Navigation – Plan du site

AccueilNuméros25DossierTravailler sa présence corporelle...

Dossier

Travailler sa présence corporelle et construire une posture éducative : exemple d’une formation en master MEEF EPS

Working on Body Presence and Building an Educational Posture: Example of a Master MEEF EPS Course
Magali Boizumault

Résumés

La mise en scène corporelle des enseignants et l’usage de leur corps comme média d’enseignement et de relation aux élèves et aux apprentissages restent encore peu questionnés. Dans le cadre de la formation des futurs enseignants d’Éducation physique et sportive (EPS), nous présentons un dispositif formatif réalisé autour de l’objectif de sensibiliser les étudiants au rôle de leur corps et de leurs communications non verbales (gestuelles et vocales) dans leurs interactions, pour des enjeux didactiques, pédagogique et ergonomique. Ces ateliers avaient pour objectif de les aider à construire leur présence corporelle par des exercices de nature variée, mais toujours incarnés et questionnant l’expérience sensible. Nous analysons ce dispositif à travers différents filtres et des matériaux variés : enjeux recherchés du formateur, contenus proposés, développement des compétences psychosociales, bénéfices identifiés par les étudiants. Ces derniers ont répondu à un questionnaire six mois après la formation pour questionner le sens de celle-ci et les liens qu’ils font avec leurs gestes professionnels, mobilisés lors de leur stage hebdomadaire, en 2e année du master Métiers de l’enseignement, de l’Éducation et de la formation, parcours EPS (MEEF EPS).

Haut de page

Plan

Haut de page

Texte intégral

1. Introduction

1Dans le cadre de la formation des enseignants, la question de la relation enseignant-élève (REE) et de la posture éducative optimale qui en découle revêt une importance cruciale. Pour autant, les enseignants, y compris ceux d’éducation physique et sportive (EPS) sont souvent peu sensibilisés à cette REE (Visioli, 2019) notamment sur l’usage de leur corps comme outil au service de leurs gestes professionnels (Boizumault, 2022a ; Emond & Rondeau, 2019 ; Tellier, 2021 ; Tellier & Yerian, 2018 ; Visioli& Petiot, 2018). La mise en scène corporelle des enseignants et l’usage de leur corps comme média d’enseignement et de relation aux élèves et aux apprentissages commencent à être explorés en EPS (Boizumault & Cogérino, 2012 ; Visioli, 2022 ; Visioli & Petiot, 2018), dans l’enseignement des langues (Azaoui, 2019 ; Eschenauer, Tellier & Zappa, 2022 ; Tellier & Cadet, 2014 ; Urbanski & Stam, 2022), en formation initiale (FI) (Jourdan, 2014, 2022 ; Marsault & Lefèvre, 2022b) et de manière plus générale à l’école (Duval, Raymond & Odier-Guedj, 2022). En FI, peu d’heures sont dédiées à l’optimisation de cette présence corporelle dans une perspective didactique, pédagogique et ergonomique (Boizumault, 2022a ; Tellier, 2021).

2Toutes les formations, y compris celle des futurs enseignants d’EPS qui nous intéresse davantage dans cette étude, devraient donc intégrer des pratiques et des réflexions permettant de travailler la présence corporelle de manière consciente et intentionnelle (Coudevylle et al., 2020), car « pour celui qui maîtrise l’utilisation de son corps, l’atout est loin d’être négligeable » (Tellier & Yerian, 2018, p. 3). Cette dimension de la formation ne se limite pas à des techniques de gestion de classe, mais englobe également des aspects tels que la communication non verbale, l’attitude posturale, la gestion des émotions et la capacité à instaurer un climat de confiance et de respect mutuel (Boizumault, 2022a ; 2021). Il s’agit ainsi de permettre aux futurs enseignants de notamment développer leurs compétences psychosociales (CPS) considérées comme un pilier essentiel de la santé globale, du bien-être et de la réussite éducative et sociale (SPF, 2022a). Cela questionne également leurs pratiques pédagogiques qui ont une influence majeure sur l’évolution sociale et émotionnelle des élèves (Durlak et al., 2011 ; Steponavičius, Gress-Wright & Linzarini, 2023). Or, selon l’enquête TALIS 2018 de l’OCDE (2019), seulement 22 % des enseignants français se sentent bien ou très bien préparés à la gestion de classe, un chiffre nettement inférieur à la moyenne de l’OCDE (72 %).

3Dans ce contexte, nous présentons un dispositif de formation innovant dans le cadre du Master Métiers de l’Enseignement, de l’Éducation et de la Formation mention second degré EPS (MEEF EPS). Ce dispositif vise à aider les futurs enseignants à construire une posture éducative efficace et bienveillante par le biais d’exercices variés et incarnés, questionnant l’expérience sensible et favorisant la conscience de leur présence corporelle et son développement. Les ateliers proposés avaient pour objectif de sensibiliser les étudiants au rôle de leur corps et de leurs communications non verbales (gestuelles et vocales) dans leurs interactions éducatives.

4Nous analysons ce dispositif à travers différents filtres : les enjeux recherchés par le formateur, les contenus proposés, le développement des compétences psychosociales, l’impact et les bénéfices identifiés par les étudiants. En explorant ces éléments, cette étude de cas examine comment les futurs enseignants peuvent être accompagnés pour développer une présence corporelle affirmée et construire une posture éducative efficace et bienveillante. Elle vise à questionner l’usage de pratiques expérientielles en FI, pour permettre aux étudiants de développer leur réflexivité et leur conscience de soi afin qu’ils deviennent des enseignants capables de créer des environnements d’apprentissage stimulants et inclusifs, tout en répondant aux défis spécifiques de l’enseignement de l’éducation physique et sportive. En effet, les particularités spatiales de cette discipline (environnements d’enseignement très variés comprenant des espaces intérieurs : dojo, salle de tennis de table, etc., ou encore se déroulant en extérieur : piste d’athlétisme, terrain de rugby, forêt, etc.) induisent des ajustements vocaux et corporels des enseignants (Boizumault, 2013). Par ailleurs, les enseignants d’EPS peuvent être nommés à la fois en collège, lycée général et technologique ou lycée professionnel. Il est donc nécessaire de préparer les étudiants à l’hétérogénéité des contextes et des publics, nécessitant des postures éducatives ajustées.

2. Présence corporelle et posture éducative, un cadre conceptuel pluriel

2.1. Enjeux de la construction d’une posture éducative dans la relation enseignant-élèves

5La relation enseignant-élèves (REE) met en lumière les interactions mutuelles et réciproques des individus impliqués (Sensevy & Mercier, 2007). Cette dernière est, selon Virat (2014), multidimensionnelle et constituée d’interactions et d’émotions (Stuhlman & Pianta, 2011). Les études travaillant autour de la REE sont unanimes sur l’importance de soigner la qualité de cette relation (Fallu & Janosz, 2003 ; Hattie, 2009 ; Pianta & Steinberg, 1992). Une REE de qualité nécessite de développer une relation de confiance (Espinosa, 2016 ; Marsollier, 2012) ainsi qu’une communication de qualité (Fortin, Plante & Bradley, 2011 ; Hamre & Pianta, 2007 ; Marsollier, 2017), tant verbale que non verbale (Boizumault, 2022a, 2021, 2016, 2012), conjuguant autorité et soutien (Boizumault, 2021 ; Marsollier, 2004) dans laquelle l’enseignant est sensible et à l’écoute des signaux non verbaux des élèves (Boizumault, 2024).

6Cette REE a un impact significatif sur la réussite scolaire de l’élève (Lafortune & Saint-Pierre, 1998 ; Shankland et al., 2018 ; Virat, 2022), son engagement (Boizumault & Cogérino, 2016 ; Damon-Tao et al., 2023 ; Shankland et al., 2018 ; Virat, 2022) sa motivation et son bien-être (Fortin, Plante & Bradley, 2011 ; Marsollier, 2004 ; Shankland et al., 2018).

7Ce type de relation, qu’elle soit définie comme étant de qualité, positive ou réussie, permet la prise en compte de l’enfant au-delà de l’élève. Loton Bidal (2023) parle de bientraitance pédagogique qui repose sur une relation bienveillante favorisant la confiance mutuelle et la réflexivité qui privilégie l’accompagnement des élèves dans leur développement de savoir-être et savoir-faire plus que sur la simple transmission des savoirs. Il s’agit ainsi de développer une posture d’accompagnement (Paul, 2004).

8Pour favoriser la mise en place d’une REE de proximité en classe, plusieurs auteurs invitent à renforcer la qualité des interactions (Fortin et al., 2011 ; Haiat, Espinosa & Charron, 2023 ; Shankland et al., 2018) et à former les enseignants au développement de leurs compétences émotionnelles (CE) (Jennings & Greenberg, 2009), socioémotionnelles (Shankland et al., 2018) ou psychosociales (Lenoir et al., 2024 ; Shankland et al., 2024 ; SPF, 2022b). Ces éléments théoriques ont été pris en compte lors de l’ingénierie pédagogique de création de la formation présentée dans cet article, notamment à travers une approche corporelle de l’interaction pour construire cette posture éducative.

2.2. La prise en compte du corps de l’enseignant dans la relation enseignant-élèves

9Jorro et Dangouloff (2018) affirment que « comprendre l’activité enseignante à partir de la corporéité tend à montrer l’importance d’un rapport au monde et, dans la situation de classe, un rapport à la situation sociale d’enseignement-apprentissage » (p. 4). Pour elles, ce rapport au monde est perceptible à partir de la posture de l’enseignant face à ses élèves et « la qualité de la relation pédagogique se joue dans l’interprétation par les élèves des gestes des enseignants » (Jorro & Dangouloff, 2018, p. 11). Mais ces auteures regrettent que cette « technique du corps » (Mauss, 1950) reste bien souvent un savoir implicite de l’agir professionnel. Ce corps parle à l’insu des professeurs (Jorro & Dangouloff, 2018).

10Cet agir corporel est associé aux compétences communicationnelles que de plus en plus d’auteurs raccrochent aux gestes professionnels (Boizumault, 2022a, 2016 ; Tellier, 2021, 2014, 2008 ; Tellier & Cadet, 2014 ; Tellier & Yerian, 2018 ; Visioli & Petiot, 2018 ; Visioli, Petiot & Ria, 2016) qui s’enseignent en formation comme outils indispensables à la gestion de classe et à la transmission du savoir (Berger, 2005 ; Boizumault, 2022a ; Tellier, 2021 ; Tellier & Yerian, 2018) et se co-construisent avec les élèves (Mahut et al., 2005 ; Tellier, 2008). Que ces auteurs parlent de communication multimodale (Colletta, 2012), totale (Von L. Lieth, 1972, cité par Cosnier, 1982 ; Genevois, 1992) ou corporelle (Argyle, 1988), ils s’appuient sur une approche globale de la communication, incluant différentes modalités de communication. Notre propre démarche s’inscrit, tout comme Abric (1999), dans l’approche psychosociologique, laquelle définit la communication comme l’ensemble des processus par lesquels s’effectuent les échanges d’informations et de significations entre des individus dans une situation sociale donnée. Nous considérons la communication comme un acte social, une interaction. Cette communication interpersonnelle se définit comme « l’échange d’informations et de significations créées et partagées entre deux personnes ou plus à travers des messages verbaux et non verbaux en fonction d’un contexte donné » (Cormier, 2006, p. 30). La transmission s’opère par divers canaux de communication qui peuvent être multiples, d’où la notion de communication plurimodale. Langage parlé et communications non verbales (CNV) fonctionnent simultanément, les CNV n’étant pas subordonnées au discours. Cosnier (1982) aborde la notion de multicanalité de la communication humaine, composée de « trois sous-systèmes majeurs : le verbal, le vocal, le gestuel » (p. 281). Dans cet article, les canaux vocaux et gestuels, connus sous le nom de CNV, seront particulièrement questionnés. Nous les définissons comme

tout mode de communication n’ayant aucun recours aux mots, de manière consciente ou non. Cela inclut les silences, gestes, postures, tensions corporelles, mouvements, expressions faciales, regards, sourires, tonalité de la voix, rythme de l’élocution, vêtements, proxémie, etc., qui complètent le message verbal (Boizumault & Cogérino, 2012, p. 4).

