Des idées conservatrices aux discours antigenre en uruguay
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Introduction
1Cet article étudie les modèles et les cibles des discours adoptés par les organisations conservatrices en Uruguay au fil des ans. Comme les récits conservateurs qui les ont précédés, ceux-ci se caractérisent par leur opposition aux droits reproductifs et sexuels, mais leurs attaques se concentrent désormais sur ce qu’ils appellent l’« idéologie du genre ».
2Il s’agit ainsi de décrire l’offensive antigenre en Uruguay et ses liens avec des organisations et groupes internationaux. Cette offensive émane en effet de groupes religieux et laïques ainsi que de partis politiques. Ce texte présente brièvement le traitement de la question dans les médias, puis analyse certains discours ainsi que les différents points sur lesquels se concentrent les récits antigenre. Il examine l’importance de la thématique de la sexualité dans ces discours , en relation avec les politiques liées au néolibéralisme qui peuvent aboutir à des processus de dé-démocratisation.
Les récits conservateurs dans les années 1980 et 1990
3Au cours du xxie siècle, et plus précisément au cours des années 2020, nous assistons à l’émergence de l’offensive antigenre. Elle est ouvertement liée au glissement vers une politique de droite observé dans différentes régions du globe. Toutefois, le développement de ce phénomène a commencé il y a plusieurs décennies. Tout au long de la modernité, l’objectif de contrôler la sexualité et la reproduction est progressivement devenu une composante de plusieurs processus politiques, culturels et institutionnels qui, dans la vie sociale, ont consolidé les hiérarchies entre les sexes et établi des normes.
4Traditionnellement, en Amérique latine, les discours conservateurs émanaient des élites politiques et économiques, composées des oligarchies nationales au pouvoir depuis de nombreuses années. La question du genre n’était pas à l’ordre du jour car la domination masculine était complètement normalisée, à tel point que l’absence des femmes dans les sphères publiques ne posait pas question. De même, la diversité de genre et de sexualité était totalement invisible, ce qui a entraîné la dissimulation et l’exclusion des personnes LGBTQI+ de la vie sociale. Le conservatisme latino-américain se caractérisait par la place centrale de l’Église catholique et ses velléités de sauver ce qu’elle identifiait comme autres. Ces derniers étaient conçus selon une logique de discrimination ethnique, raciale et économique à travers laquelle l’Église entretenait des relations de tutelle et des pratiques paternalistes qui maintenaient, voire renforçaient, les inégalités. Bien sûr, cette situation n’était pas monolithique ; il existait des mouvements progressistes dans différents pays. Dans le cas particulier de l’Uruguay, il y a eu une législation visant à l’égalité des droits pour les femmes. Ce n’est pas une coïncidence si ce pays est le moins religieux du continent et s’il a connu une séparation radicale entre l’Église catholique et l’État au cours des premières décennies du xxe siècle.
- 1 La démocratie a été rétablie en Argentine en 1983, en Uruguay en 1985 et au Chili en 1990.
5Dans le contexte des démocraties post-dictatoriales du Cône Sud1, les discours axés sur la justice sociale ont forcé les conservateurs à modifier leurs récits ; il n’était plus possible de cibler les différences ethniques, raciales et économiques. Cependant, leurs logiques construisent toujours des systèmes de contrôle sur l’autre, modifiant ainsi leur stratégie et se concentrant définitivement sur les domaines de la sexualité et de la reproduction à la suite des discours conservateurs émanant des Conférences des Nations unies dans les années 1990 et provenant principalement du Vatican.
- 2 On a pu le constater lors des débats parlementaires sur la légalisation de l’avortement. Pour une a (...)
- 3 Susana Rostagnol, « Disputas sobre el control de la sexualidad. Activismo religioso conservador y d (...)
- 4 Michel Foucault, Histoire de la sexualité. I. La volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976.
6En Uruguay, le Vatican a offert aux activistes conservateurs laïques un récit fondé sur des aspects moraux qui convenait à leurs déclarations contre les droits sexuels et reproductifs2. Dans ce contexte, des groupes autoproclamés « pro-vie » ont mené plusieurs actions contre la légalisation de l’avortement en Uruguay ainsi que dans d’autres pays du continent. Les liens de ces groupes avec le Vatican sont bien connus. Depuis que, dans les années 1990, l’avortement est devenu une question centrale dans l’arène politique, les récits des conservateurs tournent autour de la notion de vie, comprise comme « la reproduction biologique par le biais de la famille monogame hétérosexuelle, à partir de laquelle est construite la structure morale qui permettra la perpétuation de cet ordre social »3. Les références à « la vie » renvoient ainsi à ce que Michel Foucault4 appelle la « biopolitique » de la population, c’est-à-dire les interventions et les contrôles réglementaires de la société, du pouvoir sur la vie des gens. Les conservateurs fondent en effet leurs discours sur des arguments religieux et scientifiques (ou pseudo scientifiques) qui favorisent le contrôle des sexualités à partir d’une moralité supérieure opposée à celle des corps sur lesquels le contrôle est exercé.
- 5 Joseph Ratzinger et y Peter Seewald, La sal de la tierra. Quien es y cómo piensa Benedicto XVI ?, M (...)
7Les Conférences des Nations unies ont en outre nourri la construction discursive autour de l’« idéologie du genre ». À cette époque, la délégation du Vatican a introduit la notion de « genre » dans la discussion, en élaborant un contre-récit basé sur la biologie et des affirmations tirées de la Bible. Le cardinal Ratzinger, dans Le Sel de la terre5, a également qualifié la pensée du genre de « dernière rébellion de la créature contre sa condition ». La littérature catholique a commencé à évoquer le genre comme une menace, en particulier pour l’ordre naturel, et l’a également associé au marxisme. À l’inverse, le féminisme a remis en cause le modèle de la famille traditionnelle en déconstruisant la division public-privé et la société domestique définies par l’ordre patriarcal. L’activisme LGBTQI+ a réfuté la division binaire en tant que mode d’organisation des corps sexués. En réaction, mettant en avant leur panique morale, les acteurs conservateurs ont commencé à prendre des mesures.
