La politique du fascisme italien en Méditerranée : parcours et débats historiographiques
Résumés
Le régime fasciste a accordé une place essentielle à sa politique extérieure en Méditerranée et en Afrique. Sous-tendue par la construction de projets de domination, elle fut étroitement liée à l’idéologie et aux structures internes du régime. L’historiographie eut pourtant tendance pendant assez longtemps (1945-an. 1970) à en sous-évaluer l’importance et à la couper de ses liens avec les dynamiques internes du fascisme. Inauguré dans les années 1970, le renouvellement historiographique irrigua à la fois le champ de la diplomatie fasciste en Méditerranée, celui de la politique coloniale et celui des relations entre fascisme et monde arabo-musulman. Il a conduit à une multiplication des recherches ayant nourri des débats historiographiques confrontant les diverses lectures de la politique fasciste en Méditerranée.
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Mots-clés :
diplomatie fasciste, Méditerranée, historiographie, totalitarisme, impérialisme, Espace vital italien, Romanité, Mare nostrumKeywords:
fascist diplomacy, Mediterranean, historiography, totalitarianism, imperialism, Italian vital space, romanity, Mare nostrumPlan
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1La Méditerranée a occupé une place essentielle dans la politique extérieure menée par le régime. Politique aux visées expansionnistes, elle a conduit l’Italie à entrer en rivalité avec les intérêts français et britanniques dont les empires bordaient plusieurs des rives de la Méditerranée orientale comme occidentale. Dans cette confrontation, le régime de Mussolini joua la carte, en particulier à partir du début des années 1930, d’un rapprochement avec des mouvements nationalistes arabo-musulmans dans le but de déstabiliser les deux puissances impériales en Afrique du Nord et au Proche-Orient, et d’en retirer des avantages géopolitiques. Cette politique pro-arabo-musulmane n’alla pas sans entrer en contradiction avec les ambitions impérialistes du fascisme en Méditerranée et en Afrique et avec les politiques menées à l’égard des populations soumises à la domination coloniale italienne.
2Si la politique extérieure du fascisme, avec en son centre l’horizon méditerranéen, revêtit une importance cruciale pour les dirigeants fascistes, l’historiographie de ces questions a toutefois suivi un parcours sinueux. Ainsi, le rôle de la politique étrangère dans l’histoire du régime fasciste eut-il tendance à être relativisé pendant une période assez longue, tandis que l’étude des rapports entre fascisme et monde arabo-musulman fut longtemps délaissée et que celle de la colonisation sous le fascisme fut, quant à elle, marquée par la construction d’une histoire pour partie mythifiée.
3Il s’agira, dans un premier temps, d’analyser les raisons de la place relativement mineure occupée par le champ de la politique étrangère du fascisme, notamment en Méditerranée, dans l’historiographie. Puis de se pencher sur l’essor d’une écriture de l’histoire de la diplomatie fasciste renouvelée. Ce tournant qui, à l’instar de l’historiographie globale du fascisme, se dessine à partir de la fin des années 1960 et au cours des années 1970, a nourri de nombreux travaux parfois à l’origine de débats marqués par des divergences d’interprétation à propos de la signification de la politique fasciste en Méditerranée.
Une historiographie traditionnelle des relations internationales longtemps dominante
4L’histoire du fascisme est étroitement liée aux deux guerres mondiales : la Grande Guerre eut une fonction matricielle dans sa naissance et le façonnement de son identité, fondamentalement guerrière, tandis que la seconde guerre mondiale sanctionna son échec militaire et conduisit à son effondrement. Pourtant, jusqu’au tournant des années 1960-1970, l’historiographie eut tendance à relativiser le poids de la politique extérieure dans l’histoire du fascisme, notamment en la coupant de ses interactions avec l’idéologie et les structures internes du régime fasciste.
- 1 Voir Elena Aga Rossi, « La politica estera e l’Impero », dans Giovanni Sabbatucci et Vittorio Vid (...)
- 2 Michele Battini, Peccati di memoria : la mancata Norimberga italiana, Rome-Bari, Laterza, 2003. V (...)
5Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette situation. L’un renvoie à la question de l’accès aux sources, la publication des documents diplomatiques italiens n’étant pas encore complètement achevée à la fin des années 19801. Le deuxième facteur a trait à l’historiographie italienne des relations internationales qui, comme son homologue française issue de l’école méthodique, a été longtemps dominée par une approche classique : accent mis sur le rôle des « grands hommes » dans les décisions de politique internationale, événements politico-diplomatiques saisis sur la courte durée, domaine de l’histoire des relations internationales considéré comme indépendant des « forces profondes », notamment de la sphère politique et idéologique du fascisme. Le dernier facteur concerne la mémoire collective italienne d’après-guerre caractérisée par une tendance au refoulement des crimes et violences perpétrés par le fascisme dans les colonies, dans les pays occupés pendant la guerre et en Italie en 1943-1945. L’absence, en Italie, de grand procès collectif pour juger ces crimes a fortement contribué à différer l’examen des responsabilités du fascisme dans ces exactions comme dans la crise des relations internationales ayant conduit au déclenchement de la guerre2.
- 3 Henry Stuart Hughes, « The early diplomacy of Italian fascism, 1922-1932 », dans Gordon A. Craige (...)
- 4 Alan J. P. Taylor, The origins of Second World War, Londres, Penguin Books, 1962. Un autre histor (...)
- 5 Ennio Di Nolfo, Mussolini e la politica estera italiana, 1919-1933, Padoue, CEDAM, 1960.
6Dans ces conditions, les travaux publiés jusqu’à la fin des années 1960 ne proposèrent quasiment pas d’interprétation globale de la politique extérieure fasciste. Pour ceux qui le firent, ils reprirent la lecture que fit Gaetano Salvemini, un des cadres de l’antifascisme en exil, dont le Mussolini diplomatico paru à Paris en 1932 et plusieurs fois réédité après la guerre eut une influence durable sur les historiens de la diplomatie fasciste. Salvemini avait axé sa réflexion autour de deux thématiques : le hiatus entre les ambitions affichées par Mussolini sur la scène internationale et les résultats, décevants, obtenus ; et l’absence de ligne cohérente en matière extérieure, Mussolini instrumentalisant son action extérieure en fonction des effets produits sur l’opinion publique. Qualifiée d’ « orthodoxe », cette lecture fut reprise par l’historien américain Henry Stuart Hugues en 1953 dans une étude dédiée à la politique extérieure des années 1922-19323, par le Britannique Alan J. P. Taylor en 19624, également par Ennio Di Nolfo un peu plus tôt même si l’historien italien, tout en soulignant lui aussi l’inadéquation entre les ambitions extérieures et la faiblesse des résultats obtenus, se démarquait en contestant l’idée d’une improvisation de Mussolini au profit d’une vision cohérente sur la scène internationale5.
- 6 Angelo Del Boca, « Le conseguenze per l’Italia del mancato dibattito sul colonialismo », Studi pi (...)
- 7 Angelo Del Boca, « Il colonialismo italiano tra miti, rimozioni, negazioni e inadempienze », dans (...)
- 8 Jean-Louis Miège, L’impérialisme colonial italien de 1870 à nos jours, Paris, SEDES, 1968 (trad. (...)
- 9 Voir notamment Giorgio Rumi, Alle origini della politica estera fascista, Rome-Bari, Laterza, 196 (...)
- 10 Giorgio Rochat, Il colonialismo italiano. Documenti, Turin, Loescher, 1973 ; id., « La repression (...)
7Plusieurs traits de l’historiographie de la politique extérieure du fascisme des années 1945-1970 caractérisent également celle de la politique coloniale et celle des relations avec le monde arabo-musulman. Concernant l’histoire de la colonisation, la perte de ses colonies par l’Italie lors du traité de paix de 1947 ne permit pas d’ouvrir un débat sur le passé colonial du pays qui aurait pu encourager un examen de conscience sur les pages sombres de la politique fasciste et stimuler la recherche historique. Ce « débat manqué » laissa la voie libre en matière d’histoire coloniale à d’anciens acteurs de la colonisation et à une génération d’historiens formés sous le fascisme enclins à la bienveillance à l’endroit du passé colonial6. Le ministère des Affaires étrangères conforta cette tendance en soutenant la constitution d’un Comité pour la documentation de l’œuvre des Italiens en Afrique, qui obtint le contrôle des fonds d’archives sur la colonisation et fut chargé de la publication, à partir de 1953, de L’Italia in Africa en vue d’établir, en cinquante volumes, le bilan de la présence italienne en Afrique. Il en résulta la construction de représentations d’une colonisation italienne singulière par rapport à celle des autres puissances européennes, humaniste, étrangère aux violences à l’encontre des populations indigènes et mise en œuvre par de « bons Italiens ». Les massacres lors des conquêtes et des luttes contre les mouvements de résistance, ainsi que le faible niveau de développement matériel et éducatif des sociétés autochtones, étaient minorés ou occultés7. Avant les années 1970, les travaux historiques échappant à ce schéma dominant étaient soit produits hors d’Italie8, soit constitués de chapitres sur la colonisation intégrés dans des études d’histoire de la politique extérieure du fascisme qui avaient amorcé leur renouveau à partir de la fin des années 1960 : les singularités de la politique coloniale fasciste étaient mises en évidence9. Toutefois, en 1973, Giorgio Rochat déplorait le refoulement mémoriel entourant encore les aspects sombres de l’histoire de la colonisation sous le fascisme10.
