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Dossier : Ecrire la Méditerranée. Perspectives historiographiques
Regards sur la construction d'objets d'étude méditerranéens

Histoire maritime de la Grande Guerre en Méditerranée. Jalons historiographiques d’une guerre presque oubliée en France

Jean-Paul Pellegrinetti
p. 130-139

Résumés

à travers les nombreux manuels scolaires et ouvrages, l’histoire de la première guerre mondiale demeure encore surtout dominée par l’aspect terrestre des batailles. La dimension maritime, trop souvent écarté, n’est souvent abordée qu’à travers le prisme étroit des affrontements en mer du Nord ou ceux se déroulant en Atlantique Nord. Si le bassin méditerranéen est relativement sûr durant le conflit, il n’est pas totalement épargné par la guerre et va constituer également un théâtre d’affrontements opposant les flottes franco-britanniques de l’Entente à celles des flottes austro-hongroises et allemandes de la Triple Alliance. Dès le début du conflit et dans les années qui vont suivre, la Grande Guerre dans l’espace méditerranéen a fait l’objet de nombreuses publications. Cet article a pour ambition de poser quelques jalons historiographiques d’une guerre en Méditerranée presque oubliée en France.

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Texte intégral

  • 1 Frédéric Masson, « Le combat naval », dans Stéphane Audoin-Rouzeau et Jean-Jacques Becker (dir.), (...)
  • 2 Dans une partie intitulée « À la recherche d’une guerre introuvable », Philippe Masson précise : (...)

1Durant des années, à travers les manuels scolaires et les livres d’histoire, l’image du poilu dans la tranchée, prisonnier de la boue et des orages d’acier, est abondamment diffusée. Si elle repose surtout sur celle des combattants du front occidental, elle en fait presque oublier que la guerre a été mondiale et que les hommes mouraient aussi sur d’autres champs de bataille que furent les fronts orientaux, balkaniques ou encore ceux d’Afrique du Nord française. Néanmoins, quelle que soit la situation géographique des zones de combats, force est de constater que c’est essentiellement l’aspect terrestre des batailles qui a prédominé. Le domaine maritime, trop souvent écarté, n’a été observé qu’à travers le prisme étroit des combats maritimes en mer du Nord, avec notamment la bataille du Jutland en 1916, ou ceux se déroulant en Atlantique Nord. Ils ont fait oublier, parfois à tort, que la guerre s’est aussi déroulée dans le bassin méditerranéen. En se fondant sur les écrits de l’historien Philippe Masson, dans sa contribution à l’Encyclopédie de la Grande Guerre 1, parue en 2004, l’explication repose essentiellement sur le fait qu’en Méditerranée, la guerre se soit limitée « à quelques escarmouches entre éléments légers »2.

  • 3 Il existe trois théâtres d’opérations navales inclus dans l’espace méditerranéen : les rives du M (...)

2Pourtant la Méditerranée n’est pas épargnée par le conflit et a constitué également un théâtre d’affrontement opposant les flottes franco-britanniques de l’Entente aux flottes austro-hongroises et allemandes de la Triple Alliance3. Certes, si les confrontations navales sont moins nombreuses que les grandes offensives terrestres, le rôle joué par les marines de guerre est loin d’être négligeable. Très rapidement, la maîtrise des mers devient l’un des enjeux majeurs pour la France et l’Angleterre, aussi bien pour l’acheminement des troupes, la circulation du matériel et de la nourriture que dans la continuité des échanges marchands et dans une volonté d’exercer un blocus sur l’Allemagne et ses alliés.

  • 4 Pour une bibliographie de recherche sur la Grande Guerre, et notamment sur la Marine, voir Jean-C (...)

3Dès le début du conflit et dans les années qui vont suivre, par le prisme du combat, de l’enjeu économique qu’il comporte, mais aussi celui de la stratégie navale, la Grande Guerre dans l’espace méditerranéen a fait l’objet de nombreuses publications. Une approche chronologique apparaît la plus pertinente pour mieux saisir les grandes étapes des apports historiographiques4. Si ce qui suit ne peut constituer qu’une première ébauche d’une étude plus ample qu’il reste à conduire, cela permet néanmoins de poser quelques jalons pour la compréhension d’une histoire maritime de la Grande Guerre en Méditerranée.

Enjeux et débats, de la fin du xixe siècle à la veille de la guerre

  • 5 Il convient de noter que ces configurations ne sont pas étanches mais sont emboîtées les unes dan (...)

4Trois configurations apparaissent dans l’écriture de l’histoire maritime de 1914-1918 en Méditerranée5. La première période correspond aux années qui s’étendent du déclenchement des hostilités jusqu’au début des années 1940. Elle est surtout une histoire militaire et stratégique, donnant la parole à des acteurs-témoins qui sont essentiellement des hauts gradés militaires. L’histoire qui est alors diffusée est très souvent celle des grandes batailles maritimes, mais surtout celles des stratégies à mettre en place pour une politique guerrière de suprématie sur les mers. Les ouvrages reflètent également les débats de stratégie maritime d’avant-guerre.

  • 6 L’amiral Mahan publie en 1890 un ouvrage intitulé, The Influence of Sea Power upon History, 1660- (...)
  • 7 Le Dreadnought est l’abréviation anglaise de « which dreads nought », qui signifie « qui ne redou (...)

5En effet, au mitan du xixe siècle, différents courants de pensée animent la hiérarchie militaire française en matière de stratégie maritime. Les principaux, se réclamant de l’amiral américain Alfred Thayer Mahan6, sont les partisans d’une marine possédant des navires de forts tonnages comme le sont les cuirassés modernes à l’image du Dreadnought 7. Selon le théoricien étasunien de la stratégie navale, la maîtrise des mers est capitale, dès que les conflits prennent un caractère non exclusivement terrestre et passe irrémédiablement, à l’image des combats terrestres, par la destruction de la flotte de guerre de l’adversaire. Cette puissance maritime (Sea Power), composée de puissants et imposants cuirassés est, selon l’officier de marine, vitale pour le développement, la prospérité et la sécurité des grandes nations. Son raisonnement est calqué sur le modèle de l’Empire britannique dont la richesse est largement fondée sur la prospérité de son commerce extérieur, sa marine marchande, ses colonies, pour les besoins en matières premières de son industrie, ses bases maritimes disséminées dans le monde et sa puissante flotte de guerre pour la défense de ses voies de commerce maritime.

  • 8 Cf. Martin Motte, Une éducation géostratégique : la pensée navale française de la Jeune École à 1 (...)
  • 9 Théophile Aube, « La Guerre maritime et les Ports militaires de la France », Revue des Deux Monde (...)

