologiques (matières premières, denrées alimentaires). Dans ce contexte, il apparaît que les régions qui bordent les deux rives de la Méditerranée, sans occuper une position centrale dans le processus d’industrialisation, y ont pleinement contribué et en ont largement tiré profit.

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Texte intégral

  • 1 Jordi Nadal i Oller, El fracasó de la Revolución industrial en España. 1814-1913, Barcelone, Ed. (...)
  • 2 Tibor Iván Berend et Giörgy Ránki, The European Periphery and Industrialisation, 1780-1914, Cambr (...)
  • 3 John Gallagher et Ronald Robinson, « The Imperialism of Free Trade », Economic History Review, vo (...)
  • 4 La question des causes du sous-développement a été par exemple centrale dans les travaux sur l’Am (...)

1Traditionnellement, l’historiographie européenne a considéré que la révolution industrielle n’avait pas eu lieu en Méditerranée ou, mieux, qu’elle y avait « échoué ». En France et en Italie, on oppose volontiers des « Nords » continentaux, prospères et développés, à des « Suds » méditerranéens, peu industrialisés et sous-développés. L’Espagne, pays généralement considéré comme uniformément « méditerranéen », aurait pour sa part « raté » sa révolution industrielle, ce qui expliquerait finalement son « retard »1. À l’échelle européenne, les régions méditerranéennes, au même titre d’ailleurs que la bordure orientale du continent, constitueraient donc, par opposition au cœur industrialisé composé du Royaume-Uni, de l’Allemagne rhénane, de la Belgique et de la France du Nord-Est, « The European Periphery » : une ceinture de pauvreté et de sous-développement comprenant toutes les régions qui auraient raté leur révolution industrielle au xixe siècle2. Quant aux pays des rives méridionale et orientale de la Méditerranée, jusqu’à une date très récente, aucun historien n’avait jamais sérieusement considéré qu’ils aient pu être concernés de près ou de loin par le phénomène de la révolution industrielle. Elles auraient même été au contraire des modèles de « désindustrialisation » au cours du xixe siècle, victimes de la concurrence qu’auraient représentée pour leurs fragiles économies artisanales, les marchandises importées dans le cadre de « l’impérialisme du libre-échange », avant de se voir ensuite figées dans le sous-développement par la colonisation européenne3. À l’image des travaux portant sur d’autres aires géographiques ayant souffert des mêmes maux, l’historiographie économique contemporaine s’est donc longtemps efforcée non pas d’étudier les formes qu’avait connues l’industrialisation dans ces régions, mais plutôt les raisons de son échec et du sous-développement qu’il induisit4. Dans cette quête, la liste des causes mises en avant se distingue aussi bien par sa longueur que par son éclectisme, puisqu’ont pu être incriminés, tour à tour ou simultanément, aussi bien des facteurs liés aux mentalités (trahison bourgeoise, poids de l’Église, conservatisme), aux structures agraires (haciendas et latifondi, biens de mainmortes), aux déterminismes naturels (fragmentation des espaces, pauvreté des ressources naturelles) ou encore aux déficiences des politiques économiques mises en œuvre par des pouvoirs dominés par d’autres intérêts que ceux liés aux régions méditerranéennes proprement dites.

  • 5 Gérard Chastagnaret et Olivier Raveux, « Industrialisation », dans Dionigi Albera, Maryline Crive (...)
  • 6 Gérard Chastagnaret et Olivier Raveux, « Penser l’espace. Espace et stratégies industrielles aux (...)
  • 7 Dans la mesure où les travaux historiographiques le permettent, nous nous sommes efforcé ici de l (...)

2Cette vision des choses n’est cependant plus admise aujourd’hui. Dès les premiers mots de l’article « industrialisation » qu’ils ont réalisé pour le récent Dictionnaire de la Méditerranée, Gérard Chastagnaret et Olivier Raveux prennent leurs distances avec l’idée dominante qui a longtemps amené à considérer les termes de Méditerranée et d’industrialisation comme « étrangers l’un à l’autre », avant de proposer un rapide inventaire des nombreux travaux qui ont permis, au cours de ces trois dernières décennies, de mettre en avant « l’ancienneté et la diversité des formes de l’industrie sur les espaces riverains de la Méditerranée »5. Outre la force de cette recherche empirique menée dans le cadre du « laboratoire méditerranéen »6, ce sont cependant les révisions beaucoup plus générales des problématiques de la révolution industrielle européenne, voire de la supériorité économique « occidentale », qui ont amené à revisiter à nouveaux frais le rôle et la participation des régions bordant la mer Méditerranée dans le processus de croissance économique propre au xixe siècle dont l’on rend habituellement compte à travers l’expression de « révolution industrielle »7.

  • 8 Dans l’euphorie économique des années 1990, une telle inversion paradigmatique a par exemple pu ê (...)

3C’est à la présentation de ces différentes tendances récentes de l’historiographie que nous souhaitons donc consacrer la présente contribution, non pas tant avec le souci d’aboutir à une inversion paradigmatique radicale – il ne s’agira donc pas de démontrer que la Méditerranée a été le berceau de la révolution industrielle, ni même qu’elle a été une région centrale dans son processus –, mais plutôt avec celui de réviser l’idée communément admise de « l’échec » pour souligner que la Méditerranée a pleinement participé, et de façon très diverse, à la dynamique générale de l’industrialisation du continent européen au xixe siècle8. Pour cela, nous reviendrons tout d’abord sur les nouvelles lectures de la « révolution industrielle » qui se sont imposées depuis les années 1980 dans l’historiographie d’un phénomène qui demeure essentiel à la compréhension de l’histoire économique contemporaine. Puis, nous montrerons comment ce renouvellement des outils analytiques de la révolution industrielle amène à reconsidérer, sous un angle nouveau, la participation des pays méditerranéens à sa dynamique d’ensemble, aussi bien en tant que producteurs de biens manufacturés que de fournisseurs des ressources primaires indispensables à son essor.

La révolution industrielle en questions

  • 9 La synthèse la plus complète et la plus convaincante, aussi bien sur l’historiographie de la révo (...)

4Le principal changement apporté par les relectures récentes de la révolution industrielle est que le cas de l’industrie manchestérienne, et plus généralement bri­tannique, qui avait traditionnellement été érigé en modèle de révolution industrielle « réussie » – et à l’aune duquel on évaluait toutes les autres expériences d’industrialisation ou de développement – n’est plus aujourd’hui considéré comme un modèle ni comme l’unique voie de l’industrialisation, mais plutôt comme un cas exceptionnel et peu représentatif de ce que fut, ailleurs en Europe et dans le monde, le processus d’industrialisation. Il en résulte que l’analyse des causes ayant déclenché la révolution industrielle au xixe siècle en Europe, a également été profondément renouvelée : ce ne sont plus aujourd’hui les transformations de l’offre (les innovations technologique et organisationnelle de la production et la mobilisation du capital financier et humain dans de vastes unités de production – les usines) qui sont mises au premier plan, mais plutôt celles de la demande : c’est pour répondre à l’appel d’importants marchés réclamant des biens manufacturés produits en série, que les industriels auraient transformé en profondeur leurs manières de produire9. Ce sont ces deux nouvelles perspectives qui amènent à changer fondamentalement notre regard sur l’industrialisation en Méditerranée au xixe siècle.

La mise en débat du modèle manchestérien

  • 10 L’insistance sur les facteurs culturels et institutionnels dans le déclenchement de la révolution (...)