- 11 Renzo De Felice, Mussolini, il Duce, vol. I : Gli anni del consenso (1929-1936), Turin, Einaudi, (...)
8Concernant l’histoire des relations entre le fascisme et le monde arabo-musulman, il convient de parler d’angle mort de l’historiographie italienne jusque vers le début des années 1980. La situation tient à quatre facteurs. Le premier renvoie bien évidemment à ce que nous venons de rappeler à propos des historiographies de la politique extérieure et de la politique coloniale du fascisme : celle des rapports avec le monde arabo-musulman leur est étroitement liée. Les deux facteurs suivants découlent des grilles de lecture du fascisme proposées par l’historiographie de tendance antifasciste. Celle-ci a tout d’abord occulté la dimension révolutionnaire du fascisme avant que Renzo De Felice n’apporte la démonstration de son existence à partir du milieu des années 197011. Or, c’est parmi les tenants de cette tendance qu’avait été imaginée l’organisation d’un nouvel ordre international marqué par la constitution d’un espace vital italien en Méditerranée et en Afrique. Le projet passait par une alliance du fascisme avec les mouvements nationalistes des pays arabo-musulmans afin d’écarter les Empires britannique et français de Méditerranée.
- 12 Voir, à propos de ce facteur idéologique, Juliette Bessis, « Chekib Arslan et le fascisme », dans(...)
9L’historiographie antifasciste a, par ailleurs, conçu le fascisme comme essentiellement impérialiste ; il était dès lors difficile d’admettre qu’il ait pu déployer une politique aux accents anti-impérialistes consistant à tendre la main aux mouvements nationalistes arabo-musulmans, notamment au mouvement national palestinien dans sa lutte contre la Grande-Bretagne et le mouvement sioniste. Pareillement, compte tenu de la politique tiers-mondiste menée par certains leaders des régimes arabes dans les années 1950-1960 (celui de Nasser en Égypte à partir de 1954 ; le régime fondé sur le parti Baas en Syrie), certains historiens issus de la tradition antifasciste peinèrent à concevoir que ces mêmes dirigeants s’étaient rapprochés des régimes fasciste et nazi, et parfois même inspirés de leur idéologie. Ce fut le cas, concernant l’Égypte, de Jeune Égypte créé en 1933 dont fut proche Nasser, et de sa structure paramilitaire les Chemises vertes, dont les dirigeants se rendirent aux Journées du parti nazi à Nuremberg en 193612.
- 13 Malgré l’étude précoce de Renzo De Felice, Storia degli ebrei italiani sotto il fascismo, Turin, (...)
10Enfin, un dernier facteur tient à la question de l’antisémitisme fasciste qui est un élément du rapprochement entre le fascisme et les mouvements nationalistes arabo-musulmans. Or, le phénomène a été marqué à la fois par un refoulement mémoriel et par un retard des études historiques jusqu’à la seconde moitié des années 198013, ce qui n’a pas incité les historiens à s’intéresser aux rapports entre le fascisme et l’Orient. Dans ces conditions, l’étude de la politique du fascisme en direction du monde arabo-musulman a été laissée en friche jusqu’aux années 1970.
Les renouvellements de l’historiographie de la politique du fascisme en Méditerranée
11C’est au tournant des années 1960-1970 qu’a été amorcé un renouvellement de l’historiographie de la politique extérieure du fascisme. Il fut suivi, à partir des années 1970, de celui de sa politique coloniale, tandis que le champ des relations entre fascisme et monde arabo-musulman commençait au même moment à être exploré.
La révision de l’histoire de la diplomatie fasciste
- 14 Giorgio Rumi, « “Revisionismo” fascista ed espansione coloniale », Il movimento di liberazione in (...)
- 15 Giampierro Carocci, La politica estera dell’Italia fascista…, op. cit.
- 16 Alan Cassels, Mussolini’s early diplomacy, Princeton, New Jersey, 1970.
- 17 MacGregor Knox, Mussolini unleashed, 1939-194. Politics and Strategy in Fascist Italy’s Last War, (...)
12La mise en cause de la lecture « orthodoxe » de la diplomatie fasciste s’opéra sous la conduite d’historiens « révisionnistes » qui, influencés par les travaux d’historiens comme George Mosse sur le nazisme, puis ceux de De Felice en Italie, cherchaient à envisager l’histoire du fascisme selon des problématiques renouvelées. Ils mirent en relief la place déterminante de la politique extérieure dans l’histoire du fascisme, l’analysèrent sous l’angle de ses rapports étroits avec l’idéologie et les structures internes du régime fasciste, soulignèrent sa cohérence et en proposèrent une interprétation globale. Ainsi fut mise en exergue sa dimension subversive et révisionniste de l’ordre international établi au lendemain de la Grande Guerre, le fascisme ayant pour ambition de déployer une politique impérialiste de manière à placer l’Italie parmi les grandes puissances. Giorgio Rumi, dans ses travaux sur la période 1918-1923, insista ainsi sur la précocité de l’établissement des objectifs de la diplomatie fasciste : dès la première moitié des années 1920, la forte critique de l’ordre européen, l’affirmation des droits italiens en Adriatique et la volonté d’expansion en Méditerranée et en Afrique étaient présentes14. Dans une étude sur les années 1925-1928 parue en 1969, Giampiero Carocci faisait un constat analogue15. En 1970, Alan Cassels, historien britannique, montrait que la politique agressive menée par Mussolini dans les années 1930 existait dès la décennie précédente : elle s’était affirmée dès l’affaire de Corfou en 192316. MacGregor Knox publiait en 1982 une étude sur la période 1939-1941 où il analysait le programme fasciste de construction d’un espace vital en Méditerranée et au Moyen-Orient17.
- 18 Pietro Pastorelli, « La politica estera dalla fine del conflitto etiopico alla seconda guerra mon (...)
- 19 Jean-Baptiste Duroselle et Enrico Serra (éd.), Italia e Francia dal 1919 al 1939, Milan, ISPI-Fra (...)
- 20 Pietro Pastorelli, « La storiografia italiana del dopoguerra sulla politica estera fascista », St (...)
- 21 Enzo Collotti, « Fascismo : la politica estera », dans Fabio Levi, Umberto Levra et Nicola Tranfa (...)
13Ces travaux des historiens révisionnistes ont ouvert la voie à un essor des recherches dans les années 1970-1980, souvent dédiées à l’analyse d’une période ou à un épisode précis de l’histoire de la politique étrangère du fascisme18, ainsi qu’à celle des relations de l’Italie avec d’autres puissances19 ; des travaux sur l’historiographie20 et des ouvrages de synthèse ont également été publiés21.
L’essor de l’histoire de la politique coloniale fasciste
- 22 Angelo Del Boca, Gli Italiani in Africa orientale, 4 vol., Rome-Bari, Laterza, 1976-1984 ; id., L (...)
- 23 Indro Montanelli, éditorialiste au Corriere della Sera, qui combattit en Éthiopie, s’opposa à Del (...)
- 24 Giorgio Rochat, « La repressione della resistenza araba… », art. cit. ; Enzo Santarelli, Giorgio (...)
14Dans le domaine de l’histoire de la colonisation fasciste également, un courant révisionniste, emmené par Giorgio Rochat et Angelo Del Boca, a pris son élan à partir des années 1970 pour lever le voile sur ses réalités. Deux dimensions majeures furent alors mises en lumière : en premier lieu, les violences déployées lors de guerres de conquêtes et au cours des répressions visant à éliminer les résistances à la domination italienne. Ainsi, la brutalité de la conquête de l’Éthiopie en 1935-1936, marquée par l’emploi de moyens militaires considérables (armes lourdes, y compris chimiques) était soulignée22, ce qui suscita des controverses en Italie23. Del Boca montrait ensuite que la répression contre la résistance éthiopienne, qui n’a jamais cessé jusqu’à la perte de la colonie par l’Italie en 1941, fut elle aussi brutale, notamment après l’attentat manqué contre le maréchal Graziani en février 1937 ; au total, elle fit entre 300 000 et 400 000 morts. L’autre épisode sombre concerne la Libye où une répression contre la résistance des tribus sénoussis, commencée en 1922, connut une phase paroxysmique entre 1928 et 1932 : en Cyrénaïque, des civils furent alors déportés dans des camps où, en raison des conditions sanitaires, la moitié des internés trouvèrent la mort. Environ 100 000 Libyens (sur 800 000 habitants) furent tués24.