L’offensive antigenre en Uruguay
- 6 Joan Scott, « Gender: A Useful Category of Historical Analysis », The American Historical Review, v (...)
8Dans les années 1980, les universitaires féministes considéraient le genre comme une catégorie descriptive et analytique6. Dans les années 1990, avec son inscription à l’ordre du jour des Nations unies, il est devenu une catégorie politique. À l’époque, certaines féministes ont avancé l’idée que cette inclusion pourrait conduire à galvauder le concept, alors qu’en réalité, c’est le contraire qui s’est produit. L’Uruguay est un pays centré sur l’État et sur les partis. Cette caractéristique le différencie des autres pays de la région, où une personne sans appareil de parti derrière elle peut accéder à la présidence, comme cela a été le cas pour le président argentin Javier Milei. Ainsi, en Uruguay, l’État a joué un rôle de premier plan dans l’évolution des conflits autour des questions de genre.
- 7 Pour une analyse complète de cette période, voir Niki Johnson, Ana L. Rodríguez Gustá et Diego Semp (...)
9Par conséquent, les militant·es féministes et LGBTQI+ ont agi pour établir de nouveaux droits et garantir ceux déjà existants. Elles ont fait avancer de nouvelles questions politiques relatives à l’égalité de genre, à l’autonomie et aux droits sexuels et reproductifs. En Uruguay, le gouvernement de gauche, au pouvoir de 2005 à 2020, a intégré ces revendications dans son programme politique. Elles ont pris la forme de quelques avancées législatives : loi sur l’égalité du mariage permettant aux personnes de même sexe de se marier (2013) ; loi sur l’interruption volontaire de grossesse (2012) ; loi complète pour la population transgenre visant à réduire la discrimination structurelle (2018) entre autres7. Ces avancées législatives ont été possibles en grande partie grâce au processus de sécularisation de l’État uruguayen. Néanmoins, l’Église catholique tout de même exercé un certain pouvoir séculier, en particulier dans ce que l’on pourrait caractériser comme le « domaine moral », et une certaine perméabilité des valeurs catholiques prévalait dans la vie intime des individus.
- 8 Depuis la papauté de Jean-Paul II, l’Église catholique est devenue vatinocentrique, j’utiliserai do (...)
10La stratégie du Vatican8 s’articulait autour d’actions de lobbying dans l’arène politique. Elle a connu un succès relatif, mais a été particulièrement importante dans le domaine de l’éducation. En 2000, l’ANEP (Administración Nacional de Educación Pública) a publié un livre d’éducation sexuelle destiné aux lycéen·nes. Environ un mois plus tard, celui-ci a été retiré des écoles secondaires en raison d’actions menées par des groupes conservateurs particulièrement liés à l’Opus Dei. En 2014, l’Instituto Nacional de las Mujeres (Institut national des Femmes) a publié un guide d’éducation sexuelle, cette fois à l’attention des enseignantes afin de les aider à améliorer leurs cours sur le sujet. Ce dernier a subi le même sort, puisque le lobbying catholique a réussi à interrompre la circulation de l’ouvrage et à interdire son utilisation par les enseignant·es. À propos de ce guide, Monseigneur Sturla – nommé plus tard cardinal par le pape François – a déclaré : « Ils veulent imposer l’“idéologie du genre” et ne tolèrent pas d’autres conceptions de la sexualité, du mariage et de la famille, en particulier la vision judéo-chrétienne dont nous sommes les heureux héritiers. » Cet extrait comporte un condensé de l’activisme antigenre : son intolérance à l’égard de l’altérité, la primauté de la famille hétéro-patriarcale, la sexualité uniquement à des fins de procréation et la valorisation de la tradition judéo-chrétienne.
- 9 José Manuel Morán Faúndes, Juan Marco Vaggione, « El activismo neoconservador en Argentina : entre (...)
11Comme on l’a dit, au cours de ce siècle, les récits antigenre sont devenus de plus en plus présents, tandis que dans certains pays, ils se sont matérialisés par des lois régressives. Morán Faúndes et Vaggione9 affirment que la spécificité de ces acteurs réside dans leurs stratégies. L’expansion des droits reproductifs et sexuels ont apporté une temporalité qui non seulement actualise la manière d’aborder la politisation du corps, mais oblige également l’opposition à reconfigurer sa manière d’opérer politiquement dans ce scénario.
12Les défenseurs de l’antigenre sont des activistes, c’est-à-dire des personnes organisées qui, suivant une sorte d’idéologie ou même d’utopie (bien qu’elles n’utilisent aucun de ces mots), ont l’intention d’exercer un impact politique et social et d’influencer ainsi les institutions et l’organisation de la vie sociale. Elles agissent à l’échelle mondiale en ciblant les mouvements globaux, en particulier les féminismes. Le féminisme dans sa diversité est devenu le mouvement le plus important au niveau mondial. Chaque 8 mars, de grandes manifestations, qui concentrent des forces transformatrices, ont lieu dans de nombreux endroits de la planète. Un acteur qui s’oppose à un tel mouvement doit ainsi développer des alliances et des stratégies globales.
- 10 Pour donner un bref aperçu, il convient de noter que Jimmy Morales, théologien évangélique, a rempo (...)
