La formation du consensus en droit international des forêts sous le prisme du concept de gestion durable des forêts
Résumés
Le droit international des forêts repose sur un complexe d’instruments de nature et de portée variables. Les tentatives visant à adopter une convention internationale ont systématiquement échoué en raison d’une opposition politique forte entre les pays du Nord et ceux du Sud. Pourtant matériellement, cette branche du droit repose aujourd’hui sur un concept fondateur : « la gestion durable des forêts » (GDF). Cette contribution évalue comment, pourquoi et dans quelles limites un consensus a pu se former sur ce point. Nous verrons que le concept de GDF est le fruit d’une construction scientifico-politique où l’expertise a rapidement été instrumentalisée. Bien qu’il soit fondé sur l’exigence de durabilité (née de l’écologisation de la science forestière) il est consacré comme un concept vague permettant de concilier les positions politiques (avec une faveur accordée aux intérêts économiques). Sa mise en œuvre repose sur des critères et indicateurs scientifiques qui répondent cependant moins à une volonté de connaissance et de protection de la ressource forestière, qu’à des exigences de transparence et de performance devenus les nouveaux dogmes néolibéraux de la gouvernance internationale de l’environnement.
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Mots-clés :
gestion durable des forêts, consensus scientifique, gouvernance internationale, droit international des forêtsKeywords:
sustainable forest management, scientific consensus, multilateral governance, international forest lawPlan
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- 1 Pour plus d’informations et la liste des congrès organisés, v. : https://www.iufro.org/events/cong (...)
- 2 Notons cependant que les déclarations adoptées à l’issue de ces derniers peuvent avoir une certain (...)
- 3 D. Humphreys, Forest Politics. The evolution of international cooperation, Londres, Earthscan Publ (...)
1Le droit international des forêts partage avec le droit international de l’environnement, dont il est une branche, nombreuses de ses spécificités. Pourtant et malgré les enjeux qui y sont associés, il demeure encore aujourd’hui largement méconnu. Les premiers fora internationaux ont commencé à se réunir dès le début du xxe siècle (les congrès mondiaux organisés par l’Union internationale des instituts de recherches forestières (IUFRO) depuis 18931, ou les congrès forestiers mondiaux depuis 1926). Ceux-ci ne sont cependant que des lieux d’échanges techniques entre experts et forestiers et non des instances de négociation2. Au cours des années 1970, un changement survient lorsque l’opinion publique prend conscience de l’ampleur de la déforestation tropicale à la suite de la publication de plusieurs rapports, relayés par les médias et le plaidoyer actif des ONGs3.
- 4 Id. D. Humphreys, Logjam. Deforestation and the crisis of global governance, Londres, Earthscan Pu (...)
- 5 Déclaration de principes, non juridiquement contraignante, mais faisant autorité, pour un consensu (...)
- 6 GIF, Rapport du groupe intergouvernemental spécial sur les forêts sur les travaux de sa quatrième (...)
2La réponse de la communauté internationale a pris la forme d’un Plan d’action forestier tropical (PAFT) adopté au milieu des années 1980, qui s’est néanmoins rapidement révélé inefficace4. À l’approche de la Conférence de Rio de 1992, la nécessité de parvenir à l’adoption d’une convention internationale sur les forêts s’est faite de plus en plus pressante. Cependant, les espoirs ont été de courte durée, car les négociations ont vu émerger une forte opposition entre les pays du Nord et les pays du Sud, ne permettant l’adoption que d’une déclaration non contraignante5. Depuis, divers organes ont été institués au sein de l’Organisation des Nations unies afin de règlementer la question forestière. Deux organes ad hoc tout d’abord, le Groupe et le Forum intergouvernementaux sur les forêts (GIF et FIF) qui ont exercé leurs fonctions de 1995 à 2000, avant que soit institué un nouvel organe (permanent cette fois) : le Forum des Nations unies sur les forêts (FNUF). Néanmoins, face au maintien des oppositions étatiques, ces organes n’ont pu parvenir qu’à l’adoption d’instruments recommandatoires : des propositions d’actions (pour le GIF et le FIF) et un instrument international non contraignant sur les forêts (pour le FNUF)6.
- 7 D. Humphreys, Logjam. Deforestation and the crisis of global governance, op. cit., p. 116 et s.
- 8 Le texte final adopté par le GIF et le FIF comporte à lui seul 270 propositions d’actions.
3Le régime international sur les forêts se fonde sur cet ensemble d’instruments sectoriels non contraignants, mais aussi sur divers traités environnementaux règlementant indirectement l’usage de cette ressource (dont la Convention de Ramsar, CITES, celle de l’UNESCO, et les trois conventions de Rio), ainsi que sur des normes de certification7 d’origines privées. Ce système normatif, constitué d’un complexe d’instruments de nature et de portée variables, se caractérise donc formellement par son hétérogénéité. Matériellement, et malgré le nombre des recommandations formulées (plusieurs centaines)8, une certaine cohérence émerge des instruments forestiers, les textes ultérieurs venant généralement préciser et organiser les précédents. En ce domaine, l’instrument de 2007 fait œuvre utile en structurant les normes internationales en matière forestière autour d’un objectif global, complété par quatre objectifs spécifiques. Les moyens afin d’y parvenir sont précisés par un ensemble de principes et de mesures nationales et internationales devant être mises en œuvre. Sur le plan conceptuel, la « gestion durable des forêts » (GDF) représente le point focal de l’instrument. Elle semble structurer l’ensemble normatif et plus globalement le régime international sur les forêts.
4Dans le contexte d’oppositions politiques décrit, la consécration d’un concept fondateur unique ne peut qu’interroger l’observateur. Cette contribution analysera comment et pourquoi… un consensus s’est formé autour de la GDF et quelles en sont les limites. Nous verrons que ce concept est le produit d’un processus politico-scientifique où la rationalité scientifique a néanmoins été instrumentalisée à des fins politiques. Nous analyserons dans un premier temps la manière dont le consensus s’est formé autour du concept (I), avant d’étudier comment il a perduré au stade de son opérationnalisation (II).
I. La formation du consensus autour du concept de gestion durable des forêts
5Le consensus autour du concept de gestion durable des forêts s’est formé progressivement. La GDF a tout d’abord été consacrée seulement formellement (A), nous pourrions dire comme un leitmotiv, avant d’être progressivement définit dans les années qui ont suivies (B).
A. La consécration formelle du concept de gestion durable des forêts
6L’introduction progressive d’une exigence de durabilité dans le secteur forestier (1) a constitué la base nécessaire à la consécration politique du concept de gestion durable des forêts, intervenue à la fin du xxe siècle (2).
1. L’apparition de l’exigence de durabilité
- 9 L’administrateur et sylviculteur allemand Hans Carl von Carlowitz utilise le terme de « Nachhaltig (...)
- 10 Cela a été mis en évidence par les historiens de la science forestière, v. par ex. : R. Hölzl, « H (...)
- 11 Celles-ci demeurent tournées vers l’amélioration de la production. M. Dupuy, Les cheminements de l (...)
- 12 C. Barthod « La multifonctionnalité des forêts entre discours et pratiques : illusion ou réalité à (...)
7C’est au xviiie siècle9 que l’exigence de durabilité émerge dans la science forestière et qu’elle y occupe une place croissante au travers de la notion de « rendement durable » (« sustainable yield »)10. Cette dernière invite à limiter les prélèvements de bois à un taux n’excédant pas le renouvellement naturel afin de préserver le patrimoine forestier pour les générations futures. Néanmoins, ce concept se fonde sur une approche utilitariste de l’environnement et sur la volonté de maintenir l’exploitation forestière. C’est cette conception qui prédomine jusqu’à la deuxième moitié du xxe siècle, tant au sein des forums d’experts (les congrès mondiaux de l’UIFRO et les congrès forestiers mondiaux) que des recherches forestières11. Il faut attendre les années 1960 pour que la science forestière fasse l’objet d’une « écologisation », qu’elle prenne progressivement en compte la « multifonctionnalité des forêts »12 et que se développent des approches écosystémiques et écophysiologiques. Cette évolution des recherches a eu une influence fondamentale sur la sphère règlementaire.
- 13 CNUEH, Report of the United Nations conference on the human environment, 1972, Doc. NU : A/CONF.48 (...)
- 14 Ibid., Recommandation n° 27.
- 15 Accord international de 1983 sur les bois tropicaux, 8 nov. 1983, RTNU, vol. 1393, art. 1 h).
- 16 L’Accord de 1994 vient ainsi nuancer l’objectif fixé d’expansion du commerce en le limitant aux bo (...)
- 17 D. Humphreys, Forest Politics, op. cit., p. 56-57.
- 18 « Development and conservation of tropical forest resources and the enhancement of their contribut (...)
- 19 Il invite notamment les États à promouvoir la production durable de bois et la gestion durable des (...)