- 25 Luigi Preti, I miti dell’impero e della razza, Rome, Opere Nuove, 1965 ; id., Impero fascista. Af (...)
- 26 Luigi Goglia, « Note sul razzismo coloniale fascista », Storia contemporanea, vol. XIX-6, décémbr (...)
- 27 Nicola Labanca, « Il razzismo coloniale italiano », dans Alberto Burgio (dir.), Nel nome della ra (...)
15L’autre dimension concerne la question du racisme colonial. Une politique de ségrégation raciale, marquée par l’adoption d’une loi, en avril 1937, interdisant les relations conjugales entre Italiens et natifs d’Afrique orientale italienne (AOI) auxquels était donné un statut de sujets, fut appliquée par le fascisme. En juin 1939, l’interdiction était étendue aux relations conjugales en Italiens et Libyens. La question du racisme dans les colonies a été abordée, dès les années 1960, par Luigi Preti qui avait examiné son rôle dans la mise en œuvre des lois antisémites en 193825. Il avait privilégié une approche de la question par l’idéologie, les discours officiels et le système juridique de ségrégation raciale. Ce type de démarche est également celui qui fut adopté par les historiens révisionnistes des années 1970, notamment Angelo Del Boca et Giorgio Rochat. À partir de la seconde moitié des années 1980, Luigi Goglia, disciple de De Felice, a cherché à faire l’analyse du racisme colonial au quotidien, présent dans une partie du colonat italien et caractérisant les méthodes du régime et des administrations en matière coloniale26. Nicola Labanca s’est inscrit dans cette démarche tout en l’approfondissant, moyennant une approche sociale et une étude des comportements, la seule susceptible de saisir le racisme ordinaire comme marque de fabrique du fascisme colonial27.
Les relations entre fascisme et monde arabo-musulman, un domaine progressivement tiré de l’oubli
- 28 Daniel J. Grange, L’Italie et la Méditerranée (1896-1911). Les fondements d’une politique étrangè (...)
- 29 Daniel J. Grange, « Structure et techniques d’une propagande : les émissions arabes de Radio-Bari (...)
- 30 Callum A. Mac Donald, « Radio Bari. Italian Wireless Propaganda in the Middle East and British Co (...)
16Longtemps ignoré par les historiens, le champ des relations entre fascisme et monde arabo-musulman a commencé à être progressivement étudié à partir des années 1970, en premier lieu par des historiens français et britanniques spécialistes de l’Italie. Un temps en poste au Maroc avant de rejoindre l’Université de Grenoble, et plus tard auteur d’une thèse sur la politique méditerranéenne de l’Italie au tournant des xixe-xxe siècle28, Daniel Grange a travaillé sur les écoutes radiophoniques réalisées, de 1937 jusqu’à la guerre, par les services français dont les papiers avaient été déposés aux Archives générales du Royaume à Rabat. Il a ainsi analysé, dans deux articles parus en 1974 et 1976, la propagande radio du fascisme en direction du monde arabo-musulman29. Le régime fasciste avait en effet lancé, en 1934 et à l’initiative de Galeazzo Ciano, des émissions en arabe de Radio-Bari. Replaçant ce système de propagande dans le contexte des rivalités opposant les puissances européennes en Méditerranée, Daniel Grange a mis au jour l’argumentaire fasciste déployé pour convaincre le monde arabo-musulman, ainsi que l’image d’elle-même que l’Italie cherchait à diffuser à l’extérieur. Peu après, en 1977, un historien britannique livrait une étude sur la propagande arabe de Radio-Bari et les tentatives de la contrer par la Grande-Bretagne30.
- 31 Juliette Bessis, La Méditerranée fasciste. L’Italie mussolinienne et la Tunisie, Paris, Publicati (...)
- 32 Emilio Franzina et Matteo Sanfilippo (dir.), Il fascismo e gli emigrati. La parabola dei Fasci it (...)
17En 1981, Juliette Bessis publiait sa thèse, La Méditerranée fasciste. L’Italie mussolinienne et la Tunisie 31, étude au croisement de l’histoire des relations internationales et de celle de la colonisation. Analysant l’enjeu représenté par la Tunisie pour la France et l’Italie, l’auteure a également examiné la politique fasciste en direction des colons italiens (environ 120 000 pour 60 000 colons français et issus d’autres nationalités à la fin des années 1930) et des populations autochtones, en particulier les cadres des mouvements nationalistes (surtout le néo-destour de Bourguiba). Tout en jouant la carte de ces mouvements, le fascisme menait une politique de puissance visant à évincer la France pour mettre la main sur la Tunisie envisagée comme une « quatrième rive » en Méditerranée. À l’endroit des colons italiens, le fascisme a déployé une politique d’encadrement via le Consulat et les organisations du PNF : l’objectif était de les utiliser à des fins politiques et diplomatiques, ainsi que de diffuser le fascisme parmi eux de manière à constituer en Tunisie une petite patrie fasciste à l’instar de ce qu’il fit dans d’autres pays d’accueil de l’émigration italienne32.
- 33 Juliette Bessis, « Chekib Arslan et les mouvements nationalistes du Maghreb », Revue historique, (...)
- 34 Juliette Bessis, « Chekib Arslan et le fascisme », art. cit., p. 119-135.
- 35 Il était à la tête d’une délégation permanente à la SDN du Comité syro-palestinien fondé en 1921.
18Juliette Bessis s’est aussi intéressée à la figure du Syrien Chekib Arslan, un des leaders du nationalisme arabe et du panislamisme. Elle a étudié à la fois l’influence qu’il exerça sur les cadres des mouvements nationalistes du Maghreb33 et, en 1984, les relations qu’il entretint avec l’Italie fasciste34. Ces liens, noués dès le début des années 1920, se dégradèrent au moment de la répression en Libye de 1928-1932 qu’Arslan dénonça avec virulence, notamment dans La Nation arabe, revue qu’il dirigeait depuis Genève35. Le retournement de la stratégie du fascisme consistant à se rapprocher des mouvements nationalistes arabes à partir de 1933 incita Arslan, par opportunisme financier et politique (les deux protagonistes avaient pour ennemi commun les puissances coloniales française et britannique), à accepter l’appui du fascisme. Il contribua, en participant aux émissions arabes de radio-Bari, à la propagande fasciste en direction du Maghreb.
- 36 Romain H. Rainero, « La politique fasciste à l’égard de l’Afrique du Nord : l’épée de l’Islam et (...)
- 37 « Ebrei e arabi nella politica mediterranea del fascismo », Storia contemporanea, vol. 17, no 6, (...)
- 38 Renzo De Felice, Il fascismo e l’Oriente. Arabi, ebrei e indiani nella politica di Mussolini, Bol (...)
- 39 Luigi Goglia, Questione palestinese e nazionalismo arabo, Urbino, Argalià, 1980.
- 40 Romain H. Rainero, La politique arabe de Mussolini pendant la seconde guerre mondiale, Paris, Pub (...)
- 41 Enrico Galoppini, Il fascismo e l’Islam, Parme, Edizioni All’Insegna del Veltro, 2001.
- 42 Voir infra les références à ses travaux.
19Au tournant des années 1970-1980, l’historiographie italienne se pencha elle aussi sur les relations entre fascisme et monde arabo-musulman. Romain H. Rainero fit paraître un article sur la politique fasciste en Afrique du Nord36. Un groupe d’historiens rassemblés autour de la revue Storia contemporanea publia fin 1986 un numéro spécial intitulé « Ebrei e arabi nella politica mediterranea del fascismo »37. Mario Giro y analysait l’Institut pour l’Orient de sa fondation en 1933 à la guerre mondiale, Mario Tedeschini Lalli y étudiait le mouvement des Chemises vertes face à la politique fasciste en Égypte, tandis que Luigi Goglia présentait un fonds documentaire issu du ministère des Affaires étrangères sur les relations entre Al Husseini, Mufti de Jérusalem et chef du mouvement national palestinien, et Mussolini. Enfin, De Felice proposait un long article sur les Arabes et le Moyen-Orient dans la stratégie de guerre du fascisme en 1940-1943. L’historien a ensuite intégré ce texte dans son livre Il fascismo e l’Oriente paru en 1988 où il a également analysé les relations avec le sionisme et avec l’Inde38. Avec De Felice, Luigi Goglia, spécialiste de l’histoire de la question palestinienne39, et Romain H. Rainero40, ont eu un rôle important pour dynamiser l’historiographie italienne des rapports entre fascisme et monde arabo-musulman. Depuis les années 2000, plusieurs travaux, notamment ceux d’Enrico Galoppini41 et de Stefano Fabei42, ont paru sur la question.