11La vocalité semble nécessaire à intégrer en FI puisque les troubles de la voix liés à l’exercice de la profession d’enseignant sont fréquents (Etiemble, 2007) avec du « forçage vocal », de la difficulté à poser sa voix ou encore à l’apprécier (Augé, 2011). Nous nous intéresserons aux facteurs paralinguistiques du langage, en jeu lors de la théâtralisation, à savoir selon Hannoun (1989) « le timbre, le volume, la hauteur du son, la rapidité d’élocution, le rythme, enfin, l’ensemble de ce qui meuble la prosodie de la parole » (pp. 74-75). Nous y rajouterons le silence (Boizumault, 2021). Pour Le Breton (1998) ou Argyle (1992), ce paraverbal serait une composante tout aussi essentielle et fiable dans l’expression des émotions que les expressions faciales. Et ces modalités d’utilisation de la voix varient en fonction de l’expertise de l’enseignant (Moulin, 2004). L’enjeu est de trouver sa « voix professionnelle, placée et adressée avec un regard, incorporée » (Jourdan, 2014, p. 6) en domptant son corps et sa respiration.

12Cette communication multicanale sera resituée au sein des « gestes pédagogiques » (Tellier, 2014), c’est-à-dire liés au contenu verbal et questionnés selon leur intention pédagogique. Par ailleurs, Tellier (2008) parle de « code gestuel commun » lorsque ces gestes deviennent des rituels ou des routines au sein de la classe, avec un sens constant.

13Quels que soient les chercheurs ayant travaillé autour de l’usage du corps en classe, les fonctions identifiées sont relativement stables (Boizumault, 2012 ; Tellier, 2008 ; Visioli et al., 2016) : gérer/dynamiser la classe, maintenir l’attention, favoriser la participation, entrer en relation, encourager, informer dans les gestes liés aux apprentissages spécifiques à la discipline, évaluer les élèves (féliciter, signaler des erreurs, gronder, etc.) et assurer une sécurité physique spécifiquement en EPS, mais également affective.

14Si Jorro regrettait, en 2004, que « la présence de l’enseignant, si souvent évoquée par les élèves ne constitue pas encore un objet de réflexion dans le champ de la recherche didactique » (p. 1), nous venons de voir que des travaux récents sont apparus et que ce constat est dépassé. Malgré tout, nous nous questionnons sur le terme « présence de l’enseignant » employé : quelle présence cette auteure évoque-t-elle ?

2.3. La présence corporelle, un concept multifacette

15La présence corporelle (PCorp) est un concept multifacette qui suscite un intérêt récent des chercheurs. Selon Marsault et Lefèvre (2022a), la PCorp représente un nouveau savoir professionnel et une compétence professionnelle essentielle, conditionnée par la maîtrise du langage corporel (Tellier, 2008). Cette notion englobe des enjeux variés, oscillant entre extériorité et intériorité, et entre présence pour soi et pour les autres. De plus, elle soulève des questions sur son enseignement in situ ou en situation de formation, ainsi que sur son statut en tant qu’indicateur de savoir à maîtriser ou un effet issu d’un état de conscience particulier.

16Marsault et Lefèvre (2022a) identifient six caractéristiques clés de la présence corporelle. La docilité renvoie, selon ces auteures à « une dimension technique de “l’agir professoral” (Tellier et Cadet, 2014) dont la présence corporelle s’envisage comme une posture-mimo-gestuelle (Tellier, 2021), c’est-à-dire un ensemble gestuel à acquérir ou à construire, bref à incarner » (p. 3). La prestance repose sur un charisme professionnel, utilisant une mise en scène corporelle optimisée pour asseoir la présence en classe (Boizumault & Cogérino, 2012 ; Boizumault, 2022 ; Visioli, 2022). La fluidité vise à maintenir une attention vigilante (Depraz, 2014) permettant d’anticiper les éléments imprévus (Marsault & Lefèvre, 2022a). La flexibilité est la capacité d’adaptation et d’improvisation (Rolland & Roche, 2022) aux contextes et aux interactions, à travers une posture d’ouverture et de disponibilité (Mouchet et al., 2022). L’authenticité s’appuie sur la conscience corporelle (Paintendre, 2022), notamment celle de l’hétérogénéité des points de vue. Enfin, l’intercorporéité renvoie à la « dimension incarnée de l’action » (Marsault & Lefèvre, op.cit., p. 5) dans l’optique d’entrer en contact avec le sujet pour « être avec » (Jourdan, 2022).

17À travers toutes ces caractéristiques, la présence corporelle questionne la relation enseignant-élèves dans ses dimensions cognitives, comportementales, affectives, relationnelles, émotionnelles et éthiques, tout en soulignant la nécessité de prendre conscience du travail corporel invisible (Visioli et al., 2016). Plus encore, elle s’entend, selon Lefèvre et Matthaey (2024) comme « une ouverture sur un état de sensation du rapport à soi et au monde » (p. 86). À travers cette notion, nous abordons le corps dans une conception systémique et interactionniste. Il est porteur d’émotions et de ressentis. Il est à la fois sujet et objet de la perception, à la fois sensible et sentant (Merleau-Ponty, 1964).

2.4. Liens entre les concepts de posture éducative et de présence corporelle

18Nous appuyant sur les travaux précédemment cités, nous définissons la posture éducative comme l’ensemble des gestes professionnels (attitudes, comportements et stratégies adoptées) de l’enseignant qui s’inscrivent dans une posture d’accompagnement (Paul, 2004) bienveillante et bientraitante (Le Masson, 2014 ; Loton, 2020), soutenant les besoins psychologiques fondamentaux des élèves par une attitude compréhensive et centrée sur l’élève (Reeve & Cheon, 2021). Cela nécessite la mobilisation des CPS des enseignants afin de veiller au bien-être des élèves « sans que cela ne s’exerce aux dépens d’une certaine efficacité de travail et du maintien des objectifs contractualisés d’apprentissage » (Loton Bidal, 2023, p. 186). De même, la présence corporelle peut être définie comme la capacité d’un individu à mobiliser consciemment son corps pour établir une connexion authentique avec les autres, basée sur un état de pleine attention, passant par des gestes, une attitude ouverte, et une attention sensorielle dans l’interaction.

19Nous considérons les deux notions comme interdépendantes et s’influençant mutuellement. Ainsi, la présence corporelle d’un enseignant (son ancrage physique, sa gestion de l’espace, ses communications non verbales) agit comme un élément structurant qui influence la perception qu’ont les élèves de sa posture éducative. En d’autres termes, avant même le discours ou l’intention pédagogique, le corps « parle » et pose les bases de l’interaction. Cette posture éducative se matérialise alors par une présence physique ajustée, qui influence la relation pédagogique. L’inverse est aussi vrai : la posture éducative (construite autour de valeurs comme la bienveillance, l’écoute ou la différenciation pédagogique) peut influencer la manière dont l’enseignant habite corporellement son rôle. Ainsi, nous dirions que la présence corporelle structure et conditionne l’efficacité de la posture éducative et qu’une réflexion sur la posture éducative modifie en retour la manière dont l’enseignant habite son corps et interagit avec les élèves. Cette articulation permet de penser la posture éducative comme un phénomène dynamique, inscrit dans la matérialité du corps et de la relation pédagogique.

2.5. Développer des formations expérientielles pour travailler la présence corporelle et la posture éducative

20Former les enseignants aux pratiques relationnelles semble nécessaire (Shankland et al., 2018 ; Virat, 2019) et possible dès la FI. Cependant, Lefèvre et Matthaey (2024) mettent en évidence que les « formations dans le supérieur portant sur le corps de l’enseignant et la conscience de soi restent en nombre restreint » (p. 84). Travailler en formation sur la posture éducative, en tant qu’« enseignant multimodal » (Tellier, 2014) apparaît fondamental afin de « donner du corps à son cours » (Tellier, 2014, p. 114) bien que les heures accordées à la formation sur ce thème soient insuffisantes (Jourdan, 2014).

  • 1 Jorro définit le geste professionnel comme « un mouvement du corps, adressé, porteur de valeurs et (...)

21Dangouloff (2021) propose d’agir par la simulation de situation de classe pour travailler la relation pédagogique, en se réclamant ainsi de l’apprentissage expérientiel. S’appuyant sur les quatre phases de Kolb (2015) instituant le cycle d’apprentissage expérientiel, constitué de l’expérienciation, l’observation réflexive, la conceptualisation et l’expérimentation active, Dangouloff (2021) a modélisé l’agir professionnel du formateur permettant : 1) de sécuriser le climat de formation (en fixant le cadre éthique) ; 2) d’optimiser la construction des gestes professionnels1 des apprentis enseignants autour des pratiques relationnelles. Ainsi, les mises en situation et les jeux de rôle permettraient de participer au perfectionnement de ces pratiques relationnelles par « l’appropriation de techniques de communication et de régulation émotionnelle » (Dangouloff, 2021, p. 7). La mise en place d’un climat de classe bienveillant, par le formateur, est cependant une condition indispensable à l’implication des étudiants.