8La Conférence de Stockholm de 1972 marque une première étape. Le plan d’action adopté à l’issue de la Conférence recommande d’améliorer l’état des connaissances scientifiques13, mais aussi de partager celles relatives à la gestion forestière et à la multifonctionnalité des forêts14. Il faut cependant attendre la décennie suivante pour voir l’exigence de durabilité être intégrée au sein d’instruments normatifs. Tout d’abord au sein de l’Accord international sur les bois tropicaux de 1983, qui se fixe pour objectif de promouvoir les politiques nationales d’utilisation durable des forêts tropicales15. Il convient néanmoins de relever qu’à cette époque, l’objectif principal de l’Accord demeurait l’expansion du commerce de bois. Ce n’est qu’au cours de ses révisions successives (en 199416 et 2006) que l’exigence de durabilité y occupera une place croissante et que l’Accord se réorientera vers l’objectif de conservation17. Enfin et surtout, l’exigence de durabilité intègre l’espace normatif dans les années 1980 en raison de la place qui lui est faite au sein du Plan d’action forestier tropical (PAFT). Au-delà de son objectif général18, l’exigence se retrouve au sein de plusieurs des mesures recommandées, et tout particulièrement au sein du 3e Programme d’action sur l’utilisation durable des écosystèmes forestiers19.
2. L’apparition du concept de gestion durable des forêts
- 20 Il convient pour cela de se référer à la version anglaise, la version française a opté pour une tr (...)
- 21 K. Gadow, T. Pukkala, M. Tome (dir.), Sustainable Forest Management, Dordrecht, Springer Netherlan (...)
- 22 OIBT, Décision 1(VII), Projects and Pre-Projects, ITTC(VII)/6. OIBT, Décision 2(VIII), Projects an (...)
- 23 OIBT, Décision 4(VIII), ITTO Guidelines on sustainable forest management, ITTC(VIII)/15/Rev.1. L’o (...)
- 24 Prep. Com., Décision I/14, Combating Deforestation, Doc. NU : A/45/46. Il convient de se référer à (...)
- 25 UICN, Résolution 18.30, Legal Instruments for the Conservation of Forests, 1990.
- 26 Prep. Com., Décision 3/15, Forêts, Doc. NU : A/46/48.
- 27 OIBT, Décision 6(XI), Sustainable forest management I, ITTC(XI)/20.
9Alors que le terme de GDF est absent des instruments internationaux adoptés dans les années 1980, il occupe une place substantielle dans la Déclaration sur les principes forestiers de 199220. C’est donc que le concept a été créé durant l’intervalle, et il convient d’en rechercher les traces. Sur le plan conceptuel, il est évident que la GDF représente une transposition du principe de développement durable au secteur forestier21. Pourtant, si le rapport Brundtland apporte les fondations nécessaires à l’apparition du concept, il n’y fait aucune mention. Le terme de GDF apparait pour la première fois au sein de deux décisions adoptées par l’OIBT en 198922. Cependant, si nous y voyons que des ateliers et des projets sont organisés sur la GDF, la mention du concept ne traduit pas encore l’atteinte d’un consensus politique. Les premières véritables références à la GDF ont été faites parallèlement au sein de divers fora, durant l’année 1990. Le Conseil de l’OIBT adopte le premier, en mai, une décision dans laquelle il définit un objectif et des lignes directrices pour la GDF23. Le comité préparatoire à la Conférence de Rio lui emboîte rapidement le pas avec l’adoption, à l’issue de sa première session substantielle s’étant tenue du 6 au 31 août, de la décision 1/14. La référence faite à la GDF y est cependant limitée puisque le terme n’apparaît qu’une fois au sein de la déclaration, dans la demande qui est faite au Secrétaire général de la Conférence d’élaborer un rapport recensant les efforts entrepris dans la « gestion durable des forêts »24. Enfin, à la fin de l’année 1990, nous voyons que le terme commence à être approprié par d’autres acteurs et notamment par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) dans une résolution dans laquelle elle vient soutenir les négociations internationales en cours sur cette question25. Par la suite, la GDF bénéficie d’une assise grandissante au sein des deux premiers forums. La question forestière fut discutée au sein du groupe de travail I et au cours de la troisième session du comité préparatoire à la Conférence de Rio qui s’est tenue du 12 août au 4 septembre 1991. Cependant, la décision 3/15 adoptée à l’issue de cette session ne comporte pas de mention du terme de GDF26, puisque les négociations se sont focalisées sur un concept concurrent (voir infra). Parallèlement, à la fin de l’année 1991, le Conseil de l’OIBT adopte une première définition du concept de GDF ainsi que des critères et indicateurs, qu’il décide de transmettre aux autres forums internationaux pertinents27.
- 28 La version française mentionne le terme de « gestion, conservation et exploitation écologiquement (...)
- 29 Tel que le révèle l’intitulé de la déclaration, confirmée ici par le préambule en son point b).
- 30 Déclaration de Rio sur les forêts, principes 1 b), 3 a), 7 b), 8 c), 9 a), 12 a) et d), 13 d) et e (...)
- 31 Des oppositions sont apparues à plusieurs reprises au cours des négociations du GIF. Les pays en d (...)
10Bien que la Déclaration sur les principes forestiers de 1992 mobilise le terme de GDF, un autre concept semble prévaloir à l’époque : celui de « gestion, de conservation et de développement durable » des forêts (GCDDF)28. Il représente l’objectif vers lequel tendent l’ensemble des principes affirmés29 et se voit mobilisé par plusieurs d’entre eux30. La GCDDF occupe encore une place substantielle au sein des propositions d’actions du GIF et du FIF, dont le mandat avait été défini sur la base de la Déclaration de 1992, et donc de son vocabulaire. Nous observons au sein des propositions d’actions adoptées en 1997 et 2000 une valse-hésitation sémantique entre les termes de GDF et de CGDDF. Celle-ci témoigne d’une véritable opposition conceptuelle entre les États durant les négociations31.
- 32 En effet, nous pouvons relever 13 occurrences du concept de CGDDF contre 6 de la GDF. Cette compta (...)
- 33 Nous avons comptabilisé au sein du rapport du GIF et du FIF (dans les conclusions et les propositi (...)
- 34 Nous pouvons noter pas moins de 25 occurrences (9 dans le préambule et 16 au sein du dispositif). (...)
11Néanmoins, l’analyse comparative des ocurences de ces termes (Fig. 1a et 1b) révèle que la place du concept de GDF se consolide au cours de cette période. Alors que le concept de GCDDF bénéficie d’une claire préférence au sein de la Déclaration de Rio32 avec une part des occurrences relatives de 70 %, celle-ci va fortement diminuer, passant à environ 20 % en 1997, à 10 % en 200033 et enfin à 0 % en 2007. Ainsi, malgré une utilisation encore hésitante du concept de GDF, un changement fondamental intervient au cours des négociations du GIF. Cependant, celui-ci doit être relativisé lorsqu’on compare les figures 1a et 1b. En effet, l’utilisation du concept de GDF dans la partie normative des textes ne devient véritablement prépondérante que dans les propositions d’action de 2000. Ainsi, le concept de GDF, né au début des années 1990, ne s’est imposé que progressivement au cours des négociations du GIF et plus encore du FIF, avant de devenir un concept fondateur unique au sein de l’instrument de 2007. Une même tendance s’observe au sein de l’OIBT où l’Accord révisé de 2006 mobilise largement le concept de GDF, alors qu’il était absent des versions antérieures du traité34.
B. La définition substantielle du concept de gestion durable des forêts
12La définition du concept de GDF fut progressive et contextuelle. Nous envisagerons la formation du consensus sur la nature du concept (1) avant d’en envisager ses fondements (2).
1. La nature du concept de GDF
- 35 R. Costanza, H. E. Daly, « Toward an ecological economics », Ecological Modelling 1987, 38, 1-2, 1 (...)
- 36 S. Weng, art. cité.
- 37 « Sustainable forest management is the process of managing permanent forest land to achieve one or (...)
- 38 Les méta-analyses bibliométriques confirment que les recherches sur la GDF apparaissent au début d (...)
- 39 Au cours des négociations les États ont fréquemment relevé que le terme de GDF n’était pas clair e (...)
- 40 Le préambule des propositions d’actions révèle explicitement que le concept de GDF fait l’objet d’ (...)
- 41 Déclaration de Rio sur les forêts, principe 2b).
- 42 AGNU, Résolution n° 62/98, § 4.
13Deux visions concurrentes de la GDF apparaissent au début des années 1990. La première s’inscrit dans le développement de l’ecological economics35 et le sillage du concept de « Reduced impact logging »36. C’est la voie empruntée par l’OIBT, où la GDF est définie en 1991 comme un processus de gestion des forêts tourné vers l’exploitation, mais garantissant le maintien des valeurs et de la productivité future des forêts ainsi que l’absence d’effets négatifs37. C’est une seconde vision de la GDF qui est consacrée par les textes onusiens. Résultat d’un processus politique et non scientifique38, le terme de GDF est encore dépourvu, en 1992, de signifié39 et fera l’objet d’une construction progressive au cours des négociations du GIF et du FIF40. La Déclaration de Rio sur les forêts comporte néanmoins les premiers éléments d’une définition fonctionnelle de la GDF41, qui révèlent ses liens avec le concept de développement durable et qui ont été repris dans l’instrument de 2007. Ce dernier définit la GDF comme un « concept dynamique et en évolution, vis[ant] à maintenir et à renforcer les valeurs économiques, sociales et écologiques de tous les types de forêts, pour le bien des générations présentes et futures »42.