5Les premiers penseurs de la révolution industrielle ont été des économistes et des idéologues, socialistes ou libéraux, du xixe siècle. Qu’ils se nomment John Stuart Mill, Engels ou Marx, tous ont cependant en commun d’avoir associé la révolution industrielle à l’émergence de ce que l’on désigne par le terme de factory system. Face à une production manufacturière traditionnellement assurée par des structures de type artisanal – soit dans le cadre urbain des corporations de métier, soit sous la forme disséminée en milieu rural du domestic system – la seconde moitié du xviiie siècle verrait s’affirmer une nouvelle unité de production : l’usine. Celle-ci se caractérise par une concentration exceptionnelle de main-d’œuvre, une nouvelle organisation du travail fondée sur la spécialisation et la rationalisation des tâches et le recours à la machine à vapeur (et donc à la combustion du charbon) pour actionner les métiers à filer ou à tisser. Pour expliquer l’émergence de ces nouvelles formes de la production manufacturière, qui eurent comme principal berceau la région de Manchester, les explications mises en avant par les premiers témoins de ces transformations insistent presque toujours sur le rôle des facteurs de production – ou de l’offre. L’analyse bien connue de Karl Marx explique ainsi la concentration du capital humain et financier dans les usines britanniques par des éléments contextuels propres au Royaume-Uni de l’époque : le mouvement des enclosures qui chassa les paysans pauvres de leurs terres et les amena à travailler dans les usines, d’une part ; la traite négrière, d’autre part, qui, en enrichissant les négociants de Liverpool, leur aurait donné les moyens de financer la modernisation de l’industrie naissante de Manchester. À ces deux facteurs, les historiens ultérieurs de la révolution industrielle, en ont ajouté d’autres, également susceptibles d’expliquer la singularité de l’expérience anglaise. Ont ainsi été mis en avant le talent des inventeurs qui ont mis au point des innovations décisives de l’industrialisation (comme la machine à vapeur dont le brevet fut déposé par James Watt en 1769), la levée des verrous institutionnels, au fur et à mesure que se diffusèrent les idées formulées par Adam Smith dans La Richesse des nations en 1776, ou encore la présence de gisements charbonniers exceptionnels à proximité des régions concernées par l’émergence de ces nouvelles formes de production10. La concentration de tous ces facteurs positifs au Royaume-Uni expliquerait ainsi la position exceptionnelle qu’occupa le pays au milieu du xixe siècle, époque à laquelle il concentrait 50 % de la production mondiale de charbon et également la moitié de la consommation mondiale de coton brut.

  • 11 Walt W. Rostow, The Process of Economic Growth, New York, Norton, 1952.
  • 12 Alexandre Gerschenkron, Economic Backwardness in Historical Perspective, Cambridge (Mass.), The B (...)

6À l’aune de ce pays érigé en modèle et des célèbres travaux menés par Rostow sur les « étapes de la croissance industrielle »11 et d’Alexandre Gerschenkron sur les « voies du développement »12, les historiens économétriques des années 1960 et 1970 ont forgé des outils de mesure des performances économiques historiques des autres pays européens (productivité, part du « capital national » investi dans la production manufacturière, part de la main-d’œuvre employée dans le « secteur secondaire ») afin de pouvoir apprécier leurs performances respectives. Ils en sont ainsi venus à les répartir en trois catégories distinguant, d’abord, les pays suiveurs – la France et la Belgique – qui ont réussi leur révolution industrielle, en imitant (mais sans l’égaler) le modèle britannique ; ensuite, les late comers, des pays qui à l’image de l’Allemagne, des États-Unis ou du Japon ont pris le train de la modernité plus tard mais sont ensuite parvenus à rattraper leur retard ; enfin, les pays qui ont « raté » leur révolution industrielle et se sont ensuite retrouvés en situation de sous-développement, parmi lesquels on retrouve les bordures orientales et méridionales de l’Europe (l’ « European periphery » de Berend et Ranki) et, plus généralement, tous les pays du « Tiers-Monde », que l’on qualifiait de « sous-développés » dans les années 1960-1980. C’est dans ce contexte intellectuel notamment, qu’a été forgée l’idée que la révolution industrielle n’avait pas eu lieu en Méditerranée ou qu’elle y avait échoué.

D’autres lectures de la révolution industrielle

  • 13 Paul Bairoch, Révolution industrielle et sous-développement, Paris, SEDES, 1963.
  • 14 Eric E. Williams, Capitalism and Slavery, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1944.
  • 15 Olivier Pétré-Grenouilleau, L’argent de la Traite. Milieu négrier, capitalisme et développement : (...)
  • 16 Pieter C. Emmer, Olivier Pétré-Grenouilleau et Jessica V. Roitman (éd.), A Deus ex machina Revisi (...)

7Avant même que le courant historiographique porteur d’une telle vision des choses n’ait atteint son plein développement, ses principaux postulats commencèrent cependant à être discutés et remis en cause. Ce sont d’abord les thèses marxistes qui furent l’objet de sévères révisions, dès les années 1960, au fur et à mesure que les politiques mises en œuvre dans les pays récemment décolonisés, qui avaient largement puisé dans la vulgate marxiste, révélèrent leurs limites. Concrètement, les échecs des tentatives d’industrialisation à marche forcée menées dans les pays « en développement » prouvèrent par l’exemple, et souvent de façon douloureuse, qu’il ne suffisait pas de concentrer du capital et de la main-d’œuvre pour industrialiser un pays. Les travaux de Paul Bairoch, notamment, réévaluèrent le rôle décisif qu’avaient joué la « révolution agricole » et la demande en outillage agricole qui lui était liée, dans le développement ultérieur de l’industrialisation britannique13. Plus généralement, c’est l’idée même d’un lien entre révolution industrielle et commerce colonial, qui avait été notamment formulée de façon très explicite dans les travaux d’Eric Williams14, qui furent l’objet des révisions les plus systématiques par une nouvelle génération d’historiens formés dans les années 1970-1980. En France, ce courant trouva sa forme d’expression la plus aboutie dans les travaux d’Olivier Pétré-Grenouilleau, qui montrèrent que la traite négrière n’avait pas offert à ses acteurs des profits aussi élevés et réguliers qu’on ne l’avait longtemps soutenu, et plus encore, que les profits accumulés par ce biais n’avaient que très médiocrement contribué à l’industrialisation de la région nantaise15. Des constats similaires dégagés par les historiens du commerce colonial britannique, hollandais et espagnol amenèrent finalement les auteurs d’un ouvrage de synthèse publié dans les années 2000, à conclure que le « rôle de la périphérie avait été périphérique » dans le développement industriel expérimenté par l’Europe au xixe siècle16.

  • 17 Nicholas F. R. Crafts, British Economic Growth during the Industrial Revolution, Oxford, Clarendo (...)
  • 18 Patrick O’Brien et Caglar Keyder, Economic Growth in Britain and France, 1780-1914. Two Paths to (...)
  • 19 Louis Bergeron (dir.), La croissance régionale dans l’Europe méditerranéenne (18e-20e siècles), P (...)

8En parallèle, les études plus spécifiquement centrées sur l’industrialisation du continent remirent tour à tour en question les fondamentaux de l’interprétation classique de la révolution industrielle européenne. Alors que les travaux d’économétrie menés par Nicholas Craft révélaient que la croissance des secteurs manufacturiers britanniques avait été bien plus modeste qu’on ne l’avait longtemps avancé (entre 1 et 3,5 % pendant la période 1780-1820), d’autres auteurs insistaient sur la persistance durable du domestic system jusqu’au milieu du xixe siècle et sur le rôle secondaire qu’avait joué la vapeur dans la première phase de la révolution industrielle17. Le cas de la Suisse qui fit, et réussit, sa révolution industrielle uniquement en exploitant la force motrice de ses cours d’eau (donc sans recourir au charbon), vint prouver de façon indiscutable qu’il avait existé d’autres modèles de croissance industrielle que celui incarné par l’expérience manchestérienne. Peu à peu, l’idée qu’il y avait eu plusieurs voies conduisant à l’industrialisation et au développement, qui avait été formulée dès la fin des années 1970, fut de plus en plus communément admise18. Elle fut en outre définitivement validée par la multiplication des monographies régionales mettant en valeur différents exemples de réussites industrielles, y compris au sein de pays qui avaient traditionnellement été considérés comme ayant échoué leur révolution industrielle19.