6Durant cette fin de siècle, un autre courant de pensée est cependant représenté par la « Jeune École » de l’amiral Théophile Aube8, auteur de nombreuses publications sur la marine ou le droit maritime, qui fait paraître en 1882, dans la Revue des Deux Mondes, « La Guerre maritime et les Ports militaires de la France »9. Pour l’officier français :

  • 10 Ibid., p. 314.

La France, pour se retrouver dans sa force guerrière, doit autant que sur son armée pouvoir compter sur une marine militaire qui, même en temps de paix, fasse rayonner au loin son influence civilisatrice. Notre marine de guerre répond-elle à cette impérieuse nécessité ? […] L’Angleterre a ses Invincible, l’Italie ses Duilio, la France ses Dévastation, et pas un de ces formidables engins de guerre, où le bronze, le fer, l’acier s’accumulent sous toutes les formes, ne serait le type définitif du vaisseau de combat de l’avenir ! Et leur réunion ne constituerait pas une de ces flottes puissantes, sinon invincibles, sur lesquelles une nation pourrait, comme autrefois, se reposer en toute confiance et de ses intérêts commerciaux et de la sécurité de ses frontières maritimes !10

7Ce nouveau courant de la pensée navale française met davantage l’accent sur l’utilisation de bateaux de plus faibles tonnages, plus petits et plus nombreux, permettant une guerre de course et des raids avec bombardements, grâce à l’utilisation d’armes telles que les torpilles, les canons ou encore les mortiers. Le perfectionnement et le développement des torpilleurs et des sous-marins constituent ainsi cette nouvelle approche de la guerre sur les mers qui se doit de remplacer, à terme, les flottes organisées essentiellement à partir d’escadres de cuirassés.

  • 11 Yves Roubin, Enjeux et objectifs de la stratégie maritime française durant la Grande Guerre : l’e (...)

8Les longs et multiples débats sont freinés par le début des hostilités au début du mois d’août 1914. La Grande Guerre met en évidence le bien-fondé et les limites de ces grandes théories. Comme le souligne Yves Roubin, « la première guerre mondiale marque un tournant capital dans la pratique de la guerre navale. Ce conflit fut fondamental dans la transformation d’une marine héritée du xixe siècle en une marine maîtrisant tous les attributs d’une flotte moderne »11.

Stratégie maritime et « histoire-bataille »

  • 12 Le Breslau et le Goeben sont déjà en Méditerranée lors des guerres balkaniques en 1912-1913. Le 4 (...)
  • 13 Dès 1915, pour couper les Alliés de leurs approvisionnements venant des colonies et des pays neut (...)

9Les débats d’avant-guerre, puis « l’affaire » des deux navires allemands, le croiseur léger SMS Breslau et le croiseur de bataille SMS Goeben 12, éléments importants de la flotte allemande de Méditerranée, conjugués à la présence des sous-marins allemands13 dans le bassin méditerranéen durant toute la durée du conflit, suscitent une série de publications qui n’attendent pas toujours la fin du conflit pour paraître, à l’image de l’ingénieur en chef de la Marine, Julien Hutter. Son ouvrage, publié en 1917 et intitulé Les sous-marins, doit permettre de comprendre l’histoire, le rôle et les armes, mais aussi les moyens de combattre ces submersibles. L’auteur illustre son raisonnement sur les progrès de la science, et plus particulièrement de l’industrie, qui ont permis, aussi bien à la navigation sous-marine qu’à l’aviation, d’explorer de nouveaux domaines en matière de combats militaires.

  • 14 Michel Farnaise, L’aventure du Goeben. Les opérations navales de la première semaine de la guerre (...)
  • 15 René-Marie Jouan, Le Goeben et le Breslau, Paris, Payot, 1930.

10Durant l’entre-deux-guerres, la période est propice à la réflexion. L’histoire bataille est très présente et se concrétise par des publications qui reviennent sur les opérations et combats navals en Méditerranée. Elles sont marquées, dès le lendemain de la fin des hostilités, par « l’affaire » des deux croiseurs allemands, le Breslau et le Goeben, qui alimentent le fruit de la réflexion de Michel Farnaise14 ou encore celle du capitaine de frégate René-Marie Jouan15.

  • 16 Amédée Bienaimé, Guerre navale, 1914-1915. Goeben et Breslau. Adriatique. Dardanelles. Guerre sou (...)
  • 17 Henri Salaün, La Guerre navale racontée par nos amiraux. La Stratégie navale britannique, le plan (...)
  • 18 Voir Auguste Thomazi, La marine française dans la Grande Guerre (1914-1918), vol. II : La Guerre (...)
  • 19 Le volume IV permet notamment de mesurer les différentes stratégies et conventions navales. Celle (...)

11D’une manière générale, les ouvrages reviennent sur le conflit en Méditerranée et les enseignements à en tirer. Ainsi, dès 1920, le vice-amiral Bienaimé Amédée fait paraître une première réflexion générale sur les quatre années de conflit dans les eaux méditerranéennes16. Cette dernière est complétée par l’ouvrage de l’amiral Henri Salaün17, mais surtout par ceux du capitaine de vaisseau Auguste Thomazi18, dont les écrits, qui démontrent un certain attachement au principe de « batailles décisives » prôné par Thayer Mahan, détaillent avec précision les aspects à la fois militaires, stratégiques et diplomatiques du conflit dans le bassin méditerranéen19.

  • 20 Adolphe Laurens, Précis d’histoire de la guerre navale, Paris, Payot, 1929.

12Durant les années 1930, le poids de la conjoncture internationale, avec notamment la montée des totalitarismes et les répercussions de la crise économique, mais également les remous, les pulsions et les inflexions d’une vie politique française scandée par les différentes mesures allant de la politique du Bloc national à celle du Front populaire, pèsent sur les autorités militaires françaises et les décisions qui seront à prendre en cas de conflit. C’est dans ce contexte qu’en 1929, le capitaine de frégate Adolphe Laurens publie une synthèse du conflit sur les mers, préfacée par Georges Leygues, ancien Président du Conseil et ministre de la Marine entre 1917 et 1920, puis à de multiples reprises entre 1925 et 193320.

  • 21 Signalons, dans ce contexte, l’ouvrage d’Adolphe Laurens, Le blocus et la guerre sous-marine (191 (...)
  • 22 Raoul Castex, Théories stratégiques, Paris, Société d’Édition géographique maritime et coloniale, (...)
  • 23 Claude Franc, « Histoire militaire : l’apport de l’amiral Castex à la culture stratégique françai (...)