- 43 R. Schlaepfer, C. Elliott, « Ecological and Landscape Consideration in Forest Management: the End (...)
- 44 Déclaration de Rio sur les forêts, principe 5 a) et 8 f).
- 45 GIF, Rapport du groupe intergouvernemental spécial sur les forêts sur les travaux de sa quatrième (...)
14Cela nous permet de préciser la nature et la portée juridique du concept de GDF. Il s’agit tout d’abord d’un concept normatif. En effet, bien qu’il illustre un « changement de paradigme »43 (d’écologisation) de la science forestière, sa finalité est prescriptive. Il s’agit par ailleurs d’un concept fonctionnel tourné vers un triple objectif : de maintien des valeurs économiques, sociales et écologiques des forêts. La Déclaration de 1992 identifie un quatrième pilier (culturel) et promeut la protection de l’identité culturelle des populations locales et des forêts à forte valeur culturelle ou spirituelle44. Bien que ce volet ait été précisé au cours des travaux du GIF et du FIF45, il est absent de l’instrument de 2007, et cela tant de la définition de la GDF que des directives formulées.
- 46 C. Perelman, R. Vander Elst, Les notions à contenu variable en droit, Bruxelles, Bruylant, 1984.
- 47 H. Kelsen opère une classification des fonctions normatives qui ne peuvent être que de quatre type (...)
- 48 J. Dellaux, « Future generations », in Law and Development Encyclopedia, Edward Elgar Publishing, (...)
- 49 J. Salmon, « Les notions à contenu variable en droit international public », in C. Perelman, R. V (...)
- 50 R. Kolb, « La sécurité juridique en droit international : aspects théoriques », African Yearboo (...)
15Le flou entourant le concept de GDF affecte sa fonction normative. En effet, le terme de « durabilité » et le concept dans son ensemble peuvent être qualifiés de « notion à contenu variable »46. Ainsi, la GDF ne constitue pas une norme47 ou un principe à proprement parler, mais plutôt un concept ou un méta-principe. Quant à sa nature, la GDF serait alors semblable au concept d’équité intergénérationnelle48, ou de développement durable, dont elle est la transposition. En tant que telle, elle ne prescrit pas un comportement, mais impose le respect d’une exigence de proportionalité dans la satisfaction des intérêts économiques, sociaux et environnementaux, permettant d’évaluer les mesures adoptées. Le flou entourant le concept n’en présente pas moins certains avantages en raison de la flexibilité qu’il ménage aux États au stade de la mise en œuvre. En effet, il a déjà été démontré que l’usage de notions à contenu variable favorise une plus grande adaptabilité de la norme. Il s’avère préférable à l’édiction d’une norme unique afin de règlementer les conduites d’une communauté fortement dissemblable49 et permet une meilleure individualisation de la norme que ne le ferait l’énumération des différents cas50. Parallèlement et face à une forte polarisation des positions politiques, comme c’est le cas en matière forestière, le choix d’un concept vague permet d’atteindre un premier consensus et de définir un objectif commun. Il mobilise de manière utile le biais psychologique du « pied dans la porte » et la logique step-by-step prégnante en droit international de l’environnement. Un premier accord peut ainsi être trouvé autour d’un concept « vague », ce qui permet de reporter aux phases ultérieures la précision plus conflictuelle de son contenu. Cela a permis aux États de s’engager rapidement dans la GDF, malgré la diversité de leurs priorités nationales.
2. Les fondements de la GDF
- 51 M. Rautner, M. Legett, F. Davis, Le petit livre des grands moteurs de déforestation, Oxford, Globa (...)
- 52 H. Geist, E. F. Lambin, « Proximate causes and underlying driving forces of tropical deforestation (...)
- 53 La prise en compte de ces services, initialement limitée à ceux de production, s’est par la suite (...)
- 54 La déclaration de 1992 vient en ce sens préciser le sous-bassement des quatre piliers de la GDF en (...)
16La consécration du concept de GDF repose sur un fondement objectif en raison de la multifonctionnalité des forêts. Ces dernières assurent des services multiples à l’échelle locale et nationale (la sécurité alimentaire, hydrique, énergétique ou sanitaire), mais aussi internationale (la diversité biologique ou la stabilité climatique). Parallèlement, leur exploitation répond à des intérêts économiques et sociaux à ces différentes échelles51. La déforestation apparaît alors comme la manifestation macroscopique d’un complexe de causes directes et indirectes interagissant entre elles52 et variant d’une région à l’autre du monde. Nous comprenons dans ce contexte que la définition d’une modalité de gestion forestière unique à l’echelle mondiale parait inadaptée. Un concept vague, permettant la conciliation ad hoc des intérêts concurrents, lui semble préférable. Ainsi, la prise de conscience progressive de la multifonctionnalité des forêts explique la construction, scientifique de l’exigence de durabilité53 et politique du concept de GDF54.
- 55 La GDF suppose alors d’élaborer des plans forestiers nationaux, de mettre en place un réseau d’air (...)
17Le concept de GDF repose ensuite sur un fondement subjectif (les intérêts des États). Si le contenu de la GDF a pu initialement sembler limité en raison de la variation sémantique, aujourd’hui et rétrospectivement, il peut être vu comme recouvrant l’ensemble des mesures recommandées par les instruments forestiers55. Sa définition a néanmoins été intimement tributaire des intérêts des États.
- 56 ENB, GIF2, op. cit. ENB, GIF3, op. cit. Earth negotiations bulletin, Second session of the intergo (...)
- 57 Id.
- 58 FIF, Rapport du forum intergouvernemental sur les forêts sur sa quatrième session, 2000, 30 a). AG (...)
- 59 Ibid., respectivement § 30 c), et § 6 h).
18Tout d’abord, l’accord formé autour de la GDF n’a pas permis de lever des dissensus profonds tels que celui entourant la question du financement de la GDF. Alors que les pays en développement (G77+Chine) demandaient aux pays développés de fournir un soutien financier additionnel56, ces derniers (notamment les États-Unis) s’y sont systématiquement opposés, en les invitant à mobiliser les fonds disponibles au titre de l’aide publique au développement (APD) et des financements privés57. Le compromis trouvé traduit une simple combinaison des positions contraires. Les instruments forestiers prévoient une augmentation des financements devant provenir en partie de fonds additionnels, mais surtout d’une réorientation des fonds existants au titre de l’APD et de leur meilleure utilisation par les pays en développement58. De même, si les investissements privés sont encouragés, les pays en développement se voient imposer une modification de leur cadre réglementaire afin de favoriser les investissements étrangers59.
- 60 ENB, GIF3, op. cit. Sur la base de la formulation proposée par la Nouvelle-Zélande.
- 61 Les pays en développement étaient favorables à sa promotion et à la levée des barrières tarifaires (...)
- 62 GIF, Rapport du groupe intergouvernemental spécial sur les forêts sur les travaux de sa quatrième (...)
- 63 FIF, Rapport du forum intergouvernemental sur les forêts sur sa quatrième session, 2000, § 41 a). (...)
- 64 Ibid., § 42.
19Parallèlement, nous observons que la formation du consensus sur le contenu de la GDF traduit une conciliation des intérêts où les considérations économiques l’ont parfois emporté sur les enjeux environnementaux. Ce fut le cas tout d’abord sur la question des plantations qui, malgré leurs potentiels effets pervers (pour les populations locales et la biodiversité), ont été reconnues (à l’initiative de certains États) comme un élément de la GDF60. Ce risque s’est aussi matérialisé dans les négociations sur le rôle du commerce international de bois, où l’opposition entre les pays du Nord et du Sud61 a pu être dépassée, mais où le consensus semble avoir été dicté par les intérêts économiques. En effet, les propositions d’actions, après avoir reconnu les potentiels effets positifs du commerce de bois62, l’ont promu dès lors que ses effets négatifs directs sont encadrés63. Le seul point n’ayant pu faire l’objet d’un consensus concerne la libéralisation des échanges64, et donc la protection d’intérêts économiques concurrents.
II. La formation du consensus dans l’opérationnalisation de la GDF
- 65 « A wicked problem, a messy situation », in A. Gough, J. L. Innes and S. Allen, « Development of c (...)
- 66 GIF, Rapport du groupe intergouvernemental spécial sur les forêts sur les travaux de sa quatrième (...)
- 67 Id.
- 68 Id.
- 69 S. Linser, B. Wolfslehner, S. Bridge, D. Grittent, S. Johnson, T. Payn, K. Prins, R. Rasi and G. R(...)
20Le concept de gestion durable des forêts étant appréhendé par les experts forestiers comme un concept flou et « fourre-tout »65, les négociations internationales ont rapidement pointé la nécessité de lui donner un contenu précis au moyen de critères et indicateurs (C&I). Les critères peuvent être définis comme les « éléments essentiels de la gestion durable des forêts »66, ceux dont la conciliation doit être assurée. Ils sont complétés par plusieurs indicateurs quantitatifs et qualitatifs, mesurés périodiquement pour « suivre l’état réel des forêts »67 et de la sorte « évaluer les progrès accomplis en matière de gestion durable »68. Ainsi, les C&I constituent un cadre et un langage communs permettant aux États de s’accorder sur ce que recouvre concrètement la GDF69 et d’en mesurer sa mise en œuvre. Après avoir analysé comment le consensus sur les C&I s’est formé (A), nous envisagerons les fonctions de ces outils, et donc le fondement de ce consensus (B).