  • 20 Jan De Vries, « The Industrial Revolution and the Industrious Revolution », Journal of Economic H (...)

9Plus fondamentalement, ce sont cependant les hypothèses mettant en avant le rôle moteur de la demande, et donc de la consommation, dans l’éclosion de la révolution industrielle, qui furent dorénavant placées au cœur des explications des causes de la révolution industrielle. C’est là une des idées fortes véhiculées par les travaux de Jan de Vries autour du concept de « révolution industrieuse » et c’est également la thèse défendue par Patrick Verley dans son essai magistral sur « l’industrialisation de l’occident »20. Si l’on suit Patrick Verley dans sa démonstration, ce ne sont pas tant les transformations de l’offre qui auraient entraîné une baisse des coûts de production et donc un essor de la demande de produits manufacturés, mais plutôt l’inverse : la formation progressive au cours du xviiie siècle d’une vaste demande solvable pour des produits manufacturés standardisés (parmi lesquels figurent en premier lieu les célèbres « indiennes », des toiles de coton imprimées) aurait incité les industriels européens à produire plus pour répondre à cette incitation de la demande. Pour ce faire, ils auraient d’abord eu recours aux structures de production existantes – à savoir le domestic system. Puis, afin de surmonter les limites inhérentes à cette solution qui ne pouvait supporter une trop grande extension (manque de main-d’œuvre, baisse de la productivité, malfaçons), ils auraient exploré de nouvelles formes de production fondées sur la concentration de la main-d’œuvre et la machine à vapeur. Provoquée par cet appel des marchés, la révolution industrielle se serait ensuite épanouie dans toutes les régions où une combinaison favorable de facteurs aurait été réunie : en premier lieu, l’accessibilité de marchés de consommation, mais également la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée, la présence de charbon ou de cours d’eau, l’existence d’une classe d’entrepreneurs dynamiques et de structures de financement adaptées aux besoins singuliers des fabricants, etc. Le modèle proposé offre ainsi la possibilité de comprendre pourquoi la révolution industrielle a été plus puissante et plus visible en Angleterre – où il existait de nombreuses régions réunissant les conditions favorables – qu’ailleurs, sans pour autant figer la révolution industrielle dans un modèle manchestérien indépassable et donnant lieu à des explications déterministes, culturalistes ou institutionnalistes douteuses : partout où les conditions favorables à l’industrialisation se trouvèrent réunies, y compris dans des pays « latins », « catholiques », « méditerranéens » ou « montagneux », celle-ci parvint à s’épanouir. Ce faisant, Patrick Verley contribuait largement à débloquer l’un des principaux verrous heuristiques qui empêchait de penser l’idée même qu’il ait pu exister une « révolution industrielle » en Méditerranée.

De la révolution industrielle à la « Grande divergence »

  • 21 Kenneth Pomeranz, The Great Divergence. China, Europe and the making of the modern world economy, (...)
  • 22 Edward Anthony Wrigley, Continuity, Chance and Change. The Character of the Industrial Revolution (...)

10Les analyses de la révolution industrielle défendues par Jan de Vries ou Patrick Verley n’ont pas subi d’amendements remarquables depuis leur énonciation à la fin des années 1990. Elles ont cependant donné lieu à d’intéressants prolongements, notamment autour des propositions qui ont été portées par l’école californienne d’histoire économique et qui ont connu une très large diffusion à la suite de la parution de l’ouvrage majeur de Kenneth Pomeranz consacré à la « Grande Divergence »21. En situant résolument ses analyses à l’échelle du monde et en adoptant une perspective comparatiste systématique – deux marqueurs forts de la Global History telle qu’elle s’est développée depuis le début des années 2000 –, Kenneth Pomeranz a en effet profondément contribué à renouveler les débats autour de la révolution industrielle « européenne » et à envisager de nouveaux aspects du sujet demeurés jusque-là peu explorés, comme par exemple la question écologique. Son questionnement est simple : pourquoi la révolution industrielle a-t-elle eu lieu en Angleterre et non dans la région de Shanghai (le Yangzi), alors que cette dernière présentait, vers 1800, des caractéristiques économiques, technologiques, démographiques et sociales tout à fait similaires ? L’étude n’aboutit cependant pas à une remise en cause frontale de la thèse de Patrick Verley qui postule que la révolution industrielle a eu lieu partout où les conditions pour son épanouissement étaient réunies, mais invite plutôt à s’interroger sur les paramètres qui ont manqué au Yangzi, compte tenu du fait que cette région présentait des densités humaines, des taux de population urbaine, un secteur industriel et une maîtrise des technologies manufacturières tout à fait comparables à celles constatées en Angleterre à la même époque. La réponse apportée tient en deux expressions : « piège malthusien » et « limite écologique ». Dans le cadre d’économies encore largement dépendantes de facteurs « organiques »22, la croissance des secteurs manufacturés était forcément limitée par la disponibilité des ressources écologiques naturelles, et notamment des terres disponibles, puisque ces dernières devaient simultanément fournir du blé pour nourrir la population ouvrière, du bois pour alimenter les fourneaux et des fibres textiles pour alimenter les métiers. C’est donc grâce à deux « contingences » historiques – la présence de mines de charbon aisément accessibles et la possession d’un empire colonial qui a fourni à moindre coût du sucre (pour les ouvriers) et du coton (pour les machines) – que l’Angleterre a pu sortir du « piège malthusien » et éviter le processus « d’involution » qui a affecté le Yangzi.

11Sans réhabiliter totalement les approches marxistes de la révolution industrielle, les propositions de Kenneth Pomeranz ont cependant amené à reconsidérer la place du commerce extérieur dans la réussite de la révolution industrielle, et notamment son rôle dans la fourniture des matières premières indispensables à l’alimentation de son essor. La critique des thèses d’Eric Williams avait en effet été fondée sur l’absence de preuves empiriques attestant du rôle central du commerce colonial dans le financement des entreprises industrielles ou dans la fourniture de marchés aux productions manufacturées européennes. La question des matières premières avait en revanche été évacuée assez vite, puisqu’il était entendu que le charbon et le fer utilisés par les industriels britanniques étaient européens et que l’autre matière première décisive de la révolution industrielle, le coton, avait été très majoritairement fournie par un pays non-colonial (les États-Unis). En rappelant cependant que la structure sociale des États sudistes fondée sur l’esclavage n’était pas totalement étrangère au « système colonial » et en accordant de la considération à l’origine géographique des denrées constituant la ration alimentaire des ouvriers britanniques (comme le sucre antillais, auquel s’ajoutèrent assez vite le blé canadien ou la viande argentine), Kenneth Pomeranz invite cependant à réévaluer le rôle de la périphérie dans la réussite du centre. De ce point de vue, également, le rôle de la Méditerranée dans la dynamique de la révolution industrielle mérite donc d’être reconsidéré.