13C’est durant cette époque de transition que tous les aspects du débat d’avant-guerre, qui ont eu lieu autour de la stratégie et de la géopolitique navales, reviennent en force21. Ils sont surtout représentés par l’amiral Raoul Castex qui apporte des éléments de réponse aux préoccupations de ses contemporains, en matière de stratégie maritime et de géopolitique en général. Il est en effet l’auteur de Théories stratégiques 22, cinq tomes qui paraissent entre 1920 et 1935 et dans lesquels l’amiral démontre combien la puissance maritime est indispensable à la puissance terrestre. Conscients très rapidement de l’importance de la lutte sous-marine dans l’issue de la première guerre mondiale, ses travaux se veulent alors l’entre-deux entre les théories du courant mahanien et ceux de la « Jeune École ». Partisan d’une force organisée, il est, comme le souligne l’ancien colonel et Saint-Cyrien Claude Franc, « parfaitement conscient des servitudes stratégiques internes ou externes qui peuvent imposer aux forces navales d’autres missions que celle de la recherche de combat : défense de nos lignes de communication, attaque des lignes de communication ennemies, transport de troupes, opérations combinées »23.

14Des lendemains de la seconde guerre mondiale jusqu’à la fin des années 1960, les publications sont essentiellement le reflet du conflit que viennent de vivre les contemporains à l’échelle planétaire. À l’image des travaux historiques dédiés à la première guerre mondiale sur le front occidental, les hostilités navales en Méditerranée passent au second plan durant de nombreuses années.

Retrouver la guerre maritime

  • 24 André Ducasse, Jacques Meyer et Gabriel Perreux, Vie et mort des Français, 1914-1918, présentatio (...)
  • 25 Ibid., p. 71-103.
  • 26 Dans l’ouvrage d’André Ducasse, Jacques Meyer et Gabriel Perreux, la place occupée par la Méditer (...)
  • 27 Voir Jean-Jacques Antier, Les Combattants de la guerre maritime 1914-1918, Genève, Vernoy-Famot, (...)
  • 28 Maître-assistant d’histoire contemporaine à La Sorbonne, puis à Paris-I Panthéon-Sorbonne, Jacque (...)
  • 29 Voir notamment Marc Saibène, La marine marchande française, 1914-1918. L’approvisionnement de la (...)
  • 30 Signalons que cet angle d’approche est abordé par Charles Stiénon dans son ouvrage, Les campagnes (...)
  • 31 André Nouschi, « Les bureaux, les hommes et la politique au Proche-Orient pendant la première gue (...)
  • 32 Georges-Henri Soutou, L’or et le sang. Les buts de guerre économiques de la première guerre mondi (...)

15La seconde configuration, dans l’approche de l’histoire maritime de 1914-1918 en Méditerranée, est liée au renouveau historiographique des travaux sur la Grande Guerre qui débute en 1959, avec l’ouvrage de trois anciens combattants, André Ducasse, Jacques Meyer et Gabriel Perreux, intitulé Vie et Mort des Français, 1914-1918. Le livre relance la réflexion et les interrogations portées au premier conflit mondial24. Il ouvre même la voie, pour la toute première fois, à une vision « par le bas » de la guerre, avec un chapitre « Vie et mort dans les tranchées »25, qui accorde une large place aux combattants des premières lignes et de leur condition d’existence et de survie au front26. Cette histoire de gens ordinaires, citoyens soldats ayant revêtu l’uniforme, vient rivaliser progressivement avec celle qui, jusqu’alors, était celle essentiellement des élites. Cependant, cette vision, « vue d’en bas », est essentiellement consacrée aux fronts terrestres. L’approche du conflit naval dans le bassin méditerranéen a plutôt lieu à la fin des années 1960. Il demeure essentiellement une histoire diplomatique, militaire et stratégique. Le renouveau est essentiellement marqué par les ouvrages de Jean-Jacques Antier qui reviennent sur les débats autour de la transformation de la flotte en « poussière navale », selon l’expression de la « Jeune École », mais aussi sur l’utilisation des sous-marins, celles des mines, ou encore celles des torpilles, aussi bien par les marines de la Triple Entente que ceux de la Triple Alliance27. La période voit également le début d’une histoire économique du conflit par l’intermédiaire des travaux de l’historien Jacques Thobie, spécialiste des relations internationales et des questions financières et économiques dans le domaine de l’Empire ottoman28. Ses travaux démontrent l’influence des intérêts économiques sur les relations internationales, mais aussi les interactions qui existent entre un État et le monde des milieux d’affaires. Ils ouvrent la voie à une histoire qui va prendre de l’essor dans les années à venir29 et qui souligne l’importance stratégique et économique du bassin oriental de la Méditerranée30 dans l’équilibre européen, comme le démontre déjà en 1970 André Nouschi, dans un article portant sur « Les bureaux, les hommes et la politique au Proche-Orient pendant la première guerre mondiale »31. L’historien y démontre l’importance stratégique de la région notamment pour les Britanniques avec le rôle du pétrole pour la navigation et l’importance des gisements mésopotamiens. D’une manière générale, bassin méditerranéen compris, cette « Grande guerre économique » sera mise en valeur en 1989 avec les travaux de l’historien Georges-Henri Soutou32.

  • 33 Philippe Masson, Histoire de la marine. De la vapeur à l’atome, Paris, Charles Lavauzelle, t. 2, (...)

16L’histoire maritime, au sens large du terme, n’est cependant pas oubliée. L’historien Philippe Masson en est l’illustration. Spécialiste de la marine, ancien chef de la section du service historique de la Marine Nationale, il fait paraître, en 1983, le tome 2 de son Histoire de la Marine 33 débuté en 1981. L’ouvrage permet de comprendre l’évolution à long terme subie par la marine nationale depuis la seconde partie du xixe siècle, mais également de replacer la guerre navale, notamment celle en Méditerranée, dans son contexte historique. L’auteur y relate d’ailleurs la tâche de la marine française qui, sans de réelles batailles, est condamnée à l’escorte de convois et à une épuisante lutte anti-sous-marine.