22Dans cette approche de simulation, plusieurs études pointent les bénéfices des pratiques théâtrales comme dispositif de formation des enseignants (Cusset, 2013 ; Guérin & Archieri, 2012 ; Jourdan, 2014, 2018 ; Rousseaux, 2003 ; Visioli& Petiot, 2021). Marsault et Lefèvre (2022b) étudient plus spécifiquement les effets du théâtre-forum (TF) lors de « moments émotionnellement marquants » (Chaliès et al., 2013, cités par Marsault & Lefèvre, 2022b) sur la professionnalité et la présence corporelle d’étudiants en formation à travers une double entrée (saynète-débat). Le TF favorise une mise en scène dynamique des situations, en ouvrant les possibles. D’autres expériences portant sur la danse et/ou le théâtre dans le cadre de projets d’éducation artistique et culturelle (Espinassy, 2017 ; Lefèvre & Matthaey, 2024) ou d’apprentissage-enseignement des langues (Soulaine, 2018) ont permis de faire prendre conscience aux futurs professeurs de l’importance du corps « en tant qu’instrument de travail et de médiation des rapports sociaux » (Espinassy, 2017, p. 39). Les apprenants acquièrent, selon Soulaine (2018) « l’aptitude à interagir et à entrer en empathie avec autrui, grâce à l’empathie kinesthésique, à la résonance motrice convoquée lors des activités du corps dans l’espace, et en particulier les phénomènes d’échoïsation » (p. 4). Cusset (2013) identifie trois grands types d’approches de la pratique du théâtre en formation des enseignants : l’approche « technicienne » prenant en compte le corps comme « outil professionnel, articulé […] à la voix » (p. 139) offrant des techniques de « prise de conscience des mécanismes physiologiques, en particulier posturaux, respiratoires et musculaires » (p. 139) où corps et voix « sont des moyens, sans les articuler explicitement à la finalité dramatique du jeu » (p. 139) ; une « approche pragmatique, articulée à la finalité de la gestion de la classe » (p. 140), « réduisant la question du “rôle” à celle de l’acquisition d’une compétence transversale floue, à mi-chemin entre “savoir-faire” et “savoir-être”, directement importé des techniques managériales de gestion de ressources humaines » (p. 140) et enfin une approche plus clairement théâtrale « en ce qu’elle intègre explicitement la dimension du jeu, mais dans une finalité qu’on dira psychanalytique et/ou thérapeutique. C’est l’approche par le jeu dramatique » (p. 140). Il en propose alors une quatrième se rapprochant de la troisième pour développer le sens du jeu, sollicitant le pouvoir de l’exagération et de la caricature à travers l’utilisation du clown. Malgré ses critiques sur les deux premières approches, celles-ci présentent des bénéfices identifiés par de nombreux chercheurs en FI autour des gestes professionnels en cherchant son « je professionnel » (Jourdan, 2014). Tellier (2015, citée par Tellier & Yerian, 2018) détermine ainsi cinq critères à adopter comme principes généraux en formation d’enseignants sur la dimension pédagogique de leur corps : visibilité de la gestuelle et du corps par tous ; iconicité en illustrant le discours avec son corps ; pertinence en marquant les mots-clés pour faciliter la compréhension ; bienveillance par une attitude chaleureuse ; constance en créant un code gestuel commun dans la classe via les routines non verbales. L’enjeu est de développer la réflexivité des enseignants en formation (Boizumault, 2020), permettre à chacun de trouver son propre style gestuel (Tellier, 2021) par un usage pédagogiquement optimal du corps (Tellier, 2021) en les amenant à conscientiser leur pratique. Tellier (2021) complète ses propositions initiales d’une formation idéale sur le corps pédagogique indiquant la nécessité de combiner trois orientations : une formation théorique sur le geste, une formation pratique et une formation réflexive, appelées « triple exposition » par Cadet (2014). Ces éléments se rapprochent de ceux proposés par Emond et Rondeau (2019, p. 91) concernant la corporéité qui s’incarne dans toutes les dimensions de la personne (plans physiques, émotionnels, cognitifs et du sens) et comprend différentes dimensions de l’agir : la dimension vécue (sentir), la dimension active (agir, réagir et autoréguler) et la dimension réflexive (réfléchir, dire et faire dire). À travers cette approche, il est possible de travailler le « corps vécu », « constitué de l’ensemble de tous les signaux-sensations accessibles à l’enseignante stagiaire, incluant les sensations physiques, émotionnelles et cognitives (pensées, mots, images) » (Edmond & Fortin, 2016, p. 79). Plus encore, il est possible d’apprendre la conscience de la corporéité en formation (Emond & Rondeau, 2019, p. 93). Mais « ce processus de réflexion devrait inclure un apprentissage à être présent de manière attentive à ses sensations, ses émotions, ses pensées » (Emond & Rondeau, 2019, p. 98). L’appui sur des pratiques corporelles de bien-être semble une plus-value pour accéder à ce niveau de conscientisation et d’attention (Boizumault & Necker, 2020 ; Edmond & Fortin, 2016 ; Necker & Boizumault, 2020).

3. Une démarche méthodologique mixte inscrite dans un processus réflexif et formatif

3.1. Le dispositif formatif

23Notre expérimentation a pour objectif l’analyse d’un module proposé dans le cadre de la formation d’étudiants en 2e année de master MEEF EPS intitulé « présence corporelle : construire ses gestes professionnels en questionnant la place de ses interactions non verbales ». Pour identifier les enjeux et bénéfices de cette formation sur le développement professionnel des étudiants et leur réflexivité, la méthodologie s’appuie sur plusieurs matériaux, recueillis à des moments différents de l’année.

  • 2 L’accès au questionnaire complet est disponible en adressant un mail à l’auteure.

24Ce module était constitué de 5h de formation par groupe de 20 étudiants (2 groupes), réparties en un TD de 3h en gymnase puis deux mois après un nouveau TD de 2h en salle. Antérieurement au premier TD, les étudiants avaient à remplir un premier questionnaire en ligne (Q1)2 comprenant 28 questions, 11 fermées et 17 ouvertes nécessitant une réponse développée. Un temps de 30 minutes environ était nécessaire pour remplir le questionnaire avec efficacité. Celui-ci, totalement intégré au dispositif de formation, permettait de recueillir leurs connaissances et croyances sur la notion de présence corporelle tout d’abord de manière générale : « Que mettez-vous derrière le terme de présence corporelle de l’enseignant ? » ; « Comment se matérialise cette présence corporelle de l’enseignant en classe ? » ; « Pensez-vous qu’il soit possible de progresser dans la qualité de votre présence corporelle en classe ? ». Puis les questions abordent leur propre présence corporelle avant de s’orienter sur celle de leurs élèves et la vigilance accordée à celle-ci. Enfin, d’autres portent sur les communications non verbales (par exemple : « Quel usage pouvez-vous faire de ces communications non verbales en classe ? », « À quels gestes professionnels associez-vous ces communications non verbales ? », « Comment pouvez-vous optimiser l’utilisation de ces CNV ? ») puis balaient les notions de charisme, de mise en scène corporelle, et les liens entre présence corporelle et autorité.

25Les étudiants étaient ensuite invités à lire plusieurs articles scientifiques et/ou professionnels au choix parmi une quinzaine, autour des thématiques de la mise en scène corporelle de l’enseignant, de la présence corporelle, de la relation pédagogique sous le prisme des communications non verbales, de l’impact du non verbal sur les apprentissages, le climat de classe, l’autorité de l’enseignant, la relation aux élèves, etc.

26À l’issue du 1er TD et avant le suivant, était demandé aux étudiants un travail réflexif. Ils devaient identifier et récapituler les rituels non verbaux (RNV), énoncés comme construits explicitement et consciemment mobilisés dans la gestion de leurs propres classes lors de leur stage de M2. Par ailleurs, les éléments prioritaires retenus suite à l’expérience vécue en TD pratique et remobilisés en classe devaient être identifiés.

27Lors du TD2, nous avons questionné l’usage de rituels pensés à différents moments de la séance et pour différentes fonctions. Nous entendons par rituels des actions régulières et codifiées visant à structurer le cadre pédagogique, sécuriser les élèves et favoriser les apprentissages. Ils permettent d’organiser la temporalité de la séance en début et fin de cours (accueil des élèves et appel, la gestion des vestiaires, regroupement dans le gymnase, la mise en route collective, les transitions, le retour au calme), de créer un cadre éducatif explicite (déplacements, prise de parole, travail sur les ateliers, etc.), d’installer une culture partagée (codes gestuels pour réguler l’attention, regrouper les élèves, transmettre les critères de réalisation spécifiques à l’APSA, etc.). Ensuite, des échanges de partage d’expériences ont eu lieu. Ils portaient sur les rituels construits lors des interactions avec les élèves lors de la gestion de leurs classes face à des comportements d’élèves précis ou dans le cas de contraintes spatiales, temporelles et organisationnelles. Puis la question des gestes pédagogiques a été abordée, notamment la construction « d’un code gestuel commun » en lien avec les apprentissages visés dans le cadre de critères de réalisation coconstruits. Les échanges étaient très situés, illustrés par le contexte de stage (âge et caractéristiques des élèves, activité physique enseignée, objectifs visés).

28Un second questionnaire en ligne (Q2) a été transmis six mois après la formation, pour recueillir la perception des étudiants sur la formation reçue autour de la présence corporelle et appréhender ce que celle-ci a généré en eux sur le moment (émotions, appréhensions, plaisir, déplaisir, détente, bien-être en lien avec les exercices marquants) aux niveaux corporel, émotionnel, cognitif et qu’ils fassent un bilan post-formation, sur l’impact identifié sur leurs gestes professionnels, en stage. Le questionnaire est anonyme, mais il était donné la possibilité aux étudiants de noter leur prénom s’ils acceptaient d’être recontactés pour approfondir leurs réponses.

  • 3 Le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) est une réglementation européenne qui enc (...)
  • 4 Voir le site : https://www.maxqda.com/fr.

29En parallèle, les étudiants étaient tous visités et certaines de leur visite ont été filmées et analysées à travers le filtre de leur posture éducative et de leur présence corporelle en classe lors d’entretiens d’autoconfrontation. La restitution de ce travail qualitatif d’analyse de l’impact de la formation sur les pratiques en classe n’est pas possible dans le cadre restreint de cet article. Cet article présente uniquement les résultats du Q2, en parallèle avec les observations et notes prises pendant et après le TD de mise en pratique. Les réponses au Q1 et les travaux réalisés à l’issue du TD1, utilisés en TD2, feront l’objet d’un autre article. Seuls 23 étudiants ont répondu à Q2, à partir de LimeSurvey (conforme RGPD3). Nous avons réalisé une analyse thématique (Paillé et Muchielli, 2016) avec le logiciel d’analyse qualitative de données Maxqda4 dans un processus itératif, permettant d’identifier, de regrouper et d’interpréter les thèmes récurrents et de réduire les données qualitatives en catégories significatives.

3.2. Le TD expérientiel et de jeux de rôle

30Lors du TD, en gymnase, les étudiants étaient mis en pratique, de manière variée. Globalement, trois formes d’exercices étaient proposées : 1) des pratiques corporelles de bien-être ; 2) des exercices permettant de comprendre les impacts du corps et de la voix dans les interactions ; 3) des exercices recontextualisés dans les conditions de l’enseignement de l’EPS et des gestes professionnels inhérents au métier.

31Ainsi, diverses pratiques corporelles de bien-être (PCBE), basées sur des techniques de relaxation multiples, des pratiques de pleine conscience, de la cohérence cardiaque, des automassages étaient proposées tout au long des trois heures. Ces PCBE avaient pour objectif de permettre aux étudiants de se recentrer et d’apprendre à percevoir leurs sensations, physiques, émotionnelles, perceptives et augmenter leur degré de sensibilité. À la suite de chacune de ces pratiques, un temps de mise en mot des ressentis était proposé permettant aux étudiants de partager leur éprouvé, de construire un vocabulaire plus affiné des perceptions ressenties. Ces PCBE alternaient avec des exercices autour de l’usage du corps et de la voix. Une partie des exercices permettait de travailler la compréhension du fonctionnement optimisé de sa voix, ainsi que les éléments constitutifs de la vocalité (articulation, intonation, volume, débit, silence, etc.). La seconde partie portait sur l’impact de sa posture dans les interactions (communication corporelle) et l’expression partagée au groupe, de sa perception des effets produits sur eux-mêmes. Ces pratiques étaient parfois isolées et ciblées sur un élément (la vocalité ou le langage corporel) ou travaillaient simultanément les enjeux de prendre conscience de sa communication multimodale, notamment ses aspects NV. Ainsi, lors du troisième temps du TD, des exercices reproduisant les conditions de l’enseignement de l’EPS dans un gymnase, à travers des mises en situation de natures variées, étaient proposés : accueil de sa classe et explication de la séance, regroupement de sa classe et explication d’une consigne, présentation d’une situation d’apprentissage, gestions de comportements d’élèves inadaptés. Étaient ainsi mises à l’épreuve les compétences de gestion d’un groupe lors d’une consigne, de la construction de son autorité, de la qualité de présentation d’une situation d’apprentissage et des contenus d’enseignement visés. Les retours réflexifs portaient sur la qualité des interventions du point de vue de la multimodalité de la communication (communications paradoxales ? Cohérence et enjeux d’optimiser ses CNV avec le verbal).