13Au début années 2020, les idées antigenre se sont répandues au-delà des cercles religieux, devenant partie intégrante des programmes des partis d’extrême droite. Dans plusieurs pays de la région, elles gagnent du terrain dans l’arène politico-gouvernementale10. Si la religion est toujours présente, elle s’est déplacée du catholicisme vers les évangéliques, qu’il s’agisse des néo-pentecôtistes ou d’autres groupes religieux indépendants, forgeant ainsi un œcuménisme religieux antigenre.
14Les églises néo-pentecôtistes sont en constante expansion sur le territoire uruguayen. Au début, la majorité de leurs paroissien·nes appartenaient aux classes sociales inférieures, mais aujourd’hui, leurs membres se sont étendu·es à d’autres secteurs socio-économiques. Ces congrégations sont si importantes que l’on peut affirmer que la majorité des personnes opposées au genre en font partie. Les références aux valeurs familiales traditionnelles, ainsi qu’aux rôles assignés aux femmes et aux hommes, sont très fréquentes dans leurs offices. On y prêche que le but de la sexualité est uniquement la procréation, que l’homosexualité est diabolique et qu’il est nécessaire de guérir toute personne différente. Alors que l’Église catholique met l’accent sur les activités de lobbying, les Églises néo-pentecôtistes suivent une stratégie d’insertion dans les partis politiques. Lors des élections de 2019, il existait au sein du Parti national une liste évangélique : Cristianos por Uruguay. Deux leaders évangéliques ont été élus comme représentants.
- 11 Interview de Nicolás Iglesias, « No toquen nada Que dijo el fundador del movimiento a mis hijos no (...)
15Il existe également des groupes et des organisations ramifiés dans différents pays. L’un d’entre eux est Con mis hijos no te metas (CMHNTM, littéralement » Ne touche pas à mes enfants »), un mouvement politico-social né au Pérou en 2016 dans le but d’éradiquer l’idéologie du genre. Il s’est rapidement répandu dans la plupart des pays du continent. L’un de ses principaux dirigeants et fondateur, Christian Rojas, est venu en Uruguay en 2018 pour animer une formation sur l’identité de genre, à l’occasion du débat parlementaire sur la loi intégrale pour la population transgenre. Parmi ses contacts en Uruguay figuraient deux représentants de partis conservateurs appartenant à des Églises néo-pentecôtistes, ainsi que d’autres responsables religieux11.
16Il convient également de mentionner le Congreso Iberoamericano Por La Vida y La Familia (Congrès pour la vie et la famille), apparu au Mexique en 2016 en tant que mouvement de « défense de la vie » et des droits des familles par le biais de politiques publiques à travers l’Ibéro-Amérique. Sa stratégie a consisté à plaider principalement lors des réunions de l’Organisation des États américains (OEA) et à mobiliser la population en organisant des congrès dans différents pays, dont l’un s’est tenu à Punta del Este, en Uruguay, en 2018. Son discours s’oppose à l’« idéologie du genre » et aux droits reproductifs, en particulier l’interruption volontaire de grossesse, avec une rhétorique qui identifie constamment le genre au sexe biologique. Dans leur argumentaire, la vérité révélée est opposée à la connaissance scientifique, requalifiée d’idéologie.
- 12 Ironiquement, la salle de l’annexe du Parlement où s’est tenue la conférence porte le nom de Paulin (...)
- 13 Men United est une organisation uruguayenne antisexiste dont le nombre des membres a augmenté, mais (...)
- 14 La branche uruguayenne du CMHNTM.
- 15 Analía Goldentul, Ezequiel Saferstein, « Los jóvenes lectores de la derecha argentina. Un acercamie (...)
17Il ne fait aucun doute que l’année 2018 est une étape importante en ce qui concerne l’apparition publique d’activistes antigenre en Uruguay. L’événement le plus important a probablement eu lieu le 10 avril 2018, lorsque Agustín Laje, influenceur argentin, et Nicolas Márquez ont donné une conférence pour lancer leur livre El libro negro de la nueva izquierda. Ideología de género o subversión cultural [Le Livre noir de la nouvelle gauche. Idéologie du genre ou subversion culturelle], et ce, dans l’annexe du bâtiment du Parlement12, invités par deux organisations antigenre : Varones Unidos13 et A Mis Hijos No Los Tocan14. Selon le texte lui-même, la proposition est orientée contre le « marxisme culturel » et « l’idéologie du genre ». Un public nombreux et varié a accompagné les orateurs. À l’extérieur de la salle, une banderole ornée d’une croix gammée indiquait « L’idéologie du genre, le fascisme du xxie siècle ». Des manifestations similaires à celle organisée en Uruguay ont eu lieu dans de nombreuses villes d’Amérique latine. Cette pratique a permis de former et de renforcer une communauté de lecteurs. Les livres, et celui-ci en particulier, en tant qu’artefacts culturels, revêtent une valeur symbolique qui influence la construction d’espaces de sociabilité de droite, permettant en fin de compte la création de réseaux et d’alliances politiques15.
- 16 Sonia Corrêa, « Conversaciones del GEFGS. 1. Sonia Corrêa », conférence du Grupo de Estudios Famil (...)
18Comme on peut le constater, ces acteurs apparemment différents comprennent des groupes religieux, séculiers et politiques unis par un ennemi commun désigné comme l’« idéologie du genre ». La signification de ces termes est certainement diffuse et confuse, car chacun leur attribue un contenu particulier suivant ses intentions politiques et idéologiques. Le genre est perçu comme dangereux, voire diabolique, comme une menace pour les familles ; une idéologie puissante qui peut déstabiliser et même détruire des valeurs sociales telles que le la binarité en fonction du sexe biologique, l’hétérosexualité et la liberté. Sonia Corrêa16 utilise la métaphore de l’hydre qui se déploie dans l’idéologie du genre comme un panier, ou un signifiant métamorphique ouvert dans lequel tout peut entrer (éducation sexuelle, mariage homosexuel, personnes transgenres, etc.). Les discours sont structurés, en fonction des circonstances concrètes. La métaphore utilisée par Sonia Corrêa est donc utile pour comprendre la dynamique des militants antigenre. En bref, De ce point de vue, le « genre » devient une construction moralement et socialement nuisible, ainsi qu’une représentation idéologique fausse et antiscientifique de la nature. Il n’y a pas de genre, il n’y a que le sexe en tant que concept biologique.