Les interprétations : continuité ou rupture de la politique fasciste en Méditerranée ?
20Depuis les années 1970 et 1980, les avancées de l’historiographie de la politique extérieure du fascisme ont permis aux analyses de gagner en finesse et en précision sur des phases, des thématiques ou des événements particuliers. Toutefois, par-delà cette diversité, bon nombre de recherches sont traversées par le même type d’interrogations. Qu’il s’agisse de la politique méditerranéenne saisie de manière globale, de la politique fasciste en direction du monde arabo-musulman, ou encore de la politique coloniale, les historiens sont souvent amenés à proposer des interprétations en termes de continuité ou de rupture entre la politique fasciste et celle de l’Italie libérale, ainsi qu’entre la politique menée par le régime fasciste dans les années 1920 et au cours de la décennie suivante, ce qui pose en filigrane la question de sa cohérence.
Les continuités entre le fascisme et l’Italie libérale en matière de politique extérieure
- 43 Renzo De Felice, Mussolini, il Duce, vol. I : Gli anni del consenso…, op. cit. ; id., Mussolini, (...)
21La question de la continuité ou de la rupture de la politique extérieure fasciste se pose sur un double plan. Les historiens « révisionnistes » des années 1970 avaient convergé pour mettre en relief la cohérence de la politique étrangère du fascisme. Et ils furent une majorité à estimer qu’une telle politique, déstabilisatrice de l’ordre européen et impérialiste, prit consistance à partir du début des années 1930 et qu’elle fut mise en œuvre avec la conquête de l’Abyssinie en 1935. Pour expliquer ce tournant, De Felice a invoqué la volonté de Mussolini de relancer la dynamique totalitaire du régime après le constat qu’il fit de l’insuffisante fascisation des masses et du trop faible enracinement du totalitarisme au regard du régime nazi. Un des leviers utilisés par le Duce fut de lancer une politique étrangère expansionniste de manière à mobiliser les masses et accélérer l’avènement de l’homme nouveau. L’impérialisme sur la scène internationale était examiné à l’aune des structures et des dynamiques du régime43. Cette lecture fit rapidement autorité parmi les historiens.
- 44 Dans sa thèse publiée en 1994 (L’Italie et la Méditerranée…, op. cit.), Daniel Grange est parvenu (...)
- 45 Richard J. B. Bosworth, Italy the Least of the Great Powers, Londres, Cambridge University Press, (...)
22La problématique de la continuité ou de la rupture concerne aussi la relation entre la politique étrangère fasciste et celle de l’Italie libérale. Parmi les tenants d’une lecture privilégiant la continuité entre les diplomaties des deux régimes figure l’historien australien Richard Bosworth qui a détecté une forte dimension impérialiste dans la politique extérieure de l’Italie libérale aboutissant à la conquête de la Libye et à une politique de domination en Méditerranée44. Elle aurait préfiguré plusieurs des initiatives mussoliniennes, notamment l’incident de Corfou en 1923, la conquête de l’Éthiopie et l’intervention en Espagne. Comme ses prédécesseurs, Mussolini aurait poursuivi l’objectif d’élever l’Italie au rang de grande puissance sans toutefois en avoir les moyens militaires et économiques. Seules les méthodes fascistes (intimidation et violence) se seraient démarquées de celles des dirigeants de la période libérale45.
- 46 Renzo De Felice, « Alcune osservazioni sulla politica estera mussoliniana », dans Renzo De Felice (...)
- 47 Voir Olivier Forlin, Le fascisme. Historiographie et enjeux mémoriels, Paris, La Découverte, 2013
23Renzo De Felice a développé le même type d’interprétation : le fascisme aurait en effet mené une politique extérieure « italienne », défendant les intérêts nationaux traditionnels de l’Italie unifiée. Mussolini aurait, jusqu’en juin 1940, oscillé entre un accord avec la France et la Grande-Bretagne, d’un côté, et un rapprochement avec l’Allemagne de l’autre. Son choix d’engager l’Italie dans la guerre mondiale aux côtés de l’Allemagne n’aurait pas été motivé par des affinités idéologiques entre les régimes nazi et fasciste, mais seulement par l’impossibilité de parvenir à un accord avec les puissances libérales46. Pareille interprétation paraît, a priori, contradictoire avec sa lecture du tournant totalitaire de 1936-1937 et ses effets sur la politique extérieure du fascisme. Elle est cependant cohérente avec sa conception du fascisme comme phénomène proprement italien et l’accent mis sur ses différences avec le nazisme47.
- 48 Renzo De Felice, Il fascismo e l’Oriente…, op. cit.
- 49 Luigi Goglia, « Il Mufti e Mussolini : alcuni documenti italiani sui rapporti tra nazionalismo pa (...)
24C’est une grille de lecture analogue que De Felice a appliquée à son analyse de la politique de conciliation avec le monde arabo-musulman. À travers cet objectif, le fascisme s’est inscrit dans la conception, défendue également par les dirigeants de l’Italie libérale comme par ceux de la période républicaine, de l’Italie comme pont entre Orient et Occident, comme centre géographique et politique en Méditerranée. En ce domaine également, le fascisme a défini une politique patriotique et non spécifiquement fasciste48. Luigi Goglia estime, lui, que ce sont les diplomates du ministère des Affaires étrangères, représentants des couches dirigeantes traditionnelles, qui ont envisagé la politique arabe des années 1930 comme un moment de la politique traditionnelle d’expansion italienne en Méditerranée orientale, tandis que Mussolini en avait une conception instrumentale49. Quant aux motivations des nationalistes arabes à accepter la main tendue du fascisme italien, De Felice invoque le seul opportunisme politique : faire avancer leur combat contre les grandes puissances coloniales. Il récuse au contraire l’idée d’une convergence idéologique avec le fascisme et l’on retrouve là sa conception du fascisme comme phénomène proprement italien.
Une politique fasciste en Méditerranée marquée par la singularité
- 50 Enzo Collotti, « Il fascismo nella storiografia. La dimensione europea », dans Angelo Del Boca, M (...)
- 51 Enzo Traverso, Le Totalitarisme…, op. cit. ; id., 1914-1945. La guerre civile européenne, Paris, (...)
25Ces interprétations ont fait l’objet de critiques de la part d’historiens qui proposent, eux, une autre lecture globale : elle souligne la cohérence de la politique méditerranéenne du fascisme et, au-delà, de l’ensemble de sa politique extérieure, qui s’est inscrite en rupture avec celle de la monarchie constitutionnelle. Elle conduit à souligner les responsabilités du fascisme dans les politiques d’expansion, de répression et dans la crise des relations internationales de la période 1935-1945. Certains tenants de cette lecture se rattachent au courant de l’historiographie antifasciste à l’instar d’Enzo Collotti. Le socle de sa réflexion repose sur une conception du fascisme issu, comme le nazisme, d’une matrice contre-révolutionnaire à l’origine de ses desseins expansionnistes et impérialistes50, conception partagée, entre autres, par Enzo Traverso51. Ses projets et initiatives dans le domaine extérieur ont été déterminés en grande partie par ses fondements politiques et idéologiques comme le furent ceux du régime nazi. Ainsi, l’alliance entre l’Italie et l’Allemagne à partir de 1936 est interprétée comme le fruit des affinités idéologiques entre les deux régimes. Selon Collotti, en cherchant à rassembler autour de l’Italie un bloc d’États tendus vers des objectifs révisionnistes des traités de paix de 1919-1920, en usant de comportements subversifs, le fascisme a érodé le rôle et la légitimité de la SDN. Concevant les relations internationales comme un domaine relevant de l’unilatéralisme et des rapports de force entre les États, rejetant le pacifisme et le principe démocratique, il a affirmé la prétention des États à résoudre seuls les questions de la révision de l’ordre international et les litiges territoriaux. Avec la guerre d’Éthiopie, le fascisme a bafoué les principes de la SDN et ouvert la première crise d’envergure remettant en cause le statu quo en Europe.
- 52 John F. Coverdale, Italian intervention in the Spanish Civil War, Princeton, Princeton University (...)
- 53 Enzo Collotti, « Il fascismo nella storiografia… », art. cit.
- 54 Javier Rodrigo, « On fascistization : Mussolini’s political project for Franco’s Spain, 1937-1939(...)
