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L’ère du numérique conduit-elle à l’émergence de nouveaux acteurs et formes de souveraineté ?

Christian Byk
p. 171-192

Texte intégral

1Chercheur associé à l’ISJPS (Paris1-CNRS 8103), Secrétaire général, Association internationale droit, éthique et science. L'association constitue un réseau international de réflexion et d'échanges dans le domaine de la bioéthique et de l'éthique des sciences ; elle publie un trimestriel bilingue, le Journal international de bioéthique et d'éthique des sciences (https://eska-publishing.com).

2La souveraineté,comme le mot souverain, est dérivée du latin super et désigne ce qui est supérieur, plus haut, suprême. La souveraineté renvoie donc au pouvoir suprême et à celui qui le détient, le souverain. Cette notion désigne ainsi la nature particulière d’un pouvoir, qui se veut être au-dessus de tous les autres.

  • 1 J.-Ph. Derosier, « Qu’est-ce que la souveraineté ? Pistes pour cerner-ou non-la souveraineté », F (...)

3C’est sans doute le dénominateur commun qui unit la diversité des acceptions de la notion de souveraineté à travers l'Histoire. En effet, circonscrite au seul droit, « la souveraineté peut être ainsi nationale, populaire, divine, royale ; il peut s’agir de la souveraineté de l’État, des États dans l’État ; de la souveraineté interne, externe, territoriale, internationale et, bien sûr, de la souveraineté européenne ; de la souveraineté du peuple, du roi, du Parlement, ou même de la souveraineté du droit, voire de droit(s) de souveraineté »1.

  • 2 O. Beaud, « Chapitre I. La loy, acte moderne de souveraineté », in O. Beaud (dir.), La puissance (...)

4Le droit et la science politique nous montrent que cette source première du pouvoir politique est aussi une source première des règles qui organisent, à travers l’Histoire, la société et lui confère ses éléments constitutifs, sa Constitution2.

5Pourtant, d’autres champs disciplinaires nous parlent également de souveraineté – la pandémie de Covid-19 nous a fait prendre conscience de l’importance de la souveraineté industrielle mais nous connaissions déjà les déclinaisons de la souveraineté militaire ou de la souveraineté alimentaire. D’où la question : d’autres types de souverainetés peuvent-ils concurrencer, voire mettre en péril cette dimension politique et juridique de l’organisation sociale ?

6Une telle question n’est pas nouvelle. La dimension divine et sacrée, puis nationale ou populaire, du pouvoir détenu par le souverain, a longtemps été l’un des deux visages de la souveraineté. En effet, l’économie, disons même le pouvoir de l’argent, a souvent eu une influence bien réelle sur les décisions politiques. Toutefois, l’activité économique et les valeurs sur lesquelles elle s’appuie n’ont jamais totalement remplacé la sphère des normes juridiques et politiques car l’activité économique n’a pas pour objet premier la production de normes d’une telle nature.

7L’ère du numérique nous fait-elle à cet égard entrer dans une nouvelle étape de notre Histoire ?

  • 3 Nous employons cette appellation par facilité mais les géants du numérique ne sont pas que des en (...)

8Parce ce qu’elle a donné naissance à des acteurs économiquement puissants (les GAFAM3) et capables de nous faire entrer dans une autre aventure économique qui induit d’importantes transformations sociales, il est logique de nous interroger sur ce point. L’action de ces nouveaux acteurs va-t-elle conduire à une emprise sur nos sociétés susceptible de bouleverser le bon ordonnancement des règles émanant des acteurs de la souveraineté politique ? Menacent-ils dès lors notre perception et nos pratiques de la souveraineté ? Deux questions importent à cet égard : peut-on considérer ces nouveaux acteurs, sortes de « nouveaux maîtres du monde », comme des souverains potentiels ? (I). Et, comment leur souveraineté émergente est-elle susceptible de coexister avec celle des détenteurs actuels de la souveraineté politique ? (II)

Les « nouveaux maîtres du monde », nouveaux acteurs de la souveraineté politique ?

9Suffit-il de voir les entreprises leaders de l’essor du numérique, qui envahit notre quotidien, reconnues pour leur puissance, leur capacité d’inventivité et d’adaptation et le poids de leur capitalisation boursière pour en conclure qu’elles seraient capables de gouverner non seulement l’économie mondiale mais un monde globalisé ?

  • 4 « Google concentre à lui seul plus de 90 % des requêtes sur internet dans le monde. YouTube, le d (...)

10Sont-elles réellement une menace pour les États et l'exercice de la souveraineté politique ? Cela suppose, nous semble-t-il, de savoir si la maîtrise des nouvelles économies numériques4 (A) constitue un facteur qui prédispose à avoir un projet politique (B).

Les GAFAM et la maîtrise de la nouvelle économie

11L’abus de position dominante est une évidence à laquelle s’ajoute un enjeu politique bien plus déstabilisateur pour l’organisation sociale. En effet, il n’est pas certain que le démantèlement des géants du numérique contribuerait à faire cesser les conséquences néfastes d’une société déjà « contaminée » par les usages du numérique.

L’abus de position dominante : une évidence

  • 5 O. Feiertag, « Entre la nation et le marché : une histoire mondiale des grands monopoles », Quest (...)

12Historiquement, la formation de monopoles ou de quasi-monopoles n’est pas le fait exclusif des industries développant de nouvelles technologies (ces monopoles existent dans d’autres domaines tels que le pétrole ou le tabac). « Ce phénomène a des racines historiques profondes. Les connaître permet de mieux saisir les débats actuels concernant la régulation de l’activité de ces géants de l’Internet ainsi que les évolutions du droit de la concurrence »5. Il semble toutefois que, par leur nature et leur organisation industrielle et commerciale, la tendance monopolistique, notamment dans l’économie numérique, s’y trouve accentuée.

13À cet égard, les grandes sociétés du numérique disposent de plusieurs atouts. En premier lieu, leur pouvoir sur le marché est accentué par « l’effet réseau »6 de sorte que « les GAFAM, [...] constituant les nœuds autour desquels une grande partie du commerce et des interactions sociales aujourd’hui s’organisent [...] deviennent capables d’attirer vers leur écosystème un nombre encore plus grand d'utilisateurs et donc de capter la quasi-totalité du marché »7. Leur puissance financière est, en outre, un atout parlant : en moins de vingt ans, la capitalisation des jeunes pousses que furent les GAFAM représentait en juin 2020 plus de 1 000 milliards de dollars pour chacun, soit un total pour les cinq GAFAM supérieur au PIB du Japon (le 3e au Monde) !8 Par ailleurs, ils tirent aussi leur force de droits de propriété industrielle et intellectuelle, certains ajouteraient même de la captation du droit des autres9.

  • 10 E. Renaud-Chouraqui et V. le Bert, « GAFAM : quelles sont les tendances pour 2022 ? », Haas avoca (...)
  • 11 R. Radu, « Chapter 4 : Privatization and Globalization of the Internet », in R. Radu, Negotiating (...)
  • 12 F. Braudel, La dynamique du capitalisme, Paris, Arthaud, 1985.
  • 13 N. Smyrnaios, « L’effet GAFAM : stratégies et logiques de l’oligopole de l’internet », Communicat (...)

14Enfin, « la transition numérique, exacerbée par la crise sanitaire, semble continuer de profiter aux GAFAM »10. En effet, ce processus, qui a pris son essor grâce à une économie globalisée et dérégulée et qui a conduit à la privatisation d’un bien commun11, fait écrire à certains auteurs que « contrairement aux discours néolibéraux qui font de la “concurrence libre et non faussée” l’idéal-type du capitalisme, on sait – au moins depuis les travaux de Fernand Braudel12 – que celui-ci est concomitant avec des stratégies d’acteurs qui poursuivent sans cesse la mise en place et la sauvegarde de positions monopolistiques... [et] l’internet constitue aujourd’hui un terrain de déploiement massif de telles stratégies et d’analyser ces dernières sous un prisme critique »13.

Une influence politique démesurée

  • 14 F. Lévêque, « Le monopole et le pouvoir de monopole, Ressources en sciences économiques et social (...)
  • 15 N. Fergusson, La place et la tour. Réseaux, hiérarchies et lutte pour le pouvoir, Paris, Odile Ja (...)
  • 16 L. Carroué, « Une géopolitique des GAFAM », Questions internationales sept.-oct. 2021, Les GAFAM, (...)
  • 17 L. Perez, « GAFAM et usages stratégiques du droit (lawfare) : un jeu à armes légales », Questions (...)
  • 18 J.-P. Hirsch, « La concurrence : discours et pratiques, hier et aujourd’hui », L’Économie politiq (...)

15Qu’avec une stratégie monopolistique, les GAFAM aient une influence politique, celle conférée par le pouvoir de monopole, nul n’en doute14 et l’histoire nous a légué quelque expérience pour y faire face15. Mais, le pouvoir des GAFAM pourrait bien être démesuré en raison même de leur capacité à rénover le capitalisme et à créer une culture de réseaux susceptible de saper l’ordre politique16 comme l’ordre juridique17. En effet, ainsi que le rappelle l’historien, « si l’on peut identifier les choix idéologiques et les positions politiques qui, au moins en Europe, ont convergé dans une “lutte pour la concurrence” [...] une seule chose est sûre : une nouvelle fois, le changement d’échelle des problèmes économiques et sociaux conduit à la remise en cause des règles du jeu et rend nécessaire de combiner à neuf concurrence et démocratie »18.

  • 19 B. Couturier, « Les GAFAM, une menace pour la démocratie », Le tour du monde des idées, France Cu (...)
  • 20 F. Fukuyama, B. Richman, A. Goel, « How to save Democracy from Technology, Ending Big Tech’s Info (...)

16Face à la question « les GAFAM, une menace pour la démocratie ? »19, des politologues tels que Francis Fukuyama lancent un « cri d’alarme » sur les risques que pourrait faire courir, notamment, l’intelligence artificielle (IA). Ils estiment, en effet, qu’« Amazon, Apple, Facebook, Google et Twitter, déjà puissants avant la pandémie de Covid-19, le sont devenus encore plus pendant celle-ci, car une grande partie de la vie quotidienne se déplace en ligne. Aussi pratique que soit leur technologie, l’émergence de ces sociétés dominantes devrait sonner l’alarme, non seulement parce qu’elles détiennent un tel pouvoir économique, mais aussi parce qu’elles exercent un tel contrôle sur la communication politique »20.

