Au carrefour de l’idéologie et du pragmatisme : le rôle des femmes dans le djihadisme de construction de l’État
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- 1 S’agissant de l’objet de cet article, les termes « organisations » ou « ces organisations » seront (...)
1Cet article explore la participation des femmes dans les organisations djihadistes qui construisent l’État, en particulier l’ISIS (l’Islamic State of Syria and Irak, également appelé Daesh), et examine l’interaction complexe entre l’idéologie et le pragmatisme qui régit leurs rôles. Alors que la jurisprudence islamique impose traditionnellement des restrictions aux activités publiques et sociales des femmes, les organisations djihadistes qui construisent l’État ont intégré les femmes dans leurs structures de manière significative et diversifiée. L’étude définit le renforcement de l’État comme la création et la gouvernance d’institutions fonctionnelles sur des territoires définis, un processus essentiel pour relever les défis des États faibles ou en déliquescence. Elle affirme que ces organisations1, à la différence des groupes djihadistes d’intervention tels qu’Al-Qaïda, offrent un environnement plus inclusif pour les femmes en raison de leur besoin de relever les défis logistiques liés à la gouvernance d’États encore défaillants. S’appuyant sur des travaux de terrain menés en Irak, en Turquie, en Iran, en Afghanistan, au Liban et en Syrie, l’article donne un aperçu empirique de la manière dont les rôles des femmes dans ces organisations contribuent à combler les lacunes en matière de sécurité, de prestation de services et de légitimité, dans le contexte d’États en déliquescence. L’article nuance en outre la mesure dans laquelle ces rôles remettent en question les conceptions conventionnelles du genre, de l’agentivité et de la construction de l’État, en positionnant les femmes au carrefour de l’engagement idéologique et des nécessités pragmatiques de la gouvernance djihadiste.
Introduction
2Le nombre croissant d’attentats terroristes perpétrés par des femmes à travers le monde a ravivé les inquiétudes quant à l’intégration de ces dernières dans les groupes islamistes violentes chargées de perpétrer des attentats. La littérature dépeint souvent les femmes comme des victimes lorsqu’elle étudie leur participation à des actes de terrorisme, et leurs responsabilités et contributions sont souvent considérées comme passives ou secondaires par rapport à celles des hommes. Cette analyse reflète l’infériorisation des femmes par rapport à leurs homologues masculins dans de nombreux aspects de la vie.
- 2 Rafia Zakaria, « Women and Islamic Militancy », Dissent, www.dissentmagazine.org/article/why-women- (...)
- 3 « More German Women Joining ISIS to Fight, Intelligence Head Says », Al-Arabiya, 24 juin 2015, http (...)
- 4 Aaron Y. Zelin, « Tunisia’s Female Jihadists », Washington Institute for Near East Policy, Policy (...)
3Il est surprenant de constater qu’en dépit de la jurisprudence islamique traditionnellement restrictive à l’égard des activités sociales des femmes et parallèlement à l’augmentation globale des activités militantes des djihadistes, l’intégration des femmes dans les organisations djihadistes a rapidement augmenté en nombre et en rôle dans les pays affiliés au djihad entre la fin de 2013 et 2017. Elles représentaient jusqu’à 10 % de tous les membres occidentaux de l’Islamic State of Syria and Irak (ISIS, également appelé Daesh), les estimations françaises faisant état d’un pourcentage beaucoup plus élevé. Selon certaines estimations, près de 70 % des femmes occidentales ayant rejoint Daesh dans ses territoires en Syrie et en Irak seraient françaises, selon d’autres, 60 % d’entre elles seraient britanniques et le reste serait originaire d’autres pays européens, du Canada et des États-Unis2. En juin 2015, le service de renseignement intérieur allemand (BfV) a révélé que presque 100 Allemandes figuraient parmi les 700 djihadistes qui avaient rejoint Daesh3. Cependant, cette expansion ne s’est pas limitée aux Occidentales. Selon Zelin, quelque 700 Tunisiennes ont également rejoint des organisations djihadistes entre 2013 et 2016, ainsi que des centaines d’autres originaires d’Arabie saoudite, du Maroc, d’Algérie, de Malaisie et d’Indonésie4.