Pour une « histoire totale » de la guerre maritime méditerranéenne

  • 34 Voir Pierre Nora, Les Lieux de mémoire, Paris, Gallimard, t. 3 (dernier volume), 1992.
  • 35 En 1962, comme le rappelle Jean-François Sirinelli, débute même une « guerre des mémoires ». Cf. (...)
  • 36 En 2005, est créé le Collectif de Recherche International de Débat sur la guerre 1914-1918 (CRID (...)
  • 37 André Bach, Justice militaire, 1915-1916, Paris, Vendémiaire, 2013.
  • 38 Alexandre Lafon, La Camaraderie au front, 1914-1918, Paris, Armand Colin, 2014.
  • 39 Hervé Guillemain et Stéphane Tison, Du front à l’asile, 1914-1918, Paris, Alma, 2013 ; Vincent Vi (...)
  • 40 Sophie Delaporte, Les gueules cassées. Les blessés de la face de la Grande Guerre, Paris, Noesis, (...)
  • 41 André Loez, 14-18, les refus de la guerre. Une histoire des mutins, Paris, Gallimard, 2010.
  • 42 Nicolas Mariot, Tous unis dans la tranchée ? 1914-1918, les intellectuels rencontrent le peuple, (...)
  • 43 Jean-Paul Pellegrinetti, Une île dans la guerre. La Corse, 1914-1918, Paris, Belin, 2020.
  • 44 Sylvain Gregori et Jean-Paul Pellegrinetti (dir.), Minorités et identités en guerre (1914-1918), (...)
  • 45 Citons notamment Raymond Huard, À l’arrière du front, le Gard, un département mobilisé (1914-1919 (...)
  • 46 Voir l’ouvrage de Frédéric Rousseau, 14-18, penser le patriotisme, Paris, Gallimard, 2018.

17Les années 1990 marquent le début d’une troisième configuration dans l’historiographie de l’histoire maritime de la première guerre mondiale dans le bassin méditerranéen. Elle bénéficie de l’effet de souffle impulsé dans la recherche historique par le travail sur le devoir de mémoire34, autour des victimes de la Shoah, celui des témoignages des combattants de la Grande Guerre, ou même celui à propos de la guerre d’Algérie35. Durant cette période, les publications des carnets des combattants de la première guerre mondiale, qui ouvrent la voie à de nombreux travaux d’historiens, amènent, à la fin des années 1990 et au début des années 2000, une controverse au sujet de la compréhension de la ténacité des hommes au feu, ou encore celle de leur « brutalisation » dans les tranchées. Ils provoquent un véritable débat autour de la Grande Guerre qui se propage dans l’espace public36. Le débat scientifique, qui relance les publications sur la Grande Guerre dans de multiples domaines, tels que notamment ceux de la justice militaire37, la camaraderie38, la médecine39, les gueules cassées40, les mutineries41, les intellectuels42, les minorités43, les identités44, l’arrière45 ou encore le patriotisme46, a aussi « par ricochets » un écho dans l’approche de l’histoire maritime en Méditerranée. Si la querelle entre historiens a oublié les combattants du bassin méditerranéen, les publications, quant à elles, fleurissent autour de thématiques nombreuses.

  • 47 Bien que l’article ne s’intéresse qu’à l’historiographie française, il convient néanmoins de sign (...)
  • 48 Cf. Guy Pedroncini, « Les Alliés et le problème du haut commandement naval en Méditerranée, 1914- (...)
  • 49 Olai Voionmaa, La politique navale française dans la Méditerranée avant 1914. Les attachés navals (...)

18Durant les années 1990, les travaux dont les accents demeurent encore très militaires se veulent une approche nouvelle de « l’histoire-bataille » associant ainsi combats, diplomatie et stratégies à la fois militaires et économiques47. Ils s’intéressent notamment au commandement des opérations navales en Méditerranée, à l’image des écrits de Guy Pedroncini qui démontre combien, en août 1914, l’Entente cordiale ne met pas fin aux rivalités franco-britanniques au Levant et la question des zones d’opérations respectives en Méditerranée demeure entière48. C’est d’ailleurs dans ce contexte que se positionne l’ouvrage d’Olai Voionmaa qui permet de comprendre la situation navale en Méditerranée à la veille de la première guerre mondiale, au miroir de la vision des militaires au statut particulier que sont les attachés navals49.

  • 50 Daniel Panzac, La marine ottomane. De l’apogée à la chute de l’Empire (1572-1923), Paris, CNRS Éd (...)
  • 51 Olivier Chaline, Nicolas Vannieuwenhuyze, « La pensée navale autrichienne (1885-1914). Première a (...)
  • 52 Voir sur le sujet la synthèse de Martin Motte, « La seconde Iliade : blocus et contre-blocus au M (...)
  • 53 Jean-Yves Empereur (dir.), Alexandrie dans la première guerre mondiale, Alexandrie, Centre d’étud (...)

19De la fin des années 1990 au début des années 2000, la réflexion s’élargit et porte sur divers aspects du conflit. Les études se concentrent notamment autour de la culture maritime des puissances au sein de l’Alliance, à l’image des travaux de Daniel Panzac, sur la marine ottomane50, ou encore ceux d’Olivier Chaline et Nicolas Vannieuwenhuyze, sur la pensée navale autrichienne51, mais également sur les enjeux que constitue le canal de Suez pour l’Empire ottoman et les Britanniques52. Cette dernière thématique permet aussi de comprendre la fonction d’Alexandrie, en tant que « ville hôpital »53 pour les nations de l’Entente, avec les milliers de blessés ramenés depuis les Dardanelles par voie maritime.

  • 54 C’est notamment le cas de Stéphane Audoin-Rouzeau, Jean-Jacques Becker (dir.), Encyclopédie de la (...)

20Les recherches historiques ouvrent ainsi la voie à de nombreux travaux qui donnent une dimension à la fois terrestre et maritime dans l’analyse du premier conflit mondial en Méditerranée. La dynamique bénéficie également d’outils nouveaux, tels que les encyclopédies et dictionnaires dont quelques entrées s’intéressent à l’espace méditerranéen54.

  • 55 Jean-Paul Pellegrinetti (dir.), « La Grande Guerre en Méditerranée », Cahiers de la Méditerranée, (...)
  • 56 Face à l’enlisement de la guerre sur le front occidental et dans une volonté de venir soulager le (...)
  • 57 La campagne de l’Adriatique est surtout une campagne navale entre les forces britanniques, frança (...)
  • 58 Cf. Igor Delanoë, « Le bassin de la Mer Noire… », art. cit., p. 75-91.
  • 59 On lira tout particulièrement l’article du Colonel Rémy Porte, « Comment faire plier un neutre ? (...)

21En 2010, une première synthèse, dans une volonté d’aborder cet espace géographique dans sa globalité et par le biais de contributions tirées de recherches dans un champ historiographique en plein renouvellement, paraît dans un numéro thématique intitulée « La Grande Guerre en Méditerranée » dans les Cahiers de la Méditerranée 55. Si les publications couvrent de larges domaines, elles permettent toutefois une approche nouvelle de l’aspect maritime du conflit, aussi bien pour les opérations navales, lors de l’expédition aux Dardanelles56, celles de l’Adriatique57 et celles de la Mer Noire58, que pour les stratégies géopolitiques, avec les enjeux entre la France et la Grande Bretagne ou encore la neutralité de la Grèce au début du conflit59.