A. La formation du consensus sur les C&I
- 70 ENB, GIF2, op. cit. ; ENB, FIF3, op. cit. ; ENB, FIF4, op. cit.
- 71 C’est la position défendue par le G77 et la Chine et le CIFOR. V. ENB, GIF2, op. cit. et ENB, GIF3 (...)
21Dès la fin des années 1990, les États plaident en faveur du développement de C&I harmonisés de la GDF70, et cela même si certaines voix militent pour un processus volontaire et national en considérant qu’un cadre global ne peut qu’être limité en raison de la variabilité des contextes forestiers71. Dans un premier temps, nous retracerons les processus internationaux de formation des C&I (1), puis nous détaillerons l’évolution de leurs contenus (2).
1. Les processus internationaux de formation des C&I
- 72 A. Schober et al., art. cité.
- 73 L’OIBT (1992), le Processus Pan-européen (1994), le Processus de Montréal (1995), la Proposition d (...)
22L’opérationnalisation du concept de GDF au moyen des C&I correspond à une phase d’académisation des recherches sur la GDF et à un recentrement de ces dernières sur des travaux en écologie et en science forestière72. Les années 1990 et 2000 ont vu émerger plusieurs jeux de C&I dans différents processus internationaux. Neuf processus ont participé à cette élaboration progressive73, mais trois apparaissent comme centraux : ceux de l’OIBT, du processus paneuropéen et du processus de Montréal.
- 74 Il a alerté sur la dégradation de l’état des forêts tropicales dont la déforestation menaçait le c (...)
- 75 OIBT, Décision 6/(XI), Sustainable Forest Management I, ITTC (XI)/20, 4 déc. 1991. 7.
- 76 OIBT, Critères de mesure de l’aménagement forestier durable des forêts tropicales, Série OIBT, Pol (...)
23L’OIBT a été pionnière en convoquant en 1991 un comité d’experts chargé d’élaborer des critères d’évaluation de l’aménagement forestier. Sous l’impulsion et sur la base du document rédigé par le professeur et expert Duncan Poore74, ce comité a adopté un projet de texte largement repris par le Conseil de l’OIBT qui a mis au point, la même année, un premier ensemble de C&I pour la GDF75. Ceux-ci ont fait l’objet d’une publication et d’une large diffusion l’année suivante76. Depuis, ces critères et indicateurs ont été précisés et révisés à plusieurs reprises (1998, 2005 et 2016). La spécificité des C&I de l’OIBT tient à la double échelle de leur définition : nationale et celle de « l’Unité d’aménagement forestier ».
- 77 La Russie, la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada, le Me (...)
24Forts de cette expérience, et suite à l’appel lancé en faveur du développement de C&I, les douze États77 du processus de Montréal ont initié en 1994 une discussion qui a abouti en 1995 à l’adoption de C&I pour les forêts tempérées et boréales (révisés en 1999, 2009 et 2015). Ceux-ci définissent un système reposant sur sept critères et 54 indicateurs (dans leur dernière version) et venant compléter ceux de l’OIBT, en couvrant d’autres zones forestières. Enfin, au niveau régional (européen) un processus pour la protection des forêts en Europe (dit « processus paneuropéen ») a débuté en 1990, avec pour objectif initial de lutter contre les effets de la pollution atmosphérique sur les forêts. Les membres de gouvernements européens (dont l’UE) se sont réunis au cours de plusieurs conférences ministérielles ayant permis une large participation des différentes parties prenantes, et notamment des ONG. Lors de la deuxième conférence réunie à Helsinki en 1993, les États ont adopté les principes généraux applicables à la gestion durable des forêts et un premier ensemble de C&I a été adopté en 1998, lors de la troisième conférence organisée à Lisbonne. Ceux-ci ont depuis été améliorés et actualisés au cours des réunions ultérieures (en 2003 et 2015). La dernière version actualisée (adoptée en 2015 à Madrid) comporte 6 critères et 45 indicateurs. Ceux-ci se distinguent par leur finalité puisqu’ils constituent la base du système de certification PEFC (Programme de reconnaissance des certifications forestières).
- 78 CICI, The International Conference on Contribution of Criteria and Indicators for Sustainable Fore (...)
- 79 FNUF, Criteria and indicators for sustainable forest management. Report of the Secretary-General, (...)
- 80 Ibid., p. 20 : » La diversité biologique, les produits non-ligneux, les valeurs non marchandes, la (...)
- 81 FNUF, Criteria and indicators for sustainable forest management. Report of the Secretary-General, (...)
- 82 Id.
- 83 Id.
- 84 FAO, Global forest resources assessment 2005-Progress towards sustainable forest management, FAO F (...)
25Ces processus étant conduits en parallèle, ils présentaient des limites potentielles en termes d’efficience et de cohérence. Conscientes de ces problèmes, la FAO et l’OIBT, par l’intermédiaire de réunions d’experts78, ont initié une dynamique d’harmonisation des jeux de C&I. L’objectif était de favoriser l’échange d’informations79, de mutualiser les expertises et outils développés, d’améliorer certains critères80, mais aussi d’apporter un soutien technique et financier aux pays du Sud afin de renforcer leurs capacités de monitoring81. C’est sur la base de ces discussions qu’une liste de sept éléments thématiques a été établie par ces deux organisations et présentée en 2004 au FNUF82. Ceux-ci ont fait l’objet d’un consensus quasi automatique, puisque le Forum les a adoptés comme cadre de référence pour la GDF et a invité les États à les prendre en considération pour l’élaboration des C&I nationaux, dans sa résolution adoptée à l’issue de la conférence83 et deux ans plus tard au sein de l’instrument forestier. Ceux-ci constituent aussi depuis 2005 la base des évaluations des ressources forestières mondiales réalisées par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)84.
- 85 FNUF, Criteria and indicators for sustainable forest management. Report of the Secretary-General, (...)
- 86 Le processus pan-européen ne compte que 6 critères, car le thème 7 (cadre institutionnel) est inté (...)
26Le cadre final adopté au sein de l’instrument forestier de 2007 repose sur sept éléments correspondant aux services assurés par les forêts et promus par la GDF : 1) étendue des ressources forestières ; 2) diversité biologique des forêts ; 3) santé et vitalité des forêts ; 4) fonctions productives des ressources forestières ; 5) fonctions de protection des ressources forestières ; 6) fonctions socio-économiques des forêts ; 7) cadre juridique, politique et institutionnel. Il convient cependant de noter qu’harmonisation ne signifie pas uniformisation. En effet, même si un cadre commun est défini, les C&I adoptés au sein des différents processus demeurent mobilisables, et s’avèrent d’ailleurs souvent plus adaptés aux spécificités forestières régionales85. Ainsi, les C&I des trois processus internationaux couvrent ces sept éléments86, mais maintiennent certaines spécificités que nous allons envisager.
2. L’évolution du contenu des C&I
- 87 G. H. Stankey, « The Pursuit of Sustainability: Joining Science and Public Choice », The George Wr (...)
- 88 B. Holvoet and B. Muys, « Sustainable forest management worldwide: a comparative assessment of sta (...)
- 89 Id.
- 90 La diversité biologique est absente des propositions de 1991, mais elle devient un critère du seco (...)
- 91 Au sein de la révision de 2005 : ITTO, Revised ITTO criteria and indicators for the sustainable ma (...)
- 92 La révision de 2009 ajoute, notamment, le « revenu des services environnementaux basés sur les for (...)
- 93 H. Bredif, « Référentiels de durabilité forestière : l’universalité en question », Natures, Scienc (...)
- 94 Parmi les indicateurs adoptés, l’on retrouve la mesure de l’acidité des sols, de la pollution atmo (...)
- 95 Forest Europe, Conference Proceedings. 7th Forest EUROPE Ministerial Conference and FOREST Europe (...)
27Si, en raison de leur finalité, nous aurions pu espérer que les C&I auraient été définis de manière objective à l’issue d’un processus scientifique, ils semblent davantage être le résultat d’une construction sociopolitique87 influencée par les intérêts étatiques, tant au niveau national qu’international. En effet, nous constatons initialement une divergence importante entre les pays du Nord et ceux du Sud88. Les C&I des premiers accordaient plus d’importance aux fonctions écologiques et environnementales, tandis que ceux des seconds incluaient davantage de variables socio-économiques et socioculturelles, comme la participation des communautés locales, la lutte contre la pauvreté et la préservation des savoirs traditionnels89. Au niveau international, les C&I ont été influencés par le contexte propre à chacun des processus, leurs finalités et leurs équilibres politiques internes. Ainsi, les C&I adoptés par l’OIBT se focalisent dans un premier temps sur la production durable de bois dans les forêts naturelles90. Ils ont néanmoins progressivement intégré de nouvelles composantes sous le volet institutionnel (planification et certification forestières) et des services socio-économiques (reconnaissance des savoirs traditionnels)91. La même tendance s’observe au sein du processus de Montréal, avec une amélioration continue de l’évaluation des services socio-économiques92. Enfin, le processus paneuropéen fait d’abord « la part belle à une conception scientifique et écologique des forêts »93 focalisée sur la lutte contre la pollution94 qui représentait son objectif initial. Néanmoins, les services environnementaux évalués ont été progressivement étendus et incluent aujourd’hui95 des indicateurs sur la déforestation, l’afforestation et la fragmentation des couverts forestiers. De leur côté, les indicateurs relatifs aux services socio-économiques étaient déjà présents au sein de la première version des C&I, bien que principalement orientés vers la performance économique du secteur forestier.