  • 21 Franck De Cloquement écrit ainsi : « il est possible de dire [que F. Fukuyama] se trompe au moins (...)

17Des experts de l’intelligence économique vont même au-delà de cette crainte pour affirmer la réalité du risque : « Les géants de la Big Tech représentent une réelle menace pour nos nations occidentales. Car le vrai danger des GAFA n’est pas tant qu’ils trustent le marché de l’information traditionnel, mais qu’ils ébranlent par ce biais le fonctionnement même de nos démocraties »21.

18Laboratoire d’une mutation du capitalisme, les GAFAM ont pu, tant par leur puissance économique et financière que par la nature des activités qu’ils mènent, réaliser une concentration verticale (l’intégration sous un même pouvoir de décision des activités complémentaires de l’Internet) comme horizontale (l’intégration sous un même pouvoir de tous les services en ligne qui assurent la communication interpersonnelle et/ou l’accès aux contenus) de l’oligopole qu’ils contrôlent.

  • 22 L. Devillers, « Désinformation : les armes de l’intelligence artificielle », Pour la Science 2021 (...)
  • 23 Ils sont les ceux qui décident des « règles du jeu » et les appliquent y compris à l’encontre du (...)

19Mais leur rôle de mise en relation des internautes (via les réseaux sociaux) et le poids des informations collectées et diffusées, qui ouvrent, entre autres, des opportunités de désinformation, voire de manipulation de l’opinion22, en font des acteurs essentiels dans la culture et la communication de masse23 mais aussi des « influenceurs » des enjeux sociopolitiques que cette nouvelle donne suscite. On peut dire qu’au minimum, cette influence s’exerce sur « la visibilité des idées et des opinions dans l’espace public » et qu’en tout état de cause, ils ont la capacité de déstabiliser l’ordre politique. Pour autant, les GAFAM ont-ils un projet – une ambition – politique autre que leur développement exponentiel ?

D’une influence politique à l’émergence d’un projet politique

  • 24 T. Berns, Souveraineté, droit, gouvernabilité. Lectures du politique à partir de Bodin, Paris, L (...)

20À titre liminaire, nous prendrons le parti de postuler que « ce qui nous intéresse est […] le fait que la souveraineté se soit imposée comme l’angle sous lequel se pense le politique »24.

21Les GAFAM ont-ils alors une manière de penser le politique susceptible de contrebalancer ou de prolonger le poids de leur activité économique et le déficit d’image qui peut en résulter au regard notamment de leur captation des données personnelles ?

22D’évidence, s’ils ont bien une stratégie économique, qui leur a permis d’acquérir une influence politique, l’émergence d’un projet politique, qui les conduirait à une conquête globale du Monde, est moins apparente.

  • 25 L’auteur de cette citation est Charles Erwin Wilson, PDG de General Motors à compter de 1941 et S (...)

23Si l’on entend par projet politique que les GAFAM promeuvent un slogan similaire qui s’inspire, au moins pour sa première partie, de celui énoncé par le dirigeant de General Motors – « Ce qui est bon pour General Motors est bon pour le pays et vice versa »25 – on peut effectivement relever des déclarations de leurs dirigeants comme de leurs actions qu’ils partagent l’idée qu’une économie globalisée et dérégulée les dégage des contraintes que pourrait faire peser le droit étatique.

24On doit cependant reconnaître que ce « libertarisme » a donné naissance à un discours qui promeut « un évangélisme digital »26. Mais, celui-ci ne suscite que chez peu d’entre eux – entendons de leurs dirigeants – l’élaboration d’une idéologie plus élaborée sur le plan politique, idéologie qui, en l’espèce, gravite entre transhumanisme et post-humanisme.

L’évangélisme digital

  • 27 D. Forest, « L’évangélisme technologique », Terminal 2020, 127(3), mis en ligne le 20 avril 2020, (...)
  • 28 E. Ammaia, « Communication et numérique : entre métiers émergents et discours circulants », in A. (...)

25C’est d’abord une méthode développée par Guy Kawasaki recruté par Apple en 1983 pour stimuler la création d’applications Macintosh par des entreprises extérieures dans le climat de guerre économique qui marque le monde des nouvelles technologies. « Une entreprise de la “Macintosh Way” ne vend pas, elle évangélise » sur la base du triptyque : convaincre, séduire, rallier à sa cause, avec l’idée d’une firme fondée sur le sens qu’elle donne à ce qu’elle fait »27. Cette méthode a fait naître une nouvelle profession, celle d’« évangéliste du numérique »28.

  • 29 En 1984. La présentation du Mac aurait été vécue comme une expérience religieuse par ceux qui y a (...)
  • 30 R. Durand, L’évangélisme technologique. De la révolte hippie au capitalisme high-tech de la Silic (...)

26De même, les lieux de distribution organisent pour promouvoir les nouveaux produits technologiques29 des événements inspirés de l’expérience hippie, celle d’une culture hédoniste en recherche d’émotion, voire de communion30.

  • 31 P. Breton, Le culte de l’Internet, Paris, La Découverte, 2000.
  • 32 D. Forest, art. cité, note (14), no 5.

27D’une manière générale, cette démarche, qui accompagne l’essor des nouvelles technologies de la société de l’information, s’inscrit ainsi dans un discours de religiosité31, en rupture avec la déchristianisation de la société industrielle et rationaliste. Cela conduit certains analystes à estimer que « l’expérience émotionnelle holiste recherchée est, ici, moins l’extase que l’euphorie de construire un monde nouveau étranger aux contraintes. La dimension spirituelle émergente intègre des logiques entrepreneuriales et compose avec des intérêts financiers qui, rapidement, deviendront considérables et… prépondérants ! »32.

28Au bout du compte, ce discours fonctionne comme une « propagande » qui vise à donner une image positive des technologies d’intelligence artificielle, sources de liberté, de connaissances, de performance et de bien-être. Il réinscrit notre futur dans un rêve intemporel et éternel.

  • 33 J. Ellul, Les Nouveaux Possédés, Paris, Fayard, 1973.
  • 34 Pour Vala Afshar, chief digital evangelist de Salesforce l’IA permettra une personnalisation de m (...)

29Mais, étudié avec pertinence, ce retour du religieux est aussi un avertissement à ne pas se méprendre car « ce n’est pas la technique qui nous asservit, mais le sacré transféré à la technique »33. En effet, même si la force de ce discours est avant tout celle d’un slogan commercial34, certains dirigeants des GAFAM y voient aussi une autre manière de vivre et la possibilité du passage vers une société post-humaniste.

Du néo-libéralisme au post-humanisme

  • 35 E. Sadin, La silicolonisation du monde. L’irrésistible expansion du libéralisme numérique, Éditio (...)

30La dimension idéologique des GAFAM est, bien sûr, d’abord celle du succès du néo-libéralisme, dont il est l’enfant doué, dans sa double dimension de marché global et dérégulé. Elle définit, en effet, une nouvelle forme de colonisation, non plus celle de territoires lointains conquis pour leurs matières premières, y inclus la force de travail de leurs populations, mais celle d’un nouvel espace en réseau, virtuel, technologique et universel, dont les promoteurs (les GAFAM) s’approprient et exploitent les données des personnes qui utilisent ces nouvelles formes de communication. C’est la « silicolonisation » du Monde35.

  • 36 G.-H. de Rakowski, Les jeux du désir-de la technique à l’économie, PUF, coll. Quadrige, 1980 ;
    J. (...)
  • 37 E. Sadin, La vie algorithmique, critique de la raison numérique, Éditions L’Échappée, 2015.
  • 38 F. Damour, S. Deprez, D. Doat (dir.), Généalogies et nature du transhumanisme, Liber, 2018 ; G. H(...)
  • 39 J. Suvalescu, N. Bostrom, Human Enhancement, Oxford University Press, 2009.
  • 40 J. Harris, Enhancing Evolution. The Ethical Case of Making Better People, Princeton UP, 2007.
  • 41 R. Ettinger, L’homme est-il immortel?, Paris, Denoël, 1964.
  • 42 J. L. Heldmann, NASA Ames Research Center, Division of Space Sciences & Astrobiology, Planetary S (...)

31Toutefois, certains dirigeants des GAFAM voient, au-delà de cette capitalisation d’une économie du désir36, supposée être celle du bonheur, bien plus qu’une mécanique constitutive de profits élevés ; ils y voient aussi un nouveau mode de vie37, qui transformera notre condition en un transhumanisme grâce à la maîtrise de la biologie et de la technique. Mouvement composite et en évolution, le transhumanisme38 fait ainsi de l’amélioration humaine39 un droit et un devoir40. Il s’inscrit dans une transformation radicale de l’homme par la fin du vieillissement41 et la conquête spatiale42.

  • 43 M. Hunyadi, La Tyrannie des modes de vie, Le Bord de l’eau, 2015 ; Le Temps du posthumanisme, Les (...)
  • 44 Op. cit., note (18), La Tyrannie des modes de vie.

32On comprend dès lors l’enjeu politique majeur qui se présente à nous. Nous faisant croire qu’elle poursuit la réalisation de nos désirs individuels et la recherche de notre bonheur personnel, la société numérique nous installe dans « la tyrannie des modes de vie » et conduit au « temps du post-humanisme »43 de sorte que « notre éthique ne sert donc pas à critiquer le système ni les modes de vie, mais à les accompagner dans leur marche triomphale »44.

  • 45 E. Sadin, L’Intelligence artificielle ou l’enjeu du siècle: Anatomie d’un antihumanisme radical, (...)

33Nous vivons ainsi « l’émergence d’un monde partout sécurisé, optimisé et fluidifié [dans lequel] l’intelligence artificielle est appelée à imposer sa loi, orientant la conduite des affaires humaines. Désormais, une technologie revêt un “pouvoir injonctif” entraînant l’éradication progressive des principes juridico-politiques qui nous fondent, soit le libre exercice de notre faculté de jugement et d’action ». C’est la « data driven society, où le moindre phénomène du réel se trouve analysé en vue d’être monétisé ou orienté à des fins utilitaristes »45.