  • 60 Le programme de défense des côtes méditerranéennes est soutenu par le Parlement qui accorde les c (...)

22En 2014, les commémorations du centenaire du déclenchement du conflit ouvrent la voie à de multiples publications sur la Grande Guerre à la fois sur tous les fronts et tous les espaces géographiques. Des thématiques nouvelles et diverses, permettant une meilleure compréhension du sujet, sont ainsi abordées par les historiens. Dans le cadre de l’histoire maritime en Méditerranée, cette dynamique, à partir de sujets périphériques, est à l’image de l’ouvrage de Frédéric Saffroy. L’auteur met ainsi en lumière l’histoire des fortifications côtières de Méditerranée, véritables prolongements de la ligne Maginot qui sont entrepris en 1917 par le ministère de la Marine après la leçon des Dardanelles60.

  • 61 Jean de Préneuf, Thomas Vaisset et Philippe Vial (dir.), « La Marine Nationale et la première gue (...)
  • 62 Voir tout particulièrement les articles d’Olivier Forcade, « L’histoire et l’historiographie du b (...)

23C’est dans ce contexte de renouvellement des approches que Jean de Préneuf, Thomas Vaisset et Philippe Vial coordonnent, en 2015, un dossier de la Revue d’histoire maritime intitulé « La Marine Nationale et la première guerre mondiale : une histoire à redécouvrir ». La redécouverte concerne à la fois l’historiographie, les enjeux et les approches pour une histoire, qui selon les auteurs, comporte encore de nombreuses zones d’ombre pour mieux connaître l’histoire de la Marine française au cours de la Grande Guerre61. Signe du renouvellement historiographique, en 2021, la recherche vient de s’enrichir d’un dossier porté par Les Cahiers Sirice, sur « Le blocus en 1914-1918. Histoire et mémoires », dans lequel Olivier Forcade et Tristan Lecoq reviennent respectivement sur l’histoire et l’historiographie du blocus en Méditerranée ainsi que sur la guerre sous-marine et les convois62.

  • 63 Frédéric Le Moal, « L’Adriatique, les enjeux d’un front secondaire », art. cit., p. 63.
  • 64 André Nouschi, « Îles et stratégie en Méditerranée », Cahiers de la Méditerranée, no 68, juin 200 (...)
  • 65 L’histoire bataille n’est d’ailleurs pas totalement oubliée. Cf. François-Emmanuel Brézet, La gue (...)
  • 66 Cité par André Nouschi, « Les bureaux, les hommes et la politique… », art. cit., p. 773.
  • 67 Néanmoins, notons que du 9 septembre 2015 au 8 mai 2016, une exposition, dans le cadre du centena (...)
  • 68 Ce pan, encore méconnu de l’histoire maritime, est un peu abordé par Christine Delpous-Darnige da (...)

24En 2010, dans le numéro thématique des Cahiers de la Méditerranée, consacré à « La Grande Guerre en Méditerranée », Frédéric Le Moal indique que « La guerre navale n’occupe qu’une place secondaire dans le déroulement de la première guerre mondiale »63. Il est vrai que, comme l’écrit André Nouschi, « grâce à la suprématie franco-britannique, la Méditerranée est une mer relativement sûre durant la première guerre mondiale »64. Pour autant, les publications, sans attendre la fin du conflit, démontrent à quel point le sujet passionne aussi bien les militaires, les essayistes, les journalistes que les historiens. Les travaux, très contemporains65, illustrent encore l’intérêt porté pour cet espace que le Bulletin du Comité de l’Afrique française qualifie, en 1919, de « tambour de résonance »66. Si la dimension militaire, stratégique et économique n’est plus totalement à prouver, il n’en demeure pas moins que des approches sont encore manquantes pour combler certains vides historiographiques. C’est notamment le cas pour une histoire des mentalités, des sentiments, des comportements et des représentations des hommes en guerre. Une histoire « vue d’en bas », au miroir des témoignages des combattants des mers67, présents sur les différents théâtres d’opérations maritimes du bassin méditerranéen, que les recherches à venir viendront, sans nul doute, rapidement combler68.

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Notes

1 Frédéric Masson, « Le combat naval », dans Stéphane Audoin-Rouzeau et Jean-Jacques Becker (dir.), Encyclopédie de la Grande Guerre, 1914-1918, Paris, Bayard, 2004, p. 313-320.

2 Dans une partie intitulée « À la recherche d’une guerre introuvable », Philippe Masson précise : « En Méditerranée, la neutralité, puis l’intervention de l’Italie, en mai 1915, assurent à l’Entente une confortable supériorité. Confinée à Pola, au fond de l’Adriatique, la marine austro-hongroise se trouve condamnée à jouer le rôle de flotte “à vie”. La guerre en Méditerranée se limitera à quelques escarmouches entre éléments légers. Au total, les forces franco-britanniques ne vont guère jouer qu’un rôle logistique : ravitaillement de la presqu’île de Gallipoli, évacuation de l’armée serbe sur Corfou, défense de la tête de pont de Salonique, lutte anti sous-marine pendant presque toute la durée du conflit » (ibid., p. 316-317).

3 Il existe trois théâtres d’opérations navales inclus dans l’espace méditerranéen : les rives du Maghreb, la mer Adriatique et la Mer Noire. Comme le précise Igor Delanoë, « ce théâtre possède une dimension stratégique essentielle qui ne s’arrête pas uniquement au contrôle des détroits. Français et Anglais ont en effet besoin que l’allié russe soit suffisamment fort pour entretenir le second front allemand à l’Est, atténuant ainsi la pression du Reich dans le Nord-Est de la France. Par conséquent, il est primordial de venir en aide au régime tsariste en utilisant notamment les ports russes de la Mer Noire. L’Empire ottoman, allié du Second Reich, constitue le principal obstacle à cette entreprise : les franco-britanniques entreprennent donc de l’affaiblir en tentant de s’emparer des détroits et précipitent leurs troupes dans l’offensive des Dardanelles au mois de février 1915 » (« Le bassin de la mer Noire, un enjeu de la Grande Guerre en Méditerranée », Cahiers de la Méditerranée, no 82, décembre 2010, p. 76).

4 Pour une bibliographie de recherche sur la Grande Guerre, et notamment sur la Marine, voir Jean-Charles Jauffret, « Quinze ans d’historiographie française sur la Grande Guerre, 1983-1998 : essai de bilan », dans Jules Maurin et Jean-Charles Jauffret (dir.), La Grande Guerre, 80 ans d’historiographie et de représentations, Montpellier, Université de Montpellier-III, 2002, p. 39-143.