Retour en Méditerranée

12C’est donc à l’aune de ces deux conclusions que nous tirons des travaux de Patrick Verley et de Kenneth Pomeranz, qu’il nous faut rouvrir le dossier de la révolution industrielle en Méditerranée pour constater, d’abord, que de nombreuses provinces méditerranéennes ont connu de vigoureux phénomènes d’industrialisation, qui, sans se conformer au modèle manchestérien, n’ont rien à lui envier en termes d’intensité, mais, plus généralement, que l’ensemble des régions bordant la mer Méditerranée (au nord comme au sud), ont également largement contribué à la révolution industrielle européenne, en l’aidant à déjouer les « pièges malthusiens » dans lesquels son propre déploiement aurait pu l’enfermer.

De grands pôles industriels méditerranéens

13Parmi les régions méditerranéennes qui ont connu un fort développement industriel au xixe siècle, deux se distinguent immédiatement : d’une part, la Catalogne, et plus précisément la région de Barcelone, et, d’autre part, le littoral provençal. Parce que ces deux régions ont été le théâtre d’un essor industriel remarquable et parce qu’elles ont été particulièrement privilégiées par la recherche historique au cours des deux dernières décennies, elles retiendront en premier lieu notre attention. Nous montrerons cependant que les réalités mises en avant à partir de ces deux exemples ne sont pas des cas isolés sur le pourtour méditerranéen ni des exceptions, et que d’autres expériences similaires ont également été documentées ailleurs comme à Malaga, Valence, Gênes, Livourne, Naples, le Pirée et même, dans une certaine mesure, dans l’Égypte de Méhémet Ali. Une liste suffisamment large donc, pour tordre définitivement le cou à l’idée qu’il ait pu exister une inaptitude méditerranéenne à l’industrialisation.

  • 23 Pierre Vilar, La Catalogne dans l’Espagne moderne : recherches sur les fondements économiques des (...)
  • 24 Laura Calosci, Nacionalismo económico y comercio mediterraneo. Pensamiento y acción de la Junta d (...)

14L’histoire industrielle catalane s’inscrit dans une longue tradition, dont il ne s’agira pas ici de rappeler toutes les étapes. Il convient cependant de mentionner que la région connut un premier essor manufacturier spectaculaire dans la seconde moitié du xviiie siècle, notamment dans le cadre des échanges commerciaux étroits que le port de Barcelone était parvenu à établir avec l’Amérique hispanique, d’abord de façon indirecte par l’intermédiaire de Cadix, puis, après 1778, dans le cadre légal défini par le règlement du comercio libre promulgué cette même année23. Bien que les historiens se soient beaucoup interrogés sur l’origine réelle des indiennes barcelonaises expédiées aux Indes – une partie d’entre elles n’ayant vraisemblablement été que des réexportations de productions étrangères seulement finies et estampillées dans le port –, la réalité du développement industriel que connut alors Barcelone ne fait en revanche guère de doute : plusieurs centaines d’entreprises y étaient en activité vers 1800 et donnaient du travail à des milliers d’ouvriers, et un début de révolution industrielle fondée sur l’usage de métiers mécanisés et de machines à vapeur s’esquissait même lorsque l’intervention napoléonienne de 1808, et les immenses destructions économiques qui l’accompagnèrent, puis la perte brutale des marchés américains, vinrent contrarier ce premier essor. L’invasion des indiennes britanniques dans les années 1820, dont l’introduction en contrebande en Espagne se faisait massivement par le biais de Gibraltar, contribua aussi à entraver durablement les efforts réalisés pour réserver le marché intérieur aux industriels barcelonais qui avaient été réalisés aussi bien au niveau régional, sous l’impulsion de la Junta de Comercio 24, qu’au niveau national – les tarifs douaniers protectionnistes adoptés par les gouvernements du Trienio Liberal en 1821 étant l’une des rares mesures du gouvernement constitutionnel conservé par le régime réactionnaire de Ferdinand VII, lors de son rétablissement en 1823.

  • 25 Olivier Raveux, « Los fabricantes de algodón a Barcelona (1833-1844) : estrategias empresariales (...)

15Pourtant, la reprise économique ne tarda pas à se manifester dès les années 1830. Aussitôt qu’une meilleure organisation du système douanier, au fur et à mesure que les difficultés politiques intérieures s’atténuèrent, permit de rendre la protection du marché national effective, la bourgeoisie catalane reprit l’initiative et impulsa un puissant mouvement de modernisation industrielle fondée sur la mobilisation du capital financier, des vastes réseaux commerciaux internationaux dont elle bénéficiait et l’accueil de techniciens britanniques25. Ainsi, en 1835, la première machine à vapeur était installée dans l’indiennage catalan et l’essor de la vaporisation fut ensuite fulgurant : la puissance motrice des machines à vapeur employée à Barcelone passa de 115 chevaux en 1835 à plus de 10 000 en 1861. Le processus de mécanisation de la production fut encore plus rapide, passant de 4 à 99 % au cours de la même période dans le secteur du filage et de 0 à 45 % dans celui du tissage. On peut donc considérer que, en 1860, la quasi-totalité de l’industrie cotonnière barcelonaise avait adopté le modèle manchestérien, alors que des formes plus diffuses d’industrialisation, fondées sur l’énergie motrice des cours d’eau et des ateliers de moindre envergure, se maintenaient dans les faubourgs de la ville et les vallées environnantes. La croissance ne cessa de se confirmer au cours des décennies suivantes, toujours à l’abri des solides barrières douanières auxquelles l’Espagne ne renonça jamais réellement. Les importations de coton brut passèrent ainsi de 16 102 tonnes en 1864-1868 à 79 721 tonnes en 1909-1913 et, surtout, comme à Manchester, l’industrie cotonnière joua pleinement son rôle de leading sector, entraînant dans son sillage la multiplication des fabriques de mécanique et de métallurgie, destinées à la construction et à la réparation des machines, ou encore l’essor des industries chimiques produisant des colorants artificiels. Au début du xxe siècle, la Catalogne concentrait 80 % de la production textile espagnole et Barcelone était alors devenue une puissante métropole industrielle, parmi les plus prospères d’Europe.

  • 26 Xavier Daumalin et Olivier Raveux, « Marseille (1831-1865). Une révolution industrielle entre Eur (...)

16Bien que la région marseillaise eût également connu un premier essor industriel dans le domaine de l’indiennage à la fin du xviie siècle, la trajectoire que suivit la ville par la suite différa de celle de Barcelone. Vers 1850, avec une population ouvrière estimée à près de 40 000 personnes (femmes et enfants inclus) pour une population générale de 200 000 habitants, la ville et le département dont elle était la capitale figuraient pourtant parmi les plus industrialisés de France26. La croissance s’adossa d’abord aux trois secteurs que la ville avait traditionnellement développés au xviiie siècle, dans le cadre d’une économie portuaire fondée sur l’importation de matières premières et la réexportation de produits transformés vers des marchés situés outremers : la savonnerie, le raffinage du sucre et la ­minoterie.

  • 27 Ibid.