Les récits antigenre en Uruguay
19Avec l’arrivée au pouvoir de la coalition de droite menée par le Partido Nacional en 2020, une alliance antigenre s’est établie dans l’État uruguayen et les relations avec les autorités religieuses se sont renforcées. Au début de son mandat, ce gouvernement a célébré une messe à la cathédrale catholique, avec la participation du président, des principaux sénateurs et ministres, ainsi que d’autres chefs religieux conservateurs. Dans un pays où la séparation de l’État et de l’Église a été déclarée au début du xxe siècle, cet événement marque un tournant historique. Quelques mois après son accession à la présidence, Luis Lacalle Pou a déclaré que son gouvernement était « pro-vie », se référant explicitement aux organisations anti-avortement.
- 17 Luis Rivera-Velez, « La Réponse conservatrice à la dépénalisation de l’avortement en Uruguay », Pr (...)
- 18 Susana Rostagnol, « La legalización no siempre alcanza. Tensiones entre el movimiento feminista y e (...)
20Même si la loi sur l’interruption volontaire de grossesse n’a pas été remise en cause, des mesures ont été prises pour décourager les femmes17, en partie à cause du nombre élevé de médecins qui s’y opposent. Toutefois, des représentants conservateurs ont déposé un projet de loi sur le droit des parents d’enterrer ou d’incinérer les « enfants nés sans vie », c’est-à-dire « toute vie humaine à n’importe quel stade de la gestation ». Cette proposition contestait clairement le droit à l’avortement. Le projet de loi n’a pas prospéré18.
- 19 Réalisée au Département d’anthropologie sociale, programme « Genre, corps et sexualité », avec la c (...)
- 20 Recherche menée par le Centre d’études féministes interdisciplinaires, Universidad de la República (...)
- 21 La loi globale sur la violence sexiste à l’égard des femmes a été promulguée en décembre 2017 et pu (...)
- 22 Les visites sous contrôle judiciaire sont organisées lorsque la cour estime que, pour la sécurité d (...)
21Cette situation nécessite une analyse des discours. Nous avons examiné les articles publiés dans la presse locale sur le sujet19, tout en nous concentrant sur l’apparition de certains individus, stratégiquement choisis, sur les réseaux sociaux et dans les médias. Certains d’entre eux sont des politiciens, d’autres des dirigeants de groupes séculiers20. Ils ont en commun de représenter les voix de l’activisme antigenre . L’examen des données a été réalisé entre 2018 et 2023. Au cours de cette même période, la Ley Integral Para Personas Trans (2018) et la Ley Integral de Violencia Basada en Género21 (2018) ont été adoptées. Comme mentionné ci-dessus, l’année 2018 a parallèlement vu émerger publiquement les activistes antigenre. En outre, quelques années plus tard, un projet de loi issu du lobby antigenre, appelé de manière trompeuse Ley de Corresponsabilidad en la Crianza (loi de co-responsabilité dans l’éducation) a été discuté. En Uruguay, il existe déjà des lois encadrant la garde partagée et la responsabilité parentale22. Cette proposition visait directement à permettre aux hommes accusés d’abuser de leurs enfants de recouvrer leur droit de garde sans supervision juridique.
Les médias
22La sélection des articles de presse a été effectuée en examinant un journal conservateur et un journal progressiste à l’aide de mots-clés. L’analyse des deux journaux a révélé que l’autorité éditoriale va au-delà des rubriques, puisqu’elle inclut la manière dont l’information est transmise, le choix des sections dans lesquelles elle est présentée et les voix choisies pour la soutenir.
23El País, journal conservateur, a concentré les informations au sujet de la violence basée sur le genre dans la section des divertissements relatant certains faits du monde du spectacle local ou argentin, tandis que les cas les plus significatifs se trouvaient dans la section des rapports criminels. Chaque fois, ils ont été présentés comme des problèmes interpersonnels sans aucune mention de la violence patriarcale structurelle qui touche tous les aspects de la vie sociale et l’on y soupçonne parfois la femme d’être à l’origine de fausses accusations. Les sujets liés aux positions et aux revendications féministes sont le plus souvent présentés dans le cadre d’entretiens avec des personnalités socialement reconnues dans le domaine culturel, sportif ou autre, et non pas nécessairement pour leur activisme féministe.
24Si l’on compare avec le traitement accordé par le journal progressiste La Diaria, on constate des différences significatives. Les nouvelles concernant la violence fondée sur le genre sont présentées sur la base d’informations, obtenues par le biais d’entretiens avec des organisations de la société civile et des institutions publiques en rapport avec le sujet, et sont généralement publiées dans la section « Féminismes ». Comme les sources sont des interviews avec des personnes compétentes, elles offrent un panorama interprétatif reconnaissant la violence structurelle dérivée des relations patriarcales. Le même traitement est dédié à la violence homophobe et transphobe lorsqu’elle se produit. Quant aux questions liées aux positions et aux revendications féministes, elles sont le plus souvent le résultat d’enquêtes journalistiques où sont utilisées les déclarations de personnes faisant autorité, qu’elles soient issues de mouvements sociaux ou du monde académique.
- 23 Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.
25Les deux médias couvrent des événements tels que le 8 mars ou le 25 novembre23. Dans les deux cas, on trouve également des articles sur les acteurs politiques ayant proféré des discours antigenre.