26À propos de l’intervention en Espagne, Enzo Collotti reconnaît, comme l’établirent plusieurs historiens au tournant des années 1960-197052, que Mussolini poursuivait des objectifs stratégiques : dans le cadre de la rivalité avec la France, s’assurer la présence d’un gouvernement allié pour le contrôle de la Méditerranée et obtenir une base militaire aux Baléares pour bloquer les routes entre la France et l’Afrique du Nord. Il estime cependant que des facteurs politico-idéologiques n’étaient pas absents : hostilité aux Fronts populaires au pouvoir en Espagne et en France, appui aux nationalistes espagnols vus comme un rempart contre le communisme, appui à une Espagne chrétienne. Il souligne enfin que si l’Italie ne cherchait pas à exporter le fascisme, l’aide militaire était fournie à une Espagne d’un certain type, nationaliste et autoritaire53. Cette politique a rompu, pour partie, avec celle de l’Italie libérale contrairement à la lecture qu’en avait faite John Coverdale. Plus récemment, en 2017, Javier Rodrigo, affirmant que Mussolini a mis sur pied un projet d’exportation du fascisme en Espagne, penche plus nettement encore en faveur de la politique de rupture54.
27À l’appui de l’idée d’une politique fasciste de rupture en Méditerranée, plusieurs historiens ont, depuis les années 1980-1990, mis au jour les projets du fascisme consistant à organiser, sur une portion déterminée de l’Europe (méditerranéenne et balkano-danubienne) et de l’Afrique (septentrionale et orientale), un ensemble politiquement et culturellement organisé dans lequel l’Italie aurait été le noyau central. Cet « espace vital » italien a été pensé dans le cadre de constructions théoriques souvent en décalage avec les moyens matériels et politiques nécessaires à leur concrétisation. Apportant leur pierre à l’édifice totalitaire fasciste, elles furent élaborées par des géographes, des politologues, des hiérarques fascistes, dans des cercles d’instituts, en particulier l’Istituto per gli Studi di Politica internazionale (ISPI) de Milan créé en 1934, et dans plusieurs revues (la Rassegna di politica internazionale de l’ISPI ; Geopolitica, Civiltà fascista, Gerarchia, etc.).
- 55 Angelo Montenegro, « Politica estera e organizzazione del consenso. Note sull’Instituto per gli s (...)
- 56 Voir de Marco Antonsich : « La rivista Geopolitica e la sua influenza sulla politica fascista », (...)
- 57 Andrea Perrone, « Mare nostrum e “Geopolitica”. Il mito imperiale dei geografi italiani », Diacro (...)
28Davide Rodogno, spécialiste des politiques d’occupation pendant la guerre, Angelo Montenegro, Enrico Decleva et Valeria Galimi qui ont travaillé sur l’ISPI55, ainsi que des historiens de la politique fasciste en direction du monde arabo-musulman, entre autres, ont étudié ces projets. S’ils admettent que des éléments de continuité ont existé entre le fascisme et la période libérale (l’Italie comme pont entre Méditerranée occidentale et orientale), ils insistent sur les singularités de cette politique qu’ils détectent en particulier dans le projet d’espace vital italien en Europe méditerranéenne et en Afrique. Marco Antonsich et Andrea Perrone ont montré comment la notion avait été pensée dans la revue Geopolitica. Parue entre 1939 et fin 1942, co-dirigée par Giorgio Roletto et Ernesto Massi (il était lié au milieu de l’ISPI), elle regroupait des géographes et politologues milanais et triestins. Ils défendaient, comme les membres des instituts et revues cités plus haut, l’idée d’un fascisme universel et révolutionnaire, désireux de bâtir un nouvel ordre en Méditerranée et en Afrique, et firent de leurs publications des lieux d’élaboration du projet d’espace vital56. Ils concevaient l’existence d’une unité de la Méditerranée dont l’Italie, centre géopolitique de l’ensemble méditerranéen, devait prendre la tête. Cette unité était moins une donnée géographique que le fruit d’une « volonté politique » : c’était à l’Italie guidée par un fascisme impérialiste qu’il revenait de la forger57.
29L’ « espace vital » italien, pensé en fonction de l’alliance avec l’Allemagne nazie avec qui étaient réparties les zones d’influence, devait s’apparenter à un ensemble fondé sur la race et composé de trois cercles : le noyau central composé de la race dominatrice fasciste source d’une nouvelle civilisation ; un deuxième cercle comprenant les territoires de l’Europe méditerranéenne qui auraient été aux mains d’États semi-autonomes, ethniquement homogènes et dépendants de l’autorité centrale ; un troisième cercle aurait compris les colonies africaines. La dimension raciale de l’édifice aurait établi une hiérarchie dominée par les Italiens, suivis des Européens tandis que les peuples autochtones africains, et les juifs, auraient été ravalés au rang de sujets.
- 58 Davide Rodogno, « Le nouvel ordre fasciste en Méditerranée… », art. cit.
- 59 Michael Burleigh et Wolfgang Wippermann, The Racial State. Germany, 1933-1945, Cambridge (Mass.), (...)
- 60 MacGregor Knox, « Il fascismo e la politica estera italiana », dans Richard J. B. Bosworth et Ser (...)
30Manifestement, ces constructions présentent des similitudes idéologiques avec les projets expansionnistes du nazisme : même conception de l’histoire comme lutte permanente entre les peuples, création d’un espace vital pour les peuples victorieux, projet de bâtir un empire fondé sur la hiérarchie des races, l’anticommunisme et l’antisémitisme. Toutefois, l’antisémitisme fasciste, y compris à partir du tournant de 1938, ne fut jamais aussi central que dans l’idéologie et le régime nazis. La constitution de l’espace vital nazi passait par une élimination de leurs habitants des territoires conquis et leur remplacement par des colons de race germanique. Le projet d’Empire fasciste consistait, lui, à redessiner les frontières des territoires conquis en Europe de manière à en faire des entités homogènes sur le plan ethnique. Les populations n’auraient pas été éliminées tant qu’elles acceptaient la soumission à Rome58. Ainsi, le projet nazi se distingue par sa radicalité et la centralité de l’idéologie raciste comme le soulignent aussi Michael Burleigh et Wolfgang Wippermann59, ou encore MacGregor Knox60.
- 61 Les travaux sont nombreux. Pour une mise au point historiographique sur la question, voir Jan Nel (...)
- 62 Emilio Gentile, Fascismo di pietra, Rome-Bari, Laterza, 2007 ; voir aussi id., La religion fascis (...)
31Il n’en demeure pas moins que ces constructions théoriques s’inscrivent en nette rupture avec la période de l’Italie libérale. Ceci d’autant que leurs promoteurs ont convoqué la référence à la Rome antique pour renforcer leur légitimité. L’usage par le fascisme du passé romain a commencé à être étudié progressivement à partir du tournant des années 1970-1980 lorsque des historiens, à la suite des travaux de De Felice, se sont intéressés à la culture et à l’idéologie pour saisir l’épaisseur et la signification du consensus que le régime avait construit autour de lui. Le mythe de la « Troisième Rome » fasciste fut un mythe puissant par lequel le régime fasciste érigeait le passé romain, notamment la période impériale, un idéal dont il fallait s’inspirer pour le dépasser en vue de bâtir une nouvelle civilisation fasciste, nouvelle période de grandeur pour l’Italie après des siècles de déclin et de divisions. Des historiens, tant en Italie qu’ailleurs, se sont consacrés à l’étude de l’usage du passé romain dans l’Italie fasciste61. Leurs travaux ont identifié les supports (symboles, langue, etc.) des références à la romanité, ont analysé la place de l’architecture et de l’urbanisme, à Rome notamment, dont les fonctions étaient d’affirmer l’autorité et la puissance de l’État, d’établir une relation directe, quasi mystique, avec les Romains, enfin de matérialiser les mythes, les monuments contribuant à imprégner la conscience des Italiens des mythes fascistes62.
- 63 Samuel Agbamu, « Mare Nostrum : Italy and the Mediterranean of Ancient Rome in the Twentieth and (...)
- 64 Marco Antonsich, « Géopolitique méditerranéenne… », art. cit ; Andrea Perrone, « Mare nostrum e “ (...)
- 65 Deborah Paci, Corsica fatal, Malta baluardo di romanità. L’irredentismo fascista nel mare nostrum (...)
32Ainsi, la romanité a fourni au fascisme un modèle de puissance politique et militaire : le régime a instrumentalisé l’idée d’Empire et, avec elle, celle du Mare Nostrum 63. Source de légitimation de sa politique expansionniste en Méditerranée et moyen de mobilisation des masses autour de ce dessein, la thématique a trouvé une concrétisation avec la proclamation de l’Empire fasciste en mai 1936. Elle a été utilisée par les promoteurs des projets d’espace vital italien en Méditerranée, par exemple par les collaborateurs de Geopolitica 64, et a sous-tendu les ambitions expansionnistes en Tunisie, ou en Corse et à Malte65.
- 66 Stefano Fabei, Una vita per la Palestina, storia del Gran Mufti di Gerusalemme, Milan, Mursia, 20 (...)