- 96 FNUF, Criteria and indicators for sustainable forest management, op. cit.
- 97 Cet objectif a été plusieurs fois mentionné dans les conférences d’harmonisation. Les révisions de (...)
- 98 Comme le monitoring des oiseaux communs forestiers pour le processus paneuropéen, Forest Europe, C (...)
- 99 Au sein des C&I de : l’OIBT (2016), du processus paneuropéen (2015), et du processus de Montréal ( (...)
- 100 Pour l’OIBT, on peut citer l’indicateur 3.3 : « résilience des forêts et adaptation au changement (...)
- 101 Pour le processus paneuropéen, les indicateurs « production du bois-énergie », « changement des es (...)
28La tendance mise en évidence dans la formation des C&I fait écho à une évolution plus globale du droit international de l’environnement et à l’intégration croissante des enjeux liés à la pauvreté. Les C&I ont en effet été pensés comme un outil itératif s’adaptant à l’évolution des connaissances et des enjeux96. La place croissante occupée par certaines questions environnementales sectorielles sur la scène internationale a alors aussi influencé leur évolution. Cela s’est tout d’abord traduit par un effort d’amélioration des indicateurs de biodiversité forestière97 et d’harmonisation avec les standards de la Convention sur la diversité biologique (CDB)98. De même, nous voyons que les dernières révisions opérées révèlent une intégration croissante des questions liées aux changements climatiques99 (avec la création de nouveaux indicateurs100 et la révision d’anciens101) dans l’optique de proposer un cadre d’évaluation de la durabilité forestière en accord avec les impératifs de la Convention-cadre sur les changements climatiques.
B. Le fondement du consensus sur les C&I
- 102 A. Desrosieres, Pour une sociologie historique de la quantification. L’argument statistique I, Pre (...)
29Les C&I de la gestion durable des forêts présentent un double statut, caractéristique de tout indicateur : descriptif et prescriptif102. Nous verrons que, sous le premier aspect, l’apport de la GDF et des C&I a largement été favorable à une meilleure connaissance de l’état des forêts (1). Cette finalité semble néanmoins largement instrumentalisée par la seconde (la dimension prescriptive) et une logique de gouvernance de l’environnement présentant de nombreux risques (2).
1. La portée des C&I sur la connaissance de l’état des forêts
- 103 En 2013, 25 pays européens ont développé leurs C&I nationaux de gestion durable des forêts cf. T. (...)
- 104 C’est le cas de nombreux pays européens. E. Rametsteiner and P. Mayer, « Sustainable Forest Manage (...)
- 105 C’est le cas, par exemple, du Canada dont les indicateurs de durabilité sont largement inspirés du (...)
- 106 L’Inventaire forestier national français, par exemple, produit périodiquement des rapports sur les (...)
- 107 C’est pour cette raison que la question du transfert de technologie entre les pays du Nord et ceux (...)
30Les C&I ont largement été mobilisés par les États dans le suivi de la ressource et la définition des politiques forestières nationales. C’est le cas des pays impliqués au sein des processus internationaux mentionnés, qui ont développé des jeux de C&I nationaux103 et incorporé la GDF dans leurs corpus législatifs104. Cette influence se manifeste particulièrement au sein des inventaires forestiers nationaux, dont les indicateurs sont largement inspirés ou mobilisent directement ceux définis internationalement105. En conséquence on observe, sous l’influence des C&I, une diversification des informations produites par les inventaires. En effet, alors qu’ils étaient initialement focalisés sur l’évaluation et la cartographie de la ressource forestière en bois, ils intègrent aujourd’hui en sus des variables tournées vers l’évaluation de la biodiversité106 ou du carbone stocké. Nous pouvons noter une tendance plus faible au sein des pays du Sud, mais qui tient bien plus à une insuffisance de leurs capacités de suivi107.
- 108 C. Vidal, I. Alberdi, J. Redmond, M. Vestman, a. Lanz, K. Schadauer, « The role of European Nation (...)
- 109 FAO, Évaluation des ressources forestières mondiales 2015. Comment les forêts de la planète change (...)
- 110 (Collaborative Forest Resources Questionnaire). Fruit de la collaboration entre l’OIBT, le process (...)
31L’usage d’un cadre commun de C&I comme socle à la définition de systèmes nationaux favorise la constitution d’une connaissance harmonisée des forêts, tout en s’adaptant aux contextes locaux. Cependant l’usage par les inventaires nationaux de standards et de protocoles de récoltes variables nuit à la comparabilité des résultats. C’est afin de limiter ces risques que divers projets d’harmonisations de ces protocoles ont été initiés à l’échelle européenne et au sein du processus de Montréal108. L’évaluation des ressources forestières mondiales, produite en 2015 par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)109, s’inscrit dans la même tendance. Réalisée grâce au Questionnaire concerté sur les ressources forestières (CRFQ)110, elle a produit des informations globales de durabilité forestière pour 104 pays représentant 88 % des surfaces forestières mondiales.
2. L’instrumentalisation des C&I à l’échelle internationale
- 111 National Science and Technology Council, Integrating the Nation’s environmental monitoring and res (...)
32Le consensus atteint autour des C&I, et donc de la GDF, est caractéristique de l’évolution connue par la gouvernance internationale de l’environnement. La structure du droit international fondée sur la souveraineté et l’absence d’intérêt politique à adopter une réglementation environnementale s’est opposée à l’adoption de normes contraignantes pouvant être sanctionnées. Dès lors, la production de normes est aujourd’hui moins fondée sur une logique juridique que managériale. Le monitoring environnemental développé à partir des années 1990111, et occupant aujourd’hui une place centrale dans les régimes du climat et de la biodiversité au travers des procédures de MRV (Measuring, Reporting, Verification), y assume les fonctions de contrôle.
- 112 L. Elgert, « Global governance and sustainability indicators: the politics of expert knowledge », (...)
- 113 E. Turnhout, K. Neves and E. De Lijster, « ‘Measurementality’ in biodiversity governance: knowledg (...)
- 114 Id.
- 115 Constat formulé sur d’autres questions dans le domaine forestier : J. Foyer, A. Viard-Cretat, V. B(...)
- 116 H. Bredif et P. Arnould, « Évaluer n’est pas gérer. Considérations pour rompre le pouvoir des crit (...)
33Les C&I de la GDF sont le fruit de cette rationalité managériale112, où la prise de décisions en matière environnementale doit répondre aux intérêts économiques et où la « mesurabilité »113 devient une finalité primordiale. L’évaluation représente la clef de voûte de l’efficience des politiques et des décisions environnementales114 et la transparence des informations une valeur centrale dont la pertinence n’est pas débattue. Les C&I contribuent alors à « la pénétration d’un imaginaire néolibéral dans les institutions nationales et internationales »115, reposant sur le principe de régulation par le marché. L’importance aujourd’hui de la certification forestière dans les voies de mise en œuvre de la GDF n’est qu’une des illustrations de la prévalence des services économiques sur les dimensions environnementales116. L’évolution globale de la gouvernance environnementale et la prégnance de la rationalité managériale expliquent donc le consensus formé autour des C&I dans l’opérationnalisation de la GDF, mais révèlent aussi par là même les risques de voir ces instruments favoriser la soumission de l’environnement à une logique mercantile.
- 117 Pour une illustration plus globale de ces risques : V. Devictor and B. Bensaude-Vincent, « From ec (...)
- 118 H. Bredif, op. cit.
- 119 Id.
- 120 Id.
- 121 L’étude menée par Hervé Brédif et Paul Arnould sur les représentations et les intérêts des acteurs (...)
- 122 Id., les auteurs notent par ailleurs qu’aucun indicateur de gestion durable ne concerne la qualité (...)
- 123 Des constats similaires ont été faits concernant les évaluations quantitatives mondiales de la bio (...)
- 124 H. Bredif, op. cit.
34Parallèlement, l’approche top-down de laquelle procèdent les C&I risque d’escamoter les réalités socio-écologiques locales117. En effet, s’ils ont permis aux États de se mettre d’accord sur un cadre et un langage communs (la « logique du contenu fiable et universel »)118, cette approche « technico-administrative »119 montre ses limites quand elle est appliquée dans des contextes forestiers locaux. Les C&I présupposent l’idée d’une conception universelle de la durabilité forestière qui « garantirait des forêts intrinsèquement bien gérées »120, isolant la problématique forestière d’autres dynamiques (agricoles, urbaines) et s’avérant inopérante pour gérer localement certains massifs forestiers121. La gestion, à distinguer de l’évaluation dont procède la logique des C&I, est une démarche de mise en discussion et de coordination des intérêts des acteurs du territoire pour s’adapter aux besoins de ces derniers122. L’approche des C&I peut alors être interprétée comme une traduction du développement durable s’avérant contradictoire à ses principes fondamentaux123. En effet, l’« approche technocratique et managériale de la durabilité »124 (top-bottom) semble incompatible avec une construction démocratique du développement durable (bottom-up).