34C’est alors que, pour conforter et accélérer la construction de la société transhumaniste, ses promoteurs n’hésitent pas à vouloir se doter des attributs d’une souveraineté et ce d’autant que l’IA peut les aider à accélérer cette construction.

Les signes d’une souveraineté émergente

35L’analyste du rôle des GAFAM et autres acteurs du numérique ne peut que conclure à l’existence d’éléments liés à l’exercice d’un pouvoir de souveraineté. Mais, ceux-ci caractérisent-ils une souveraineté absolue ou manifestent-ils une concurrence, voire une bataille, de souveraineté(s) entre anciens et nouveaux acteurs ? (B). Répondre à cette question suppose de rappeler que ce sont les signes extérieurs de souveraineté (A).

Les signes extérieurs de souveraineté

36Pour juger du poids qu’il convient d’attribuer aux éléments de souveraineté recensés, il est préalablement nécessaire de s’arrêter un moment sur le sens à donner à la notion de souveraineté, tant dans son acception générale que dans le domaine spécifique du numérique.

La notion de souveraineté

La question générale de la souveraineté

  • 46 J. Bodin, Les six livres de la République, Édition de Lyon, 1593, in Corpus des œuvres de philoso (...)

37Selon Bodin46, « la souveraineté est la puissance absolue et perpétuelle d’une République » car la souveraineté naît comme principe du discours politique.

  • 47 P. Laband, Das Staatsrecht des Deutschen Reiches, vol. 1, Tübingen, Mohr, 1911, p. 57.
  • 48 G. Jellinek, L’État moderne et son droit. Première partie (t. 1) et Deuxième partie (t. 2) Théori (...)
  • 49 G. Jellinek, Allgemeine Staatslehre, 4e éd., Berlin, Springer, 1922, p. 496.

38La souveraineté a cependant acquis, à l’époque moderne, une nature essentiellement juridique qui faisait écrire au célèbre juriste « positiviste » allemand Paul Laband : « Nous appelons souveraine la puissance juridique suprême, qui n’a aucune autre au-dessus d’elle »47. L’État est au cœur de cette souveraineté, qui prévaut au début du xxe siècle et qui suppose nécessairement que l’État investi de la souveraineté réunisse trois composantes : un peuple, un territoire et une puissance suprême48. Pour Jellinek, comme pour Laband, le caractère absolu de la souveraineté – la compétence de la compétence – ne se divise pas49.

  • 50 Il a notamment légitimé la prise du pouvoir par Hitler en développant la doctrine de la « pensée- (...)

39À l’inverse, comme le soutient Karl Schmitt en réaction à l’ordre politico-juridique libéral, le souverain est celui qui décide dans un cas d’exception, ce qui le situe hors de la loi50.

La souveraineté et le numérique

40Comment situer la question de la souveraineté dans le domaine du numérique dans ce débat à la fois historique mais aussi théorique sur une souveraineté absolue opposée à une souveraineté partagée ?

41Historiquement, le concept de souveraineté numérique apparaît au milieu des années 2000.

  • 51 Michèle Alliot-Marie, citée par M. Untersinger, « L’incertaine mais nécessaire “souveraineté numé (...)
  • 52 Comprendre la souveraineté numérique, Cahiers français 2020, no 415.

42En France, en 2009, le ministre de l’Intérieur annonçait vouloir « garantir la souveraineté numérique » et « étendre à l’espace numérique le champ de l’État de droit »51. À la suite de ces déclarations, se sont tenues les « Assises de la souveraineté numérique » (2014) et l’Institut de la souveraineté numérique a vu le jour52.

  • 53 Sénat, Le devoir de souveraineté, Rapport no 7 (2019-2020) de M. Gérard Longuet, fait au nom de l (...)

43Au plan international53, l’expression de « souveraineté numérique » est apparue pour la première fois en 2012, la Russie et la Chine ayant revendiqué, lors de la Conférence mondiale des télécommunications internationales, leurs « droits souverains » sur la gestion du réseau.

44En 2013, l’affaire Snowden a conduit à aborder la question de la gouvernance du système du numérique au cours de diverses conférences internationales (Internet Governance Forum de Bali en 2013, NETmundial de Sao Paulo en 2014, Mexico en 2016 et Paris en 2018).

  • 54 Id.
  • 55 E. Brousseau, « Régulation de l’Internet. L’autorégulation nécessite-t-elle un cadre institutionn (...)

45Quant à la définition donnée à la notion de souveraineté numérique, elle varie suivant l’approche choisie. Dans une perspective de politique publique, il s’agit d’une approche de « contre-attaque » : comment l’État, s’il veut conserver l’exercice d’une pleine souveraineté, peut-il faire pour qu’en matière de souveraineté numérique il « garde la main » et puisse de façon autonome déterminer sa propre politique ?54 Du point de vue des acteurs économiques, il s’agit d’insister sur l’autonomie de la souveraineté numérique des opérateurs économiques55, voire des utilisateurs, qui interviennent dans un espace globalisé sans frontières étatiques.

46Quels sont alors les attributs d’une telle puissance que les grands acteurs de l’économie numérique pourraient exercer ?

Les éléments qualificatifs de l’acquisition de la souveraineté au bénéfice des nouveaux acteurs du numérique

47Classiquement, la souveraineté se caractérise par des éléments constitutifs et des attributs.

  • 56 Convention de Montevideo sur les droits et devoirs des États, 26 déc. 1933, http://danielturpqc.o (...)

48Arrêtons-nous en premier lieu sur les éléments constitutifs de la souveraineté. S’agissant de l’État, l’article premier de la Convention de Montevideo du 26 décembre 1933 définit comme suit cette souveraineté : « L’État comme personne de Droit international doit réunir les conditions suivantes : I. Population permanente ; II. Territoire déterminé ; III. Gouvernement ; IV. Capacité d'entrer en relations avec les autres États »56.

49A priori, le domaine des GAFAM n’est pas celui d’un territoire au sens géographique du terme. Il ne se mesure ni par sa superficie ni par l’importance de ses terres cultivables ou de ses ressources en minerais. Il constitue une toile, un « cyberespace », qui, s’il suppose une technologie matérielle (satellites, fibres), peut être qualifié de déterritorialisé, voire d’aterritorisalisé.

50En effet, la nature même de la technologie utilisée donne à l’activité des GAFAM une dimension globale. Il s’agit de communiquer rapidement d’un endroit du monde à un autre, voire avec d’autres planètes. Par ailleurs, leur objectif économique les conduit à rechercher le moins de contraintes normatives possible, ce que favorise un espace virtuel, privé, aux règles limitées et non étatiques. À une technologie universelle correspondent donc un marché global et le désir de faire tomber les frontières qui limitent la circulation des services générés dans le cadre du « cyberespace ».

  • 57 J. Perry Barlow, « Déclaration d’indépendance du cyberespace (9 févr. 1996) », in O. Blondeau (di (...)
  • 58 M. Couston, « Chapitre 3. Le statut de l’espace et des corps célestes », Journal international de (...)
  • 59 Y. Eudes, « Construire des îles artificielles pour prendre le large », Le Monde, 1er oct. 2018,
    h (...)
  • 60 G.-G. Toudouze, « Les îles artificielles », Hommes et mondes 1955, no 110, p. 198-209 ; J. Lévy-M (...)
  • 61 Y. Tephany, « Le statut des îles dans l’arbitrage portant sur la mer de Chine méridionale »,
    http (...)

51De fait, ce réseau de communication et d’échanges en s’agrégeant des utilisateurs, en fonction d’intérêts partagés qui les rendent dépendants du système, crée, un peu comme les routes romaines l’ont fait ou à l’instar des routes de la soie, un territoire qui marque son empreinte dans des économies inscrites dans des aires géographiques ainsi reconfigurées. Et, lorsque le cyberespace sera réglementé au plan international de façon harmonisée et efficace par la communauté des États et les organisations internationales, les acteurs de l’économie du numérique pourront souhaiter se ménager des zones échappant à des règles qu’ils n’auraient pas eux-mêmes choisies. En l’état des choses, même si certains ont souhaité proclamer l’indépendance du cyberespace57, l’approche des entreprises concernées vise plutôt à obtenir des droits d’exploitation dans le cadre d’une convergence d’intérêts avec des États. À cet égard, l’exemple du droit spatial est intéressant car, comme l’explique le professeur M. Couston, « le droit spatial  est donc un droit fonctionnel et non un droit statutaire, ce qui explique la nature pragmatique des grands principes que l’on y trouve, dont le principe de liberté. Cette liberté est large, elle englobe toutes sortes d’activités, y compris l’exploitation »58. Il existe également des projets de territoires artificiels, notamment des îles (cités flottantes), mais, contrairement aux radios libres dans les années 1970, aucune réalisation n’a été mise en œuvre59 ce qui n’empêche pas de se poser depuis un certain temps déjà la question de leur statut juridique60. En effet, la nature des enjeux économiques et politiques l’explique tout en montrant bien que l’orientation actuelle n’est pas celle d’un désintérêt des États à revendiquer des droits61.

52Quant au peuple, il est non seulement un élément constitutif de l’État souverain mais aussi, de par la constitution des états démocratiques, le détenteur unique de la souveraineté parce qu’il forme la nation, qui est l’expression politique d’une communauté de valeurs et d’histoire, qui a conscience d’elle-même.

53Le territoire du cyberespace est, si l’on peut dire, peuplé de réseaux dont les membres n’ont d’histoire commune que l’intérêt qu’ils partagent à un moment en fonction de l’activité du réseau (diffuser de la musique, défendre les droits de l’animal, accéder à des cours à distance, se faire des relations...). La communauté est ainsi réduite à cette sphère d’intérêt. De plus, elle fluctue en fonction de la volonté des membres qui peuvent la quitter à tout moment. S’il peut y avoir une forme d’identité culturelle et de langue, il n’y a ni nationalité ni filiation ni identité autre que celle de la signature IP de son ordinateur puisque le recours à un pseudonyme est d’un usage courant.