33À propos de la politique en direction du monde arabo-musulman, l’avancée des recherches conforte les analyses des historiens mettant en évidence le tournant imprimé à la diplomatie fasciste autour de 1932-1933, une fois la résistance libyenne éliminée : création en 1932 d’une revue, l’Avvenire arabo, de l’Institut d’Orient en 1933, organisation à Rome de la « Semaine des étudiants orientaux » fin 1933, lancement des émissions en arabe de Radio-Bari en 1934. Cette politique fut poursuivie à travers les contacts avec le Mufti de Jérusalem66 et Chekib Arslan, l’appui à la révolte arabe en Palestine de 1937-1939, après que Mussolini eût reçu en Libye, en mars 1937, l’épée de l’islam.
- 67 Ces lois raciales ne furent pas étendues aux Albanais qui, chrétiens ou musulmans, furent considé (...)
- 68 François Dumasy, « Le fascisme est-il un “article d’exportation ? Idéologie et enjeux sociaux du (...)
- 69 Patrick Bernhard, « Behind the Battle Lines : Italian Atrocities and the Persecution of Arabs, Be (...)
34En Libye, le pouvoir fasciste semble avoir imaginé une politique de fascisation d’une partie des colonisés. Là, à la différence du statut de sujets qu’il imposa aux autochtones d’AOI, il accorda à ceux de Libye en décembre 1934 un statut de citoyens libyens. Italo Balbo, nommé gouverneur de Libye en 1934, créa l’année suivante la Gioventù araba del Littorio pour assurer la formation militaire de la jeunesse musulmane, puis l’Association musulmane du Licteur en charge des loisirs et regroupant une élite musulmane qui disposait d’une citoyenneté spéciale. Depuis le rattachement des provinces libyennes au Royaume en janvier 1939, en effet, certains Libyens musulmans avaient obtenu une citoyenneté italienne particulière sans changement du statut personnel. Toutefois, Balbo semble n’avoir envisagé la fascisation des élites libyennes que dans un horizon lointain. Car dans le même temps, en juin 1939, les lois de ségrégation raciale avaient été étendues à la Libye67. Après la mort de Balbo en juin 1940, son successeur à la tête de la Libye mit un terme à cette politique68. Enfin, pendant la guerre, le régime fasciste déploya une politique de répression massive à l’encontre des populations autochtones69. La convergence idéologique entre fascisme et mouvements nationalistes arabo-musulmans semble donc difficile à démontrer.
- 70 Nicola Labanca, « L’amministrazione coloniale fascista. Stato, politica e società », dans Angelo (...)
- 71 Voir aussi de Nicola Labanca, Oltremare. Storia dell’espansione coloniale italiana, Bologne, Il M (...)
35Dans le domaine colonial également, plusieurs historiens défendent l’idée d’une rupture introduite par le fascisme avec la politique coloniale de la monarchie constitutionnelle. Si certains placent le tournant lors de l’institution de l’Empire en mai 1936, d’aucuns le font remonter à 1922. Ainsi, Nicola Labanca parle de rupture structurelle de la politique coloniale du fascisme dès 1922 et affirme que l’Empire fut un des mythes centraux du régime : volonté de réviser le statu quo colonial sur la scène internationale, centralisation croissante et administration directe, recours à la violence et au racisme comme moyens de domination sur les autochtones dès 1922, système de ségrégation raciale70. Ces éléments singularisent la politique coloniale fasciste par rapport à celle de l’Italie libérale, et aussi par rapport à celle des autres puissances coloniales européennes qui fut marquée, à partir des années 1920, dans le cadre d’un new deal colonial, par une tendance au transfert d’une partie des pouvoirs vers les colonies et par un relatif adoucissement des systèmes coloniaux71.
- 72 Voir David Roberts, « Italian Fascism : New Light on the Dark Side », Journal of Contemporary His (...)
- 73 Outre les travaux cités précédemment, voir aussi Nicola Labanca, « Colonial Rule, Colonial Repres (...)
- 74 Outre les travaux de Davide Rodogno, voir Davide Conti, L’occupazione italiana dei Balcani. Crimi (...)
- 75 Daniela Gagliani, Brigate nere. Mussolini e la militarizzazione del Partito fascista repubblicano(...)
- 76 Marie-Anne Matard-Bonucci, Totalitarisme fasciste, Paris, CNRS Éditions, 2018.
36Le fascisme vit dans la seconde guerre mondiale l’opportunité de concrétiser ses projets impérialistes. Le hiatus entre ces ambitions et la faiblesse des moyens militaires et matériels éclata au grand jour. L’espace vital italien en Méditerranée ne connut qu’une réalisation très partielle et de très courte durée. L’inadéquation entre les projets et les moyens conduisit l’Italie fasciste à une issue catastrophique. Toutefois, ceci n’enlève rien des lourdes responsabilités qui incombent au fascisme dans la crise internationale des années 1930 et le déclenchement de la guerre. Depuis les années 1990, les recherches sur la politique extérieure du fascisme, quel que soit le point de vue privilégié entre continuité ou rupture, mettent en lumière les responsabilités de l’Italie mussolinienne dans les tragédies de la période 1930-194572 : guerres de conquête, répressions, système de ségrégation raciale, crimes de masse, exclusion des juifs puis participation à leur persécution, mis en œuvre dans l’univers colonial73, puis dans les pays occupés74 et en Italie même en 1943-194575. Ces actes indiquent, enfin, que la dimension totalitaire du fascisme fut le ressort majeur de sa politique extérieure76.
Notes
1 Voir Elena Aga Rossi, « La politica estera e l’Impero », dans Giovanni Sabbatucci et Vittorio Vidotto (dir.), Storia d’Italia, vol. IV : Guerra e fascismo, 1919-1943, Rome-Bari, Laterza, 1997, p. 245-303.
2 Michele Battini, Peccati di memoria : la mancata Norimberga italiana, Rome-Bari, Laterza, 2003. Voir aussi Filippo Focardi et Lutz Klinkhammer, « The question of Fascist Italy’s war crimes : the construction of a self-acquitting myth (1943-1948) », Journal of Modern Italian Studies, vol. 9, no 3, 2004, p. 330-348. Luca La Rovere, « The Examination of Conscience of the Nation : The Lost Debate About the “Collective Guilt” in Italy, 1943-1945 », Totalitarian Movements and Political Religions, vol. 9, no 2-3, septembre 2008, p. 187-202.
3 Henry Stuart Hughes, « The early diplomacy of Italian fascism, 1922-1932 », dans Gordon A. Craiget et Felix Gilbert (éd.), The diplomats, 1919-1939, Princeton, Princeton University Press, 1953.
4 Alan J. P. Taylor, The origins of Second World War, Londres, Penguin Books, 1962. Un autre historien britannique, Denis Mack Smith, reprenait, plus tard, les mêmes analyses : Le Guerre del Duce, Rome-Bari, Laterza, 1976 ; Mussolini, Londres, Weidenfeld and Nicolson, 1981.
5 Ennio Di Nolfo, Mussolini e la politica estera italiana, 1919-1933, Padoue, CEDAM, 1960.
6 Angelo Del Boca, « Le conseguenze per l’Italia del mancato dibattito sul colonialismo », Studi piacentini, no 5, 1989, p. 33-45.
7 Angelo Del Boca, « Il colonialismo italiano tra miti, rimozioni, negazioni e inadempienze », dans Enzo Collotti (dir.), Fascismo e antifascismo. Rimozioni, revisioni, negazioni, Rome-Bari, Laterza, 2000, p. 325-353.
8 Jean-Louis Miège, L’impérialisme colonial italien de 1870 à nos jours, Paris, SEDES, 1968 (trad. it. Milan, Rizzoli, 1976).
9 Voir notamment Giorgio Rumi, Alle origini della politica estera fascista, Rome-Bari, Laterza, 1968 ; Giampiero Carocci, La politica estera dell’Italia fascista, 1925-1928, Rome-Bari, Laterza, 1969.
10 Giorgio Rochat, Il colonialismo italiano. Documenti, Turin, Loescher, 1973 ; id., « La repressione della resistenza araba in Cirenaïca del 1930-1931 », Il movimento di liberazione in Italia, no 110, 1973, p. 3-39.
11 Renzo De Felice, Mussolini, il Duce, vol. I : Gli anni del consenso (1929-1936), Turin, Einaudi, 1974 ; id., Intervista sul fascismo, Rome-Bari, Laterza, 1975.
12 Voir, à propos de ce facteur idéologique, Juliette Bessis, « Chekib Arslan et le fascisme », dans Les relations entre le Maghreb et le Machrek. Des solidarités anciennes aux réalités nouvelles, Paris - Aix-en-Provence, CNRS-Institut de recherches méditerranéennes-Université de Provence, 1984, p. 128-130 ; Stefano Fabei, Le faisceau, la croix gammée et le croissant [2002], Saint-Genis-Laval, Akribeia, 2006.