32Lors de ce TD, nous étions nous-même placée en observation participante. Celle-ci « procure d’excellents résultats » selon Gadet (2000, p. 33), car

les données y gagnent, outre en authenticité, en qualité et en intérêt, en compréhensibilité du point de vue des acteurs ; et c’est un accès sans équivalent aux pratiques non officielles, sur lesquelles les observés ne diront rien à un enquêteur, qu’ils les trouvent trop banales ou trop peu légitimes (p. 33).

33Cette technique « réclame que l’on devienne sensible et réceptif à la façon dont les protagonistes se perçoivent et se traitent les uns les autres » (Emerson, 2003, p. 410), puisque « le travail de terrain est nécessairement de nature interactionnelle et la présence de l’enquêteur a des conséquences dans la vie des enquêtés » (ibid., p. 410). Les données recueillies sont de natures variées. Tout d’abord des notes d’observation portant sur la description détaillée des interactions et comportements des étudiants en formation – s’appuyant sur leurs postures, CNV, implications – ont été relevées. Dans un second temps, des données subjectives s’appuyant sur l’expérience du chercheur, permettant d’appréhender la dynamique du groupe, ont été exploitées. Il s’est agi ensuite de réaliser une triangulation des données, en comparant celles issues de la formation expérientielle à celles restituées en TD2 et lors de Q2.

4. Résultats

34Pour rappel, notre question de recherche était de savoir si une formation initiale permettait d’accompagner des enseignants en formation pour développer une présence corporelle affirmée et construire une posture éducative efficace et bienveillante, en développant leur réflexivité et leur conscience de soi, tout en répondant aux défis spécifiques de l’enseignement de l’éducation physique et sportive.

35Pour gagner en fluidité dans la présentation des résultats, nous avons utilisé un codage : pour les questionnaires, nous indiquerons le sexe suivi d’un numéro pour identifier les étudiants répondants. Pour les verbatim issus de l’observation, nous utiliserons les initiales des prénoms.

4.1. Une formation innovante, mais engageante émotionnellement

4.1.1. Construire sa présence à soi par des pratiques de pleine conscience, un rapport à soi inédit et parfois difficile

36Après avoir instauré un climat de confiance et de bienveillance entre les participants, nous avons proposé des exercices de recentrage et de prise de conscience de soi, des autres et de sa présence dans l’espace. Les exercices de pleine conscience incluaient la marche dans le gymnase en se concentrant sur ses appuis, sa posture, sa respiration, et sa vitesse de déplacement, suivis d’un scan corporel en position allongée. L’objectif était d’apprendre à observer sa respiration, identifier ses tensions et être pleinement conscient de soi dans l’instant présent.

37Du point de vue de la formatrice-chercheure, était explicitement travaillée la CPS cognitive spécifique « capacité d’attention à soi (ou pleine conscience) ». Cet objectif a été annoncé aux étudiants en début de TD en leur expliquant que travailler les CPS, les lifeskills en anglais (compétences de vie transversales), permettant de leur donner du pouvoir d’agir est fondamental, car c’est un déterminant majeur de leur bien-être (et de celui de leurs élèves), de leur santé et de leur réussite éducative et sociale. Leur acquisition nécessite une pédagogie participative basée sur l’expérience, les interactions, l’observation et l’imitation. Cette compétence cognitive consiste à « être capable de porter volontairement son attention sur l’expérience présente (interne et externe), avec une attitude d’accueil » lors d’activités formelles ou informelles (Lamboy, Shankland & Williamson, 2021, p. 71).

38Le débriefing a révélé des difficultés pour de nombreux étudiants, souvent peu habitués à questionner leur corps sensible et à sortir d’un corps performatif et compétitif. Ils ont exprimé des difficultés à ralentir, être dans l’instant présent, et rester attentifs à leurs sensations sans se laisser envahir par leurs pensées, appréhensions et émotions, manifestées parfois par des comportements comme rire, pleurer, s’impatienter, ou arrêter (Par exemple, « j’ai rencontré des difficultés à porter mon attention sur mon corps et mes sensations lors des exercices de relaxation/méditation. Mais j’ai ressenti un sentiment de bien-être après ces exercices, j’étais détendu, apaisé », G16).

39Pour la plupart, une fois les étudiants détachés de leurs a priori, la découverte d’une perception plus large de leurs sens a été plaisante. Une étudiante a expliqué avoir ressenti « des émotions assez négatives au début à cause de l’appréhension, mais des émotions qui basculent dans le positif après quelques exercices et répétitions » (F1). Un autre précise : « j’ai ressenti beaucoup d’émotions positives, de la joie et de la surprise, au début mes pensées étaient centrées sur le regard que les autres posaient sur moi, mais très vite je me suis centré sur une écoute de mon corps et de ma voix : c’était très agréable » (G1).

4.1.2. Interagir avec les pairs de manière corporelle, des communications non verbales créant gêne et inconfort

40Au-delà des exercices autocentrés, d’autres ont été réalisés en interaction avec le groupe ou face au groupe, posant des défis pour la majorité des étudiants. Onze étudiants ont indiqué un malaise ou des difficultés pour passer face au groupe dans les situations nécessitant cette exposition. Huit étudiants ont une réponse mitigée, se positionnant à 3/5, et seuls 5 se sentent à l’aise.

41Par exemple, le troisième exercice, demandant de se déplacer dans l’espace et d’interagir par le regard, a été particulièrement engageant émotionnellement. Il s’agissait de croiser le regard d’un pair, d’abord rapidement, puis pendant trois secondes, et enfin sans rompre le contact. Cet exercice a été très difficile pour au moins la moitié du groupe, qui marchait en regardant ses pieds. Les temps 2 et 3 ont révélé la difficulté à créer de l’intimité et à assumer cette proximité visuelle avec l’autre. Cependant, un étudiant a reconnu l’intérêt de cet exercice, le considérant comme le plus marquant : « Croiser le regard des autres me semble important pour assumer son statut et dégager une image de confiance et d’autorité » (G13).

4.2. Comprendre l’impact du NV dans les interactions

4.2.1. Construire sa présence face aux autres

42Divers exercices, décontextualisés puis en jeux de rôles spécifiques à l’EPS, ont permis de travailler cette compétence et d’intégrer des connaissances multiples pour asseoir cette présence face au groupe. Un des exercices qui revient à plusieurs reprises comme étant le plus marquant est celui du cercle (par exemple « juste le moment où on était en cercle et on devait venir au milieu pour se présenter rapidement, j’ai trouvé ça compliqué alors qu’on se connaissait tous plutôt bien », G10). Le témoignage de G16 est particulièrement éclairant sur les enjeux sous-jacents à cet exercice :

l’exercice qui m’a le plus marqué était lorsque nous étions en rond et qu’à tour de rôle chacun s’est avancé au milieu du cercle, a prononcé son prénom et regardé les autres dans les yeux. C’est particulièrement en tant qu’observateur qu’on se rend compte du poids du langage corporel de celui qui est en train de passer et de sa difficulté à cacher ses émotions. Cet exercice a été autant utile d’un point de vue personnel que professionnel, et s’avère enrichissant pour penser à notre comportement face à une classe.

43Les difficultés identifiées avec les étudiants portaient sur la capacité à se faire entendre, à trouver une place adaptée lors de sa présentation, à identifier son style pour entrer dans le cercle et se tenir face au groupe. Les échanges post-exercices ont porté sur la posture, la manière de se tenir comme révélatrice d’un état de confiance en soi, la qualité de l’élocution (débit, articulation, intonation, volume), l’utilisation des mains et l’apparition de gestes parasites. Ces aspects ont été analysés pour en tirer des conclusions collectives sur la qualité d’une posture confiante et les perceptions collectives. Cet exercice a été générateur d’émotions intenses : « de la peur et de l’anxiété de parler devant des pairs » (issu des observations et exprimé par plusieurs étudiants, en utilisant des formulations qui variaient légèrement). Il a permis de travailler explicitement plusieurs CPS, telles que les capacités de maîtrise de soi (compétence cognitive, CC), d’avoir conscience de ses émotions et de son stress (compétences émotionnelles, CE) et de communiquer de façon constructive (compétences sociales, CS) notamment au sujet de ses émotions, de ses difficultés ressenties, et de métacommuniquer sur les principes efficaces identifiés.

4.2.2. Optimiser ses compétences communicationnelles pour trouver son style gestuel

44Un exercice évolutif qui demandait de rassembler les pratiquants jouant le rôle d’élèves, puis de leur donner une consigne dans l’activité physique de leur choix a suscité des réactions variées :

l’exercice qui m’a le plus marqué est celui où l’un de nous doit mettre sa casquette d’enseignant et regrouper sa classe. Lorsque j’enseigne, c’est un peu comme si je jouais un rôle donc je n’ai pas d’appréhension alors que devant mes camarades de promotion je sais que je vais être jugée pour ce que je suis réellement et c’est impressionnant, stressant (F2).

45Certains y ont vu une utilité immédiate pour leur formation :

l’exercice où il faut présenter une activité devant les autres alors que certains étudiants jouent le rôle “d’élèves perturbateurs”. À mon sens, notre formation devrait nous mettre plus souvent dans des situations types que l’on rencontre sur le terrain. Cela nous permettrait ensuite de savoir le comportement qu’il faut adopter selon la situation (ex. élève perturbateur, élève qui ne veut pas pratiquer pour une raison particulière, élève qui fait preuve d’insolence…) (G8).

46Les débriefings après chaque étape ont permis de discuter des similitudes et des différences de gestion par les étudiants. Des principes d’efficacité sur leur langage corporel, par la maîtrise de la communication multimodale, ont émergé pour gérer le groupe, en plus d’optimiser le temps de regroupement :

  • Produire un signal sonore, inhabituel, type sifflement (avec ou sans sifflet) ;

  • L’accompagner d’un geste manifestant sa présence dans le gymnase ;

  • Avoir explicité en amont aux élèves le moyen de les regrouper et accompagner le geste des explications dans les premiers temps (création d’une routine de regroupement) ;

  • Indiquer l’espace de regroupement et les conditions de celui-ci (assis, debout, posez les ballons et les raquettes) et la rapidité.

4.3. L’émergence d’une meilleure connaissance de soi et de ses besoins

4.3.1. Une conscience de soi qui s’affine

47L’enchainement des exercices de nature diverse semble avoir impacté de nombreux étudiants autour d’une augmentation de leur attention et de leur état de vigilance en classe. G15 indique qu’

en termes de posture ces apports ont été payants. J’ai pu moi-même expérimenter les apports avec ma classe, ce qui se révéla assez efficace. Je ne dirai pas que cette formation a bousculé mes pratiques ni ma manière d’enseigner, juste plus conscientisé mon action.