26Dans les deux journaux, la violence raciale ne se confond pas nécessairement avec la violence de genre, puisque, suivant les médias, la première peut être plus fréquemment rattachée aux athlètes Noirs. Fondamentalement, cela met en évidence la cécité à l’égard des problèmes raciaux et du racisme en général, qui existent indubitablement dans toutes les sphères de la société, ainsi que l’absence d’une vision intersectionnelle susceptible de rendre compte de la complexité des phénomènes de violence.
27Les deux journaux ont une section spéciale consacrée aux questions féminines : « Feminismos », dans le cas du journal progressiste ; « Eme », qui fait allusion à la première lettre de mujer (« femme »), dans le cas du journal conservateur.
28El País est le journal qui a le plus grand tirage. La Diaria a un tirage plus faible, mais son lectorat est plus fidèle car il n’est distribué que par abonnement.
29Les médias grand public sont perméables à la manière dont la population structure son monde de perceptions et de significations autour de l’égalité des sexes et de l’« idéologie du genre ». Les réseaux sociaux alimentent à la fois les sentiments et les pensées des militants antigenre et ceux des militant·es féministes et LGBTQI+.
Les discours
- 24 Le Frente Amplio regroupe plusieurs organisations rassemblant le Parti démocratique chrétien, le Pa (...)
- 25 Éric Fassin, « Campagnes anti-genre, populisme et néolibéralisme en Europe et en Amérique latine » (...)
30Tandis que la pensée antigenre semble continuer à se loger dans les religions, en particulier dans les églises néo-pentecôtistes, le nombre d’activistes antigenre appartenant à des organisations séculières a considérablement augmenté au cours des dernières années. Ils et elles sont devenus des penseur·ses et des influenceur·ses important·es. Enfin, les membres des partis de droite jouent un rôle qu’ils n’avaient pas pendant les quinze années d’administration du Frente Amplio (Front large24). Ils sont tous étroitement liés. Le dénominateur commun de leurs programmes, est l’accent discursif mis sur la famille, en particulier sur le contrôle des corps – ceux des femmes – et l’établissement d’une discipline sociale et morale si bien qu’Éric Fassin25 parle d’une « phobie de genre ».
31Dans tous ces discours, le concept d’« idéologie » est employé par opposition à la « science » : le genre manquerait de fondements scientifiques. « Selon moi, la politique du genre est une idéologie, et il serait bon d’avoir une politique sans idéologie » avance Graciela Bianchi, sénatrice du Partido Nacional. Par ce reproche, le genre est assimilé à une construction sociohistorique, qui irait à l’encontre des données naturelles et biologiques, comme il apparaît dans les écrits du Vatican. La droite populiste antigenre va plus loin et rejette l’opposition dans la sphère politique. Elle oppose les croyances de gauche, qu’elle présente comme idéologiques, aux croyances de droite, qu’elle considère comme reflétant la réalité telle qu’elle est. Sa propre position politique devient incontestable, proche de l’infaillibilité du Pape.
- 26 Le texte complet est disponible à l’adresse suivante : https://psico.edu.uy/presencias-en-medios/de (...)
- 27 Donna Haraway, « Situated Knowledges: the Science Question of Feminism and the Priviledge of Partia (...)
32Uruguay Soberano est un groupe qui se définit comme un mouvement politiquement et économiquement indépendant, dont la mission est de défendre la souveraineté nationale. Il a une position antigenre, antimondialisation et profondément nationaliste. Lors d’une interview, l’un de ses dirigeants, Hoenir Sarthou, a conclu que les études de genre sont une hypothèse ou une théorie sur le fonctionnement des relations entre les sexes. « Je comprends que c’est une idéologie du genre, dans la mesure où c’est une représentation de la réalité médiée par les intérêts de la position dans la société de celui qui interprète la réalité, c’est plus de l’idéologie que de la production de connaissances scientifiques », a-t-il déclaré26. Cet extrait de l’entretien révèle clairement que la relation entre la connaissance scientifique et l’idéologie est déroutante. En 1988, Donna Haraway27 a expliqué en détail que les connaissances scientifiques sont toujours nécessairement situées. Penser que la science est indépendante de ceux qui la produisent, qu’elle est absolument neutre, c’est revenir à un empirisme naïf qui a été abandonné il y a longtemps. L’idée de la connaissance véhiculée par Hoenir Sarthou est androcentrique et antiscientifique dans la mesure où elle repose sur des vérités prétendues immuables.
33Dans la même ligne, l’écrivaine et influenceuse de droite Mercedes Vigil a téléchargé une vidéo sur les réseaux sociaux28 soutenant la Ley de Corresponsabilidad en la Crianza. Elle a centré son discours sur l’idée de « famille naturelle » – c’est-à-dire monogame, hétérosexuelle et patriarcale. Elle entend étayer son discours avec des bases « scientifiques » et avance le raisonnement suivant : l’idéologie du genre sous-tend la majeure partie de la production scientifique de ses adversaires et puisque, selon elle, le genre est un concept erroné, toute la leur construction s’effondre. Ainsi, elle prétend disposer d’informations authentiques pour soutenir les relations patriarcales. Dans ce contexte, elle défend l’idée que les enfants de parents divorcés restent avec leur père, même dans les cas de suspicion de violences sexuelles du père sur ses enfants, laissant entendre que les mères manipulent leurs enfants contre les pères. Elle fait en outre référence au syndrome d’aliénation parentale, une théorie que la plupart des professionnels de santé mentale rejettent et qualifient de « science de pacotille ». Une fois de plus, l’anti-intellectualisme est présent.
- 29 « Manini Ríos dijo que en algunas escuelas se induce a los niños a “adoptar conductas propias del s (...)