  • 62 A. Cattaruzza, Géopolitique des données numériques : Pouvoir et conflits à l’heure du Big Data, É (...)

54Existe-t-il alors des droits qui permettraient de rattacher ces communautés à un gouvernement, à une autorité politique centrale ? Le cyberespace en tant que territoire est une réalité qui mêle une dimension physique et une dimension immatérielle. Et cet espace est aussi un lieu d’interactions sociales, d’échanges d’informations et d’influence d’acteurs politiques. On peut ainsi parler d’un espace géopolitique62. Mais qui gouverne cet espace ? Les GAFAM peuvent-ils être qualifiés d’autorité politique centrale capable d’exercer des pouvoirs de souveraineté ?

  • 63 Op. cit., note (3).

55Si nombre de ces géants mondiaux du numérique sont sortis de leur cœur initial de métier avec une vision planétaire, voire des ambitions pour conquérir d’autres planètes, s’ils manifestent une approche libérale tant sur le plan économique que politique, il n’est pas sûr, malgré leur puissance acquise, qu’on puisse sérieusement les qualifier de « nouveaux maîtres du monde »63, ce qui ferait d’eux le gouvernement d’un cyberespace géopolitique.

56Plusieurs raisons vont en ce sens. La première est celle de la multiplicité des acteurs qui sont en concurrence. Les détenteurs traditionnels de la puissance publique (États et organisations intergouvernementales) n’ont pas dit leur dernier mot et cherchent, malgré les difficultés liées à un cyberespace qui ignore les frontières, à réguler celui-ci tandis que les GAFAM, qui ont certes le souci d’éviter les contraintes réglementaires, ont encore besoin de consolider leurs positions en dehors de la sphère technique, économique et financière, pour prendre le risque de gouverner pleinement le cyberespace.

  • 64 G. Renouard, « Google, Apple, Amazon, Microsoft : les GAFAM à l’assaut du marché de la santé amér (...)
  • 65 L’exemple de l’espace est très illustratif à cet égard : M. Rueda-Medina et L. Weber, La motivati (...)

57Une seconde raison tient précisément à un manque de motivation des GAFAM à investir pleinement le champ politique. En effet, ce que la maîtrise des algorithmes et la collecte de données de masse permettent – à savoir prédire et influencer les comportements des usagers – ne suffit-il pas à garantir leur pouvoir ? Certes, s’investir dans des domaines nouveaux pour eux (la santé64, l’éducation, l’espace, la construction) montre leur désir d’élargir l’usage de la technologie numérique. Mais s’investir, comme le fait le Léviathan étatique, dans tous les domaines de la vie sociale, c’est une autre aventure que l’aventure économique65 et industrielle des GAFAM, même si elle transforme profondément nos modes de vie.

  • 66 M.-H. Gauthier, Compte rendu de l’ouvrage Géopolitique des données numériques. Pouvoir et confli (...)

58Au mieux, on peut considérer que nous vivons une phase de transition, de lutte de pouvoirs dans un cyberespace qui gravite « entre territoire, extraterritorialité et nouvelle territorialité ». Les frontières ne disparaissent pas, elles se déplacent. D’un côté, « les gouvernements étendent leur dispositif de contrôle territorial au cyberespace pour se protéger, garantir leur souveraineté et répondre à des stratégies géopolitiques à travers la territorialisation des données (infrastructures numériques : câbles, data centers, etc.) et l’extraterritorialisation du droit ». Mais, d’un autre côté, « si la connaissance fine des sociétés relève presque exclusivement des États, les acteurs privés et notamment les GAFAM en sont des pourvoyeurs principaux [...]. En plus de la captation de données, les GAFAM ont assis leur pouvoir dans la géopolitique de l’espace, pas seulement numérique, à travers leur insertion dans le marché des câbles »66.

59Le pouvoir topologique est ainsi partagé et disputé par des acteurs traditionnels (les États) et de nouveaux (les GAFAM) dans un espace numérique largement centralisé et politisé.

60L’analyse de la manière dont les GAFAM bénéficient des attributs de la souveraineté le confirme.

61Arrêtons-nous en effet en second lieu sur les attributs de la souveraineté.

62Il existe des signes qui montrent que les GAFAM produisent des normes, s’essaient à régler des litiges ou à créer des monnaies et s’enorgueillissent d’une certaine forme de reconnaissance internationale. Ces signes indiquent-ils, pour autant, qu’ils sont sur la voie d’acquérir les attributs de la souveraineté ?

  • 67 C. Byk, « Le droit international de la “bioéthique” : “jus gentium” ou “lex mercatoria” », JDI 19 (...)

63Il s’agit d’abord du droit et de la justice. Rappelons une évidence : l’élaboration de normes n’est plus au xxie la prérogative des États (ou d’autorités infra ou supra-étatiques). Des personnes privées élaborent des normes, ne serait-ce que pour organiser leur vie sociale et la loi leur en fait d’ailleurs souvent l’obligation (statuts, règlement intérieur). En outre, depuis des siècles, les marchands ont acquis, et de façon amplifiée dans leurs activités internationales, une autonomie normative certaine reposant sur le respect d’usages et de pratiques sous le contrôle de leurs organisations professionnelles. Et, dans une certaine mesure, le phénomène que constitue la « lex mercatoria » a servi de modèle au xxe siècle à l’essor d’une « lex tecnica »67.

  • 68 L. Perez, art. cité.

64Toutefois, l’intervention normative des GAFAM au regard des réseaux qu’ils dirigent et qui irriguent et transforment le Monde global est d’une autre nature. En effet, il ne s’agit plus de régler les relations entre seuls marchands par des normes qui leur soient propres mais, il s’agit de maintenir l’emprise des géants du numérique sur les usagers de leurs réseaux et le contenu qu’ils y déversent autant que d’empêcher la puissance publique de contrôler ces réseaux68. Cette approche n’est pas seulement pragmatique et opportuniste, visant à maximiser la puissance qu’ils détiennent, elle est aussi la marque d’une philosophie libérale, voire libertarienne.

  • 69 Twitter, Facebook, Snapchat, YouTube, Instagram, Tik-Tok et Twitch ont, tous, décidé de bouter le (...)

65Régler des litiges ou les prévenir en modérant l’intervention des usagers de leurs réseaux est déjà une manifestation importante de la puissance des GAFAM, les utilisateurs des réseaux se voyant imposer une « règle du jeu » qui est appliquée par celui qui l’a instituée. Le cas de l’exclusion des réseaux, parfois définitive, du président en exercice des États-Unis le montre avec éclat69. Et qu’adviendra-t-il lorsque les sociétés de legaltech utilisant l’intelligence artificielle pour prédire, voire écrire, ce que le juge décidera auront totalement investi le domaine de la justice au quotidien ? C’est non seulement le droit mais aussi l’institution et les professions judiciaires qui en seront affectés ?

  • 70 C. Soutarson et A. Marolleau, « Paiement mobile, assurance, cloud… Les GAFAM poursuivent sur leur (...)
  • 71 De Libra à Diem, l’évolution du système de paiement virtuel initié par Facebook, AN, no 4213, Rap (...)

66S’agissant ensuite de la monnaie et de l’impôt : déjà présents dans les services financiers70, les GAFAM semblent vouloir s’intéresser à la création de monnaies, même si, devant les réactions des États et des banques centrales, ils semblent avoir revu leur projet, évoquant un système de paiement international et non plus une monnaie mondiale71.

  • 72 M. Aglietta, O. Lakomski-Laguerre, « Les cryptomonnaies en plein essor : les banques centrales lè (...)

67Il n’en reste pas moins qu’« en créant une concurrence entre monnaie publique et monnaies privées, en lieu et place de la hiérarchie entre monnaie de banque centrale et monnaies bancaires, les technologies numériques ne vont-elles pas déstabiliser l’ordre monétaire ? »72.

  • 73 N. Antonin, Les GAFA et leur stratégie d’optimisation fiscale, Académie des sciences commerciales (...)

68Quant à l’impôt, la stratégie menée n’est pas encore de lever l’impôt mais d’y échapper en se jouant des droits nationaux grâce à la pratique de l’optimisation fiscale73.

  • 74 AN, no 4213, Rapport d’information sur les géants du numérique, Alain David, Marion Lenne, op. ci (...)

69On peut ainsi conclure que les réseaux étant « leurs colonies », les GAFAM se comportent à leur égard un peu comme les différentes compagnies des Indes aux xviie et xviiie siècles74. Il existe cependant une différence de taille : ces compagnies étaient, suivant les pays, plus ou moins contrôlées par des États. Contrairement à leurs équivalents chinois, tel n’est pas le cas des GAFAM qui restent en quête d’une légitimité internationale.

  • 75 G. Fleury, « Internet comme vecteur de pouvoir », Études internationales 2008, 39(1), p. 83-104, (...)

70La reconnaissance au plan international constitue un effet un autre attribut de la souveraineté. Or la question du rôle des GAFAM sur l’échiquier géopolitique et diplomatique international se pose pour une raison simple : « L’importance stratégique des voies de communication et voies commerciales n’est plus à établir : l’hégémonie romaine fut rendue possible grâce au contrôle des routes par les légions romaines ; l’hégémonie britannique reposait, entre autres, sur le contrôle des voies maritimes par leur flotte. La révolution numérique, en faisant converger la communication et le commerce vers ce jeune réseau, semble consacrer à l’Internet le statut de nouvelle “route du commerce” »75.

  • 76 La théorie critique est une approche de la philosophie sociale qui vise à analyser la société et (...)
  • 77 G. Fleury, art. cité, para.18.
  • 78 Id., para.20.

