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Éditorial

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Lisa Lefèvre, Antoine Delcroix, Olivier-Serge Candau, Élisabeth Odacre et Fabienne Venant

Texte intégral

1Ce vingt-cinquième numéro de Contextes et Didactiques se divise en deux parties : un dossier thématique, qui lui donne son titre, et une partie varia qui témoigne de la variété des travaux de recherche que nos contributeurs embrassent. Nous les en remercions puisque c’est eux qui font vivre cette revue.

  • 1 Projet de recherche soutenu par la Plateforme Transatlantique en Sciences Humaines et Sociales (htt (...)

2Le dossier thématique fait suite à une journée d’étude qui s’est tenue à la Haute École Pédagogique du canton de Vaud le 22 novembre 2023 sous le thème « La place du corps dans l’enseignement tertiaire en présentiel et à distance » et s’inscrit dans l’écosystème du projet de recherche international RESPIRE – Rétablir l’Expérience Sensible pour des Pratiques Inclusives, Résilientes et Équitables1. Ce projet explore les possibilités de préserver la synergie entre le cognitif et le sensible, y compris dans des modalités à distance, par le biais d’un accompagnement professionnel centré sur l’expérientiel.

3Plus précisément, le projet Respire examine la résilience des formations universitaires à la suite du choc d’isolement provoqué par la pandémie de COVID-19. L’objectif principal est d’identifier et de combler les lacunes pédagogiques des dispositifs d’enseignement à distance mis en place durant les confinements. Le contexte actuel suggère une évolution durable des pratiques, avec une tendance croissante vers des formations hybrides combinant présentiel et distanciel. Cette transformation soulève des questions fondamentales sur la nature de l’enseignement et de l’apprentissage. Dans un environnement virtuel, les dimensions traditionnelles de transmission du savoir sont profondément modifiées. L’absence d’espace physique partagé limite les interactions corporelles qui facilitent habituellement la co-transmission des connaissances et des émotions. Le projet défend ainsi la nécessité de restaurer un équilibre entre les outils numériques et le maintien des corporéités individuelles et collectives. Les principaux axes de recherche du projet Respire qui en découlent sont les suivants :

  • Explorer l’accompagnement expérientiel hybride comme espace de dialogue entre formateurs, apprenants et savoirs, avec pour objectif de réduire les inégalités d’apprentissage.

  • Expérimenter la contextualisation et l’expérience sensible comme modalités d’apprentissage interdisciplinaire, permettant l’accès aux savoirs tacites et incarnés.

  • Promouvoir le renouveau des pratiques de formation vers plus d’équité et d’inclusion, en développant des dispositifs expérientiels diversifiés.

4La pandémie a provoqué un déséquilibre significatif en faveur de la virtualisation, négligeant les dimensions sensibles et corporelles de l’apprentissage. La question centrale de recherche interroge ainsi la capacité de l’expérience sensible partagée à favoriser des pratiques de formation équitables et inclusives dans des contextes hybrides. Il s’agit de comprendre comment la dimension expérientielle peut constituer un espace de dialogue et de transmission des connaissances. En confrontant les approches numériques et les pratiques corporelles, le projet entend contribuer à l’évolution des méthodes pédagogiques universitaires, en plaçant l’expérience sensible et le bien-être au cœur des dispositifs de formation.

5Dans la ligne de RESPIRE, les contributions du dossier thématique (toutes issues de travaux extérieurs à ce projet) explorent les dimensions corporelles dans l’enseignement supérieur. Elles visent principalement à examiner les connexions entre les connaissances incarnées et vécues, en portant une attention particulière aux fondements épistémologiques et aux dispositifs de formation, qu’ils soient présentiels ou à distance. Ces contributions apportent des éclairages permettant de comprendre la présence corporelle dans divers contextes pédagogiques, avec l’intégration de pédagogies expérientielles au sein de disciplines qui ne sont pas toutes – dans une approche traditionnelle – centrées sur le corps.

6L’article de Delphine Odier-Guedj, intitulé « Le corps dans les interactions dans une salle de classe, un amphithéâtre ou derrière une caméra lors des cours à distances synchrones : un détour par la sociolinguistique interactionnelle », est issu de la conférence introductive de la journée d’étude précitée. Il sert donc d’ouverture au dossier thématique en présentant un dispositif permettant à la fois d’appréhender le corps par les concepts clés de la sociolinguistique interactionnelle et de s’interroger sur les modalités de participation et d’engagement des étudiants dans les enseignements supérieurs/tertiaires.

7L’article de Francesco Spampinato intitulé « L’embrayage expérientiel : un indicateur de l’implication corporelle dans les explicitations des auditeurs de musique » se focalise sur un domaine particulier en explorant les différents niveaux d’implication corporelle dans l’expérience d’écoute musicale, à travers l’analyse fine des discours d’explicitation. Mobilisant la notion d’« embrayage expérientiel », il interroge les méthodes d’entretien et les indices verbaux et non verbaux qui révèlent une présence corporelle, souvent invisible, mais sensible, dans l’expérience vécue.

8La contribution de Magaly Boizumault intitulée « Travailler sa présence corporelle et construire une posture éducative : exemple d’une formation en master MEEF EPS » s’inscrit dans le cadre de la formation initiale des futurs enseignants d’Éducation Physique et Sportive (EPS) en France. L’article analyse un dispositif visant le développement d’une posture éducative efficace et bienveillante, questionnant l’expérience sensible et favorisant la conscience de la présence corporelle chez les étudiants. En articulant pratiques expérientielles, conscience de soi et compétences psychosociales, il interroge les conditions d’une relation enseignant–élève de qualité.