35La trajectoire du concept de Gestion durable des forêts (GDF) illustre les enchevêtrements des dynamiques politiques, juridiques et scientifiques dans la gouvernance de l’environnement. Il est vrai que l’intérêt croissant porté à la multifonctionnalité des forêts par une science forestière s’écologisant représentait le substrat nécessaire à la prise de conscience et au développement de l’exigence de durabilité fondant la GDF. Cependant, ce concept semble bien davantage être le fruit d’un consensus politique autour d’un concept vague qui, à l’instar de celui de développement durable (dont il est la traduction forestière), permet de concilier la diversité des intérêts étatiques, avec en pratique une prévalence du pilier économique. Consacrée comme un concept flou, la GDF devait être précisée au moyen de critères et d’indicateurs au cours d’un processus devant faire la part belle aux experts et aux parties prenantes au niveau local. Le résultat atteint révèle bien au contraire un façonnement déterminé par le jeu des intérêts au niveau national et international. Cela s’explique en partie par les forces en présence depuis plusieurs années dans les arènes internationales et la volonté de définir un cadre de transparence fondé sur une conception néolibérale de l’environnement. L’évaluation de la durabilité forestière (dimension descriptive) apparaît ainsi partielle et partiale. Elle se voit par ailleurs instrumentalisée et traduite en norme de référence (dimension normative et prescriptive) au détriment d’une approche territoriale, intersectorielle, prenant en compte les dynamiques socio-écologiques locales.
Notes
1 Pour plus d’informations et la liste des congrès organisés, v. : https://www.iufro.org/events/congresses/
2 Notons cependant que les déclarations adoptées à l’issue de ces derniers peuvent avoir une certaine influence politique puisqu’elles sont transmises à la FAO, qui peut l’approuver au sein d’une résolution.
3 D. Humphreys, Forest Politics. The evolution of international cooperation, Londres, Earthscan Publication Limited, 1996, p. 18-20 ; M.-C. Smouts, Forêts tropicales jungle internationale. Les revers d’une écopolitique mondiale, Paris, Presses de Sciences-Po, 2001.
4 Id. D. Humphreys, Logjam. Deforestation and the crisis of global governance, Londres, Earthscan Publication Limited, 2006, p. 30.
5 Déclaration de principes, non juridiquement contraignante, mais faisant autorité, pour un consensus mondial sur la gestion, la conservation et l’exploitation écologiquement viable de tous les types de forêts, 1992. [Déclaration de Rio sur les forêts].
6 GIF, Rapport du groupe intergouvernemental spécial sur les forêts sur les travaux de sa quatrième session, 1997, Doc. NU : E/CN.17/1997/12. FIF, Rapport du forum intergouvernemental sur les forêts sur sa quatrième session, 2000, Doc. NU : E/CN.17/IFF/2000/14. AGNU, Résolution n° 62/98, Instrument juridiquement non contraignant concernant tous les types de forêts, 2007.
7 D. Humphreys, Logjam. Deforestation and the crisis of global governance, op. cit., p. 116 et s.
8 Le texte final adopté par le GIF et le FIF comporte à lui seul 270 propositions d’actions.
9 L’administrateur et sylviculteur allemand Hans Carl von Carlowitz utilise le terme de « Nachhaltigkeit » pour la première fois dans son traité Sylvicultura oeconomica de 1713.
10 Cela a été mis en évidence par les historiens de la science forestière, v. par ex. : R. Hölzl, « Historicizing Sustainability : German Scientific Forestry in the Eighteenth and Nineteenth Centuries », Science as Culture 2010, 19(4), p. 431-460.
11 Celles-ci demeurent tournées vers l’amélioration de la production. M. Dupuy, Les cheminements de l’écologie en Europe. Une histoire de la diffusion de l’écologie au prisme de la forêt 1880-1980, Paris, L’Harmattan, 2004.
12 C. Barthod « La multifonctionnalité des forêts entre discours et pratiques : illusion ou réalité à assumer », Revue forestière française 2015, 67(4), p. 293-319.
13 CNUEH, Report of the United Nations conference on the human environment, 1972, Doc. NU : A/CONF.48/14/Rev.1, Recommandation n° 24 à 28.
14 Ibid., Recommandation n° 27.
15 Accord international de 1983 sur les bois tropicaux, 8 nov. 1983, RTNU, vol. 1393, art. 1 h).
16 L’Accord de 1994 vient ainsi nuancer l’objectif fixé d’expansion du commerce en le limitant aux bois « provenant de sources durables ». Accord international de 1994 sur les bois tropicaux, 26 janv. 1994, RTNU, vol. 1955, art. 1 e) et i).
17 D. Humphreys, Forest Politics, op. cit., p. 56-57.
18 « Development and conservation of tropical forest resources and the enhancement of their contribution to human welfare ». FAO, Tropical Forestry Action Plan, 1985, sect. 1.4. Celui-ci serait aujourd’hui probablement formulé à l’aide du concept de GDF.
19 Il invite notamment les États à promouvoir la production durable de bois et la gestion durable des écosystèmes naturels. Ibid., chap. V, sect. 1.4 et 4.1.
20 Il convient pour cela de se référer à la version anglaise, la version française a opté pour une traduction contestable de la SFM au moyen des termes de « gestion écologiquement viable des forêts » ou de « gestion rationnelle ».
21 K. Gadow, T. Pukkala, M. Tome (dir.), Sustainable Forest Management, Dordrecht, Springer Netherlands, 2000 ; S. Weng, « One hundred faces of sustainable forest management », Forest Policy and Economics 2004, n° 6, p. 205-213.
22 OIBT, Décision 1(VII), Projects and Pre-Projects, ITTC(VII)/6. OIBT, Décision 2(VIII), Projects and Pre-Projects, ITTC(VIII)/13/Rev.1.
23 OIBT, Décision 4(VIII), ITTO Guidelines on sustainable forest management, ITTC(VIII)/15/Rev.1. L’objectif fixé visait à parvenir à un commerce de bois issu de forêts gérées durablement à l’horizon de l’année 2000.
24 Prep. Com., Décision I/14, Combating Deforestation, Doc. NU : A/45/46. Il convient de se référer à la version anglaise, la traduction française mobilisant de manière critiquable le terme de « gestion viable des forêts ».
25 UICN, Résolution 18.30, Legal Instruments for the Conservation of Forests, 1990.
26 Prep. Com., Décision 3/15, Forêts, Doc. NU : A/46/48.
27 OIBT, Décision 6(XI), Sustainable forest management I, ITTC(XI)/20.
28 La version française mentionne le terme de « gestion, conservation et exploitation écologiquement viable », traduction contestable de la version anglaise : « management, conservation and sustainable development ».
29 Tel que le révèle l’intitulé de la déclaration, confirmée ici par le préambule en son point b).
30 Déclaration de Rio sur les forêts, principes 1 b), 3 a), 7 b), 8 c), 9 a), 12 a) et d), 13 d) et e).
31 Des oppositions sont apparues à plusieurs reprises au cours des négociations du GIF. Les pays en développement (notamment le G77+Chine et l’inde) souhaitaient remplacer le terme de GDF par celui de GCDDF, alors que les États-Unis souhaitaient que soit utilisé le terme de GDF. V. : Earth negotiations bulletin, Report of the second meeting of the CSD intergovernmental panel on forests, 13(14), 1996 [ENB, GIF2]. Earth negotiations bulletin, Report of the third meeting of the CSD intergovernmental panel on forests, 13(25), 1996 [ENB, GIF3]. Cela se traduit aussi par la présence au sein de plusieurs dispositions des textes de négociation des deux termes entre guillemets, comme autant d’alternatives.
32 En effet, nous pouvons relever 13 occurrences du concept de CGDDF contre 6 de la GDF. Cette comptabilisation inclus les termes associés (par exemple « conservation and sustainable developpement » pour la CGDDF : principe 12 b)).
33 Nous avons comptabilisé au sein du rapport du GIF et du FIF (dans les conclusions et les propositions d’actions) respectivement 91 et 100 occurrences du terme GDF et 25 et 12 du terme CGDDF.
34 Nous pouvons noter pas moins de 25 occurrences (9 dans le préambule et 16 au sein du dispositif). La GDF est intégrée au sein de l’objectif général de l’accord, mais aussi au sein de plusieurs des objectifs spécifiques.
35 R. Costanza, H. E. Daly, « Toward an ecological economics », Ecological Modelling 1987, 38, 1-2, 1-7. C’est par exemple en 1989 qu’est créée l’International Society For Ecological Economics et qu’est fondée sa revue : Ecological Economics. A. Mol, Globalization and Environmental Reform. The Ecological Modernization and the Global Economy, MIT Press, 2001.
36 S. Weng, art. cité.
37 « Sustainable forest management is the process of managing permanent forest land to achieve one or more clearly specified objective of management with regard to the production of a continuous flow of desired forest products and services without undue reduction of its inherent values and future productivity and without undue undesirable effects on physical and social environment ». OIBT, Décision 6(XI), Sustainable Forest Management I, ITTC(XI)/20, 1991.