71À cette fin, Guillaume Fleury nous suggère d’utiliser une approche relevant de la théorie critique76 et reposant sur le rôle des idées dans la conception de l’hégémonie et sur le droit comme instrument de légitimation. Dans cette approche, le droit « existe pour mettre en avant les valeurs, préférences et pratiques que cherchent à mettre en œuvre ceux qui occupent une position dominante »77. Ainsi, profitant de la fragmentation du droit international, qui leur permet de ne pas suivre les règles du droit international général, les GAFAM, dans une première étape, ont trouvé leur légitimité dans les normes et institutions de leur domaine d’activités, comme c’est traditionnellement le cas avec la « lex mercatoria ». À partir de là, ils peuvent franchir une seconde étape mais, « pour se maintenir à la tête du système international, l’hégémon « doit être en mesure de transférer sa puissance relative dans un domaine particulier en pouvoir effectif ou capacité d’influence dans un autre »78.

  • 79 Ibid., para. 29 et s.

72D’un point de vue concret, cette théorie insiste sur l’importance que revêt le contrôle des normes techniques par tel ou tel acteur pour imposer ses valeurs au contenu et à l’utilisation de l’internet. De façon un peu schématique, les GAFAM favoriseraient une vision américaine, essentiellement économique, quand leurs équivalents chinois conforteraient la politique de contrôle social de l’État79.

  • 80 A. Feertchack, « Le Danemark aura un ambassadeur dans la Silicon Valley », Figaro Vox, 8 mars 201 (...)
  • 81 En revanche, plusieurs pays, dont la France, ont désigné un ambassadeur pour le numérique, charg (...)

73Cette analyse présente l’intérêt de poser la question de savoir si les acteurs économiques et industriels du numérique sont les seuls à pouvoir revendiquer un pouvoir hégémonique ou s’ils ne doivent pas composer avec certains États capables de réguler le marché à leur profit. Cela rend anecdotique la question des ambassades que certains États ont « installées » dans le cyberespace80-81. Ce qui est important pour les GAFAM et leurs équivalents est qu’ils participent déjà à l’élaboration des normes techniques dans le cadre des institutions internationales spécialisées et se voient ouvrir, par convergence d’intérêts avec les États, la possibilité, au moins indirecte, d’influer sur des normes plus générales, connotées de valeurs sociales.

74Il nous semble qu’en l’état, les GAFAM restent avant tout des acteurs qui font de l’économie, certes promue par la technique, la clé essentielle de leur projet planétaire. C’est pourquoi cette dynamique, encore trop parcellaire de leur intérêt, ne leur a pas encore permis d’acquérir les attributs classiques de la souveraineté ni conduit à une coexistence des souverainetés.

La coexistence des souverainetés

  • 82 G. Fleury, art. cité, para. 31.
  • 83 Id.
  • 84 Id.

75La continuité de l’analyse utilisant la théorie critique a ici pour point de départ le constat que « les questions reliées à la gouvernance des NTIC ont amené les États à tolérer une intrusion “techniciste” dans l’exercice de leur souveraineté »82. Il s’en déduit que « le façonnement des normes techniques requiert […] un haut degré de collaboration entre les agents. C’est dans ce réseau d’intérêts reliant les experts à quelques actionnaires ou gouvernements que l’on peut observer la réelle capacité de ralliement du bloc hégémonique »83. Le processus normatif mène ainsi à des alliances autour d’« un bloc historique »84 mais il suscite aussi des contre-pouvoirs, y compris institutionnels.

La convergence des souverainetés

  • 85 G. Fleury, art. cité, para. 26.

76Comme le souligne G. Fleury, l’apparente convergence des souverainetés ne vaudrait que dans un contexte bien particulier, celui du « bloc historique », à s’avoir qu’« une réponse hâtive à la question de savoir qui gouverne le cyberespace ciblerait fort probablement les États-Unis comme étant la zone d’influence principale pour ce qui est de l’élaboration normative en cette matière »85.

  • 86 Id.
  • 87 F. Fourquet, Le régime international est toujours dominant. Actes du Forum de la Régulation, Pari (...)
  • 88 C. Thibout, « Google et l’État fédéral états-unien : interdépendance, contestation et hybridation (...)
  • 89 Ibid., p. 21.
  • 90 G. Fleury, art. cité, para. 37.

77Cette polarité géographique n’est cependant pas le fait de l’État américain qui ne contrôle pas directement l’internet. Si « cet État, sphères publique et privée confondues, possède en effet une forte capacité de contrôle sur les trois niveaux du système communicationnel »86 que constitue le façonnement des normes techniques, juridiques et sociales ainsi que du marché, « il ne les commande pas. Il n’est pas au sommet d’une hiérarchie, mais au centre d’un réseau dont le pouvoir est de nature complexe. Que la science politique traditionnelle, obsédée par l’État, n’éclaire pas »87. En revanche, « le bloc historique » met en relation dans un réseau d’influence intérêts publics et privés, dimension économique, politique et expertise technique88. Ainsi, « en amenant les internautes à utiliser une certaine technologie, celui-ci crée une dépendance pour les produits complémentaires de ses principaux agents en leur permettant d’acquérir une position stratégique afin d’influencer les développements technologiques extérieurs et d’accroître leurs parts de marché. Le bloc profite d’un effet de sérialité où “chacun s’aligne sur la majorité pour ne pas être écarté ou exclu d’un accès à un réseau qui le branche, l’informe et le nourrit”89 »90.

78Que conclure de ce constat sur la relation que les GAFAM entretiennent avec la notion de souveraineté étatique ? Certes, ils se risquent, au moins certains d’entre eux, à investir ce domaine dans sa définition classique (la monnaie, la justice) quand leurs intérêts (économiques ou d’image) sont en jeu, mais c’est avec une grande prudence car leur savoir-faire en ce domaine est encore limité, ne s’agissant pas d’un domaine uniquement technique. En outre, les États et des institutions internationales, telles que l’ALENA, l’OCDE et l’OMC, ne semblent pas vouloir abandonner, voire partager, ces domaines régaliens et, par conséquent, exclusifs de toute autre compétence que la leur. Il reste certes aux GAFAM d’autres domaines moins régaliens à investir et pour lesquels leurs capacités tant techniques que financières pourront être appréciées des pouvoirs publics : la santé, la recherche scientifique, l’action humanitaire, voire l’exploration spatiale… Se dirigera-t-on alors vers une sectorisation des souverainetés : certaines, les plus anciennes et les plus symboliques, leur échappant tandis que celles relevant d’une acception plus large de la souveraineté pouvant être partagées entre les États et des nouveaux acteurs du numérique, voire être entièrement « concédées » à ces derniers ?

79À moins que ce découpage ne soit qu’une apparence, les GAFAM préférant, pour des raisons pragmatiques, influencer les détenteurs de la souveraineté classique, qui favorisent aussi une économie globalisée, fût-elle régulée, et, si besoin, les faire reculer, pour se concentrer sur l’emprise qu’ils ont, de par la multiplicité croissante de leurs activités, sur des communautés d’utilisateurs, fluctuantes, encore peu organisées et, surtout, dépendantes de leurs services pour exister en tant que « communautés » ?

Les contre-pouvoirs au « bloc historique »

80L’un se situe dans une sphère de proximité, voire de concurrence avec « le bloc historique » puisqu’il met en avant un autre « bloc historique » autour du pôle géopolitique chinois. Le second s’inscrit pleinement dans une sphère de coopération internationale de résistance par rapport au modèle du libéralisme mondial. C’est l’action menée par l’UNESCO.

Le « contre-bloc historique » chinois

81Être concurrents, c’est participer ensemble à une course dans un même domaine d’activité mais avec l’objectif de devancer ses rivaux. C’est une dynamique de la rivalité dans laquelle chaque acteur poursuit le même but : gagner un concours, une élection, la meilleure part d’un marché...

  • 91 P. Allard, « Chine : le Parti commande aux applications Internet », Questions internationales sep (...)

82Elle suppose un objectif commun – acquérir un pouvoir, une position supérieure à celle des autres concurrents – dans le cadre d’un même champ d’action. C’est la situation dans laquelle se trouvent le bloc américain et le bloc chinois, notamment, pour ce dernier, au regard de sa volonté explicite de faire de l’Internet un instrument privilégié du contrôle social imposé à sa population91.

  • 92 S. Tisseron, L’emprise insidieuse des machines parlantes, Paris, Les Liens qui Libèrent, 2020, p. (...)

83Comme l’observe S. Tisseron, « avec les robots conversationnels… nous nous habituerons à ne plus avoir d’intimité… [et] nous serons probablement bientôt mûrs pour envisager que nos données personnelles puissent être abandonnées pour le bien commun ». Notre propension à nous extérioriser « sera [alors] valorisée comme un comportement citoyen responsable » et « le désir d’élargir son réseau relationnel personnel… sera remplacé par le sentiment d’une intégration dans une communauté nationale ». Et de conclure : « Il s’agira d’abandonner l’ensemble de sa vie privée à un État capable de gérer ces informations pour un bien public collectif »92. Si l’utopie des GAFAM du « pôle historique » américain est celle d’une société hors-sol, au travail virtuel et aux supports dématérialisés, avec des citoyens affranchis de toute attache, pouvant se connecter de partout, les BATX (c’est-à-dire les GAFAM chinois : Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi), qui collaborent au modèle politique chinois de contrôle social, sont un bon exemple de cette dystopie décrite par S. Tisseron. En effet, le gouvernement chinois, en attribuant, en dehors du système de l’ICANN, des noms de domaines basés sur des caractères chinois, fait cohabiter deux systèmes, contrôlant entièrement l’un et obligeant les GAFAM, quand il le juge utile pour ses intérêts, y compris de contrôle social, à adapter leurs services à ce que l’État chinois en attend.

L’action de « résistance » de l’UNESCO

84En adoptant en 2005, malgré l’opposition des États-Unis, la Convention sur la protection et la promotion des expressions de la diversité culturelle, l’UNESCO a marqué sa volonté de faire des biens culturels une exception aux règles du commerce international93. Ratifiée par 151 États membres94, cette convention, bien que peu contraignante, s’est en fait révélée efficace dans la mesure où les Parties s’appuient sur elle pour mener des initiatives en vue d’atteindre les objectifs de ce traité, à la fois sur leur propre territoire ou dans les relations qu’ils entretiennent entre eux95.