48Pour G6, cette conscience s’affine progressivement par une attention portée aux effets obtenus :

les effets les plus marqués s’illustrent au travers de la mobilisation de la voix, c’est en tout cas là que je perçois le plus de différences. La gestion du collectif par une posture et un répertoire de quelques nouveaux gestes et j’essaie de travailler sur ma théâtralisation, mais ce qui est encore parfois assez complexe. […] J’essaie en tout cas de prendre conscience de ma posture corporelle dans sa globalité et je perçois un certain changement chez les classes que j’ai à charge (dynamisme, écoute, investissement, etc.).

49Dans cet extrait, on perçoit que le processus est lent et progressif par les atténuateurs (« j’essaie », « encore parfois assez complexe », « un certain changement »…) utilisés.

4.3.2. Des exercices et une formation utiles à son propre bien-être

50Un avis récurrent émis lors du Q2 est que les pratiques de pleine conscience, de cohérence cardiaque, de relaxation et d’automassages servent d’abord aux étudiants pour le « relâchement », le « calme » éprouvé, même si un réinvestissement en établissement est possible : « Cela m’a plus marqué sur la partie relaxation et pour mon bien-être personnel » (G4). G3 conforte ce point de vue :

dans le cadre du concours, et ayant une tendance depuis longtemps à mal gérer le stress, la formation m’a rappelé beaucoup d’exercices pour palier au surplus de stress, j’essaye d’intégrer dans ma vie de tous les jours des exercices de cohérence respiratoire.

51Le travail autour des CE pour apprendre à gérer son stress en ayant conscience de ses émotions et de son stress semble donc nécessaire et important pour des étudiants en formation pour devenir enseignant.

52Des bénéfices ergonomiques de préservation de soi, acquis par la formation sont également évoqués :

Cette formation m’a permis de réorganiser au mieux mon énergie, afin d’être moins épuisée à la fin de mes cours d’EPS, et ainsi développer mon bien-être personnel » (F6) ; « Concernant mon développement professionnel, le cours en pratique sur les gestes non verbaux m’a permis de conscientiser l’importance de ne pas s’épuiser (sur l’usage de mes cordes vocales) durant mes séances d’EPS (F8).

4.4. Répercussions sur ses pratiques professionnelles

4.4.1. Une formation originale et innovante, qui a du sens

53La majorité des étudiants semble avoir apprécié l’originalité de cette formation (par exemple issus de l’observation participante : « plaisir » ; « aspect original et nouveau », « surprise » ; « expérience enrichissante et assez fun ») déclenchant parfois des émotions inattendues (par exemple « par le caractère assez innovant de cette formation je n’ai pu m’empêcher de rire un certain nombre de fois », G14).

54Deux étudiants ont perçu des limites (par exemple « pour avoir un réel impact sur notre comportement professionnel il faudrait avoir une multitude de séances plus régulières » G7) ou une non-adhésion à la formation (par exemple « je n’ai pas trop trouvé l’intérêt de cette formation pour le côté professionnel », G10).

4.4.2. Une formation originale et innovante, utile pour enseigner

55Quatorze étudiants identifient un impact positif de la formation pour enseigner, six sont mitigés et trois ne voient pas les liens immédiats entre les contenus abordés et l’enseignement. Certains estiment que cette formation serait plus utile plus tôt dans leur cursus (par exemple : « plus de sens pour les étudiants de L2 ou L3 juste avant leurs stages) » (G2) et « […] de façon plus répétée au sein de notre formation » (F4).

56Quelques étudiants évoquent spontanément le transfert dans leur pratique :

J’ai trouvé personnellement cela très utile, notamment sur ce qui est du placement de la voix ainsi que notre posture corporelle. De plus, le fait d’être en “simulation” de cas avec d’autres étudiants permet de prendre du recul sur sa manière d’intervenir en observant les autres. Personnellement, cela m’a aidé dans le cadre de mon stage avec certains éléments que je me suis réapproprié (attente du silence, routine, claquement de doigts, gestion d’élèves pendant les consignes, etc.). J’ai aussi aimé, car cela nous obligeait à théâtraliser un peu notre intervention, chose que j’essaie de beaucoup développer dans mes pratiques (G5).

57Un autre précise :

c’était une bonne façon de mise en pratique, je pense que ce type de jeux de rôle est constructif et sympa pour apprendre et se mettre en situation professionnelle. Ludique, et incertain donc pas mal pour appréhender l’imprévu inhérent au métier (G11).

58Au-delà des effets observés dans leurs gestes professionnels, c’est l’ensemble du dispositif qui semble bénéficier aux étudiants :

j’ai pu dès lors modifier dans mes pratiques d’enseignement les rapports verbaux et non verbaux que j’ai avec mes élèves pour conseiller, motiver et superviser mes cours d’EPS. Par ailleurs, au cours de cette formation, le fait de revenir par vidéo sur mon enseignement m’a permis d’être plus précise sur les contenus apportés durant mes leçons, et ainsi être plus efficace sur la transmission des apprentissages des élèves (F7).

59En effet, il permet selon G12 de prendre conscience de l’importance du NV : « lors des exercices sur la CNV, mon ressenti était davantage centré sur l’utilité de ces exercices à travers la prise de conscience du poids du langage corporel ».

60Les exercices d’articulation et de placement de la voix ont également été jugés extrêmement utiles pour enseigner (par exemple « les exercices d’élocution me semblent indispensables pour notre développement professionnel », G9). Un autre précise :

[…] qu’ils m’ont marqué à la fois pour mon développement personnel et professionnel, dans le but de mieux articuler lorsque je parle (perso/pro) et d’économiser ma voix en la plaçant correctement (pro). […] économiser sa voix revient à pérenniser sa pratique et carrière professionnelle (G6).

4.5. Une formation qui favorise la réflexivité

4.5.1. Les débriefings, une étape indispensable

61Pour une majorité d’étudiants, cette prise de conscience passe par l’observation des pairs et les retours collectifs : « le plus intéressant était surtout les échanges sur ce que chacun avait comme routine et le pourquoi » (F3). Pour G11 :

Ça m’a marqué professionnellement, car temps d’échange et partage d’astuces de chacun et personnellement pour relativiser, peut être que développer ça à long terme comme intervention/cours permettrait aux plus timides de devenir plus à l’aise avec leurs élèves, dès le M1.

62Les échanges permettent de travailler les compétences cognitives et sociales, notamment la prise de décisions constructives et le développement d’attitudes prosociales.

4.5.2. Des prises de conscience professionnelle pour améliorer la REE ou le bien-être des élèves

63Seuls dix étudiants (sur 23 ayant rempli Q2) évoquent des répercussions de la formation sur la REE. Cette prise de conscience passe par l’émergence d’une incontournable « comparaison avec les autres étudiants » (G10) permettant de développer sa réflexivité sur son efficacité personnelle. G15 indique par exemple que :

les exercices qui m’ont marqué ont été ceux où nous devions interrompre tout le monde et jouer le rôle d’enseignant. Nous devions être attentifs à tout comportement déviant et savoir quel geste professionnel adopter. Je pense que cet exercice était intéressant pour comparer son style professionnel avec celui de ses camarades. C’est la première fois finalement que nous pouvions constater le style d’enseignement de chacun. En termes d’utilité ce fut plutôt enrichissant, car la posture à adopter en fonction des situations et la voix à adopter étaient une approche nouvelle pour moi qui fait tout “naturellement” sans vraiment réfléchir à mes actions.

64G9 ajoute que :

ça a permis de tester des routines différentes sur le terrain et de s’approprier celles qui marchent le mieux avec nous-même. Fermeté et lest en même temps sur la pratique, plus d’impacts et moins de brassage de vent dans la gestion du groupe, efficacité et efficience sans se tuer la voix par exemple ou sans paraitre démuni.

65Et G12 « accorde plus d’importance à [s]on regard durant les leçons ».

66Trois étudiants seulement opèrent une bascule de leurs réflexions vers leurs élèves, par exemple :

j’essaie de prendre des informations non verbales sur mes élèves sachant qu’ils se livrent peu. J’essaie d’adopter une posture plus à l’écoute auprès de mes élèves. Étant donné que j’écoute plus mes élèves, je leur pose plus de questions pour essayer de les faire rentrer dans une démarche réflexive, cela tend à favoriser des apprentissages métacognitifs (G3).

67Et quelques étudiants questionnent les bénéfices des exercices de relaxation pour les réintroduire en classe, par exemple :

les exercices de relaxation m’ont donné envie de mieux connaitre ces exercices et méthodes pour les enseigner aux élèves (dans un temps de concentration en début de cours ou de retour au calme à la fin, mais aussi peut être comme un temps d’apprentissage à part entière pour apprendre à mieux se connaitre, apprendre à gérer ses émotions et son stress, réinvestissable partout) (G8).

5. Discussion

68L’objectif de cette étude était d’analyser l’usage des pratiques expérientielles en FI pour aider les étudiants à développer leur réflexivité et leur conscience de soi, optimisant ainsi leur présence corporelle en construisant une posture éducative efficace pour créer une REE de qualité. En alternant entre des exercices sollicitant l’extériorité et l’intériorité (Marsault et Lefèvre, 2022a), la formation a effleuré les six caractéristiques clés de la PCorp. Elle s’appuie sur les approches techniciennes et pragmatiques critiquées par Cusset (2013), même si les saynètes se rapprochent du rôle dramatique. Il semble qu’elle a permis aux étudiants de trouver ou du moins d’effleurer leur « je professionnel » (Jourdan, 2014). En effet, cette formation, en s’appuyant également sur les cinq critères évoqués par Tellier (2015, citée par Tellier & Yerian, 2018), a favorisé leur réflexivité (Boizumault, 2020) liée à l’alternance entre pratique et débriefing, ce qui correspond bien à la « triple exposition » de Cadet (2014). Les résultats mettent en évidence l’émergence d’une réflexion post-formation sur les gestes professionnels spécifiques à l’enseignement de l’EPS, par un usage pédagogiquement optimal du corps (Tellier, 2021), afin de les aider à trouver leur propre style gestuel (Tellier, 2021).

5.1. Dispositif réflexif, conscience de sa corporéité et engagement émotionnel

69Nos résultats confirment que la conscience de la corporéité peut être apprise en formation, en écho avec Emond et Rondeau (2019) et Coudevylle et al. (2020). Les pratiques de pleine conscience, qui impliquent une attention intentionnelle et sans jugement aux pensées, émotions, sensations corporelles et à l’environnement, favorisent cet apprentissage. Elles améliorent la qualité d’attention à l’instant présent, la clarté mentale pour mieux comprendre ses pensées et émotions, et la conscience corporelle pour être vigilant à son langage corporel et vocal. Ces pratiques sensibilisent les étudiants aux CPS essentielles (SPF, 2022b), formant ainsi les futurs enseignants conformément à la stratégie nationale multisectorielle pour le développement des CPS chez les enfants et adolescents (Instruction interministérielle, 2022). Plus encore, les PCBE sont également importantes pour gérer le bien-être et le stress des futurs enseignants d’EPS. Bien que leur attrait initial pour ces pratiques soit faible, leurs bénéfices deviennent rapidement apparents, soulignant la nécessité de continuer ces pratiques pour leur bien-être personnel et la gestion de leur stress. Ces PCBE mettent l’accent sur les compétences émotionnelles (Boizumault & Necker, 2020 ; Edmond & Fortin, 2016), interfaces entre le corporel et le cognitif (Boizumault, 2022b). Elles ouvrent leur possibilité d’assurer le bien-être des élèves par des pratiques telles que la relaxation ou la cohérence cardiaque en classe, marquant le début d’une « bientraitance pédagogique » (Loton Bidal, 2023).

