1Les Cahiers : Vous présidez l’OFIS depuis avril 2021 ; pouvez-vous rappeler l’origine et les missions de cette institution, ainsi que la façon dont l’institution s’articule avec les référents à l’intégrité scientifique des universités et organismes de recherche ?

2Stéphanie Ruphy : L’OFIS a été créé en 2017, conformément à l’une des recommandations formulées par Pierre Corvol, de l’Académie des sciences, dans son rapport sur l’intégrité scientifique remis l’année précédente à Thierry Mandon, alors secrétaire d’État à l’Enseignement supérieur et à la Recherche. En France, ce « rapport Corvol » marque une étape dans le développement d’une politique nationale en faveur de l’intégrité scientifique. L’heure n’étant pas à la multiplication des autorités administratives ou publiques indépendantes, le choix a alors été fait de créer l’OFIS au sein d’une de ces autorités déjà existantes, le HCÉRES. La loi de programmation de la recherche (LPR) a récemment renforcé la légitimité institutionnelle de l’OFIS en confiant de nouvelles missions au HCÉRES en matière d’intégrité scientifique, que l’OFIS est chargé de mettre en œuvre. L’OFIS a ainsi pour mission de définir une politique nationale de l’intégrité scientifique et de favoriser la mutualisation des pratiques des établissements dans le domaine. Il assure également une mission de représentation de la France au sein de différents réseaux et instances aux échelles européenne et internationale.

5La LPR et son décret d’application du 3 décembre 2021 ont significativement clarifié le paysage institutionnel. L’OFIS est désormais l’organe qui met en œuvre les missions nationales en matière d’intégrité scientifique confiées par la loi à l’autorité publique indépendante qu’est devenu le HCÉRES au 1^er janvier 2022. Le décret précise les obligations à la charge des établissements contribuant au service public de la recherche, parmi lesquelles celle de nommer un référent ou une référente à l’intégrité scientifique et de lui assurer les moyens d’exercer ses missions, que le décret explicite.

6La LPR marque ainsi le passage en France de dispositifs relevant du « droit mou » (signature de chartes), auxquels chacun était libre d’adhérer, à l’existence d’un référentiel à caractère légal valable pour l’ensemble de la communauté. La loi a également consacré le choix qui avait été fait en France de faire reposer les responsabilités en matière d’intégrité scientifique exclusivement sur les établissements : ce sont eux qui, par la loi, sont chargés de créer les conditions du respect des exigences de l’intégrité scientifique, depuis des actions de formation et de sensibilisation jusqu’à l’instruction d’éventuels manquements.

7Les rôles et prérogatives des uns et des autres sont donc distincts et complémentaires. L’OFIS n’a pas vocation à prendre en charge l’instruction d’un signalement d’un éventuel manquement à l’intégrité scientifique : seul le référent nommé par l’établissement concerné peut le faire. Quant aux décisions relatives aux suites à donner à une instruction (qualification d’un manquement, sanctions, accompagnement, réhabilitation, etc.), en France, seul le chef d’établissement est habilité à les prendre. L’OFIS est alors dans un rôle d’accompagnement de ces acteurs, avec par exemple le partage de vade-mecum, de recommandations, afin d’harmoniser les pratiques, ou encore des actions de formation des référents. Nous interagissons d’ailleurs avec ces derniers en permanence, via notamment le RESINT, réseau informel qui regroupe une bonne partie des RIS.

9Les Cahiers : L’OFIS a organisé en juin dernier au Collège de France un colloque consacré à la prise de parole des chercheurs dans l’espace public ; en quoi s’agit-il d’une question d’intégrité scientifique ? Qu’est-il ressorti de cette journée ? 

10Stéphanie Ruphy : Une hypothèse de travail lors de la préparation de ce colloque était que les questions d’intégrité ne s’arrêtent pas aux portes du laboratoire puisqu’elles doivent concerner toutes les dimensions du métier de chercheur aujourd’hui. Or, être chercheur, de nos jours, peut vouloir dire passer une partie non négligeable de son temps à transmettre de l’information scientifique, à participer à des débats, que ce soit sur un plateau de télévision, en tweetant, ou en répondant aux sollicitations de journalistes, de décideurs publics, ou de citoyens. Cette visibilité publique des chercheurs s’est accrue pendant la pandémie de Covid-19 et les questionnements sur les bonnes pratiques en matière de prise de parole se sont intensifiés. Dans le cadre de sa mission d’animation et de prospective, l’OFIS a donc souhaité s’interroger sur la pertinence de règles ou de dispositifs d’autorégulation par les communautés scientifiques en matière d’expression publique.

13Stéphanie Ruphy : Ce serment a intégré la LPR par l’adoption d’un amendement au Sénat. C’est donc la représentation nationale qui en a pris l’initiative, même si l’idée d’un serment avait déjà été défendue dès les années 1990 dans le monde académique, notamment par Michel Serres et Pierre Léna. À la demande du MESR, l’OFIS a contribué à la rédaction du texte du serment, en collaboration avec l’Académie des sciences.

14La motivation avancée par le législateur, que je reprends bien volontiers à mon compte, était de renforcer à la fois la solennité des soutenances de thèse et l’appropriation par le jeune docteur des enjeux de l’intégrité scientifique. Un autre argument avancé en faveur du serment est qu’il sera opposable : le docteur, quel que soit le poste qu’il occupe, pourra invoquer sa prestation de serment pour refuser de mener des actions en tension avec les exigences de l’intégrité scientifique. Bien sûr, une prestation de serment ne va pas résoudre tous les problèmes en matière d’intégrité scientifique. Mais ce texte permettra, plus largement, de valoriser la méthode scientifique et un rapport intègre au savoir, notamment dans la prise de décision, et ceci quelle que soit la poursuite de carrière professionnelle du jeune docteur.

15L’instauration d’un tel serment n’a pas manqué d’attirer l’attention d’autres pays, car la France est le premier pays au monde à le rendre obligatoire pour tous par la loi.