34Le domaine où la perplexité de la pensée antigenre est la plus grande est l’identité de genre et sexuelle qui semble inquiéter le plus. « Dans certaines écoles, les enfants sont incités à adopter des comportements typiques du sexe opposé, alors qu’on leur enseigne que la sexualité est une construction sociale, et qu’ils sont donc totalement libres de choisir le sexe qu’ils veulent, sans être limités par les diktats de la biologie »29, affirme (Guido Manini Ríos, sénateur du Cabildo Abierto). La construction sociale est assimilée au libre arbitre, ce qui est loin d’être fondé sur des preuves empiriques. Dans sa déclaration, Manini Ríos, pose clairement son rejet des intellectuels. Il sape ce que les études de genre ont systématiquement développé depuis au moins cinquante ans à partir d’ouvrages fondamentaux, comme celui de Simone de Beauvoir : le genre est une construction socio-historique ; la société est régie par des normes, des règles et des lois, qu’elles soient implicites ou explicites. Il suffit de rappeler la notion de « fait social » de Durkheim et la manière dont les gens sont socialisés. Avec une certaine ironie, Manini Ríos nie de manière manichéenne la diversité des orientations sexuelles et sexuées. Derrière son prétendu « scientisme » lorsqu’il évoque les « diktats de la biologie », il propose clairement de politiser l’ordre sexuel, en le plaçant en dehors de l’histoire et de la politique, dans le domaine de la nature, qu’il imprègne d’immanence, ce qui est clairement une pensée idéologique. En le plaçant dans ce domaine, il occulte toute discussion menant à la démocratie sexuelle.
- 30 Éric Fassin, « La Démocratie sexuelle et le conflit des civilisations », Multitudes, no 26(3), 200 (...)
35Le rôle central de cette thématique dans le programme mis en œuvre par les politiciens d’extrême droite, comme Manini Ríos, amène à réfléchir à la relation entre l’équité entre les sexes, la sexualité et la démocratie. Éric Fassin30 a en effet soutenu que le « conflit des civilisations » se produisait dans le domaine sexuel. L’auteur français a inventé le concept de « démocratie sexuelle » pour désigner le processus d’« extension du domaine démocratique, avec la politisation croissante des questions de genre et de sexualité que révèlent et encouragent les multiples controverses publiques actuelles », précisant que l’on peut « remettre en cause l’ordre des sexes et l’ordre des sexualités en exposant l’un et l’autre à cette double interrogation, et à sa tension constitutive ».
- 31 Susana Rostagnol, « Los meandros politicos de la ciudadanía sexual y los derechos reproductivos », (...)
- 32 María Amelia Viteri, « Anti-gender Policies in Latin America : the Case of Ecuador », LASA Forum, (...)
- 33 Le texte complet est disponible sur www.elpais.com.uy/informacion/politica/manini-dijo-que-la-ideol (...)
36Cela montre que l’ordre social de la sexualité est historique et politique, c’est un champ de lutte pour l’hégémonie des significations. Il n’y a rien de naturel dans les questions de sexualité ou de genre, tout est simplement réduit à des accords et des conventions sociales31. Dans un environnement qui favorise l’activisme antigenre, la démocratie sexuelle est occultée. Une vérité unique et transcendante est imposée aux corps. Au cours de ces décennies de montée en puissance des récits antigenre, une certaine délégitimation des systèmes démocratiques s’est développée. Les activistes séculières antigenre sont également antisystème, bien que profondément nationalistes. L’idée d’une conspiration impérialiste derrière les mouvements féministes et LGBTQI+ est présente chez la plupart des militant·es antigenre. Les groupes pro-vie et d’autres groupes antigenre partagent une rhétorique visant les « forces impérialistes » qui attaquent les ONG et les organisations internationales telles que les agences des Nations unies, accompagnée d’un récit apocalyptique qui dénonce le lobby international des féministes, des « pro-gay », des « avorteurs », etc.32. Selon Manini Ríos, « l’idéologie du genre a été “achetée” et “apportée” en Uruguay ». Elle est utilisée comme un outil politique qui divise et confronte la famille, l’homme et la femme, l’enfant et le père. Malheureusement, cela génère une détérioration du tissu social comme jamais auparavant »33.
37Le pape François a également qualifié l’idéologie du genre de tentative de colonisation idéologique qui finit par s’attaquer aux familles et à la création divine. Carlos Lafigliola, du Parti National affirme quant à lui : « La famille est ce que nous comprenons tous comme l’unité sociale naturelle, le résultat de l’union d’un homme et d’une femme, d’un père et d’une mère, pour procréer, pour engendrer des enfants » . L’utilisation du terme « naturel », par opposition à « culturel », employé avec la connotation de « bon », est intéressante : si quelque chose est naturel, il n’est ni perverti ni corrompu. À ce stade, le concept philosophique de « sophisme naturaliste » est utile ; il s’agit de passer d’une déclaration de fait (« est ») à un jugement de valeur (« devrait »). Bien qu’en réalité la famille ait différentes formes et modèles d’organisation, dans ces discours, elle est représentée d’une manière unilatérale et, par conséquent, projetée comme un « devoir être », comme un modèle unique, naturel et souhaitable.
- 34 Wendy Brown, « American Nightmare. Neoliberalism, Neoconservatism and De-democratization », Polici (...)
- 35 Flávia Biroli, « The Backlash Against Gender Equality in Latin America. Temporality, Religious Patt (...)
- 36 Wendy Brown, « American Nightmare », op. cit., p. 698.