38 Les méta-analyses bibliométriques confirment que les recherches sur la GDF apparaissent au début des années 1990 et se développent à la fin de la décennie. A. Schober, N. Simunovic, A. Darabant, T. Stern, « Identifying sustainable forest management research narratives: a text mining approach », Journal of Sustainable Forestry 2018, 36(6), p. 537-554.
39 Au cours des négociations les États ont fréquemment relevé que le terme de GDF n’était pas clair et qu’il fallait le préciser. V. not. : ENB, GIF2, op. cit. Earth negotiations bulletin, Report of the fourth meeting of the CSD intergovernmental panel on forests, 13(34), 1997.
40 Le préambule des propositions d’actions révèle explicitement que le concept de GDF fait l’objet d’une construction progressive en notant que les travaux du GIF ont permis de mieux comprendre ce qu’elle. V. : GIF, Rapport du groupe intergouvernemental spécial sur les forêts sur les travaux de sa quatrième session, 1997, § 7 c).
41 Déclaration de Rio sur les forêts, principe 2b).
42 AGNU, Résolution n° 62/98, § 4.
43 R. Schlaepfer, C. Elliott, « Ecological and Landscape Consideration in Forest Management: the End of Forestry ? », in K. Von Gadow, T. Pukkala and M. Tomé, Sustainable Forest Management, Kluwer Academic Publishers, 2000, p. 1-68.
44 Déclaration de Rio sur les forêts, principe 5 a) et 8 f).
45 GIF, Rapport du groupe intergouvernemental spécial sur les forêts sur les travaux de sa quatrième session, 1997. Dans les dispositions relatives aux plans forestiers nationaux (§ 8 et § 40 d)), aux politiques de plantations (§ 22 et § 58 b) ii)), au suivi des forêts (§ 40 n), ou à la recherche (§ 80, 99 et 104 a). FIF, Rapport du forum intergouvernemental sur les forêts sur sa quatrième session, 2000 : Dans les dispositions relatives aux plantations (§ 64 g), aux zones protégées (§ 89), à la gestion des forêts fragiles (§ 124), à la sensibilisation (§ 129 d).
46 C. Perelman, R. Vander Elst, Les notions à contenu variable en droit, Bruxelles, Bruylant, 1984.
47 H. Kelsen opère une classification des fonctions normatives qui ne peuvent être que de quatre types : commander, habiliter, permettre, abroger. H. Kelsen, Théorie Générale des normes [Trad. O. Beaud, F. Malkani], Paris, PUF, 1996, p. 3.
48 J. Dellaux, « Future generations », in Law and Development Encyclopedia, Edward Elgar Publishing, 2021, p. 91-94.
49 J. Salmon, « Les notions à contenu variable en droit international public », in C. Perelman, R. Vander Elst, (dir.), Les notions à contenu variable en droit, Bruxelles, Bruylant, 1984, p. 265.
50 R. Kolb, « La sécurité juridique en droit international : aspects théoriques », African Yearbook of international law 2001, vol. 9, p. 103-142.
51 M. Rautner, M. Legett, F. Davis, Le petit livre des grands moteurs de déforestation, Oxford, Global Canopy Programme, 2013.
52 H. Geist, E. F. Lambin, « Proximate causes and underlying driving forces of tropical deforestation », BioScience 2002, vol. 52, p. 143-150.
53 La prise en compte de ces services, initialement limitée à ceux de production, s’est par la suite étendue à d’autres services (de prévention des risques, liés au tourisme, ou aux aspects culturels et spirituels). C. Barthod, op. cit.
54 La déclaration de 1992 vient en ce sens préciser le sous-bassement des quatre piliers de la GDF en mentionnant les divers besoins satisfaits par les produits et services forestiers. Déclaration de Rio sur les forêts, principe 2 b).
55 La GDF suppose alors d’élaborer des plans forestiers nationaux, de mettre en place un réseau d’aire protégée, d’imposer l’évaluation environnementale des projets, d’impliquer la société civile et les populations locales dans ces derniers, et de renforcer les connaissances sur l’état des forêts. Parallèlement, elle impose à la communauté internationale de soutenir, financièrement et techniquement, ces activités.
56 ENB, GIF2, op. cit. ENB, GIF3, op. cit. Earth negotiations bulletin, Second session of the intergovernmental forum on forests, 13(45), 1998 [ENB, FIF2].
57 Id.
58 FIF, Rapport du forum intergouvernemental sur les forêts sur sa quatrième session, 2000, 30 a). AGNU, Résolution n° 62/98, § 7 a, b, c).
59 Ibid., respectivement § 30 c), et § 6 h).
60 ENB, GIF3, op. cit. Sur la base de la formulation proposée par la Nouvelle-Zélande.
61 Les pays en développement étaient favorables à sa promotion et à la levée des barrières tarifaires (le G77+Chine), et les pays développés y étaient opposés (USA, UE, Canada). Cette opposition s’est manifestée au cours des sessions des organes successivement chargés des négociations. ENB, GIF2, op. cit. ENB, FIF2, op. cit. Earth negotiations bulletin, Summary of the second session of the United nations forum on forests, 13(94), 2002.
62 GIF, Rapport du groupe intergouvernemental spécial sur les forêts sur les travaux de sa quatrième session, 1997, Doc. NU : E/CN.17/1997/12, § 116.
63 FIF, Rapport du forum intergouvernemental sur les forêts sur sa quatrième session, 2000, § 41 a). AGNU, Résolution n° 62/98, § 7 g).
64 Ibid., § 42.
65 « A wicked problem, a messy situation », in A. Gough, J. L. Innes and S. Allen, « Development of common indicators of sustainable forest management », Ecological Indicators 2008, 8, p. 425.
66 GIF, Rapport du groupe intergouvernemental spécial sur les forêts sur les travaux de sa quatrième session, 1997, § 106.
67 Id.
68 Id.
69 S. Linser, B. Wolfslehner, S. Bridge, D. Grittent, S. Johnson, T. Payn, K. Prins, R. Rasi and G. Robertson, « 25 Years of Criteria and Indicators for Sustainable Forest Management: How Intergovernmental C&I Processes Have Made a Difference », Forests 2018, 9, p. 578.
70 ENB, GIF2, op. cit. ; ENB, FIF3, op. cit. ; ENB, FIF4, op. cit.
71 C’est la position défendue par le G77 et la Chine et le CIFOR. V. ENB, GIF2, op. cit. et ENB, GIF3, op. cit.
72 A. Schober et al., art. cité.
73 L’OIBT (1992), le Processus Pan-européen (1994), le Processus de Montréal (1995), la Proposition de Tarapoto (1995), le Processus de la zone sèche d’Afrique (1995), l’Organisation Africaine du Bois (1996), le Processus du Proche-Orient (1996), le Processus de Lepaterique pour l’Amérique Centrale (1997) et l’Initiative régionale pour les forêts sèches d’Asie (1999)
74 Il a alerté sur la dégradation de l’état des forêts tropicales dont la déforestation menaçait le commerce du bois et les autres services environnementaux. D. Poore, « The sustainable management of natural forests: the issues », in D. Poore, P. Burgess, J. Palmer, S. Peitbergen and T. Synott (Eds), No Timber Without Tree: Sustainability in Tropical Forests, Earthscan Publications, 1989, p. 1-27.
75 OIBT, Décision 6/(XI), Sustainable Forest Management I, ITTC (XI)/20, 4 déc. 1991. 7.
76 OIBT, Critères de mesure de l’aménagement forestier durable des forêts tropicales, Série OIBT, Politique forestière n° 3, 1992.
77 La Russie, la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada, le Mexique, les États-Unis, le Chili, l’Uruguay et l’Argentine.
78 CICI, The International Conference on Contribution of Criteria and Indicators for Sustainable Forest Management: The Way Forward, vol. 2, Guatemala City, February 3-7, 2003 ; FAO and ITTO, The Expert Consultation on Criteria and Indicators for Sustainable Forest Management, Cebu City, March 2-4, 2004.
79 FNUF, Criteria and indicators for sustainable forest management. Report of the Secretary-General, March 3, 2004. Notamment entre la Convention pour la diversité biologique, la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, l’IUFRO ou la Convention des Nations unies sur la lutte contre la déforestation.
80 Ibid., p. 20 : » La diversité biologique, les produits non-ligneux, les valeurs non marchandes, la conservation des sols et de l’eau, la séquestration du carbone et les aspects sociaux et culturels ».
81 FNUF, Criteria and indicators for sustainable forest management. Report of the Secretary-General, March 3, 2004.
82 Id.
83 Id.
84 FAO, Global forest resources assessment 2005-Progress towards sustainable forest management, FAO Forestry paper 147, 2006.
85 FNUF, Criteria and indicators for sustainable forest management. Report of the Secretary-General, March 3, 2004.
86 Le processus pan-européen ne compte que 6 critères, car le thème 7 (cadre institutionnel) est intégré dans les 6 autres critères.
87 G. H. Stankey, « The Pursuit of Sustainability: Joining Science and Public Choice », The George Wright Forum 1995, 12(3), p. 11-18.
88 B. Holvoet and B. Muys, « Sustainable forest management worldwide: a comparative assessment of standards », International Forestry Review 2004, 6(2), p. 99-122.