17Loin de s’effondrer, comme ils l’avaient fait à Barcelone, au moment où la France perdit son premier Empire colonial et ses ouvertures commerciales au Levant pendant la période troublée des guerres révolutionnaires et napoléoniennes, ces secteurs connurent au contraire un très vif renouveau, dès les années 1820, dans le cadre d’un système douanier original associant la protection du marché national à une large ouverture sur le commerce international, d’abord méditerranéen, puis atlantique. La savonnerie constitue le secteur emblématique de ce changement d’échelle puisque, traditionnellement fondée sur l’importation d’huile méditerranéenne (provenant du Mezzogiorno ou de Tunisie), de barille murcienne et cendres siciliennes, elle connut un essor phénoménal dans les années 1840 grâce à l’adoption de nouveaux procédés de fabrication (introduction d’huile d’arachide provenant de l’Afrique de l’Ouest dans la composition du savon, utilisation de la machine à vapeur)27. En 1850, les vingt huileries locales utilisaient toutes des machines à vapeur, employaient plus d’un millier d’ouvriers et leurs importations d’oléagineux étaient passées de 400 à 100 000 tonnes entre 1830 et 1860. Le raffinage du sucre connut aussi un démarrage précoce au xviiie mais il fut ensuite victime d’un effondrement beaucoup plus grave pendant la période révolutionnaire, du fait de la rupture du lien avec les marchés coloniaux. La reprise eut lieu dans les années 1830, du fait de la spécialisation des raffineries du Nord de la France dans la transformation du sucre de betteraves. Indirectement, ce processus favorisa les raffineurs marseillais qui récupérèrent alors le marché de la transformation du sucre de canne. Entre 1830 et 1844, les deux tiers des raffineries marseillaises furent équipées de machines à vapeur et les importations de sucre de canne passèrent pendant la même période de 10 000 à 30 000 tonnes. L’essor de la minoterie marseillaise fut en revanche un peu décalé dans le temps, car le secteur demeura longtemps desservi par les protections douanières dont bénéficiaient les céréaliers français. La libéralisation progressive de ce commerce tout au long des années 1840-1860 permit cependant à Marseille de recevoir des quantités toujours plus grandes de blés de la mer Noire et provoqua l’émergence de vastes minoteries industrielles dans la zone portuaire marseillaise, ce qui provoqua en retour le déclin de la meunerie traditionnelle provençale dont Alphonse Daudet a si bien rendu compte dans Les lettres de mon moulin.

  • 28 Louis Pierrein, Industries traditionnelles du port de Marseille : le cycle des sucres et des oléa (...)
  • 29 Olivier Raveux, « Un technicien britannique en Europe méridionale : Philip Taylor (1786-1870) », (...)
  • 30 Xavier Daumalin et Isabelle Laffont-Schwob (dir.), Les Calanques industrielles de Marseille et le (...)
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  • 32 Gérard Chastagnaret, « Espace industriel et stratégie personnelle : Hilarion Roux et la construct (...)
  • 33 Olivier Raveux, La métallurgie et la construction mécanique à Marseille au xixe siècle, thèse de (...)

18L’essor de ces trois secteurs était bien connu28, mais il n’avait longtemps pas retenu l’attention des historiens de la révolution industrielle, car ils étaient jugés archaïques et relevant d’un capitalisme « commercial » et non « industriel ». L’industrie marseillaise de la Monarchie de Juillet ne se limita cependant pas à ces trois branches et, comme à Barcelone, elle s’est aussi développée dans des secteurs bien plus emblématiques de la révolution industrielle : la construction mé­canique, la métallurgie et la chimie. Le dynamisme de la construction mé­canique a notamment été porté par les chantiers navals qui étaient disséminés sur la côte varoise entre La Ciotat et La Seyne. Dans les premiers, furent par exemple assemblés 37 navires à vapeurs entre 1837 et 1851. Mais, la production mécanique est bien plus diversifiée : dans les ateliers situés dans la vallée de l’Huveaune ou au nord de la ville, on produisait aussi des locomotives, des chaudières et des machines à vapeur. Celles fabriquées à partir de 1835 dans les usines de l’ingénieur britannique Philipp Taylor, qui étaient situées dans le quartier périphérique de Menpenti, s’exportaient dans toute la Méditerranée et contribuèrent largement à la réputation des industries mécaniques marseillaises29. Les industries chimiques, pour leur part, se développèrent en périphérie de la ville, dans des sites alors peu densément peuplés comme l’étang de Berre ou les calanques de Montredon et ­Sormiou, car les populations locales étaient déjà très sensibles aux nuisances qu’elles représentaient et elles n’hésitaient pas à recourir à des moyens légaux pour limiter leur essor30. Si celles situées dans les quartiers sud furent finalement abandonnées progressivement dans la première moitié du xxe siècle, celles implantées autour de l’Étang de Berre ne cessèrent de se développer et continuent de constituer l’une des activités majeures de l’actuelle zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer31. Le secteur industriel marseillais le plus innovant et celui qui connut le plus grand rayonnement international est cependant celui de la métallurgie non ferreuse. Là aussi, la focalisation traditionnelle des historiens de la révolution industrielle sur la sidérurgie les avait amenés à ne prêter que peu d’attention aux usines de transformation du cuivre, de l’étain et du plomb qui se développèrent dans l’agglomération marseillaise, en lien avec un important commerce d’importation de ces matières premières présentes en abondance sur le pourtour méditerranéen32. Après 1830, l’essor de ces activités fut tel que l’agglomération marseillaise assurait à elle seule la moitié de la production nationale de métaux non ferreux en 1860 et faisait ainsi des Bouches-du-Rhône un des premiers départements français de la production métallurgique33.

  • 34 Giorgio Doria, « La place du système portuaire ligure dans le développement industriel des région (...)
  • 35 Christos Hadkiiossif, « Le développement régional en Grèce : des régions sans État-nation à l’Éta (...)

19Comme nous l’avons indiqué, Barcelone et Marseille ne sont pas des cas singuliers d’industrialisation réussie sur le pourtour méditerranéen. Les villes de Gênes, Livourne et Naples se transformèrent également au cours du siècle en de puissants pôles d’industries diversifiées – de façon assez précoce et adossée au développement industriel lombard et piémontais dans le premier cas, plus tardivement et plus clairement sous l’impulsion de l’État central pour les deux autres34. Le port du Pirée constitue un autre exemple bien connu de grand port méditerranéen qui s’est transformé en une vaste zone industrielle dans la seconde moitié du xixe siècle, dans le cadre du double processus de formation d’un marché national sous l’impulsion d’un État récemment réunifié et d’affirmation de la société industrielle35. C’est cependant sur deux autres régions, qui présentent des profils « méditerranéens » bien plus affirmés encore, que nous souhaitons porter la focale : d’une part, le littoral méditerranéen espagnol qui s’étend de Valence jusqu’à Malaga ; d’autre part, le port d’Hermopoulis (actuellement Ermopoúli), situé sur l’île de Syros au cœur des Cyclades.

  • 36 Cristóbal García Montoro, Malaga en los comienzos de la industrialización : Manuel Agustín Heredi (...)
  • 37 Jordi Nadal i Oller et Jordi Catalán, La cara oculta de la industrialización española. La moderni (...)

20Le fait que l’actuelle station balnéaire de Marbella ait pu se trouver située au cœur du plus gros complexe sidérurgique espagnol de la première moitié du xixe siècle ne manque pas de surprendre. L’incongruité même de l’idée constitue cependant la meilleure illustration du processus d’invisibilisation des expériences industrielles méditerranéennes. Certes les hauts-fourneaux développés à partir de 1828 dans la périphérie de Malaga par le célèbre entrepreneur andalou Manuel Agustín Heredia déclinèrent assez rapidement dans la seconde moitié du xixe siècle, sous les coups de la concurrence de l’industrie basque36. Il est également vrai qu’ils ne furent pas à la pointe des innovations technologiques de leur temps, puisque leur exploitation reposait sur la combustion d’un charbon d’origine végétale, extrait des forêts situées dans l’arrière-pays, et d’un gisement de minerais local assez pauvre en fer. Par ailleurs, ils bénéficièrent largement de la protection des tarifs douaniers espagnols – un facteur généralement apprécié négativement par les historiens économistes – et travaillèrent prioritairement pour l’agriculture et l’artisanat andalous, plutôt que pour les secteurs « nobles » du transport, des biens d’équipements ou de l’armement – autant de facteurs, donc, qui ont contribué à leur dépréciation par les historiens économistes. Il n’en demeure pas moins que l’entreprise disposait de trois sites industriels autour de Malaga dans les années 1840, dont l’un réunissait plus d’un millier d’ouvriers, et qu’elle demeura à la pointe de la production sidérurgique espagnole pendant quatre décennies. D’autres villes de la côte méditerranéenne, situées dans la région du Levante, connurent également un essor industriel significatif au xixe siècle mais qui, le plus souvent, demeura éclipsé dans la mémoire collective par l’effondrement concomitant de la soierie valencienne – lequel retint bien plus l’attention des historiens du « fracaso de la revolución industrial ». Il fallut donc attendre les années 1990 et l’inversion des paradigmes qui traversa alors l’historiographie économique espagnole, pour que les historiens s’intéressent au tissu de petites entreprises œuvrant dans les « non leading sectors » (agroalimentaire, cuirs, bois) de la région valencienne37. On se souvint alors que la ville d’Alcoy avait été désignée comme le siège espagnol de la Première Internationale et que son importante population ouvrière avait joué un rôle central dans la révolution communaliste qui souleva le littoral levantin contre le gouvernement central au début des années 1870.