70Notre dispositif formatif, alternant introspection et interactions essentielles à la REE (Stuhlman & Pianta, 2011), suscite diverses émotions essentielles pour la mémorisation des expériences (Pekrun, 1992), et mobilise les compétences émotionnelles nécessaires à l’identification, la compréhension, l’expression et l’utilisation des émotions (Mikolajczak et al., 2023). Ces compétences sont cruciales pour un style d’enseignement et de leadership éthiques, vecteur de socialisation démocratique (Gendron, 2008) favorisant un « agir compétent émotionnel » (Lafortune, 2006 citée par Gendron, ibid.) permettant d’exercer un « leadership d’accompagnement » basé sur la réflexion individuelle et collective.

5.2. Simulation en FI pour une posture éducative et la maîtrise des CNV

71Maîtriser l’utilisation de son corps est un atout essentiel pour développer son propre style gestuel (Tellier & Yerian, 2018 ; Tellier, 2021). Cependant, cette compétence n’est pas acquise facilement (Paintendre, 2022), comme observé dans notre dispositif expérientiel. Puisque le corps parle souvent à l’insu des enseignants (Jorro & Dangouloff, 2018), il est crucial pour les étudiants d’identifier les effets de leurs communications non verbales (gestualité et vocalité) durant leurs interactions. Cette première étape réflexive est essentielle pour sensibiliser à la qualité de la REE et tendre vers une communication de qualité (Boizumault, 2022a ; Fortin et al., 2011 ; Hamre & Pianta, 2007 ; Marsollier, 2017). Notre dispositif permet de travailler la REE dans sa multidimensionnalité (Virat, 2014), en sensibilisant les futurs enseignants à l’impact de leur langage corporel. Cette formation exploite le principe formulé par Andrieu et Boetsch (2008) indiquant que :

la pratique corporelle […] influence la compréhension de soi par le corps et des effets positifs ou négatifs de la pratique sur son bien-être et son équilibre […] Mise en mouvement, la pratique corporelle met en action le corps physique, mais engage aussi le corps mental, affectif et relationnel (p. 257).

72Elle s’appuie sur la « transposition expérientielle » (Paintendre, 2022) qui correspond au processus par lequel les enseignants stagiaires transforment leurs expériences vécues en un objet transmissible à leurs élèves en intégrant la dimension subjective et sensible du vécu corporel.

73Cela les prépare aussi à écouter les signaux non verbaux des élèves (Boizumault, 2024), même si ce transfert d’attention de soi vers les élèves est souvent difficile pour les enseignants stagiaires, qui ont de nombreuses préoccupations.

74Les mises en situation et les jeux de rôle, axés sur les techniques de communication et la gestion des émotions (Dangouloff, 2021), ont participé à identifier les éléments fondamentaux d’une posture éducative favorable à une REE de qualité. Les moments de réflexion et de débat ont élargi le champ des possibles (Marsault & Lefèvre, 2022b). C’est par la triple-exposition (Cadet, 2014) de notre formation (théorie, pratique, réflexivité) que les étudiants peuvent atteindre un usage pédagogique optimal de leur corps. Les jeux de rôle proposés abordent toutes les missions de l’enseignant (Visioli & Petiot, 2021). Ce dispositif formatif enseigne les compétences communicationnelles indispensables à la gestion de classe (Boizumault, 2022a ; Tellier, 2021 ; Tellier & Yerian, 2018 ; Visioli, Petiot et Ria, 2016). Il aide aussi à créer un « code gestuel commun » (Tellier, 2008) en identifiant les rituels et routines à utiliser ou à développer en classe.

5.3. La spécificité des communications multimodales en EPS

  • 5 L’effet Lombard est le phénomène de modification de la prononciation humaine (fréquence fondamental (...)

75Les environnements spatiaux dans lesquels les cours d’EPS ont lieu nécessitent, chez les enseignants, des adaptations nombreuses. En effet, les répercussions sont importantes sur l’usage des communications (Barrière-Boizumault, 2013), car l’acoustique est souvent mauvaise et les environnements soit très sonores (piscine, salle de tennis de table, gymnase partagé, etc.) ou très espacés (piste d’athlétisme, terrain de football ou de rugby, forêt, mur d’escalade, etc.) induisant des gestes professionnels particuliers pour gérer les élèves en activité. Apprendre à placer sa voix professionnelle (Jourdan, 2014) en connaissant l’effet lombard5 (Boizumault, 2013 ; 2021) semble être un enjeu de cette formation pour laquelle les étudiants identifient les effets directs sur leur pratique professionnelle. Par ailleurs, ils reconnaissent les enjeux d’optimiser l’utilisation de leur corps, à travers le développement de rituels et de routines, pour préserver leur voix et construire une « voix de gymnase ».

76Enfin, l’enjeu spécifique de la formation proposée ici est d’amener les étudiants à une réflexion accrue sur leurs « gestes pédagogiques » (Tellier, 2014), en lien avec les apprentissages moteurs, spécifiques à l’enseignement de l’EPS. Nous avions déjà observé, dans une étude antérieure (Barrière-Boizumault, 2013) l’incidence des effets d’une démonstration inefficace de l’enseignant sur les apprentissages des élèves, qui reproduisent ce qu’ils observent et intègrent une mauvaise représentation des critères d’efficacité. Après avoir mis en relief ce biais par la vidéo lors du TD pratique et du TD2, l’enjeu était d’orienter les étudiants vers une co-construction avec les élèves (Mahut et al., 2005 ; Tellier, 2008) des critères de réalisation des gestes moteurs. Cette approche ouvre des pistes intéressantes pour sortir du constat de l’éternel débutant en EPS, en orientant l’attention des futurs enseignants sur les contenus prioritaires à introduire, lors de leurs consignes, pour centrer l’attention des élèves sur l’essentiel pour réussir.

5.4. Limites du dispositif et perspectives de formation

77Cinq heures consacrées à ce dispositif ne suffisent pas à transformer en profondeur les pratiques des étudiants. Toutefois, elles constituent une première sensibilisation et initiation, laissant entrevoir certaines évolutions dans leurs pratiques professionnelles en stage. Il apparaît donc essentiel de prolonger et d’élargir les réflexions issues de cette formation à l’ensemble des cours portant sur l’enseignement et les gestes professionnels.

78Par ailleurs, il semble pertinent d’intégrer et de maintenir une approche expérientielle et active au sein des TD plus traditionnels, notamment en introduisant des PCBE et en ciblant explicitement le développement des CPS de manière intégrée.

79En ce qui concerne l’analyse des effets de la formation, une limite réside dans le fait que tous les étudiants ayant suivi le dispositif n’ont pas répondu au questionnaire Q2, restreignant ainsi l’identification des effets produits. De plus, la méthodologie employée ne permet pas de recueillir pleinement l’expérience sensible des étudiants.

80L’intégration de journaux de bord, à remplir tout au long de la formation et lors des stages, pourrait enrichir la réflexion des étudiants sur la place, les enjeux et les effets de leurs interactions avec les élèves. De même, des entretiens d’autoconfrontation ou d’explicitation (Vermersch, 1994), bien que plus chronophages, offriraient la possibilité d’accéder aux dimensions préréflexives de l’expérience, permettant ainsi d’identifier plus précisément le vécu, les perceptions, les émotions, les intentions et ajustements en situation. Cela permettrait de faire prendre conscience de ses propres processus à chaque étudiant afin de provoquer du développement professionnel et personnel (Mouchet, 2014).

6. Conclusion

81Proposer en FI des dispositifs incluant des jeux de rôle proches des situations de classe et répondant aux préoccupations des enseignants débutants, mais plus encore, initier ces futurs enseignants à des techniques centrées sur l’interaction corps/esprit, mettant l’accent sur la conscience corporelle et l’expérience sensorielle telles que des pratiques de pleine conscience, de relaxation ou de respiration semble répondre à leurs besoins, leurs préoccupations et leur motivation. À l’aune de la réforme de la formation, faire évoluer les dispositifs proposés en FI pour tendre vers des approches plus expérientielles, dynamiques, mobilisant des pédagogies actives, intégrant apports de connaissances, temps réflexifs à différents moments, débriefings et analyses de pratique, semble incontournable. Cette démarche permettrait de travailler les CPS des enseignants, garantes de leur santé mentale et de leur bien-être (SPF, 2022b) afin d’agir sur leur posture éducative, elle-même nécessaire à une REE de qualité. Ceci est d’autant plus nécessaire que ces objectifs sont quasi absents de l’ensemble des maquettes des masters MEEF (SPF, 2022b). La modification du socle commun de connaissances, de compétences et de culture pour la rentrée 2025 invitera les enseignants à développer les « compétences psychosociales telles que la confiance en soi, l’organisation du travail personnel, la persévérance ou la capacité de travail en groupe », au sein de la troisième famille de compétences visées (MENJ, 2023, p. 22).

82Cette formation pourrait être proposée à l’ensemble des enseignants des premiers et seconds degrés, car les pratiques proposées répondent aux besoins et préoccupations de tous et contribueraient ainsi au développement des CPS de chacun et de leur BE, facteurs impactant fortement la réussite des élèves (SPF, 2022b ; Viac et Fraser, 2020). Une nécessaire adaptation aux contextes d’enseignement et surtout aux configurations spatiales des espaces d’intervention serait nécessaire. Mais développer la prise de conscience de soi, de sa pleine-attention à soi et de sa présence corporelle au service de sa posture professionnelle semble répondre à des besoins identifiés en FI et plus encore, en formation continue au regard de la détérioration de la qualité d’enseignement (OCDE, 2019) et de l’état de santé global des enseignants (Dugas, Ferréol et Normand, 2024). En effet, la mise en place d’un environnement soutenant, d’une REE de qualité semble être une condition nécessaire au bien-être de tous les acteurs d’un établissement et cela s’appuie sur une posture éducative bienveillante, empreinte de chaleur, dans laquelle les CNV sont essentielles.

Haut de page

Bibliographie

Abric, J.-C. (2008). Psychologie de la communication : théories et méthodes (3e éd.). Armand Colin.

Andrieu, B., & Boetsch, G. (2008). Dictionnaire du corps. CNRS Éditions.

Argyle, M. (1988). Bodily communication (2e éd.). Methuen.

Argyle, M. (1992). The Social Psychology of Everyday Life. Routledge.

Augé, A. (2011). Vivre mieux avec sa voix. Odile Jacob.

Azaoui, B. (2019). Multimodalité, transmodalité et intermodalité : considérations épistémologiques et didactiques. Revue de recherches en littératie médiatique multimodale, 10. https://doi.org/10.7202/1065526ar.

Barrière-Boizumault, M. (2013). Les communications non verbales des enseignants d’éducation physique et sportive : Formes et fonctions des CNV, croyances et réalisation effective des enseignants, ressenti des effets par les élèves [Thèse de doctorat, Université Claude Bernard Lyon 1].

Berger, E. (2005). Le corps sensible : quelle place dans la recherche en formation ? Pratiques de formation, 50, 51-64.