38La famille est érigée comme une valeur centrale de la pensée conservatrice et néolibérale. Elle est la clé des dimensions morales et économiques qui relient l’érosion des services publics et les tendances à la dé-démocratisation. Alors que l’État-providence recule, les familles sont désignées pour prendre le relais. Le gouvernement de droite actuel a réduit le budget de plusieurs politiques sociales. Selon Wendy Brown34, l’intersection des rationalités néolibérales et conservatrices produit une dé-démocratisation qui relève de « la disparition d’une culture politique démocratique et de la production d’un citoyen non démocratique ». Flávia Biroli affirme que « les changements des dimensions institutionnelles et normatives de la démocratie, l’érosion de ses dimensions publiques et la compromission des exigences de base sont considérés comme des signes de dé-démocratisation »35. Plus loin, Wendy Brown défend que la démocratie est irréalisable, ce qui conduit au processus de dé-démocratisation. « Ce que nous avons dans le néolibéralisme et le néoconservatisme, c’est une rationalité politique de marché et une rationalité politique morale, avec un modèle commercial de l’État dans un cas et un modèle théologique de l’État dans l’autre36. » Nous pouvons constater que les différents gouvernements néoconservateurs et néolibéraux de la région se rangent d’un côté ou de l’autre.
Conclusion
39Ce texte a tenté de montrer comment les activistes religieux conservateurs de la fin du siècle dernier se sont transformés en activistes antigenre au siècle présent.
40Les années 1990 ont été caractérisées, notamment, par la globalisation financière et culturelle ; c’était la décennie des Conférences des Nations unies où les organisations de la société civile ont commencé à jouer un rôle important dans le lobbying. Parmi elles, les organisations féministes, les organisations LGBTQI+ et les organisations de défense des droits humains ont toutes réalisé des avancées significatives dans leurs revendications, obtenant une légitimité en matière de droits à la reproduction et à la citoyenneté sexuelle. Les militant·es religieux·ses conservateur·rices, le Vatican à leur tête, ont réagi aux avancées des mouvements féministes et LGBTQI+. Ils ont proposé des récits néoconservateurs en réaction ; on pourrait les considérer comme un mouvement de retour de bâton (backlash).
41Toutefois, à la lumière de ce qui se passe au xxie siècle, on pourrait dire que le conservatisme, plutôt que de représenter un retour de bâton, se cachait, attendant le moment d’entrer en scène. Il a fait irruption sur la scène mondiale, désignant un ennemi commun : l’idéologie du genre. Loin d’être réactionnaire, il est proactif. Les discours antigenre, qu’ils émanent d’acteurs politiques, religieux ou séculiers, cherchent à recomposer une société considérée comme dépourvue de valeurs. Le contrôle des sexualités est au centre de ces discours, d’où émergent les idées sur : la « famille naturelle » (monogame, hétérosexuelle et patriarcale) fonctionnelle au néolibéralisme ; le binarisme incontournable où le sexe assigné à la naissance détermine impérativement le genre ; et la pensée dogmatique qui s’oppose à la fois à l’esprit critique et à l’intellectualité, perçue comme la remise en question de « l’ordre des choses ». Sous couvert d’individualisme, les droits des personnes sont dilués au profit de l’autorité de certains secteurs de la société qui pourraient commander le reste de la population. L’anti-intellectualisme fort, caractéristique de ces discours, donne lieu à des positionnements dogmatiques qui ne permettent aucune forme de remise en question ou de débat. Il s’agit d’une bataille culturelle visant à l’hégémonie des significations.
Notes
1 La démocratie a été rétablie en Argentine en 1983, en Uruguay en 1985 et au Chili en 1990.
2 On a pu le constater lors des débats parlementaires sur la légalisation de l’avortement. Pour une analyse complète, voir Susana Rostagnol, Aborto voluntario y relaciones de género. Políticas del cuerpo y la reproducción, Montevideo, Universidad de la República, 2016.
3 Susana Rostagnol, « Disputas sobre el control de la sexualidad. Activismo religioso conservador y dominación masculina », in Juan Marco Vaggione (éd.), El activismo religioso conservador en Latinoamérica, Córdoba, Católicas por el Derecho a Decidir, 2010, p. 159.
4 Michel Foucault, Histoire de la sexualité. I. La volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976.
5 Joseph Ratzinger et y Peter Seewald, La sal de la tierra. Quien es y cómo piensa Benedicto XVI ?, Madrid, Ediciones Palabra, 2005 [1995], https://marisabelcontreras.files.wordpress.com/2014/01/la-sal-de-la-tierra.pdf
6 Joan Scott, « Gender: A Useful Category of Historical Analysis », The American Historical Review, vol. 91/no 5, 1986, p. 1 053-1 075.
7 Pour une analyse complète de cette période, voir Niki Johnson, Ana L. Rodríguez Gustá et Diego Sempol, « Explaining Advances and Drawbacks in Women’s and LGBTIQ Rights in Uruguay », in Elisabeth Jay Friedman (éd.), Seeking Rights from the Left. Gender, Sexuality and the Latin American Pink Tide, Durham, Duke University Press, 2018, p. 48-81.
8 Depuis la papauté de Jean-Paul II, l’Église catholique est devenue vatinocentrique, j’utiliserai donc indifféremment Vatican et Église catholique.
9 José Manuel Morán Faúndes, Juan Marco Vaggione, « El activismo neoconservador en Argentina : entre la religión, el secularismo y la reacionalidad neoliberal », in Karina Bárcenas (éd.), Movimientos antigénero en América Latina. Cartografías del neoconservadurismo, Méexico, UNAM, 2022, p. 77-115.
10 Pour donner un bref aperçu, il convient de noter que Jimmy Morales, théologien évangélique, a remporté les élections présidentielles au Guatemala en 2015 avec le soutien de l’extrême droite. Au Brésil, Jair Bolsonaro, un militaire de réserve évangélique, a remporté les élections de 2018 avec le slogan « Le Brésil au-dessus de tout et Dieu au-dessus de tout le monde ».