  • 38 Christine Agriantoni, Les débuts de l’industrialisation en Grèce (les années 1870-1880), thèse de (...)

21L’histoire de l’industrialisation du port d’Hermopoulis, dans les Cyclades grecques, pourrait également apparaître comme un autre cas isolé et exceptionnel d’industrialisation réussie en Méditerranée. Mais les nombreux traits communs que cet exemple partage avec ceux déjà décrits invitent plutôt à en faire au contraire un exemple parfaitement illustratif des expériences industrielles méditerranéennes38. Certes le démarrage a lieu ici dans des conditions un peu singulières puisque c’est l’expatriation des populations grecques des îles du Dodécanèse, à la suite des massacres de Chios en 1823, qui marquèrent le premier essor démographique et économique de l’île de Syros, jusque-là très peu peuplée. Dès lors, se forma une bourgeoisie locale d’armateurs, qui diversifia très vite ses investissements dans la construction navale, d’abord, puis, exploitant la rente de situation du port, dans les industries de transformations de matières premières. Bénéficiant du soutien d’un marché national protégé, la ville devint alors un grand centre industriel diversifié et s’affirma, au début des années 1870, comme la deuxième ville, par son importance, du jeune État grec.

La Méditerranée, un réservoir de produits primaires au service de l’industrialisation européenne

  • 39 Sur les expériences industrielles en Égypte, voir Ghislaine Alleaume, « Les techniciens européens (...)
  • 40 Michel Morineau, « Naissance d’une domination. Marchands européens, marchands et marchés du Levan (...)

22En apportant la lumière sur cette expérience industrielle remarquable, la thèse de Christine Agriantoni a conduit à écarter définitivement les thèses culturalistes de l’échec de la révolution industrielle en Méditerranée. D’autres travaux menés sur les tentatives d’industrialisation, parfois réussies, parfois infructueuses, qui eurent lieu dans l’Empire ottoman ou dans l’Égypte de Méhémet Ali, amènent également à remettre en cause toute forme de déterminisme géographique sur le sujet39. Ils révèlent cependant aussi que si la Méditerranée du xixe siècle accueillit sur son pourtour de nombreuses réussites industrielles, elle fut aussi le théâtre d’échecs fracassants et d’expériences radicales de désindustrialisation – on pense par exemple à l’artisanat textile ottoman ou à la chapellerie tunisoise. Comme Michel Morineau l’avait cependant constaté, dans un article lumineux, ces échecs ne peuvent pas se lire de façon univoque comme des preuves de l’incapacité des sociétés des rives sud de la Méditerranée à s’adapter à la modernité, ni comme des conséquences sans appel d’une domination européenne appuyée sur « l’impérialisme du libre-échange ». Ils doivent se lire, au contraire et avant tout, comme le résultat logique de l’évolution des termes de l’échange en Méditerranée au cours du xixe siècle : alors que les prix des biens manufacturés mis sur le marché ne cessèrent de baisser, du fait des importants gains de productivité réalisés en Europe, les cours des matières premières, dopés par une demande européenne croissante, se soutinrent au contraire à des niveaux élevés jusque dans le dernier tiers du siècle – avant de s’effondrer brutalement au moment de la Grande Dépression lorsque la concurrence internationale s’accrut sensiblement40. Il résulte de cette lecture des choses que les populations méditerranéennes ne peuvent plus être considérées comme des victimes passives d’une révolution industrielle qui les aurait plongées dans le sous-développement, mais plutôt qu’elles en furent au contraire des acteurs centraux et des bénéficiaires de premier ordre – du moins jusqu’au retournement conjoncturel des années 1870. Les chiffres du commerce des matières premières effectué en Méditerranée pendant la période considérée attestent de façon spectaculaire de cette réalité et prouvent que l’hypothèse que Michel ­Morineau formula pour le Levant peut largement être étendue à d’autres régions des rives sud et nord de la Méditerranée.

23Stimulés par la libéralisation du marché de la terre et l’abolition des barrières douanières, les échanges fondés sur la commercialisation des produits du sol et des sous-sols méditerranéens connurent en effet un essor exponentiel au xixe siècle, faisant de la Méditerrané l’un des plus actifs réservoirs de matières premières de l’Europe industrialisée.

  • 41 Gérard Chastagnaret, L’Espagne, puissance minière dans l’Europe du xixe siècle, Madrid, Casa de V (...)
  • 42 Maurice Aymard, « Un siècle et demi d’histoire sicilienne », dans Louis Bergeron (dir.), La crois (...)

24L’exemple le plus évident et le mieux connu de cette dynamique se situe une nouvelle fois en Espagne puisque le pays se transforma dans les années 1840 en premier fournisseur de l’industrie européenne en métaux non-ferreux (étain, cuivre, zinc, mercure et plomb). Soutenue par les besoins grandissants en équipements publics (adduction d’eau, éclairage, transport) des populations européennes de plus en plus urbanisées, l’extraction de ces métaux bénéficia également d’un fort apport de capital étranger41. Au total, les exportations de minerais espagnoles doublèrent entre 1860 et la fin du siècle et des milliers d’emplois furent créés dans les régions minières espagnoles qui, le plus souvent, étaient méditerranéennes. Là encore, l’exemple espagnol n’est cependant pas isolé. En 1900, la Sicile, par exemple, concentrait 80 % de la production mondiale de soufre et le secteur employait 40 000 ouvriers42. Le tableau apparaît encore plus flatteur pour la fourniture des matières premières organiques, dont l’industrie européenne était fortement consommatrice. La savonnerie marseillaise, aux côtés des oléagineux africains, continua de réclamer de très grandes quantités d’huile d’olive qui provenaient de Calabre, de Tunisie ou d’Andalousie. La Turquie, pour sa part, s’affirma comme un grand fournisseur de laines et de cotons, alors que l’Égypte devint le premier fournisseur de coton de l’industrie européenne au moment où la guerre de Sécession interrompit les exportations des États-Unis. Si l’on suit Kenneth Pomeranz dans sa proposition d’inclure les denrées alimentaires des classes laborieuses parmi les produits primaires qui furent indispensables à la réussite de la révolution industrielle, on pourra alors également prendre en considération les vins algériens, qui vinrent remplacer ceux du Languedoc dans l’alimentation des classes populaires françaises au moment de la crise du phylloxera, et les exportations d’agrumes siciliens et valenciens qui connurent une croissance exceptionnelle dans la seconde moitié du siècle. En contrepartie de ces exportations massives, les sociétés méditerranéennes importèrent de leur côté des quantités sans cesse croissantes de produits manufacturés (des cotonnades britanniques, naturellement, mais aussi des machines, des rails, des locomotives, etc.), contribuant ainsi à soutenir la production manufacturière européenne.