13 Malgré l’étude précoce de Renzo De Felice, Storia degli ebrei italiani sotto il fascismo, Turin, Einaudi, 1961.
14 Giorgio Rumi, « “Revisionismo” fascista ed espansione coloniale », Il movimento di liberazione in Italia, vol. 17, no 80, juillet-septembre 1965, p. 37-73 ; id., Alle origini della politica estera…, op. cit.
15 Giampierro Carocci, La politica estera dell’Italia fascista…, op. cit.
16 Alan Cassels, Mussolini’s early diplomacy, Princeton, New Jersey, 1970.
17 MacGregor Knox, Mussolini unleashed, 1939-194. Politics and Strategy in Fascist Italy’s Last War, Cambridge, Cambridge University Press, 1982.
18 Pietro Pastorelli, « La politica estera dalla fine del conflitto etiopico alla seconda guerra mondiale », dans Renzo De Felice (dir.), L’Italia fra tedeschi e alleati : la politica estera italiana e la seconda guerra mondiale, Bologne, Il Mulino, 1973 ; Rosaria Quartararo, Roma tra Londra e Berlino. La politica estera fascista dal 1930 al 1940, Milan, Bonacci, 1980.
19 Jean-Baptiste Duroselle et Enrico Serra (éd.), Italia e Francia dal 1919 al 1939, Milan, ISPI-FrancoAngeli, 1981 ; id. (éd.), Italia e Francia (1939-1945), Milan, ISPI-FrancoAngeli, 1984.
20 Pietro Pastorelli, « La storiografia italiana del dopoguerra sulla politica estera fascista », Storia e Politica, no 4, octobre-décembre 1971, p. 576-614 ; Jens Petersen, « La politica estera del fascismo come problema storiografico », dans Renzo De Felice (dir.), L’Italia fra tedeschi e alleati…, op. cit., p. 661-705.
21 Enzo Collotti, « Fascismo : la politica estera », dans Fabio Levi, Umberto Levra et Nicola Tranfaglia (dir.), Storia d’Italia, vol. I : Il mondo contemporaneo, Florence, La Nuova Italia, 1978.
22 Angelo Del Boca, Gli Italiani in Africa orientale, 4 vol., Rome-Bari, Laterza, 1976-1984 ; id., Le guerre coloniali del fascismo, Rome-Bari, Laterza, 1991 ; id., I gas di Mussolini. Il fascismo e la guerra d’Etiopia, Rome, Editori Riuniti, 1996 ; Giorgio Rochat, Guerre italiane in Libia e in Etiopia. Studi militari, 1921-1939, Paese, Pagus, 1991.
23 Indro Montanelli, éditorialiste au Corriere della Sera, qui combattit en Éthiopie, s’opposa à Del Boca sur la question de l’utilisation des armes chimiques.
24 Giorgio Rochat, « La repressione della resistenza araba… », art. cit. ; Enzo Santarelli, Giorgio Rochat, Romain H. Rainero et Luigi Goglia, Omar al-Mukhtar e la riconquista fascista della Libia, Milan, Marzorati, 1981 ; Angelo Del Boca, Gli Italiani in Libia, 2 vol., Rome-Bari, Laterza, 1986-1988.
25 Luigi Preti, I miti dell’impero e della razza, Rome, Opere Nuove, 1965 ; id., Impero fascista. Africani ed Ebrei, Milan, Mursia, 1968.
26 Luigi Goglia, « Note sul razzismo coloniale fascista », Storia contemporanea, vol. XIX-6, décémbre 1988, p. 1223-1266 ; id., « Sul razzismo coloniale italiano », Materiali di lavoro, no 2-3/1, 1991, p. 92-116.
27 Nicola Labanca, « Il razzismo coloniale italiano », dans Alberto Burgio (dir.), Nel nome della razza : il razzismo nella storia d’Italia, 1870-1945, Bologne, Il Mulino, 2000, p. 145-163.
28 Daniel J. Grange, L’Italie et la Méditerranée (1896-1911). Les fondements d’une politique étrangère, Rome, École française de Rome, 1994, 2 vol.
29 Daniel J. Grange, « Structure et techniques d’une propagande : les émissions arabes de Radio-Bari », Relations internationales, no 2, novembre 1974, p. 165-185 ; id., « La propagande arabe de Radio-Bari (1937-1939) », Relations internationales, no 5, printemps 1976, p. 65-103.
30 Callum A. Mac Donald, « Radio Bari. Italian Wireless Propaganda in the Middle East and British Countermeasures, 1934-1938 », Middle Easter Studies, vol. 13, no 2, mai 1977, p. 195-207.
31 Juliette Bessis, La Méditerranée fasciste. L’Italie mussolinienne et la Tunisie, Paris, Publications de la Sorbonne-Karthala, 1981.
32 Emilio Franzina et Matteo Sanfilippo (dir.), Il fascismo e gli emigrati. La parabola dei Fasci italiani all’estero (1920-1943), Rome-Bari, Laterza, 2003. Voir aussi les travaux de Francesca Cavarocchi, Avanguardie dello spirito. Il fascismo e la propaganda culturale all’estero, Rome, Carocci, 2010 et de Federico Finchelstein, Transatlantic Fascism. Ideology, Violence, and the Sacred in Argentina and Italy, 1919-1945, Durham, Duke University Press, 2010.
33 Juliette Bessis, « Chekib Arslan et les mouvements nationalistes du Maghreb », Revue historique, no 526, avril-juin 1978, p. 467-489.
34 Juliette Bessis, « Chekib Arslan et le fascisme », art. cit., p. 119-135.
35 Il était à la tête d’une délégation permanente à la SDN du Comité syro-palestinien fondé en 1921.
36 Romain H. Rainero, « La politique fasciste à l’égard de l’Afrique du Nord : l’épée de l’Islam et la revendication sur la Tunisie », Revue française d’Histoire d’outre-mer, no 237, 4e trimestre 1977, p. 498-515.
37 « Ebrei e arabi nella politica mediterranea del fascismo », Storia contemporanea, vol. 17, no 6, décembre 1986.
38 Renzo De Felice, Il fascismo e l’Oriente. Arabi, ebrei e indiani nella politica di Mussolini, Bologne, Il Mulino, 1988.
39 Luigi Goglia, Questione palestinese e nazionalismo arabo, Urbino, Argalià, 1980.
40 Romain H. Rainero, La politique arabe de Mussolini pendant la seconde guerre mondiale, Paris, Publisud, 2006.
41 Enrico Galoppini, Il fascismo e l’Islam, Parme, Edizioni All’Insegna del Veltro, 2001.
42 Voir infra les références à ses travaux.
43 Renzo De Felice, Mussolini, il Duce, vol. I : Gli anni del consenso…, op. cit. ; id., Mussolini, il Duce, vol. II : Lo Stato totalitario (1936-1940), Turin, Einaudi, 1981.
44 Dans sa thèse publiée en 1994 (L’Italie et la Méditerranée…, op. cit.), Daniel Grange est parvenu à des conclusions proches.
45 Richard J. B. Bosworth, Italy the Least of the Great Powers, Londres, Cambridge University Press, 1979.
46 Renzo De Felice, « Alcune osservazioni sulla politica estera mussoliniana », dans Renzo De Felice (dir.), L’Italia fra tedeschi e alleati…, op. cit., p. 57-74 ; id., Mussolini, l’alleato, vol. I : L’Italia in guerra (1940-1943), 2 t., Turin, Einaudi, 1990.
47 Voir Olivier Forlin, Le fascisme. Historiographie et enjeux mémoriels, Paris, La Découverte, 2013.
48 Renzo De Felice, Il fascismo e l’Oriente…, op. cit.
49 Luigi Goglia, « Il Mufti e Mussolini : alcuni documenti italiani sui rapporti tra nazionalismo palestinese e fascismo negli anni trenta », Storia contemporanea, no 6, décembre 1986, p. 1201-1253.
50 Enzo Collotti, « Il fascismo nella storiografia. La dimensione europea », dans Angelo Del Boca, Massimo Legnani et Mario G. Rossi (éd.), Il regime fascista. Storia e storiografia, Rome-Bari, Laterza, 1995, p. 17-44 ; id., « L’État totalitaire » (1985), traduction française dans Enzo Traverso, Le Totalitarisme. Le xxe siècle en débat, Paris, Le Seuil, 2001, p. 818-847.
51 Enzo Traverso, Le Totalitarisme…, op. cit. ; id., 1914-1945. La guerre civile européenne, Paris, Hachette, 2007.
52 John F. Coverdale, Italian intervention in the Spanish Civil War, Princeton, Princeton University Press, 1975.
53 Enzo Collotti, « Il fascismo nella storiografia… », art. cit.
54 Javier Rodrigo, « On fascistization : Mussolini’s political project for Franco’s Spain, 1937-1939 », Journal of Modern Italian Studies, no 22-4, 2017, p. 469-487.