  • 96 UNESCO, Directives opérationnelles sur la mise en œuvre de la Convention de 2005 sur la protectio (...)
  • 97 https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000380455_fre
  • 98 « Nous sommes inquiets parce que beaucoup de décisions se font maintenant sur la base de l’IA : q (...)
  • 99 « Jusqu’à présent, les entreprises pouvaient faire ce qu’elles voulaient. Avec cette recommandati (...)

85En 2017 des directives opérationnelles sur la mise en œuvre de la Convention dans l’environnement numérique96 ont été adoptées afin de permettre d’interpréter le texte en lien avec l’environnement numérique. La recommandation adoptée en novembre 2021 relative à l’éthique de l’intelligence artificielle97 va aussi dans cette voie. Ce texte, qui a réussi à rallier les 193 États membres, est le signe d’une réelle prise de conscience des dangers potentiels d’une technologie qui s’étend à tous les domaines de la société98, avec au premier chef le risque de biais, voire de discrimination, mais aussi les risques d’uniformisation, de surveillance de masse et d’atteinte à l’environnement, en particulier par sa consommation excessive en énergie. Toutefois, bien qu’embrassant la diversité des secteurs concernés par l’IA pour lesquels elle fait prévaloir des recommandations pour l’adoption de politiques de bonne gouvernance, la recommandation n’est pas contraignante mais suppose que les États auxquels elle s’adresse aient la volonté d’agir. En tout état de cause, elle est un message clair aux États comme aux citoyens99 de ce que peut faire une organisation internationale du système des Nations Unies, tant décriée pour sa politisation, lorsqu’elle s’attèle à un vrai sujet de portée universelle. Mais, il est vrai que cela est politiquement plus aisé dès lors que les États-Unis ne sont plus membre de l’UNESCO !

Conclusion: Vers un dépassement des souverainetés ou un retour au classicisme ?

86L’IA, sans aucun doute, donne à la souveraineté des moyens nouveaux et redoutables, ceux que permet le jeu des algorithmes allié à de puissants calculateurs qui utilisent des données de masse.

87En cela, elle ouvre la voie à une société transformée, impliquant une organisation sociale fondée sur l’usage du numérique, que ce soit pour les activités relevant des attributs classiques de souveraineté (justice, impôts, monnaie, voire la stratégie militaire, identification et identité des individus), mais aussi du pouvoir des nouveaux acteurs économiques globaux que sont les GAFAM.

88Cette multiplication des acteurs, combinée à l’expansion du numérique et de ses utilisations à double usage, jette quelque peu le trouble sur les vrais responsables des politiques du numérique et sur la nature des motifs qui les animent.

89Les masques tombent. Si les États s’accordent à revendiquer la souveraineté du numérique, les stratégies proposées divergent : les uns estiment qu’elle ne doit s’exercer que dans le cadre de la souveraineté étatique quand d’autres en appellent à des normes internationales. À côté, les nouveaux acteurs, que sont les GAFAM, ont bien des raisons de vouloir sauvegarder l’indépendance du système qu’ils gèrent et qui garantit tant leur puissance commerciale que, par leur force mondiale, un poids suffisant pour être en mesure de discuter d’égal à égal avec les États, fût-ce en leur concédant un certain contrôle – à des fins policières et de basse politique – de leurs réseaux numériques.

90Les États souverainistes arrivent ainsi à bâtir des relations directes avec les GAFAM et déplacent, par leur stratégie alternative, à leur profit le centre de gravité des relations internationales dans le domaine du numérique.

91Cela est d’autant plus aisé que les utilisations criminelles du numérique ont conduit les États démocratiques à adopter des législations plus intrusives, mettant fin au développement « libertarien » du numérique tandis que, d’autre part, le rôle des différentes composantes du système des Nations Unies est resté jusqu’ici assez discret en ce domaine malgré les efforts menés par l’UNESCO dans des domaines, certes importants (le libre accès aux informations, le défi éducatif, par exemple), mais n’offrant pas (encore ?) une vision globale de la « gouvernance » du numérique.

  • 100 J. Nocetti, « La gouvernance mondiale d’Internet à la croisée des chemins », Enjeux numériques, n(...)

92Comme le relève un analyste, « est-il encore pertinent [...] de parler d’une “gouvernance globale de l’Internet” tant les enjeux et les sujets abordés sont différents ? [...] Il n’y a en réalité pas une gouvernance mais plusieurs gouvernances [car] quel modèle unique de gouvernance pourrait traiter de sujets aussi divers que la cybersécurité, l’adoption de standards techniques, la liberté d’expression ou le statut des grandes plateformes ? »100.

  • 101 Id.
  • 102 J. Nocetti, « Les GAFAM, nouveaux acteurs controversés des relations internationales », Questions (...)

93On pourrait ainsi conclure avec cet auteur, pour donner la dimension réelle du questionnement sur la souveraineté du numérique, que « la gouvernance mondiale [est] à la croisée des chemins »101, notamment parce que « la régulation internationale des GAFAM est en passe de se muer en un enjeu classique des relations internationales »102.

94La société qui pourrait en découler pourrait bien être hybride et permettre, par ces facteurs de réorganisation sociale, un renforcement des souverainetés, quelle qu’en soit la nature, conduisant à un État policier tentaculaire où à une société libertarienne éclatée en réseaux et livrée à une exploitation commerciale et idéologique où se confondent le réel, le vrai, le virtuel et les contre-vérités.

95Pour autant, dès lors que nous affirmons notre volonté de contribuer à un nouveau Monde en construction, des priorités doivent être définies. C’est à cela que nous invitent les onze domaines d’action stratégique proposés par la Recommandation de l’UNESCO. Emparons-nous donc de ce texte pour le nourrir de nos projets, ce qui implique préalablement une prise de conscience de l'urgence et une analyse du réel dans toute sa complexité.

  • 103 N. Le Dévédec, Le mythe de l’humain augmenté, Ecosociété, Montréal, 2021.
  • 104 L’usage de la notion de solidarité comme projet politique n’est pas nouveau puisque cette notion (...)

96En effet, aujourd’hui, la société technoscientifique alimente un nouveau type de capitalisme qui, sous l’illusion de répondre à notre quête de bonheur personnel, conduit à un cannibalisme moderne : l’humanisation de la machine et la réification de l’humain et du vivant103. L’idée de Nation, par ses dérives et son inefficacité dans un monde globalisé, ne peut plus faire contrepoids à ce qui délite l’État. Substituons-lui celle de Solidarité internationale104 en mettant l’intelligence artificielle au service de trois objectifs essentiels pour assoir une telle société : l’éducation (en particulier à la citoyenneté), l’accès aux soins et la lutte contre les fractures territoriales (au plan technique, économique, culturel, démocratique et international).

97Les chercheurs y ont leur rôle à jouer, celui de donner à la diversité de leurs travaux une transversalité qui puisse éclairer le débat public et ouvrir la voie à une synthèse dynamique.

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Notes

1 J.-Ph. Derosier, « Qu’est-ce que la souveraineté ? Pistes pour cerner-ou non-la souveraineté », Fondation Jean Jaurès, 1er mars 2021, https://www.jean-jaures.org/publication/quest-ce-que-la-souverainete-pistes-pour-cerner-ou-non-la-souverainete/?post_id=16717&export_pdf=1.

2 O. Beaud, « Chapitre I. La loy, acte moderne de souveraineté », in O. Beaud (dir.), La puissance de l’État, Paris, PUF, coll. Léviathan, 1994, p. 55-68.

3 Nous employons cette appellation par facilité mais les géants du numérique ne sont pas que des entreprises nées au États-Unis. La Chine, leur grand concurrent économique, est également concerné. Ce sont les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi), dont les liens avec l’État chinois n’empêchent pas l’expansion internationale, bien au contraire. On lira aussi : S. Sur, « De quoi les GAFAM sont-ils le nom ? », Questions internationales sept.-oct. 2021, Les GAFAM, une histoire américaine, p. 4-10.

4 « Google concentre à lui seul plus de 90 % des requêtes sur internet dans le monde. YouTube, le diffuseur de vidéo sur internet (racheté par Google en 2006 pour seulement 1,65 milliard de dollars à l’époque) est vu bien plus que n’importe quelle chaîne de télévision : chaque jour, plus d’un milliard d’heures de vidéos sont ainsi visionnées. Facebook, quant à lui, totalise, en octobre 2020, plus de 2,7 milliards d’utilisateurs actifs mensuels », GAFA, GAFAM ou NATU : les nouveaux maîtres du monde, La finance pour tous, mise à jour 5 janv. 2022, https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/finance-et-societe/nouvelles-economies/gafa-gafam-ou-natu-les-nouveaux-maitres-du-monde/.

5 O. Feiertag, « Entre la nation et le marché : une histoire mondiale des grands monopoles », Questions internationales sept.-oct. 2021, Les GAFAM, une histoire américaine, p. 12.

6 Selon cette théorie, « les individus interagissant les uns avec les autres, auraient tendance à s’agréger autour de « nœuds », personnes (ou entreprises) possédant une influence (ou technologie) supérieure aux autres et qui auraient donc le pouvoir de rassembler autour d’eux une grande partie de leur auditoire (ou de leurs clients) », Banque transatlantique, Les nouvelles menaces : le monopole des GAFAM et l’effet réseau, août 2019, https://www.banquetransatlantique.com/fr/actualites/le-monopole-des-gafam.html.

7 Id.

8 https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/finance-et-societe/nouvelles-economies/gafa-gafam-ou-natu-les-nouveaux-maitres-du-monde/, chiffrage établi à partir des données de la Banque mondiale et de Bloomberg.

9 Dès 2012 en France, les médias ont réclamé le paiement d'une redevance pour l’exploitation de liens hypertextes par les moteurs de recherche et en avril 2020, l’Autorité de la concurrence a indiqué que le comportement de Google était susceptible de constituer un abus de position dominante.

10 E. Renaud-Chouraqui et V. le Bert, « GAFAM : quelles sont les tendances pour 2022 ? », Haas avocats, https://info.haas-avocats.com/droit-digital/gafam-quelles-sont-les-tendances-pour-2022.