5 Il convient de noter que ces configurations ne sont pas étanches mais sont emboîtées les unes dans les autres.

6 L’amiral Mahan publie en 1890 un ouvrage intitulé, The Influence of Sea Power upon History, 1660-1783, New York, Little Brown & Co.

7 Le Dreadnought est l’abréviation anglaise de « which dreads nought », qui signifie « qui ne redoute rien ». Il est le type prédominant de cuirassé du xxe siècle.

8 Cf. Martin Motte, Une éducation géostratégique : la pensée navale française de la Jeune École à 1914, thèse de doctorat en histoire sous la direction de Georges-Henri Soutou, Université de Paris IV, 2004.

9 Théophile Aube, « La Guerre maritime et les Ports militaires de la France », Revue des Deux Mondes, 3e période, t. 50, 1882, p. 314-346. Théophile Aube fut également ministre de la Marine dans le cabinet Charles de Freycinet, de janvier 1886 à mai 1887.

10 Ibid., p. 314.

11 Yves Roubin, Enjeux et objectifs de la stratégie maritime française durant la Grande Guerre : l’exemple du bassin méditerranéen oriental, mémoire de Master 2 sous la direction de Jean-Paul Pellegrinetti, Université de Nice Sophia-Antipolis, 2014, p. 7.

12 Le Breslau et le Goeben sont déjà en Méditerranée lors des guerres balkaniques en 1912-1913. Le 4 août 1914, le Breslau bombarde Bône en Algérie française et le Goeben canonne Philippeville. Après un ravitaillement à Messine, car l’Italie affiche une neutralité à l’époque, les deux unités vont ensuite se réfugier à Constantinople, capitale de l’Empire ottoman. Les deux croiseurs seront cédés aux Ottomans afin de renforcer l’influence de Berlin sur son allié. Le Breslau fut renommé Midilli et le Goeben Yavuz Sultan Selim. Les deux bâtiments vont opérer principalement en Mer Noire contre les installations et la flotte russe.

13 Dès 1915, pour couper les Alliés de leurs approvisionnements venant des colonies et des pays neutres, les sous-marins allemands (U-Boot) pratiquent la guerre navale à outrance sur tous les théâtres maritimes et sans discrimination de catégorie de cibles.

14 Michel Farnaise, L’aventure du Goeben. Les opérations navales de la première semaine de la guerre en Méditerranée, Paris, La Renaissance du livre, 1920.

15 René-Marie Jouan, Le Goeben et le Breslau, Paris, Payot, 1930.

16 Amédée Bienaimé, Guerre navale, 1914-1915. Goeben et Breslau. Adriatique. Dardanelles. Guerre sous-marine. Fautes et responsabilités. Paris, Tallandier, 1920.

17 Henri Salaün, La Guerre navale racontée par nos amiraux. La Stratégie navale britannique, le plan de guerre britannique. Les Opérations en Méditerranée sous le commandement du vice-amiral Boué de Lapeyrère (12 août 1914-14 octobre 1915). L’Expédition des Dardanelles (août 1914-janvier 1916), Paris, Librairie Schwarz, t. 2, 1928.

18 Voir Auguste Thomazi, La marine française dans la Grande Guerre (1914-1918), vol. II : La Guerre navale dans l’Adriatique, Paris, Payot, 1925 ; vol. III : La Guerre navale aux Dardanelles, Paris, Payot, 1926 et vol. IV : La Guerre Navale dans la Méditerranée, Paris, Payot, 1929.

19 Le volume IV permet notamment de mesurer les différentes stratégies et conventions navales. Celle du 6 août 1914, notamment, stipule « que la marine française assurera dans toute la Méditerranée la protection du commerce anglais et français ». La marine française, commandée par l’amiral Auguste Boué de Lapeyrère, possède le commandement supérieur des forces navales franco-britanniques en Méditerranée et les Anglais celui pour la mer du Nord. Cf. Auguste Thomazi, La Guerre Navale dans la Méditerranée, op. cit., p. 17.

20 Adolphe Laurens, Précis d’histoire de la guerre navale, Paris, Payot, 1929.

21 Signalons, dans ce contexte, l’ouvrage d’Adolphe Laurens, Le blocus et la guerre sous-marine (1914-1918), préface de l’amiral Henri Salaün Paris, Armand Colin, 1924, ou encore celui du capitaine de frégate Pierre de Courtois de Langlade, Une flottille française aux Dardanelles, 1915, Les patrouilles en Méditerranée centrale (1917-1918), préface du commandant Auguste Thomazi, Saumur, Impr. Girouard & Richou, 1936.

22 Raoul Castex, Théories stratégiques, Paris, Société d’Édition géographique maritime et coloniale, 5 tomes (t. 1 en 1929, t. 2 en 1930, t. 3 en 1931, t. 4 en 1933 et t. 5 en 1935), 1929 à 1935. Ses théories sont à l’origine de la création du Collège des hautes études de la Défense nationale en 1936.

23 Claude Franc, « Histoire militaire : l’apport de l’amiral Castex à la culture stratégique française », Défense Nationale, no 781, 2015, p. 123-135.

24 André Ducasse, Jacques Meyer et Gabriel Perreux, Vie et mort des Français, 1914-1918, présentation et postface de Maurice Genevoix, Paris, Hachette, 1959.

25 Ibid., p. 71-103.

26 Dans l’ouvrage d’André Ducasse, Jacques Meyer et Gabriel Perreux, la place occupée par la Méditerranée demeure relativement restreinte. Elle est vue uniquement à travers quelques pages au prisme d’une histoire diplomatique et militaire (ibid., p. 204-209).

27 Voir Jean-Jacques Antier, Les Combattants de la guerre maritime 1914-1918, Genève, Vernoy-Famot, 1970 et Jean-Jacques Antier et Paul Chack, Histoire maritime de la première guerre mondiale, Paris, Éditions France-Empire, 1969-1971.

28 Maître-assistant d’histoire contemporaine à La Sorbonne, puis à Paris-I Panthéon-Sorbonne, Jacques Thobie soutient en 1973, sous la direction de Jean-Baptiste Duroselle, une thèse d’État intitulée Les intérêts économiques, financiers et politiques français dans la partie asiatique de l’Empire ottoman, 1895-1914. Elle sera publiée en 1977. Cf. Jacques Thobie, Les intérêts économiques, financiers et politiques français dans la partie asiatique de l’Empire ottoman, 1895-1914, préface de Jean-Baptiste Duroselle, Paris, Publications de la Sorbonne, 1977.