Boizumault, M. (2024). Observer le langage corporel des élèves : des indicateurs qualitatifs pour intervenir avec efficacité. Dans M. Boizumault et L. Gottsmann (dir.), Outils et méthodes d’analyse de l’activité d’élèves en EPS : Regards croisés sur ce qui se voit et ce qui se vit (pp. 52-62). AE-EPS.

Boizumault, M. (2022a). La relation pédagogique sous le prisme des communications non verbales. Construire sa présence corporelle en classe. Recherches & éducations, 24. https://doi.org/10.4000/rechercheseducations.13072.

Boizumault, M. (2022b). Bien-être et mouvements du corps pour faciliter les apprentissages. La revue de santé scolaire et universitaire, 75, 21-24. https://doi.org/10.1016/j.revssu.2022.03.006.

Boizumault, M. (2021). Faire autorité par l’usage du silence en classe : Quand la mise en scène corporelle des enseignants est au service du climat de classe et des apprentissages. Spirale – Revue de Recherches en Éducation, 67, 97-113. https://doi.org/10.3917/spir.067.0097.

Boizumault, M. (2020). Le toucher en éducation physique et sportive : analyse d’une démarche de formation pour développer la pensée critique des enseignants stagiaires. Recherche & formation, 95(3), 41-55. https://doi.org/10.4000/rechercheformation.7189.

Boizumault, M., & Necker, S. (2020). Analyse de l’expérience d’ateliers de relaxation pour les professeurs des écoles en formation initiale : Agir sur les compétences émotionnelles pour contribuer à une meilleure gestion de sa santé. Recherche et Formation, 92, 121-133. https://doi.org/10.4000/rechercheformation.5786.

Boizumault, M., & Cogérino, G. (2016). Les communications non verbales des enseignants d’EPS en faveur de l’engagement et de la réussite des élèves. Dans O. Zanna, C. Veltcheff et P. P. Bureau (dir.), Corps et climat scolaire (pp. 93-97). Dossier EP&S, 83. Éditions EPS.

Boizumault, M., & Cogérino, G. (2012). La mise en scène corporelle de l’enseignant d’EPS : Les communications non verbales au service de l’efficacité de l’enseignant. Staps, 4, 67-79. https://doi.org/10.3917/sta.098.0067.

Cadet, L. (2014). Le corps de l’enseignant : sujet de la recherche, objet de la formation. Dans M. Tellier et L. Cadet (dir.), Le corps et la voix de l’enseignant : théorie et pratique (pp. 189-206). Éditions Maison des Langues.

Colletta, J.-M. (2005). Communication non verbale et parole multimodale : Quelles implications didactiques ? Le Français dans le Monde : Recherches et Applications, numéro spécial, 32-41.

Cormier, S. (2006). La communication et la gestion (2e éd. revue et corrigée). Presses de l’Université du Québec.

Cosnier, J. (1982). Communications et langages gestuels. Dans J. Cosnier, J. Coulon, A. Berrendonner et C. Orecchioni (dir.), Les voies du langage : communications verbales, gestuelles et animales (pp. 255-304). Dunod.

Coudevylle, G., Joing, I., Robin, N., Page, A. L., Marrot, G., & Vors, O. (2020). Gestes professionnels des enseignants d’EPS en contexte de violence scolaire : Stratégies usuelles et complémentaires. Contextes et didactiques, 16. https://doi.org/10.4000/ced.2456.

Damon-Tao, L., Virat, M., Hagège, H., & Shankland, R. (2023). Effets du développement des compétences émotionnelles des enseignants sur la relation enseignant-élève : Une revue systématique de la littérature anglophone. Phronesis, 12(2), 97-113. https://doi.org/10.7202/1097139ar.

Dangouloff, N. (2021). Former aux pratiques relationnelles enseignantes par la simulation : l’agir professionnel des formateurs. Carnets de recherche sur la formation. https://crf.hypotheses.org/794.

Depraz, N. (2014). Attention et vigilance : À la croisée de la phénoménologie et des sciences cognitives. Presses Universitaires de France.

Dugas, É., Ferréol, G., & Normand, R. (2024). Bien-être à l’école : Comment les écoles et les établissements scolaires peuvent-ils favoriser le bien-être de leurs élèves et de leurs personnels ? Cnesco-Cnam. https://hal-lara.archives-ouvertes.fr/hal-04642053v1.

Durlak, J. A., Weissberg, R. P., Dymnicki, A. B., Taylor, R. D., & Schellinger, K. B. (2011). The impact of enhancing students’ social and emotional learning: A meta-analysis of school-based universal interventions. Child Development, 82(1), 405–432. https://doi.org/10.1111/j.1467-8624.2010.01564.x.

Duval, H., Raymond, C., & Odier-Guedj, D. (dir.). (2022). Engager le corps pour enseigner et apprendre. Diversité de perspectives. Presses de l’Université Laval.

Emond, G., & Fortin, S. (2016). Perception du corps d’enseignantes en stage. Les perceptions du corps vécu d’enseignantes-stagiaires au primaire, un outil de cohérence en processus de professionnalisation. Éducation & formation, e-305, 77-86

Emond, G., & Rondeau, K. (2019). Accompagner l’apprentissage de la conscience de la corporéité des enseignants. Dans K. Rondeau et F. Jutras (dir.), L’accompagnement du développement personnel et professionnel en éducation (pp. 69-86). Presses de l’Université du Québec.

Emerson, R. (2003). Le travail de terrain comme activité d’observation. Perspectives ethnométhodologistes et interactionnistes. Dans D. Céfaï (dir.), L’enquête de terrain (pp. 398-424). La Découverte/MAUSS.

Eschenauer, S., Tellier, M., & Zappa, A. (2022). Encorporer les langues vivantes : Reconnaître la place du corps pour enseigner et pour apprendre. TIPA. Travaux interdisciplinaires sur la parole et le langage, 38. https://doi.org/10.4000/tipa.4790.

Espinassy, L. (2017). Danser pour mieux enseigner ? Enjeux et effets d’un parcours d’éducation artistique et culturelle en formation initiale des enseignants. Recherche & formation, 86, 27-40. https://doi.org/10.4000/rechercheformation.2942.

Espinosa, G. (2016). Affectivité, relation enseignant/e-élève et rapport à l’enseignant/e : contribution à une réflexion sur les caractéristiques d’une relation réussie. Recherches en éducation, 26. https://doi.org/10.4000/ree.6663.

Etiemble, J. (2007). La voix : Ses troubles chez les enseignants. Dans Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale, Une expertise collective de l’INSERM (pp. 343-350).

Fallu, J.-S., & Janosz, M. (2003). La qualité des relations élève-enseignants à l’adolescence : un facteur de protection de l’échec scolaire. Revue de psycho-éducation, 32(1), 7-29.

Fortin, L., Plante, A., & Bradley, M.-F. (2011). Recension des écrits sur la relation enseignant-élève. Chaire de recherche de la commission scolaire de la région de Sherbrooke sur la réussite et la persévérance scolaire.

Gadet, F. (2000). Derrière les problèmes méthodologiques du recueil des données. Les Cahiers de l’Université de Perpignan, 31, 30-43.

Gendron, B. (2008). Quelles compétences émotionnelles du leadership éthique, de l’enseignant au manager, pour une dynamique de réussite et de socialisation professionnelle ? Éducation et socialisation. Les Cahiers du CERFEE, 24, 141–155. https://doi.org/10.4000/edso.15972.

Genevois, G. (1992). Note de synthèse : Etho-psychologie des communications et pédagogie. Revue Française de Pédagogie, 100, 81-103.

Guérin, J., & Archieri, C. (2012). Pratique du jeu dramatique et construction de l’expérience. Recherche et formation, 70, 75-90. https://doi.org/10.4000/rechercheformation.1858.

Haiat, S., Espinosa, G., & Charron, A. (2023). La relation enseignant-élèves au cœur de la réussite éducative. Éducation et socialisation. Les Cahiers du CERFEE, 67. https://doi.org/10.4000/edso.22736.

Hamre, B. K., & Pianta, R. C. (2007). Learning opportunities in preschool and early elementary classrooms. Dans R. Pianta, M. Cox et K. Snow (dir.), School readiness and the transition to kindergarten in the era of accountability (pp. 49–84). Brookes Publishing.

Hannoun, H. (1989). Paradoxe sur l’enseignant. ESF Éditions.

Hattie, J. (2020). L’apprentissage visible pour les enseignants : connaître son impact pour maximiser le rendement des élèves. Presses de l’Université du Québec.

Jennings, P. A., & Greenberg, M. T. (2009). The prosocial classroom: Teacher social and emotional competence in relation to child and classroom outcomes. Review of Educational Research, 79, 491–525. https://doi.org/10.3102/0034654308325693.

Jorro, A. (2016). Postures et gestes professionnels du formateur dans l’accompagnement des enseignants du premier degré. eJRIEPS, 38, 114-132. https://doi.org/10.4000/ejrieps.906.

Jorro, A. (2004). Le corps parlant de l’enseignant. Entente, malentendus, négociation. Actes du 9e colloque de l’AIRDF, Uniuversité de Laval, Québec, 26–28 août 2004.

Jorro, A., & Dangouloff, N. (2018). Corps et gestes professionnels de l’enseignant en contexte sensible. Recherches & éducations, hors-série. https://doi.org/10.4000/rechercheseducations.5861.

Jourdan, I. (2022). Présence de l’enseignant en classe : Un « aller vers » pour « être avec ». Recherches & éducations, 24. https://doi.org/10.4000/rechercheseducations.13114.

Jourdan, I. (2018). Présence de l’enseignant en classe : Un dispositif clinique de formation pour habiter son corps et sa voix. Recherches & éducations, hors-série.

Jourdan, I. (2014). Posture, corps et voix de l’enseignant débutant : Une démarche clinique de formation. Recherches & éducations, 12, 105-116. https://doi.org/10.4000/rechercheseducations.2253.

Kolb, D. A. (2015). Experiential learning: Experience as the source of learning and development (2nd ed.). Pearson.

Lafortune, L., & Saint-Pierre, L. (1998). Affectivité et métacognition dans la classe : Des idées et des applications concrètes pour l’enseignant. De Boeck & Larcier.

Lamboy, B., Shankland, R., & Williamson, M.-O. (2021). Les compétences psychosociales : Manuel de développement. De Boeck Supérieur.

Le Breton, D. (1998). Les passions ordinaires : Anthropologie des émotions. Armand Colin.

Lefèvre, L., & Matthaey, A. (2024). Danse et éducation artistique et culturelle : Former les futurs enseignants à la présence corporelle par l’expérience esthétique. Journal de recherche en éducations artistiques, 2, 83-94. https://doi.org/10.7202/1073051ar.

Le Masson, M.-O. (2014). Le climat scolaire : Pour une école bientraitante. Chronique Sociale.

Lenoir, L., Tessier, D., Langer, J., & Shankland, R. (2024). Psychosocial competences in the continuing training of French National Education professionals in 2024: A major issue in promoting health in school environment. Journal of Epidemiology and Population Health, 72(3). https://doi.org/10.1016/j.jeph.2024.02.001.

Loton Bidal, M.-P. (2023). Le bien-être à l’école, une question de santé nécessaire pour s’épanouir. Phronesis, 12(2-3), 184-208. https://doi.org/10.7202/1097144ar.