  • 43 Abdelkader Sid Ahmed, Les flux d’échanges en Méditerranée : données, fondements historiques et pe (...)

25Au total, on peut se faire une idée de la croissance spectaculaire des échanges commerciaux en Méditerranée au xixe siècle à partir des données réunies dans le tableau suivant par l’historien Abdelkader Sid Ahmed43. Il apparaît que le commerce extérieur de l’Empire ottoman passa de 9 millions de livres sterling en 1835 à 66 millions en 1910 alors que celui de l’Égypte était multiplié par 40 au cours de la même période et qu’une tendance similaire pouvait se lire sur l’ensemble de la rive sud de la Méditerranée (voir tableau 1).

Tableau 1. Le commerce extérieur des pays de la rive sud de la Méditerranée au xixe siècle

Commerce extérieur,
en millions de livres sterling

1835

1870-1873

1900

1910-1912

Empire ottoman

9

14

38

66

Égypte

1.5

9.6

36

60

Algérie

0.8

9.6

21

47

Tunisie

0.5

1.6

1.1

13

Maroc

1

2

3.5

9

Total

12.8

36.8

100

195

Source : Abdelkader Sid Ahmed, Les flux d’échanges en Méditerranée…, op. cit., p. 44.

26La Méditerranée n’a évidemment pas été le cœur de la révolution industrielle européenne, ni même un lieu particulièrement propice au développement d’une industrialisation massive. Il n’en demeure pas moins que partout où les conditions du décollage industriel furent réunies sur son pourtour, celui-ci eut lieu comme ailleurs en Europe. Les modalités de l’industrialisation y furent certes très différentes de celles réunies à Manchester, mais cela ne change rien à l’ampleur ni à l’intensité qu’y connut le phénomène de l’industrialisation. En outre, la Méditerranée a aussi joué un rôle important dans l’industrialisation du continent en l’alimentant avec des denrées primaires essentielles (matières premières et denrées alimentaires) et en absorbant une grande partie de sa production manufacturière. Certes, cette spécialisation économique, très bénéfique à moyen terme pour les populations méditerranéennes, finit par se retourner contre elles lorsque la conjoncture internationale se dégrada dans le dernier tiers du siècle. Cela contribua sans aucun doute aux problèmes de développement que connurent les régions méditerranéennes au xxe siècle. De même, de nombreuses expériences industrielles méditerranéennes finirent par « échouer ». On pense naturellement à la sidérurgie de Malaga ou aux effondrements plus tardifs des industries traditionnelles du port de Marseille. Il s’agit cependant là de réalités que connaissent tous les secteurs industriels intégrés dans les logiques cycliques de l’économie mondiale et que connurent également, à la fin du xxe siècle, les véritables cœurs de la première révolution industrielle européenne. Ce sont donc là des symptômes qui sont le propre non pas d’économies « en échec », mais plutôt d’économies intégrées au processus de la mondialisation économique.

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Notes

1 Jordi Nadal i Oller, El fracasó de la Revolución industrial en España. 1814-1913, Barcelone, Ed. Ariel, 1975 ; Jean-Pierre Almaric, Bartolomé Bennassar et Albert Broder (dir.), Aux origines du retard économique de l’Espagne, xvie-xixe siècles, Paris, Éditions du CNRS, 1983.

2 Tibor Iván Berend et Giörgy Ránki, The European Periphery and Industrialisation, 1780-1914, Cambridge-London-New York-Paris, Cambridge University Press - Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 1982.

3 John Gallagher et Ronald Robinson, « The Imperialism of Free Trade », Economic History Review, vol. 6, no 1, 1953, p. 1-15.

4 La question des causes du sous-développement a été par exemple centrale dans les travaux sur l’Amérique latine depuis les années 1960. Voir Stanley J. Stein et Barbara H. Stein, The Colonial Heritage of Latin America. Essays on Economic Development and Perspective, New York, Oxford University Press, 1970 ; John H. Coatsworth, Los orígenes del atraso. Nueve ensayos de historia económica de Mexico, siglos xviii y xix, Mexico, Alianza Editorial Mexicana, 1990.

5 Gérard Chastagnaret et Olivier Raveux, « Industrialisation », dans Dionigi Albera, Maryline Crivello et Mohamed Tozy (dir.), Dictionnaire de la Méditerranée, Arles, Actes Sud, 2016, p. 699.

6 Gérard Chastagnaret et Olivier Raveux, « Penser l’espace. Espace et stratégies industrielles aux xviiie et xixe siècles : exploiter le laboratoire méditerranéen », Revue d’Histoire moderne et contemporaine, no 48/2, 2001, p. 11-24.

7 Dans la mesure où les travaux historiographiques le permettent, nous nous sommes efforcé ici de limiter notre analyse aux régions que l’on peut considérer comme méditerranéennes parce qu’elles bordent effectivement les rives de la mer Méditerranée ou qu’elles évoluent dans le cadre d’interactions étroites avec elles. Ainsi, nous ne considérons pas que les régions industrielles de Milan, Turin, Lyon ou du Pays Basque, par exemple, soient « méditerranéennes » – même si elles appartiennent à des constructions nationales qui ont souvent été caractérisées comme telles. Nous avons donc centré nos observations sur les grandes villes portuaires riveraines de la Méditerranée (comme Malaga, Valence, Barcelone, Marseille, Gênes, Naples, Le Pirée, Smyrne ou Tunis), ainsi que les régions qui leur étaient immédiatement liées (comme la Catalogne, la Provence ou la Ligurie).

8 Dans l’euphorie économique des années 1990, une telle inversion paradigmatique a par exemple pu être appliquée au cas de l’Espagne : David R. Ringrose, Spain, Europe, and the « Spanish miracle », 1700-1900, Cambridge, Cambridge University Press, 1996.

9 La synthèse la plus complète et la plus convaincante, aussi bien sur l’historiographie de la révolution industrielle que sur les relectures opérées dans les années 1980 et 1990, demeure l’étude majeure de Patrick Verley, L’échelle du monde. Essai sur l’industrialisation de l’Occident, Paris, Gallimard, 1997.

10 L’insistance sur les facteurs culturels et institutionnels dans le déclenchement de la révolution industrielle au Royaume-Uni et la caractérisation de l’exceptionnalité britannique sont au cœur d’un vaste mouvement historiographique qui traverse l’ensemble du xxe siècle et dont on trouve la formulation la plus aboutie dans les travaux de David S. Landes (voir notamment The Unbound Prometheus. Technological Change and Industrial Development in Western Europe from 1750 to the Present, Cambridge, Cambridge University Press, 1969).

11 Walt W. Rostow, The Process of Economic Growth, New York, Norton, 1952.

12 Alexandre Gerschenkron, Economic Backwardness in Historical Perspective, Cambridge (Mass.), The Belknap Press of Harvard University Press, 1962.

13 Paul Bairoch, Révolution industrielle et sous-développement, Paris, SEDES, 1963.

14 Eric E. Williams, Capitalism and Slavery, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1944.

15 Olivier Pétré-Grenouilleau, L’argent de la Traite. Milieu négrier, capitalisme et développement : un modèle, Paris, Aubier, 1996.

16 Pieter C. Emmer, Olivier Pétré-Grenouilleau et Jessica V. Roitman (éd.), A Deus ex machina Revisited. Atlantic Colonial Trade and European Economic Development, Leiden-Boston, Brill, 2006, p. XV. Ce faisant les auteurs reprenaient à leur compte une observation formulée par Patrick O’Brien dans son article « European Economic Development : The Contribution of the Periphery », Economic History Review, vol. 35, no 2, 1982, p. 1-18.