29 Voir notamment Marc Saibène, La marine marchande française, 1914-1918. L’approvisionnement de la métropole et des armées en guerre, Rennes, Marines Éditions, 2011.

30 Signalons que cet angle d’approche est abordé par Charles Stiénon dans son ouvrage, Les campagnes d’Orient et les intérêts de l’Entente, Paris, Payot, 1918. Mais la période voit davantage un nombre de publications consacrées à une analyse d’histoire de stratégie militaire plutôt que de stratégie économique.

31 André Nouschi, « Les bureaux, les hommes et la politique au Proche-Orient pendant la première guerre mondiale », Annales ESC, vol. 25, no 3, 1970, p. 768-774.

32 Georges-Henri Soutou, L’or et le sang. Les buts de guerre économiques de la première guerre mondiale, Paris, Fayard, 1989.

33 Philippe Masson, Histoire de la marine. De la vapeur à l’atome, Paris, Charles Lavauzelle, t. 2, 1992.

34 Voir Pierre Nora, Les Lieux de mémoire, Paris, Gallimard, t. 3 (dernier volume), 1992.

35 En 1962, comme le rappelle Jean-François Sirinelli, débute même une « guerre des mémoires ». Cf. sa préface à l’ouvrage de Jean-Charles Jauffret, La Guerre d’Algérie Les combattants français et leur mémoire, Paris, Odile Jacob, 2016.

36 En 2005, est créé le Collectif de Recherche International de Débat sur la guerre 1914-1918 (CRID 14-18) autour d’historiens tels que Frédéric Rousseau et Rémy Cazals. Le collectif voit le jour en réaction à une histoire culturelle de la guerre, portée notamment par Annette Becker et Stéphane Audoin-Rouzeau, mettant en avant une « culture de guerre » reposant sur trois grands piliers : la haine de l’ennemi, le consentement patriotique et « l’esprit de croisade ».

37 André Bach, Justice militaire, 1915-1916, Paris, Vendémiaire, 2013.

38 Alexandre Lafon, La Camaraderie au front, 1914-1918, Paris, Armand Colin, 2014.

39 Hervé Guillemain et Stéphane Tison, Du front à l’asile, 1914-1918, Paris, Alma, 2013 ; Vincent Viet, La santé en guerre, Paris, Presses de Sciences Po, 2015.

40 Sophie Delaporte, Les gueules cassées. Les blessés de la face de la Grande Guerre, Paris, Noesis, 1996.

41 André Loez, 14-18, les refus de la guerre. Une histoire des mutins, Paris, Gallimard, 2010.

42 Nicolas Mariot, Tous unis dans la tranchée ? 1914-1918, les intellectuels rencontrent le peuple, Paris, Seuil, 2013.

43 Jean-Paul Pellegrinetti, Une île dans la guerre. La Corse, 1914-1918, Paris, Belin, 2020.

44 Sylvain Gregori et Jean-Paul Pellegrinetti (dir.), Minorités et identités en guerre (1914-1918), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017.

45 Citons notamment Raymond Huard, À l’arrière du front, le Gard, un département mobilisé (1914-1919), Uzès, Éd. Inclinaison, 2011 ou Ralph Schor, Un département de l’arrière. Les Alpes-Maritimes durant la Grande Guerre, 1914-1918, Nice, Serre, 2018.

46 Voir l’ouvrage de Frédéric Rousseau, 14-18, penser le patriotisme, Paris, Gallimard, 2018.

47 Bien que l’article ne s’intéresse qu’à l’historiographie française, il convient néanmoins de signaler la parution de l’ouvrage de l’historien américain Paul G. Halpern qui correspond pleinement à cette période : The Naval War in the Mediterranean, 1914-1918, Annapolis, Naval Institute Press, 1987. Le livre se veut une synthèse de la guerre en Méditerranée à partir des principaux belligérants. Il s’appuie sur des sources composées de séries d’archives et de collections de manuscrits. Les dépouillements furent réalisés aussi bien en France, en Italie, en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Autriche qu’aux États-Unis. L’ensemble des temps forts de la guerre navale en Méditerranée est abordé dans l’ouvrage. On lira également du même auteur, The Royal Navy in the Mediterranean, 1915-1918, Aldershot, Gower Pub Co, 1987.

48 Cf. Guy Pedroncini, « Les Alliés et le problème du haut commandement naval en Méditerranée, 1914-1918 », dans Hervé Coutau-Bégarie (dir.), Marins et océans, t. II, Paris, CFHM-Économica, 1991, p. 223-233.

49 Olai Voionmaa, La politique navale française dans la Méditerranée avant 1914. Les attachés navals à Rome, à Vienne et à Madrid, 1909-1914, Sarrebruck, Éditions universitaires européennes, 2010. L’ouvrage est la publication d’un mémoire de Master 2 soutenu en 2008 à l’Institut d’études politiques de Paris sous la direction de Maurice Vaïsse.

50 Daniel Panzac, La marine ottomane. De l’apogée à la chute de l’Empire (1572-1923), Paris, CNRS Éditions, 2009.

51 Olivier Chaline, Nicolas Vannieuwenhuyze, « La pensée navale autrichienne (1885-1914). Première approche », dans Hervé Coutau-Bégarie (dir.), L’évolution de la pensée navale, vol. VI, Paris, Économica, 1997, p. 93-116.

52 Voir sur le sujet la synthèse de Martin Motte, « La seconde Iliade : blocus et contre-blocus au Moyen-Orient, 1914-1918 », Guerres mondiales et conflits contemporains, no 214, 2004, p. 39-53. Lire également Henry Laurens, Lawrence en Arabie, Paris, Gallimard, 1992.

53 Jean-Yves Empereur (dir.), Alexandrie dans la première guerre mondiale, Alexandrie, Centre d’études alexandrines, 2018.

54 C’est notamment le cas de Stéphane Audoin-Rouzeau, Jean-Jacques Becker (dir.), Encyclopédie de la Grande Guerre…, op. cit., de François Cochet et Rémy Porte (dir.), Dictionnaire de la Grande Guerre, 1914-1918, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2008 et de Michel Vergé-Franceschi (dir.), Dictionnaire d’histoire maritime, Paris, Robert Laffont, 2002.

55 Jean-Paul Pellegrinetti (dir.), « La Grande Guerre en Méditerranée », Cahiers de la Méditerranée, no 81, décembre 2010.