11 R. Radu, « Chapter 4 : Privatization and Globalization of the Internet », in R. Radu, Negotiating Internet Governance, Published to Oxford Scholarship Online : April 2019, https://oxford.universitypressscholarship.com/view/10.1093/oso/9780198833079.001.0001/oso-9780198833079.

12 F. Braudel, La dynamique du capitalisme, Paris, Arthaud, 1985.

13 N. Smyrnaios, « L’effet GAFAM : stratégies et logiques de l’oligopole de l’internet », Communication & langages 2016, 2(188), p. 61-83, no 2.

14 F. Lévêque, « Le monopole et le pouvoir de monopole, Ressources en sciences économiques et sociales », SES-ENS Lyon, 31 oct. 2019, http://ses.ens-lyon.fr/articles/le-monopole-et-le-pouvoir-de-monopole.

15 N. Fergusson, La place et la tour. Réseaux, hiérarchies et lutte pour le pouvoir, Paris, Odile Jacob, 2019.

16 L. Carroué, « Une géopolitique des GAFAM », Questions internationales sept.-oct. 2021, Les GAFAM, une histoire américaine, p. 38-47.

17 L. Perez, « GAFAM et usages stratégiques du droit (lawfare) : un jeu à armes légales », Questions internationales sept.-oct. 2021, Les GAFAM, une histoire américaine, p. 48-55.

18 J.-P. Hirsch, « La concurrence : discours et pratiques, hier et aujourd’hui », L’Économie politique 2008, 1(37), p. 66-76.

19 B. Couturier, « Les GAFAM, une menace pour la démocratie », Le tour du monde des idées, France Culture, 25 nov. 2020, https://www.franceculture.fr/emissions/le-tour-du-monde-des-idees/le-tour-du-monde-des-idees-du-mercredi-25-novembre-2020.

20 F. Fukuyama, B. Richman, A. Goel, « How to save Democracy from Technology, Ending Big Tech’s Information Monopoly », Foreign Affairs Jan.-Febr. 2021.

21 Franck De Cloquement écrit ainsi : « il est possible de dire [que F. Fukuyama] se trompe au moins partiellement, car les faits qu’ils redoutent sont en réalité déjà là ! Toutes les personnes sensées qui auront pu suivre – même très épisodiquement – l’actualité des Big Tech en seront amplement convaincues. La Big Tech représente de toute évidence une menace unique et parfaitement inédite pour nos démocraties », in Atlantico, https://atlantico.fr/article/decryptage/pourquoi-il-devient-urgent-de-sauver-nos-democraties-de-la-technologie-franck-decloquement.

22 L. Devillers, « Désinformation : les armes de l’intelligence artificielle », Pour la Science 2021, no 523 ; Direction générale de la sécurité intérieure, « La lutte contre la manipulation de l’information », https://www.dgsi.interieur.gouv.fr/decouvrir-la-dgsi/nos-missions/cyberdefense/la-lutte-contre-la-manipulation-de-linformation.

23 Ils sont les ceux qui décident des « règles du jeu » et les appliquent y compris à l’encontre du Président du « pays le plus puissant du monde » : N. Mazzuchi, « Les GAFAM et la communication politique – À propos de la suspension des comptes de réseaux sociaux de Donald Trump », Note de la Fondation pour la recherche stratégique 2021, no 1, https://www.frstrategie.org/publications/notes/gafam-communication-politique-propos-suspension-comptes-reseaux-sociaux-donald-trump-2021.

24 T. Berns, Souveraineté, droit, gouvernabilité. Lectures du politique à partir de Bodin, Paris, Léo Scheer, 2005.

25 L’auteur de cette citation est Charles Erwin Wilson, PDG de General Motors à compter de 1941 et Secrétaire à la Défense de 1953 à 1957. Elle a été prononcée dans le cadre de son audition au Sénat lors de sa nomination alors qu’un sénateur lui posait la question d’un possible conflit d’intérêts, General Motors, dont il était actionnaire, vendant des armes au gouvernement.

26 L. Boudard et D. Geiselhart, Les Possédés. Comment la nouvelle oligarchie de la Tech a pris le contrôle de nos vies, Arkhê, oct. 2019.

27 D. Forest, « L’évangélisme technologique », Terminal 2020, 127(3), mis en ligne le 20 avril 2020, http://journals.openedition.org/terminal/6221.

28 E. Ammaia, « Communication et numérique : entre métiers émergents et discours circulants », in A. Coutant, J.-C. Domenget (dir.), Le communicateur bousculé par le numérique. Quelles compétences à transmettre ?, Cahiers du Resiproc, 2015/3, p. 48.

29 En 1984. La présentation du Mac aurait été vécue comme une expérience religieuse par ceux qui y assistèrent.

30 R. Durand, L’évangélisme technologique. De la révolte hippie au capitalisme high-tech de la Silicon Valley, Limoges, Fyp, coll. Reboot, 2018.

31 P. Breton, Le culte de l’Internet, Paris, La Découverte, 2000.

32 D. Forest, art. cité, note (14), no 5.

33 J. Ellul, Les Nouveaux Possédés, Paris, Fayard, 1973.

34 Pour Vala Afshar, chief digital evangelist de Salesforce l’IA permettra une personnalisation de masse en temps réel et conduira à une explosion de la consommation : on pourra vivre une expérience merveilleuse d’achat sur mesure, https://www.itbusiness.ca/news/salesforces-vala-afshar-predicts-ai-will-drive-marketing-in-2017-with-canada-playing-a-lead-role/84557.

35 E. Sadin, La silicolonisation du monde. L’irrésistible expansion du libéralisme numérique, Éditions L’Échappée, 2016.

36 G.-H. de Rakowski, Les jeux du désir-de la technique à l’économie, PUF, coll. Quadrige, 1980 ;
J.-F. Dortier, « L’économie du désir, peut-on lui résister ? », Sciences Humaines 2018, 6(304), p. 3-3.

37 E. Sadin, La vie algorithmique, critique de la raison numérique, Éditions L’Échappée, 2015.

38 F. Damour, S. Deprez, D. Doat (dir.), Généalogies et nature du transhumanisme, Liber, 2018 ; G. Hottois, Philosophie et idéologies trans/posthumanistes,Vrin, 2017.

39 J. Suvalescu, N. Bostrom, Human Enhancement, Oxford University Press, 2009.

40 J. Harris, Enhancing Evolution. The Ethical Case of Making Better People, Princeton UP, 2007.

41 R. Ettinger, L’homme est-il immortel?, Paris, Denoël, 1964.

42 J. L. Heldmann, NASA Ames Research Center, Division of Space Sciences & Astrobiology, Planetary Systems Branch, Moffett Field, CA 94035, 650-604-5530 et matures, Accelerating Martian and Lunar Science through SpaceX Starship Missions, http://surveygizmoresponseuploads.s3.amazonaws.com/fileuploads/623127/5489366/111-381503be1c5764e533d2e1e923e21477_HeldmannJenniferL.pdf.

43 M. Hunyadi, La Tyrannie des modes de vie, Le Bord de l’eau, 2015 ; Le Temps du posthumanisme, Les Belles Lettres, 2018.

44 Op. cit., note (18), La Tyrannie des modes de vie.

45 E. Sadin, L’Intelligence artificielle ou l’enjeu du siècle: Anatomie d’un antihumanisme radical, L’Échappée, 2018.

46 J. Bodin, Les six livres de la République, Édition de Lyon, 1593, in Corpus des œuvres de philosophie de langue française, Paris, Fayard, 1986, Livre I, chap. 8, p. 179.

47 P. Laband, Das Staatsrecht des Deutschen Reiches, vol. 1, Tübingen, Mohr, 1911, p. 57.

48 G. Jellinek, L’État moderne et son droit. Première partie (t. 1) et Deuxième partie (t. 2) Théorie générale de l’État, Paris, Édition Panthéon-Assas, 2005, coll. Les Introuvables, traduction de 1911, préface Olivier Jouanjan.

49 G. Jellinek, Allgemeine Staatslehre, 4e éd., Berlin, Springer, 1922, p. 496.

50 Il a notamment légitimé la prise du pouvoir par Hitler en développant la doctrine de la « pensée-concrète-de-l’ordre » (Konkretes Ordnungsdenken), qui repose sur le monopole de prise de décision de l’État et qui inspire le Führerprinzip et la thèse d’une identité de la loi et de la volonté (« La loi est la volonté du Führer »).

51 Michèle Alliot-Marie, citée par M. Untersinger, « L’incertaine mais nécessaire “souveraineté numérique” », Le Monde, 20 nov. 2019.

52 Comprendre la souveraineté numérique, Cahiers français 2020, no 415.

53 Sénat, Le devoir de souveraineté, Rapport no 7 (2019-2020) de M. Gérard Longuet, fait au nom de la commission d’enquête, déposé le 1er octobre 2019, http://www.senat.fr/rap/r19-007-1/r19-007-1_mono.html.

54 Id.

55 E. Brousseau, « Régulation de l’Internet. L’autorégulation nécessite-t-elle un cadre institutionnel ? », Revue économique 2001, hors-série, p. 349-377.

56 Convention de Montevideo sur les droits et devoirs des États, 26 déc. 1933, http://danielturpqc.org/upload/Convention_concernant_les_droits_et_devoirs_des_Etats_Convention_de_Montevideo_1933.pdf.

57 J. Perry Barlow, « Déclaration d’indépendance du cyberespace (9 févr. 1996) », in O. Blondeau (dir.), Libres enfants du savoir numérique. Une anthologie du « Libre », Paris, Éditions de l’Éclat, Hors collection, 2000, p. 47-54.

58 M. Couston, « Chapitre 3. Le statut de l’espace et des corps célestes », Journal international de bioéthique et d’éthique des sciences 2019, 3(30), p. 35-60.

59 Y. Eudes, « Construire des îles artificielles pour prendre le large », Le Monde, 1er oct. 2018,
https://www.lemonde.fr/long-format/article/2018/10/01/des-iles-artificielles-pour-prendre-la-tangente_5362571_5345421.html.