11 Interview de Nicolás Iglesias, « No toquen nada Que dijo el fundador del movimiento a mis hijos no los tocan », Emisora Del Sol, https://delsol.uy/notoquennada/ntnconcentrado/que-dijo-el-fundador-del-movimiento-a-mis-hijos-no-los-tocan
12 Ironiquement, la salle de l’annexe du Parlement où s’est tenue la conférence porte le nom de Paulina Luisi, l’une des pionnières du féminisme uruguayen.
13 Men United est une organisation uruguayenne antisexiste dont le nombre des membres a augmenté, mais pas de manière significative.
14 La branche uruguayenne du CMHNTM.
15 Analía Goldentul, Ezequiel Saferstein, « Los jóvenes lectores de la derecha argentina. Un acercamiento etnográfico a los seguidores de Agustín Laje y Nicolás Márquez », Cuaderno 112. Centro de Estudios en Diseño y Comunicación, no 2020/2021, p. 113-131.
16 Sonia Corrêa, « Conversaciones del GEFGS. 1. Sonia Corrêa », conférence du Grupo de Estudios Familia, Género y Subjetividades, Facultad de Humanidades/Universidad Nacional de La Plata, 2021, www.youtube.com/watch ?v =TRwmq2P_pf8
17 Luis Rivera-Velez, « La Réponse conservatrice à la dépénalisation de l’avortement en Uruguay », Problèmes d’Amérique latine, no 118, 2020/3, https://shs.cairn.info/revue-problemes-d-amerique-latine-2020-3-page-65 ?lang =fr
18 Susana Rostagnol, « La legalización no siempre alcanza. Tensiones entre el movimiento feminista y el avance anti-derechos », Miradas y horizontes feministas. Boletín del GT Feminismos, resistencias y emancipación. CLACSO, no 4, 2021, p. 13-22.
19 Réalisée au Département d’anthropologie sociale, programme « Genre, corps et sexualité », avec la collaboration de Pablo Camacho et Guzmán Arnaud.
20 Recherche menée par le Centre d’études féministes interdisciplinaires, Universidad de la República Montevideo, avec la participation d’Andrea Carriquiri, Niki Johnson, Constanza Moreira, Elisa Novell et Susana Rostagnol.
21 La loi globale sur la violence sexiste à l’égard des femmes a été promulguée en décembre 2017 et publiée en janvier 2018. Bien qu’il y ait eu d’autres lois sur la violence domestique auparavant, celle-ci couvre davantage de dimensions du problème.
22 Les visites sous contrôle judiciaire sont organisées lorsque la cour estime que, pour la sécurité du mineur, il est plus approprié de se rencontrer dans un espace spécialement adapté à cet effet dans un bâtiment judiciaire et sous la supervision d’un travailleur social.
23 Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.
24 Le Frente Amplio regroupe plusieurs organisations rassemblant le Parti démocratique chrétien, le Parti communiste d’Uruguay, le Parti socialiste d’Uruguay et le Mouvement révolutionnaire oriental.
25 Éric Fassin, « Campagnes anti-genre, populisme et néolibéralisme en Europe et en Amérique latine », Forum LASA, vol. 51/no 1, 2020, p. 67-21.
26 Le texte complet est disponible à l’adresse suivante : https://psico.edu.uy/presencias-en-medios/debate-hay-ideologia-de-genero-hay-genero-en-la-ideologia
27 Donna Haraway, « Situated Knowledges: the Science Question of Feminism and the Priviledge of Partial Perspective », Femininst Studies, vol. 14/no 3, 1988, p. 575-599.
28 www.youtube.com/watch?v=ikU7AOw34SU
29 « Manini Ríos dijo que en algunas escuelas se induce a los niños a “adoptar conductas propias del sexo opuesto” », La Diaria, 8 novembre 2022, https://ladiaria.com.uy/politica/articulo/2022/11/manini-rios-dijo-que-en-algunas-escuelas-se-induce-a-los-ninos-a-adoptar-conductas-propias-del-sexo-opuesto/
30 Éric Fassin, « La Démocratie sexuelle et le conflit des civilisations », Multitudes, no 26(3), 2006, p. 123-131.
31 Susana Rostagnol, « Los meandros politicos de la ciudadanía sexual y los derechos reproductivos », in Martha Patricia Castañeda Salgado, María Luisa González Marín, Patricia Rodríguez López (dir.), Los feminismos latinoamericanos ante los retos del milenio, México, UNAM, 2019.
32 María Amelia Viteri, « Anti-gender Policies in Latin America : the Case of Ecuador », LASA Forum, vol. 51/no 2, 2020. p. 42-46.
33 Le texte complet est disponible sur www.elpais.com.uy/informacion/politica/manini-dijo-que-la-ideologia-de-genero-es-perversa-y-se-la-usa-como-una-herramienta-politica-dividiendo
34 Wendy Brown, « American Nightmare. Neoliberalism, Neoconservatism and De-democratization », Policital Theory, vol. 34/no 6, 2006, p. 690-714.
35 Flávia Biroli, « The Backlash Against Gender Equality in Latin America. Temporality, Religious Patterns, and the Erosion of Democracy », LASA Forum, vol. 51/no 2, 2020, p. 25.
36 Wendy Brown, « American Nightmare », op. cit., p. 698.
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Référence électronique
Susana Rostagnol, « Des idées conservatrices aux discours antigenre en uruguay », Les cahiers du CEDREF [En ligne], 27 | 2024, mis en ligne le 01 février 2025, consulté le 27 mars 2025. URL : http://journals.openedition.org/cedref/2172 ; DOI : https://doi.org/10.4000/138qf
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