56 Face à l’enlisement de la guerre sur le front occidental et dans une volonté de venir soulager les Russes, Français et Britanniques décident en janvier 1915 de forcer les détroits turcs par un bombardement des forts situés à l’entrée des Dardanelles. L’opération, élaborée à partir de la théorie du Sea Power, proposée par le premier lord de l’Amirauté, Winston Churchill, est un échec. Ce dernier conduit les Alliés à entreprendre un débarquement terrestre pour s’emparer des fortifications défendant les Dardanelles sur la presqu’île de Gallipoli en avril 1915. L’opération sera un échec et le corps expéditionnaire franco-britannique sera transporté en Macédoine dès l’automne. Cf. Julie d’Andurain, « La Méditerranée orientale durant la Grande Guerre, nouvel enjeu entre la France et la Grande-Bretagne », Cahiers de la Méditerranée, no 81, décembre 2010, p. 25-45. Sur Gallipoli, se référer à l’ouvrage de Jenny Macleod, Reconsidering Gallipoli, Manchester, Manchester University Press, 2004.

57 La campagne de l’Adriatique est surtout une campagne navale entre les forces britanniques, françaises et italiennes face à celles des Empires centraux. Voir Frédéric Le Moal, « Ports et îles de la mer Adriatique pendant la première guerre mondiale : enjeux et rivalités politico-militaires », Cahiers de la Méditerranée, no 70, juin 2005, p. 101-109. Voir également, du même auteur, « L’Adriatique, les enjeux d’un front secondaire », Cahiers de la Méditerranée, no 81, décembre 2010, p. 63-75. Pour comprendre les enjeux autour du barrage d’Oltrante, cf. l’article de Louis Panel, « La guerre des vedettes en Adriatique. Histoire et légende des Motoscafi armati siluranti », Cahiers de la Méditerranée, no 81, décembre 2010, p. 133-147.

58 Cf. Igor Delanoë, « Le bassin de la Mer Noire… », art. cit., p. 75-91.

59 On lira tout particulièrement l’article du Colonel Rémy Porte, « Comment faire plier un neutre ? L’action politique et militaire de la France en Grèce (1915-1917) », Cahiers de la Méditerranée, no 81, décembre 2010, p. 45-63.

60 Le programme de défense des côtes méditerranéennes est soutenu par le Parlement qui accorde les crédits requis pour ce vaste projet de fortifications des bases navales. Cf. Frédéric Saffroy, Le bouclier de Neptune. La politique de défense des bases françaises en Méditerranée (1912-1931), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015. Citons également, dans un registre similaire, le mémoire de Master 2 de Franck Amo sur La Grande Guerre : gestion de la guerre en Méditerranée durant l’année 1915 au prisme de l’arsenal de Toulon, sous la direction de Jean-Paul Pellegrinetti, Université Côte-d’Azur, 2020.

61 Jean de Préneuf, Thomas Vaisset et Philippe Vial (dir.), « La Marine Nationale et la première guerre mondiale : une histoire à redécouvrir », Revue d’histoire maritime, no 20, 2015. Le dossier revient notamment, avec l’article d’Isabelle Delumeau, Jean-Yves Billard et François Grinnaert, sur les pré-dreadnoughts dans les Dardanelles à partir l’apport de la modélisation informatique.

62 Voir tout particulièrement les articles d’Olivier Forcade, « L’histoire et l’historiographie du blocus en Méditerranée » et de Tristan Lecoq, « Le blocus, la guerre sous-marine, les convois », Cahiers Sirice, no 26, 2021, p. 5-21 et 85-93. Sur la thématique, voir également l’article d’Isabelle Delumeau, « La Grande Guerre sur mer : la place des opérations de surface dans la stratégie maritime », Études Marines, hors-série, 2018, p. 21-31.

63 Frédéric Le Moal, « L’Adriatique, les enjeux d’un front secondaire », art. cit., p. 63.

64 André Nouschi, « Îles et stratégie en Méditerranée », Cahiers de la Méditerranée, no 68, juin 2004, p. 105-119.

65 L’histoire bataille n’est d’ailleurs pas totalement oubliée. Cf. François-Emmanuel Brézet, La guerre sous-marine allemande, Paris, Perrin, 2017, mais encore Jean-Yves Nerzic, La Grande Guerre en Méditerranée, Milon-La Chapelle, Éditions H & D, 2016.

66 Cité par André Nouschi, « Les bureaux, les hommes et la politique… », art. cit., p. 773.

67 Néanmoins, notons que du 9 septembre 2015 au 8 mai 2016, une exposition, dans le cadre du centenaire de la première guerre mondiale, fut organisée au Musée National de la Marine à Toulon. L’exposition fut proposée par le Musée National de la Marine à Toulon, la Ville de Saint-Tropez et le Service historique de la Défense (SGA/DMPA/SHD). Elle s’intitulait : « La Grande Guerre en Méditerranée. 1914-1919. Marins au combat ! ».

68 Ce pan, encore méconnu de l’histoire maritime, est un peu abordé par Christine Delpous-Darnige dans un chapitre consacré aux marins de Méditerranée, dans sa magnifique thèse de doctorat intitulée Temps de Grande Guerre au canton. Agde, Bessan, Marseillan et Vias en Bas-Languedoc, soutenue le 11 novembre 2021 à l’université Paul Valéry-Montpellier III, sous la direction de Frédéric Rousseau.

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Pour citer cet article

Référence papier

Jean-Paul Pellegrinetti, « Histoire maritime de la Grande Guerre en Méditerranée. Jalons historiographiques d’une guerre presque oubliée en France »Cahiers de la Méditerranée, 103 | 2021, 130-139.

Référence électronique

Jean-Paul Pellegrinetti, « Histoire maritime de la Grande Guerre en Méditerranée. Jalons historiographiques d’une guerre presque oubliée en France »Cahiers de la Méditerranée [En ligne], 103 | 2021, mis en ligne le 15 juin 2022, consulté le 05 juin 2023. URL : http://journals.openedition.org/cdlm/15023 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cdlm.15023

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Auteur

Jean-Paul Pellegrinetti

Jean-Paul Pellegrinetti est professeur en histoire contemporaine à l’Université Côte d’Azur de Nice. Il est directeur du Centre de la Méditerranée moderne et contemporaine (CMMC) et directeur de publication de la revue les Cahiers de la Méditerranée ainsi que de la revue Études Corses. Ses travaux portent sur l’histoire politique (xixe-xxe siècles) et l’histoire sociale des conflits contemporains. Il coordonne, depuis septembre 2021, un programme de recherche d’un projet financé par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) sur le thème : Europe et fascisme italien : transnationalisme, circulations et réseaux. (1922-1943). Il a publié Une île dans la guerre (Belin, 2020) et a dirigé l’ouvrage Pour une histoire politique de la France méditerranéenne (PUR, 2021).

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