55 Angelo Montenegro, « Politica estera e organizzazione del consenso. Note sull’Instituto per gli studi di politica internazionale, 1933-1943 », Studi storici, no 19, 1978, p. 777-817 ; Enrico Decleva, « Politica estera, storia, propaganda : l’ISPI di Milano e la Francia (1934-1943) », dans Jean-Baptiste Duroselle et Enrico Serra (éd.), Italia e Francia 1939-1945, op. cit., p. 294-356 ; Valeria Galimi, « Culture fasciste et droit à la guerre. L’Istituto per gli studi di politica internazionale dans les années trente », Mil neuf cent. Revue d’Histoire intellectuelle, no 23, 2005, p. 167-182.
56 Voir de Marco Antonsich : « La rivista Geopolitica e la sua influenza sulla politica fascista », Limes. Rivista Italiana di Geopolitica, no 4, 1994, p. 269-279 ; « Géopolitique méditerranéenne de l’Italie fasciste », dans Hervé Coutau-Bégarie (dir.), La Pensée Géopolitique Navale, Paris, Institut de Stratégie Comparée, Economica, 1995, p. 163-190 ; « La geopolitica italiana nelle riviste “Geopolitica” », Bollettino della Società Geografica Italiana, no 3, 1997, p. 411-418.
57 Andrea Perrone, « Mare nostrum e “Geopolitica”. Il mito imperiale dei geografi italiani », Diacronie [en ligne], no 25, 2016, document 4. Voir aussi, sur ces projets, les travaux de Stefano Fabei (Le faisceau, la croix gammée…, op. cit.), et ceux de Davide Rodogno, « Les conquérants fascistes et l’espace vital », Relations Internationales, no 110, été 2002, p. 163-180 ; id., Il nuovo ordine mediterraneo. Le politiche d’occupazione dell’Italia fascista in Europa 1940-1943, Turin, Bollati Boringhieri, 2003 ; id., « Le nouvel ordre fasciste en Méditerranée, 1940-1943 : présupposés idéologiques, visions et velléités », Revue d’Histoire moderne et contemporaine, no 55-3, juillet-septembre 2008, p. 138-158.
58 Davide Rodogno, « Le nouvel ordre fasciste en Méditerranée… », art. cit.
59 Michael Burleigh et Wolfgang Wippermann, The Racial State. Germany, 1933-1945, Cambridge (Mass.), Cambridge University Press, 1991.
60 MacGregor Knox, « Il fascismo e la politica estera italiana », dans Richard J. B. Bosworth et Sergio Romano (dir.), La politica estera italiana, 1860-1985, Bologne, Il Mulino, 1991, p. 287-330.
61 Les travaux sont nombreux. Pour une mise au point historiographique sur la question, voir Jan Nelis, « La romanité (“romanità”) fasciste. Bilan des recherches et propositions pour le futur », Latomus. Revue d’Études latines, t. 66-4, octobre-décembre 2007, p. 987-1006 ; voir aussi, de Jan Nelis, le plus récent « Back to the Future. Italian Fascist Representations of the Roman Past », Fascism. Journal of Comparative Fascist Studies, no 3, 2014, p. 1-19 ; voir aussi Barbara Meazzi et Jérémy Guedj (dir.), « La culture fasciste entre latinité et méditerranéité (1880-1940) », Cahiers de la Méditerranée, no 95, décembre 2017.
62 Emilio Gentile, Fascismo di pietra, Rome-Bari, Laterza, 2007 ; voir aussi id., La religion fasciste [1993], Paris, Perrin, 2002, p. 149-156.
63 Samuel Agbamu, « Mare Nostrum : Italy and the Mediterranean of Ancient Rome in the Twentieth and Twenty-First Centuries », Fascism. Journal of Comparative Fascist Studies, no 8, 2019, p. 250-274 ; voir aussi Philippe Foro, « Introduction », dans Alberto Bianco et Philippe Foro (dir.), Idée impériale et impérialisme dans l’Italie fasciste, Toulouse, Collection de l’Écrit, 2003, p. 3-6.
64 Marco Antonsich, « Géopolitique méditerranéenne… », art. cit ; Andrea Perrone, « Mare nostrum e “Geopolitica”. Il mito imperiale… », art. cit.
65 Deborah Paci, Corsica fatal, Malta baluardo di romanità. L’irredentismo fascista nel mare nostrum (1922-1942), Florence, Le Monnier, 2015.
66 Stefano Fabei, Una vita per la Palestina, storia del Gran Mufti di Gerusalemme, Milan, Mursia, 2003. En outre, Stefano Fabei a aussi publié des études sur les rapports entre le fascisme et le nationalisme palestinien (« Il sostegno dell’Italia alla prima intifâda. I rapporti tra fascismo e nazionalismo palestinese negli anni trenta », Studi piacentini, no 35, 2004 ; id., Mussolini e la resistenza palestinese, Milan, Mursia, 2005), et sur l’histoire des collaborations étrangères dont le fascisme bénéficia pendant la guerre mondiale (« Gli arabi nell’esercito italiano », Studi piacentini, no 30, 2001 ; id., La Legione straniera di Mussolini, Milan, Mursia, 2008).
67 Ces lois raciales ne furent pas étendues aux Albanais qui, chrétiens ou musulmans, furent considérés comme appartenant à la race aryenne. L’Albanie, qui ne fut pas officiellement annexée et dont l’indépendance était réaffirmée dans les discours, avait cependant un statut politique de protectorat qui en faisait une province de l’Empire soumise au gouvernement italien.
68 François Dumasy, « Le fascisme est-il un “article d’exportation ? Idéologie et enjeux sociaux du Parti National Fasciste en Libye pendant la colonisation italienne », Revue d’Histoire moderne et contemporaine, no 55-3, juillet-septembre 2008, p. 85-115.
69 Patrick Bernhard, « Behind the Battle Lines : Italian Atrocities and the Persecution of Arabs, Berbers, and Jews in North Africa during World War II », Holocaust and Genocide Studies, vol. 26, no 3, hiver 2012, p. 425-446.
70 Nicola Labanca, « L’amministrazione coloniale fascista. Stato, politica e società », dans Angelo Del Boca, Massimo Legnani et Mario G. Rossi (éd.), Il regime fascista…, op. cit., p. 352-395 ; id., « Il razzismo coloniale italiano », art. cit.
71 Voir aussi de Nicola Labanca, Oltremare. Storia dell’espansione coloniale italiana, Bologne, Il Mulino, 2002.
72 Voir David Roberts, « Italian Fascism : New Light on the Dark Side », Journal of Contemporary History, vol. 44, no 3, juillet 2009, p. 523-533.
73 Outre les travaux cités précédemment, voir aussi Nicola Labanca, « Colonial Rule, Colonial Repression and War Crimes in the Italian Colonies », Journal of Modern Italian Studies, vol. 9, no 3, 2004, p. 300-313 ; Alexander De Grand, « Mussolini’s follies : Fascism in its imperial and racial phase, 1935-1940 », Contemporary European History, vol. 13-2, mai 2004, p. 127-147.
74 Outre les travaux de Davide Rodogno, voir Davide Conti, L’occupazione italiana dei Balcani. Crimini di guerra e mito della « brava gente » (1940-1943), Rome, Odradek, 2008.
75 Daniela Gagliani, Brigate nere. Mussolini e la militarizzazione del Partito fascista repubblicano, Turin, Bollati Boringhieri, 1999 ; Michele Sarfatti, Gli ebrei nell’Italia fascista. Vicende, identità, persecuzione, Turin, Einaudi, 2000 ; Marie-Anne Matard-Bonucci, L’Italie fasciste et la persécution des juifs, Paris, Perrin, 2007 ; Marcello Flores, Simon Levis Sullam, Marie-Anne Matard-Bonucci et Enzo Traverso (dir.), Storia della Shoah in Italia. Vicende, memorie, rappresentazioni, vol. 1 : Le premesse, le persecuzioni, lo sterminio, Turin, UTET, 2010 ; voir notamment les contributions de Marie-Anne Matard-Bonucci, « L’antisemitismo totalitario del fascismo » (p. 140-168) et de Luigi Ganapini, « I persecutori italiani » (p. 454-476).
76 Marie-Anne Matard-Bonucci, Totalitarisme fasciste, Paris, CNRS Éditions, 2018.
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Référence papier
Olivier Forlin, « La politique du fascisme italien en Méditerranée : parcours et débats historiographiques », Cahiers de la Méditerranée, 103 | 2021, 142-157.
Référence électronique
Olivier Forlin, « La politique du fascisme italien en Méditerranée : parcours et débats historiographiques », Cahiers de la Méditerranée [En ligne], 103 | 2021, mis en ligne le 15 juin 2022, consulté le 05 juin 2023. URL : http://journals.openedition.org/cdlm/15059 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cdlm.15059
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