9Et si les formateurs d’enseignants expérimentaient l’apprentissage avec tout leur corps ? C’est cette exploration que nous propose l’article d’Emmanuelle Maitre de Pembroke « Appréhender et comprendre les textes par une démarche sensible. Une approche énactive dans les cours universitaires de formation d’enseignants ». Cet article retrace une formation où la poésie s’est incarnée dans les gestes, les postures et les silences partagés. Portée par le paradigme de l’énaction, la lecture devient traversée, sensible, éveil du sens et de la mémoire. Une invitation à repenser la compréhension comme une rencontre vivante entre texte, corps et présence.

10Ancrée dans une approche de l’action située, la contribution de Maelle Tourneur intitulé « le corps de l’enseignant dans l’enseignement à l’Université : intentionnalités didactiques et cultures pédagogiques disciplinaires » offre une analyse de la place du corps enseignant à l’université à partir d’une enquête ethnographique conduite dans six disciplines contrastées. Le corps participe activement à la transmission des savoirs, selon des logiques intentionnelles et contextualisées.

11Dans une perspective articulant phénoménologie, énaction et écologie de l’agir, Catherine Archieri questionne la prise en compte du corps en formation à partir d’une enquête menée en orthophonie : « Une méthode pour documenter la prise en compte de la corporéité en formation : étude exploratoire à propos d’une formation en présentiel en orthophonie ». L’article propose une méthode originale d’analyse des configurations d’activité permettant de documenter l’expérience corporelle des apprenants.

12À cette première partie thématique s’adosse une seconde non thématique, dont nous dirons quelques mots. L’élaboration d’un varia pose de fait la double question de ce qui constitue son unité autant que de ce qui le rattache aux axes de recherche qui sous-tendent une revue. Sa modestie – quatre articles ont été retenus – ne pouvait que laisser craindre l’incomplétude de la réponse. L’originalité des propositions a pourtant révélé tout l’inverse. Les articles regroupés dans ce numéro apportent bien des réponses aux questions soulevées et débattues régulièrement au sein de la revue Contextes et Didactiques. Des contributions présentées se dégage principalement une réflexion sur l’interaction entre les apprenants et l’environnement didactique dans lequel se déploie le geste d’enseignement, qu’il soit formel ou informel.
L’article de Lucie Gomes, intitulé « La pompéïsation d’Oradour-sur-Glane : une autre opportunité didactique », révèle à quel point les lieux de mémoire constituent des creusets d’un renouvellement et d’une vivification des questions historiques, traditionnellement posées dans d’autres contextes. Dans le vaste palimpseste mémoriel, dont ils reflètent les politiques scolaires et les choix qui les guident, que constituent les écoles publiques conçues par l’architecte Oscar Niemeyer à Rio de Janeiro, Cécile Bourgade interroge « [l]a politique scolaire par l’architecture : le cas des [Centres d’Éducation Publique Intégrale] au Brésil ». Orientant le débat vers l’éducation informelle, Mickaël Idrac montre la façon dont les politiques migratoires restrictives menées par l’Union européenne entraînent un développement exponentiel des camps de réfugiés en périphérie. Il nous invite ainsi à interroger les parcours d’apprentissage qui se dessinent en marge de l’école, dans les camps de réfugiés de migrants en Grèce. Simone Ganguillet questionne dans son étude la « Différentiation dans l’enseignement du français : une étude dans des classes multi-âges » la place que les enseignants accordent à la différenciation pédagogique dans leur classe au sein du canton de Berne en Suisse. L’analyse des pratiques de classe croise les entretiens avec les enseignants, apportant ainsi des éléments de réponse à ce qui reste encore un champ pédagogique, insuffisamment exploré.

13Du Brésil à l’Europe, les articles rassemblés dans ce varia apportent leur pierre à l’édifice de la connaissance des contextes éducatifs et de leur interaction permanente avec les acteurs qui y prennent part.

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Notes

1 Projet de recherche soutenu par la Plateforme Transatlantique en Sciences Humaines et Sociales (http://www.transatlanticplatform.com/), l’Agence Nationale de la Recherche française, du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et du Fonds National Suisse.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Lisa Lefèvre, Antoine Delcroix, Olivier-Serge Candau, Élisabeth Odacre et Fabienne Venant, « Éditorial »Contextes et didactiques [En ligne], 25 | 2025, mis en ligne le 30 juin 2025, consulté le 08 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/ced/7202 ; DOI : https://doi.org/10.4000/14a9x

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Auteurs

Lisa Lefèvre

HEP Vaud, Suisse
lisa.lefevre@hepl.ch

Antoine Delcroix

Université des Antilles, Guadeloupe
antoine.delcroix@univ-antilles.fr

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Olivier-Serge Candau

Université des Antilles, Guadeloupe
olivier-serge.candau@univ-antilles.fr

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Élisabeth Odacre

Université des Antilles, Guadeloupe
elisabeth.odacre@univ-antilles.fr

Fabienne Venant

Université du Québec à Montréal, Canada
venant.fabienne@uqam.ca

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-4.0

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