89 Id.
90 La diversité biologique est absente des propositions de 1991, mais elle devient un critère du second jeu. V. ITTO, Criteria and Indicators for Sustainable Management of Natural Forests, ITTO Policy Development Series n° 7, 1998.
91 Au sein de la révision de 2005 : ITTO, Revised ITTO criteria and indicators for the sustainable management of tropical forests including reporting format, ITTO Policy Development Series n° 15.
92 La révision de 2009 ajoute, notamment, le « revenu des services environnementaux basés sur les forêts » et un indicateur qualitatif assez vague : « l’importance des forêts pour la population ». V. The Montreal Process, Criteria and Indicators for the Conservation and Sustainable Management of Temperate and Boreal Forests, 4th Edition, October 2009.
93 H. Bredif, « Référentiels de durabilité forestière : l’universalité en question », Natures, Sciences, Sociétés 2008, 16, p. 214. Cette remarque est faite concernant le deuxième jeu de C&I (de 2003).
94 Parmi les indicateurs adoptés, l’on retrouve la mesure de l’acidité des sols, de la pollution atmosphérique et des défoliations. Forest Europe, Third Ministerial Conference on the Protection of Forests in Europe, Lisbon, June 2-4, 1998, Annex 1.
95 Forest Europe, Conference Proceedings. 7th Forest EUROPE Ministerial Conference and FOREST Europe Extraordinary Ministerial Conference, 20-21 October, Madrid, 2015.
96 FNUF, Criteria and indicators for sustainable forest management, op. cit.
97 Cet objectif a été plusieurs fois mentionné dans les conférences d’harmonisation. Les révisions de 2005 (OIBT) et 2009 (Processus de Montréal) comportent plus d’indicateurs de diversité biologique que les précédentes.
98 Comme le monitoring des oiseaux communs forestiers pour le processus paneuropéen, Forest Europe, Conference Proceedings. 7th Forest EUROPE Ministerial Conference and FOREST Europe ExtraordinaryMinisterial Conference, 20-21 October, Madrid, 2015.
99 Au sein des C&I de : l’OIBT (2016), du processus paneuropéen (2015), et du processus de Montréal (2015)
100 Pour l’OIBT, on peut citer l’indicateur 3.3 : « résilience des forêts et adaptation au changement climatique » ou la mention du mécanisme REDD+ dans les critères institutionnels de mise en place de la GDF (v. OIBT, op. cit., 2016). Pour le processus paneuropéen, les indicateurs 2.5 (« dégradation des paysages forestiers ») et 4.7 (« fragmentation des surfaces forestières ») visent le calcul de la réduction des gaz à effet de serre (afforestation et déforestation – UTCATF), v. Forest Europe, op. cit., 2016.
101 Pour le processus paneuropéen, les indicateurs « production du bois-énergie », « changement des essences forestières », « dégradations forestières » et « événements climatiques extrêmes » concernent la production d’informations sur les effets du changement climatique et l’adaptation à ce dernier.
102 A. Desrosieres, Pour une sociologie historique de la quantification. L’argument statistique I, Presses de l’École des Mines, 2008.
103 En 2013, 25 pays européens ont développé leurs C&I nationaux de gestion durable des forêts cf. T. Baycheva, H. Inhaizer, M. Lier, K. Prins and B. Wolfslehner, Implementing Criteria and Indicators for Sustainable Forest Management in Europe, EFI, 2013, p. 46. V. aussi les contributions nationales aux processus paneuropéen : [http://www.ci-sfm.org/virtual-library/country-reports.html] et processus de Montréal [https://montrealprocess.org/Resources/Country_Reports/index.shtml].
104 C’est le cas de nombreux pays européens. E. Rametsteiner and P. Mayer, « Sustainable Forest Management and Pan : European Forest Policy », Ecological Bulletins 2004, 51, p. 51-57.
105 C’est le cas, par exemple, du Canada dont les indicateurs de durabilité sont largement inspirés du Processus de Montréal (v. Service Canadien des Forêts, L’état des forêts au Canada, rapport 2014, 2014). Pour le processus paneuropéen, on peut citer la Finlande (v. J. Parviainen and S. Vastilla, State of Finland’s Forest 2011. Based on the criteria and indicators of sustainable forest management, Ministry of Agriculture and Forestry and Finnish Forest Research Institute, 2011). Le Brésil et le Togo, par exemple, utilisent les C&I de l’OIBT pour leurs rapports (cf. ITTO, Uses and Impacts of Criteria and Indicators for Sustainable Forest Management at the Field/FMU Level and Other Operational Levels, ITTC-JC(XLVI)/2, October 5 2012).
106 L’Inventaire forestier national français, par exemple, produit périodiquement des rapports sur les indicateurs de gestion durable des forêts françaises, intégrant des indicateurs d’évaluation de la diversité biologique, comme le bois mort, ou des valeurs spirituelles et culturelles (label « forêt d’exception » de l’ONF). V. MAAF IGN, Indicateurs de gestion durable des forêts françaises métropolitaines, édition 2015, Résultats, Maaf-IGN, 2016.
107 C’est pour cette raison que la question du transfert de technologie entre les pays du Nord et ceux du Sud avait été débattue dans les arènes internationales.
108 C. Vidal, I. Alberdi, J. Redmond, M. Vestman, a. Lanz, K. Schadauer, « The role of European National Forest Inventories for international forestry reporting », Annals of Forest Science 2016, 73(4), p. 793-806.
109 FAO, Évaluation des ressources forestières mondiales 2015. Comment les forêts de la planète changent-elles ?, 2e éd., FAO, 2016.
110 (Collaborative Forest Resources Questionnaire). Fruit de la collaboration entre l’OIBT, le processus paneuropéen, le processus de Montréal et la CNUE, il vise l’harmonisation des définitions et des données forestières produites nationalement par les États.
111 National Science and Technology Council, Integrating the Nation’s environmental monitoring and research networks and programs: a proposed framework, March 1997.
112 L. Elgert, « Global governance and sustainability indicators: the politics of expert knowledge », in F. Fischer, D. Torgerson, A. Durnova and M. Orsini (dir.), Handbook of Critical Policy Studies, Elgar, 2016, p. 341-357.
113 E. Turnhout, K. Neves and E. De Lijster, « ‘Measurementality’ in biodiversity governance: knowledge, transparency, and the Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services (IPBES) », Environment and Planning A 2014, 46, p. 581-597.
114 Id.
115 Constat formulé sur d’autres questions dans le domaine forestier : J. Foyer, A. Viard-Cretat, V. Boisvert, « Néolibéraliser sans marchandiser ? La bioprospection et les mécanismes de REDD dans l’économie de la promesse », in D. Compagnon et E. Rodary (dir.), Les politiques de biodiversité, Paris, Presses de Sciences-Po, 2017, p. 225-249.
116 H. Bredif et P. Arnould, « Évaluer n’est pas gérer. Considérations pour rompre le pouvoir des critères et des indicateurs », Revue forestière française 2004, 56(5), p. 485-502 ; M. Leroy, G. Derroire, J. Vende, T. Lemenager, La gestion durable des forêts tropicales. De l’analyse critique du concept à l’évaluation environnementale des dispositifs de gestion, AFD, A Savoir, 18 mai 2013.
117 Pour une illustration plus globale de ces risques : V. Devictor and B. Bensaude-Vincent, « From ecological records to big data: the invention of global biodiversity », History and Philosophy of the Life Sciences 2016, 38(4), p. 13.
118 H. Bredif, op. cit.
119 Id.
120 Id.
121 L’étude menée par Hervé Brédif et Paul Arnould sur les représentations et les intérêts des acteurs du territoire de Belledonne-Grésivaudan (forestiers, représentants politiques et associations) concernant l’aménagement forestier montre l’impossibilité de définir des cadres de gestion durable sans prendre en compte les dynamiques territoriales et économiques externes au secteur forestier (agriculture de montagne fragilisée, tourisme en forêt des habitants de la métropole grenobloise). H. Bredif, P. Arnould, op. cit.
122 Id., les auteurs notent par ailleurs qu’aucun indicateur de gestion durable ne concerne la qualité des discussions entre les acteurs, ou leurs capacités à négocier les devenirs du territoire.
123 Des constats similaires ont été faits concernant les évaluations quantitatives mondiales de la biodiversité qui appauvriraient notre compréhension de cette notion. V. E. Turnhout et al., op. cit.
124 H. Bredif, op. cit.
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Titre | Fig. 1a – Ocurrence relative des concepts concurents de GDF et de GCDDF. |
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Titre | Fig. 1b – Ocurrence relative des concepts au sein des parties normatives. |
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Pour citer cet article
Référence papier
Julien Dellaux et Antoine Dolez, « La formation du consensus en droit international des forêts sous le prisme du concept de gestion durable des forêts », Cahiers Droit, Sciences & Technologies, 12 | 2021, 77-96.
Référence électronique
Julien Dellaux et Antoine Dolez, « La formation du consensus en droit international des forêts sous le prisme du concept de gestion durable des forêts », Cahiers Droit, Sciences & Technologies [En ligne], 12 | 2021, mis en ligne le 07 mai 2021, consulté le 24 septembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/cdst/3468 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cdst.3468
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