17 Nicholas F. R. Crafts, British Economic Growth during the Industrial Revolution, Oxford, Clarendon Press, 1985 ; Patrick Verley, L’échelle du monde…, op. cit., p. 78.

18 Patrick O’Brien et Caglar Keyder, Economic Growth in Britain and France, 1780-1914. Two Paths to the Twentieth Century, Londres, George Allen & Unwin, 1978.

19 Louis Bergeron (dir.), La croissance régionale dans l’Europe méditerranéenne (18e-20e siècles), Paris, Éditions de l’EHESS, 1992.

20 Jan De Vries, « The Industrial Revolution and the Industrious Revolution », Journal of Economic History, vol. 54, no 2, 1994, p. 249-270 ; Patrick Verley, L’échelle du monde…, op. cit.

21 Kenneth Pomeranz, The Great Divergence. China, Europe and the making of the modern world economy, Princeton-Oxford, Princeton University Press, 2000.

22 Edward Anthony Wrigley, Continuity, Chance and Change. The Character of the Industrial Revolution in England, Cambridge, Cambridge University Press, 1988.

23 Pierre Vilar, La Catalogne dans l’Espagne moderne : recherches sur les fondements économiques des structures nationales, Paris, SEVPEN, 1962 ; Carlos Martínez Shaw, Cataluña en la Carrera de Indias, Barcelone, Editorial Crítica, 1981 ; José María Delgado Ribas, Catalunya y el sistema de libre comercio (1778-1821), thèse de doctorat, Universitat de Barcelona, 1982.

24 Laura Calosci, Nacionalismo económico y comercio mediterraneo. Pensamiento y acción de la Junta de Comercio de Barcelona, 1763-1847, Barcelone-Lleida, Fundación Ernest Lluch-Editorial Milenio, 2007.

25 Olivier Raveux, « Los fabricantes de algodón a Barcelona (1833-1844) : estrategias empresariales en la modernización de un distrito industrial », Revista de historia industrial, no 28, 2005, p. 157-185.

26 Xavier Daumalin et Olivier Raveux, « Marseille (1831-1865). Une révolution industrielle entre Europe du Nord et Méditerranée », Annales HSS, no 56, janvier-février 2001, p. 156.

27 Ibid.

28 Louis Pierrein, Industries traditionnelles du port de Marseille : le cycle des sucres et des oléagineux, 1870-1958, Marseille, Institut historique de Provence, 1975.

29 Olivier Raveux, « Un technicien britannique en Europe méridionale : Philip Taylor (1786-1870) », Histoire, Économie & Société, vol. 19, no 2, 2000, p. 253-266.

30 Xavier Daumalin et Isabelle Laffont-Schwob (dir.), Les Calanques industrielles de Marseille et leurs pollutions : une histoire au présent, Aix-en-Provence, REF.2C Éditions, 2016.

31 Xavier Daumalin et Olivier Raveux, « L’industrialisation du littoral de Fos/étang de Berre. Modalités, résistances, arbitrages (1809-1957) », dans Mauve Carbonell et al., Industrie entre Méditerranée et Europe, xixe-xxie siècle, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2019, p. 245-259.

32 Gérard Chastagnaret, « Espace industriel et stratégie personnelle : Hilarion Roux et la construction d’une Méditerranée du plomb », dans Paul Aubert, Gérard Chastagnaret et Olivier Raveux (dir.), Construire des mondes. Élites et espaces en Méditerranée (xvie-xxe siècle), Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 2005, p. 269-287.

33 Olivier Raveux, La métallurgie et la construction mécanique à Marseille au xixe siècle, thèse de doctorat sous la direction de Gérard Chastagnaret, Université de Provence, 1996.

34 Giorgio Doria, « La place du système portuaire ligure dans le développement industriel des régions du “triangle” », dans Louis Bergeron (dir.), La croissance régionale…, op. cit., p. 95-130 ; Roberto Parisi, Lo spazio della produzione. Napoli : la periferia orientale, Naples, Athena, 1998.

35 Christos Hadkiiossif, « Le développement régional en Grèce : des régions sans État-nation à l’État-nation sans régions », dans Louis Bergeron (dir.), La croissance régionale…, op. cit., p. 55-64.

36 Cristóbal García Montoro, Malaga en los comienzos de la industrialización : Manuel Agustín Heredia (1786-1848), Cordoue, Universidad de Cordoba, 1978.

37 Jordi Nadal i Oller et Jordi Catalán, La cara oculta de la industrialización española. La modernización de los sectores no líderes (siglos xixxx), Madrid, Alianza Editorial, 1994 ; Carlos Barciela López et Antonio Di Vittorio (dir.), Las industrias agroalimentarias en Italia y España durante los siglos xix y xx, Alicante, Publicaciones de la Universidad de Alicante, 2003.

38 Christine Agriantoni, Les débuts de l’industrialisation en Grèce (les années 1870-1880), thèse de doctorat, Université Paris X-Nanterre, 1984.

39 Sur les expériences industrielles en Égypte, voir Ghislaine Alleaume, « Les techniciens européens dans l’Égypte de Muhammad ‘Alî (1805-1848) », Cahiers de la Méditerranée, no 84, juin 2012, p. 185-195.

40 Michel Morineau, « Naissance d’une domination. Marchands européens, marchands et marchés du Levant aux xviiie et xixe siècles », Cahiers de la Méditerranée, hors-série no 1, 1976, p. 145-184.

41 Gérard Chastagnaret, L’Espagne, puissance minière dans l’Europe du xixe siècle, Madrid, Casa de Velázquez, 2000 ; Albert Broder, Le Rôle des intérêts économiques étrangers dans la croissance de l’Espagne au xixe siècle (1767-1924), Lille, ANRT, 1984.

42 Maurice Aymard, « Un siècle et demi d’histoire sicilienne », dans Louis Bergeron (dir.), La croissance régionale…, op. cit., p 193-224.

43 Abdelkader Sid Ahmed, Les flux d’échanges en Méditerranée : données, fondements historiques et perspectives, Aix-en-Provence-Tunis-Casablanca, Édisud-Alif-Toubkal, 1996.

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Arnaud Bartolomei, « La révolution industrielle en Méditerranée (1780-1880). Un échec ? »Cahiers de la Méditerranée, 103 | 2021, 111-127.

Référence électronique

Arnaud Bartolomei, « La révolution industrielle en Méditerranée (1780-1880). Un échec ? »Cahiers de la Méditerranée [En ligne], 103 | 2021, mis en ligne le 15 juin 2022, consulté le 06 juin 2023. URL : http://journals.openedition.org/cdlm/14995 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cdlm.14995

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Auteur

Arnaud Bartolomei

Arnaud Bartolomei est maître de conférences en histoire à l’Université Côte d’Azur et membre du Centre de la Méditerranée moderne et contemporaine (CMMC). Ses recherches portent sur le commerce international aux xviiie et xixe siècles. Il a récemment publié un ouvrage intitulé Les marchands français et la crise de la Carrera de Indias (1778-1828) (Madrid, Casa de Velázquez, 2017) et co-dirigé, en collaboration avec Guillaume Calafat, Mathieu Grenet et Jörg Ulbert, l’ouvrage collectif De l’utilité commerciale des consuls. L’institution consulaire et les marchands dans le monde méditerranéen (xviie-xixe siècle) (École française de Rome, 2018). Son dernier article, dédié à l’étude des innovations commerciales, a été publié en 2021 dans la Business History Review (« The making of commercial innovations. The use of printed commercial circular letters in France and Europe (18th-19th centuries) », n° 95, p. 33-58).

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