Loton, M.-P. (2020). La bientraitance pédagogique : une relation de confiance partagée, une attention ajustée [Thèse de doctorat, Université de Nantes]. URL : https://theses.fr/2020NANT2023.

Mahut, B., Mahut, N., Gréhaigne, J-F., & Masselot, M. (2005). Gestuelle de l’enseignant en natation et co-construction du sens. Science & Motricité, 56(3). 43-63. https://doi.org/10.3917/sm.056.0043.

Marsault, C., & Lefèvre, L. (2022a). La présence corporelle des enseignants, des formateurs et des entraîneurs : Caractéristiques et enjeux méthodologiques. Recherches & éducations, 24. https://doi.org/10.4000/rechercheseducations.10648.

Marsault, C., & Lefèvre, L. (2022b). La présence corporelle des enseignants, un savoir professionnel à construire par le théâtre-forum. Recherches & éducations, 24. https://doi.org/10.4000/rechercheseducations.10649.

Marsollier, C. (2017). Les conditions du bien-être à l’école. Économie et management, 162, 38-43.

Marsollier, C. (2012). Investir la relation pédagogique – Repères pour l’éthique de l’enseignant. Chronique sociale.

Marsollier, C. (2004). Créer une véritable relation pédagogique. Hachette éducation.

Merleau-Ponty, M. (1964). Le visible et l’invisible. Gallimard.

Mikolajczak, M., Quoidbach, J., Kotsou, I., & Nelis, D. (2023). Les compétences émotionnelles. Dunod.

MENJ (2023). Choc des Savoirs, élever le niveau de notre école. Dossier de presse. Ministère de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse.

Ministère de la Santé et de la Prévention. Ministère des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes Handicapées. Instruction interministérielle DGS/SP4/DGCS/DGESCO/DJEPVA/DS/DGEFP/DPJJ/DGESIP/DGER du 19 août 2022 « relative à la stratégie nationale multi-sectorielle de développement des compétences psychosociales chez les enfants et les jeunes – 2022-2037 ».

Mouchet, A. (dir.) (2014). L’entretien d’explicitation : usages diversifiés en recherche et formation. L’Harmattan.

Mouchet, A., Carminatti, N., Khacharem, A., Aparicio, X., Alamargot, D., Delorme, V., & Pembroke, E. M. D. (2022). Comprendre l’attention en classe d’une enseignante d’EPS novice. Une étude de cas avec une approche multi-méthodes. Recherches & éducations, 24. https://doi.org/10.4000/rechercheseducations.13127.

Necker, S., & Boizumault, M. (2020). Pratiques corporelles de bien-être en milieu scolaire : les enjeux sous-tendant une tentative d’éclaircissement. Staps, 127(1), 79-87. https://doi:10.3917/sta.127.0079.

OCDE (2019). Résultats de TALIS 2018 (Volume I) : Des enseignants et chefs d’établissement en formation à vie. Éditions OCDE, https://doi.org/10.1787/5bb21b3a-fr.

Paillé, P., & Mucchielli, A. (2016). L’analyse qualitative en sciences humaines et sociales (4e éd.). Armand Colin.

Paintendre, A. (2022). Expérience sensorielle de l’enseignant d’EPS en Step. Recherches & éducations, 24. https://doi.org/10.4000/rechercheseducations.13320.

Paul, M. (2004). L’accompagnement, une posture professionnelle spécifique. L’Harmattan.

Pana-Martin, F. (2015). Les gestes professionnels des formateurs d’enseignants : d’un savoir initié par les acteurs à un savoir professionnel partagé. TransFormations : Recherche en éducation et formation des adultes, 13-14, 1-16.

Pekrun, R. (1992). The Impact of Emotions on Learning and Achievement: Towards a Theory of Cognitive/Motivational Mediators. Applied Psychology, 41(4), 359–376. https://doi.org/10.1111/j.1464-0597.1992.tb00712.x.

Pianta, R. C., & Steinberg, M. (1992). Teacher–child relationships and the process of adjusting to school. Dans R. C. Pianta (dir.), Beyond the parent: The role of other adults in children’s lives (pp. 61–80). Jossey-Bass. https://psycnet.apa.org/record/1993-97106-004.

Reeve, J., & Cheon, S. H. (2021). Autonomy-supportive teaching: Its malleability, benefits, and potential to improve educational practice. Educational psychologist, 56(1), 54–77. https://doi.org/10.1080/00461520.2020.1862657.

Rolland, C., & Roche, L. (2022). La présence corporelle des entraîneurs experts en gymnastique artistique. Une approche anthropo-phénoménologique. Recherches & éducations, 24. https://doi.org/10.4000/rechercheseducations.13356.

Rousseaux, P. (2003). Le théâtre de la classe. L’enseignant, un acteur pédagogique. L’Harmattan.

SPF, Santé publique France (2022a). Les compétences psychosociales : Un référentiel pour un déploiement auprès des enfants et des jeunes. Synthèse de l’état des connaissances scientifiques et théoriques réalisé en 2021. Santé Publique France.

SPF, Santé publique France (2022b). Les compétences psychosociales : état des connaissances scientifiques et théoriques. Rapport complet. Santé Publique France.

Shankland, R., Haag, P., Tessier, D., Buchs, C., El-Jor, C., & Mazza, S. (2024). Review of the effects of social and emotional learning on mental health and academic outcomes: The role of teacher training and supportive interactions. Journal of Epidemiology and Population Health, 72(3). https://doi.org/10.1016/j.jeph.2024.202750.

Shankland, R., Bressoud, N., Tessier, D., & Gay, P. (2018). La bienveillance : une compétence socio-émotionnelle de l’enseignant au service du bien-être et des apprentissages ? Questions vives. Recherches en éducation, 29. https://doi.org/10.4000/questionsvives.3601.

Soulaine, S. (2018). Une approche énactive de l’enseignement-apprentissage des langues : le corps au centre de la formation des futurs enseignants. Recherches & éducations, hors-série. https://doi.org/10.4000/rechercheseducations.6086.

Steponavičius, M., Gress-Wright, C., & Linzarini, A. (2023). Social and emotional skills : Latest evidence on teachability and impact on life outcomes, Documents de travail de l’OCDE sur l’éducation, n° 304. https://doi.org/10.1787/ba34f086-en.

Stuhlman, M.W., & Pianta, R.C. (2001). Teachers’ narratives about their relationships with children: associations with behavior in classrooms. School Psychology Review, 31(2), 148–163. URL : https://psycnet.apa.org/record/2002-17412-002.

Tellier, M. (2021). Ceci est mon corps : Le corps de l’enseignant dans la classe. Dans P. Terrien et N. Olympio. (dir.), La réussite scolaire, universitaire et professionnelle : Conditions, contextes, innovations (pp. 101-114). Presses Universitaires de Provence.

Tellier, M. (2014). Donner du corps à son cours. Dans M. Tellier et L. Cadet (dir.), Le corps et la voix de l’enseignant : théorie et pratique (pp.101-114). Éditions Maison des Langues.

Tellier, M. (2008). Dire avec des gestes. Le Français dans le monde. Recherches et applications, 44, 40-50. URL : https://hal.science/hal-00371029v1.

Tellier, M., & Yerian, K. D. (2018). Mettre du corps à l’ouvrage : Travailler sur la mise en scène du corps du jeune enseignant en formation universitaire. Recherche et pratiques pédagogiques en langues de spécialité. Cahiers de l’Apliut, 37(2). https://doi.org/10.4000/apliut.6079.

Tellier, M. et Cadet, L. (dir) (2014). Le corps et la voix de l’enseignant : théorie et pratique. Éditions Maison des Langues.

Urbanski, K. B., & Stam, G. (2022). Overview of multimodality and gesture in second language acquisition. Dans G. Stam et K. Urbanski (dir.), Gesture and Multimodality in Second Language Acquisition (pp. 1–25). Routledge. https://doi.org/10.4324/9781003100683.

Vermersch, P. (1994). L’entretien d’explicitation. ESF.

Viac, C., & P. Fraser (2020). Teachers’ well-being: A framework for data collection and analysis. OECD Education Working Papers, No.213. URL : https://doi.org/10.1787/c36fc9d3-en.

Virat, M. (2022). Quelle forme d’amour entre les enseignants et les élèves ? Administration et Éducation, 4, 121-126. https://doi.org/10.3917/admed.176.0121.

Virat, M. (2019). Quand les profs aiment les élèves : Psychologie de la relation éducative. Odile Jacob.

Virat, M. (2014). Dimension affective de la relation enseignant-élève : effet sur l’adaptation psychosociale des adolescents (motivations, empathie, adaptation scolaire et violence) et rôle déterminant de l’amour compassionnel des enseignants [Thèse de doctorat, Université Paul Valéry – Montpellier 3].

Visioli, J. (2022). La présence corporelle des enseignants d’EPS. Recherches & éducations, 24. https://doi.org/10.4000/rechercheseducations.13059.

Visioli, J. (2019). Regards croisés sur la relation pédagogique. Dans J. Visioli (dir.), La relation pédagogique (pp. 11-27). Éditions EPS.

Visioli, J., & Petiot, O. (2021). Théâtre d’improvisation et expérience émotionnelle en formation des enseignants : l’exemple des étudiants se préparant à l’Agrégation Externe d’EPS. Recherche & Formation, 93, 115-131. https://doi.org/10.4000/rechercheformation.6073.

Visioli, J., & Petiot, O. (2018). Les connaissances actuelles sur la communication corporelle des enseignants en situation de classe : quelle place accordée à la complexité au sein des recherches ? Carrefours de l’éducation, 45, 223-244. https://doi.org/10.3917/cdle.045.0223.

Visioli, J., Petiot, O., & Ria, L. (2016). L’activité d’enseignants experts en Éducation physique et sportive : une étude de cas sur les formes, les fonctions et la pertinence des communications non verbales en situation. eJRIEPS, 37, 80-120. https://doi.org/10.4000/ejrieps.1200.

Haut de page

Notes

1 Jorro définit le geste professionnel comme « un mouvement du corps, adressé, porteur de valeurs et inscrit dans une situation, irrigué par la biographie et l’expérience du sujet, ayant un effet performatif » (citée par Pana-Martin, 2015, p.3). Ils sont adressés et marqués par leur efficacité (Jorro et Dangouloff, 2018).

2 L’accès au questionnaire complet est disponible en adressant un mail à l’auteure.

3 Le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) est une réglementation européenne qui encadre la collecte, le traitement et le stockage des données personnelles des citoyens de l’Union européenne.

4 Voir le site : https://www.maxqda.com/fr.

5 L’effet Lombard est le phénomène de modification de la prononciation humaine (fréquence fondamentale, volume sonore, articulation, allongement des voyelles) pour compenser la présence de bruits environnants. Il se produit le plus souvent inconsciemment.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Magali Boizumault, « Travailler sa présence corporelle et construire une posture éducative : exemple d’une formation en master MEEF EPS »Contextes et didactiques [En ligne], 25 | 2025, mis en ligne le 30 juin 2025, consulté le 09 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/ced/6544 ; DOI : https://doi.org/10.4000/14a9z

Haut de page

Auteur

Magali Boizumault

Maîtresse de conférence à l'INSPE Académie de Bordeaux. Laboratoire Cultures - Education - Sociétés (LACES), UR 7437, Université de Bordeaux.
magali.boizumault@u-bordeaux.fr

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search