60 G.-G. Toudouze, « Les îles artificielles », Hommes et mondes 1955, no 110, p. 198-209 ; J. Lévy-Morelle, « L’île artificielle de Zeebrugge et le droit international », Revue belge de droit international 1975, 1, p. 161-174 ; H. Raimana Lallemant-Moe, « Le régime juridique des îles flottantes, entre fantasme et réalité en Polynésie française », Énergie-Env.-Infrastr. 2017.

61 Y. Tephany, « Le statut des îles dans l’arbitrage portant sur la mer de Chine méridionale »,
https://humansea.hypotheses.org/678.

62 A. Cattaruzza, Géopolitique des données numériques : Pouvoir et conflits à l’heure du Big Data, Éditions Le cavalier bleu, coll. Géopolitique, 2019.

63 Op. cit., note (3).

64 G. Renouard, « Google, Apple, Amazon, Microsoft : les GAFAM à l’assaut du marché de la santé américain », La Tribune, 5 mai 2021.

65 L’exemple de l’espace est très illustratif à cet égard : M. Rueda-Medina et L. Weber, La motivation des nouveaux entrants : le cas des GAFAM dans le secteur spatial, TBS – M2 Management de l’Innovation High-Tech, 4 févr. 2019, https://chaire-sirius.eu/documents/1104e5-rueda-medina-weber-2019-la-motivation-des-nouveaux-entrants-le-cas-des-gafam-dans-le-secteur-spatial-unknown.pdf.

66 M.-H. Gauthier, Compte rendu de l’ouvrage Géopolitique des données numériques. Pouvoir et conflits à l’heure du Big Data, Netcom 2019, 33(3-4), https://journals.openedition.org/netcom/4410.

67 C. Byk, « Le droit international de la “bioéthique” : “jus gentium” ou “lex mercatoria” », JDI 1997, vol. 4, p. 913-944.

68 L. Perez, art. cité.

69 Twitter, Facebook, Snapchat, YouTube, Instagram, Tik-Tok et Twitch ont, tous, décidé de bouter le président américain hors de leur plateforme, parfois définitivement, arguant que ses tweets et ses messages avaient incité ses fidèles à partir à l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021.

70 C. Soutarson et A. Marolleau, « Paiement mobile, assurance, cloud… Les GAFAM poursuivent sur leur lancée dans l’industrie financière », MindFintech, 10 juin 2021, https://www.mindfintech.fr/services-bancaires/paiement-mobile-assurance-cloud-les-gafam-poursuivent-sur-leur-lancee-dans-lindustrie-financiere/.

71 De Libra à Diem, l’évolution du système de paiement virtuel initié par Facebook, AN, no 4213, Rapport d’information sur les géants du numérique, Alain David, Marion Lenne, députés, 22 juin 2021, p. 41.

72 M. Aglietta, O. Lakomski-Laguerre, « Les cryptomonnaies en plein essor : les banques centrales lèvent leurs boucliers ! », CEPII, L’économie mondiale 2022, Paris, La Découverte, coll. Repères, 2021, p. 103-117.

73 N. Antonin, Les GAFA et leur stratégie d’optimisation fiscale, Académie des sciences commerciales, 6 janv. 2021, https://academie-des-sciences-commerciales.org/les-gafa-et-leur-strategie-doptimisation-fiscale/.

74 AN, no 4213, Rapport d’information sur les géants du numérique, Alain David, Marion Lenne, op. cit. note (65), p. 40.

75 G. Fleury, « Internet comme vecteur de pouvoir », Études internationales 2008, 39(1), p. 83-104, para.1.

76 La théorie critique est une approche de la philosophie sociale qui vise à analyser la société et la culture en mobilisant les sciences sociales et les humanités afin de révéler et mettre en question les structures de pouvoir : J.-M. Durand-Gasselin, L’École de Francfort, Gallimard, coll. Tel, 2012.

77 G. Fleury, art. cité, para.18.

78 Id., para.20.

79 Ibid., para. 29 et s.

80 A. Feertchack, « Le Danemark aura un ambassadeur dans la Silicon Valley », Figaro Vox, 8 mars 2017, https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2017/02/01/32001-20170201ARTFIG00116-le-danemark-aura-un-ambassadeur-dans-la-silicon-valley.php ; M. Rameaux, « Les GAFA élevés au rang de puissance diplomatique ou la tyrannie des géants du Web », Figaro Vox, 2 févr. 2017, https://www.lefigaro.fr/vox/monde/2017/02/02/31002-20170202ARTFIG00113-les-gafa-eleves-au-rang-de-puissance-diplomatiqueou-la-tyrannie-des-geants-du-web.php.

81 En revanche, plusieurs pays, dont la France, ont désigné un ambassadeur pour le numérique, chargé de coordonner la politique internationale de leur pays sur cette question : Julien Nocetti, cité par S. Khan in « Contexte Numérique, Un geek au Quai d’Orsay : à quoi sert l’ambassadeur au numérique ? », https://www.ifri.org/fr/espace-media/lifri-medias/un-geek-quai-dorsay-quoi-sert-lambassadeur-numerique.

82 G. Fleury, art. cité, para. 31.

83 Id.

84 Id.

85 G. Fleury, art. cité, para. 26.

86 Id.

87 F. Fourquet, Le régime international est toujours dominant. Actes du Forum de la Régulation, Paris, 2003, p. 20.

88 C. Thibout, « Google et l’État fédéral états-unien : interdépendance, contestation et hybridation », Entreprises et histoire 2021, 3(104), p. 142-163.

89 Ibid., p. 21.

90 G. Fleury, art. cité, para. 37.

91 P. Allard, « Chine : le Parti commande aux applications Internet », Questions internationales sept.-oct. 2021, Les GAFAM, une histoire américaine, p. 59-66. La Russie est dans la même logique : C. Marengé, N. Mazzuchi, « Russie : les GAFAM sous surveillance », eod. loc., p. 70-74.

92 S. Tisseron, L’emprise insidieuse des machines parlantes, Paris, Les Liens qui Libèrent, 2020, p. 129-130.

93 F. Gheller, « La régulation techno-juridique en échec. Le cas de la 33e Conférence générale de l’Unesco », Chronique de la Chaire mcd, 2006, p. 4.

94 https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000378425/PDF/378425fre.pdf.multi.page=11

95 V. Guèvremont, Regards croisés sur la convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel et la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, Presses de l’université Laval, 2019 ; C. Varin et V. Guèvremont, « La Convention sur la diversité des expressions culturelles quinze ans après : une mise en œuvre effective d’un instrument juridique faiblement contraignant », Revue québécoise de droit international 2019, 32(2), p. 1-27 ; L.A. Albornoz, « Dix ans après l’entrée en vigueur de la Convention sur la diversité culturelle : Déséquilibres dans le marché international des biens et services culturels, et défi numérique », Les Enjeux de l’Information et de la Communication 2016, 17(2), p. 11-23.

96 UNESCO, Directives opérationnelles sur la mise en œuvre de la Convention de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles dans l’environnement numérique, Conférence des Parties,
6e sess., 2017, [Directives sur le numérique de 2017], en ligne : https://fr.unesco.org/creativity/sites/creativity/files/digital_guidelines_fr_full-2.pdf.

97 https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000380455_fre

98 « Nous sommes inquiets parce que beaucoup de décisions se font maintenant sur la base de l’IA : qui a accès à un crédit, qui peut avoir accès à telle université, qui peut obtenir un entretien d’embauche... Même dans le système judicaire on fait beaucoup de triage grâce à l’IA », Gabriela Ramos, directrice générale adjointe chargée des Sciences sociales et humaines à l’Unesco, https://www.franceculture.fr/numerique/ethique-de-lintelligence-artificielle-une-recommandation-de-lunesco-inedite-mais-a-limpact-limite.

99 « Jusqu’à présent, les entreprises pouvaient faire ce qu’elles voulaient. Avec cette recommandation, on donne les outils et le pouvoir aux gouvernements pour qu’ils mettent en place des règles. C’est leur rôle et leur responsabilité. Et ensuite, les entreprises privées n’auront pas le choix : elles devront suivre les règles, c’est tout », Dafna Feinholz, cheffe de la section de la bioéthique et de l’éthique des sciences de l’Unesco, https://www.franceculture.fr/numerique/ethique-de-lintelligence-artificielle-une-recommandation-de-lunesco-inedite-mais-a-limpact-limite.

100 J. Nocetti, « La gouvernance mondiale d’Internet à la croisée des chemins », Enjeux numériques, no 4, Annales des Mines 2018, p. 31-36.

101 Id.

102 J. Nocetti, « Les GAFAM, nouveaux acteurs controversés des relations internationales », Questions internationales sept.-oct. 2021, Les GAFAM, une histoire américaine, p. 26.

103 N. Le Dévédec, Le mythe de l’humain augmenté, Ecosociété, Montréal, 2021.

104 L’usage de la notion de solidarité comme projet politique n’est pas nouveau puisque cette notion est le principe moteur de la fondation de la République française (M-Cl. Blais, La solidarité. Histoire d’une idée, Gallimard, coll. Bibliothèque des idées, Paris, 2007), mais elle mérite d’être revivifiée et étendue à la sphère internationale dans sa dimension spatiale comme temporelle.

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Pour citer cet article

Référence papier

Christian Byk, « L’ère du numérique conduit-elle à l’émergence de nouveaux acteurs et formes de souveraineté ? »Cahiers Droit, Sciences & Technologies, 15 | 2022, 171-192.

Référence électronique

Christian Byk, « L’ère du numérique conduit-elle à l’émergence de nouveaux acteurs et formes de souveraineté ? »Cahiers Droit, Sciences & Technologies [En ligne], 15 | 2022, mis en ligne le 14 novembre 2022, consulté le 21 mars 2025. URL : http://journals.openedition.org/cdst/6859 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cdst.6859

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Auteur

Christian Byk

Chercheur associé à l’ISJPS (Paris1-CNRS 8103), Secrétaire général, Association internationale droit, éthique et science. L'association constitue un réseau international de réflexion et d'échanges dans le domaine de la bioéthique et de l'éthique des sciences ; elle publie un trimestriel bilingue, le Journal international de bioéthique et d'éthique des sciences (https://eska-publishing.com).

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