4Les femmes ont également été incorporées dans des groupes djihadistes pour tenir diverses fonctions. Daesh a intégré des femmes dans un large éventail de rôles non liés au combat, notamment dans les domaines de la propagande, de la radicalisation, du financement, du blanchiment d’argent et, dans une certaine mesure, de la planification et de l’exécution d’attaques terroristes. Plusieurs groupes djihadistes dans les territoires palestiniens ont sollicité des femmes pour accompagner et couvrir des kamikazes masculins afin d’éveiller moins de soupçons. Les femmes étant traditionnellement perçues comme non-violentes et capables de contourner les mesures de sécurité, le Hamas ou plusieurs autres groupes en Irak et en Syrie ont systématiquement eu recours à des femmes kamikazes pour attaquer leurs cibles. La Jemaah Islamiya (Société islamique) d’Indonésie encourage les femmes des familles et tribus locales à épouser ses combattants et agents djihadistes afin de s’assurer le soutien et la protection de leur tribu. Les femmes sont également employées comme informatrices, espionnes, donatrices ou messagères dans diverses organisations djihadistes en Irak, en Afghanistan, en Syrie, au Liban, au Nigeria et en Libye.
5Toutefois, il est important de noter que cette évolution n’est pas répartie proportionnellement. Daesh, affiche un taux d’intégration des femmes plus élevé que les groupes tels qu’Al-Qaïda. Les raisons de cette répartition disproportionnée (tant en nombre qu’en rôle) n’ont pas été analysées en profondeur dans la littérature. Pour expliquer ces disparités et proposer une approche de genre, cet article soutient que les organisations djihadistes qui construisent l’État, telles que Daesh, offrent un environnement généralement plus favorable à l’intégration des femmes (tant en matière de nombre que de rôles) que d’autres organisations djihadistes, telles qu’Al-Qaïda.
6Les conclusions de cet article sont basées sur de multiples recherches de terrain en Irak, en Turquie, en Iran, en Afghanistan, au Liban et aux frontières des territoires contrôlés par Daesh en Syrie. Des entretiens semi-directifs ont été menés avec des réfugié·es irakien·nes et syrien·nes, dans les pays susmentionnés. Ils et elles ont été interrogé·es sur leur expérience au sein d’organisations djihadistes construisant l’État et sur les rôles que ces organisations assignent aux femmes. J’ai également interrogé plusieurs membres des forces de sécurité, chercheur·ses, universitaires, fonctionnaires, activistes et journalistes des pays mentionnés, sur la façon dont l’idéologie des organisations jihadistes encadre les femmes et sur les différences entre les approches de ces deux types d’organisations en ce qui concerne leur recrutement.
Les organisations djihadistes qui se construisent au niveau de l’État
- 5 Jay Sekulow, Rise of ISIS: A Threat We Can’t Ignore, Simon and Schuster, Howard Books, 2015.
7Entre 2013 et 2018, un nouveau type d’organisations terroristes est apparu. Cette recherche les décrit comme des organisations djihadistes de construction de l’État, car elles utilisent la violence pour établir leurs États (également connus sous le nom de « califats »). Cela est évident dans la situation d’organisations telles que l’État islamique de Syrie et d’Irak (ISIS), les affiliés de Daesh en Libye et en Syrie, et Jabhat Fateh Al-Sham (en Syrie). Contrairement aux groupes classiques (tel qu’Al-Qaïda), qui ont une conception limitée de ce qu’il convient de faire après avoir chassé les Occidentaux des terres musulmanes et renversé leurs pouvoirs plus ou moins fantoches, les organisations djihadistes de construction ont une vision claire de l’établissement d’un État, basée sur la structure traditionnelle des califats pendant l’âge d’or de l’islam (du viiie au xiiie siècle). Ces dernières envisagent un « gouvernement unifié et transnational régissant l’ensemble de la communauté musulmane. Il sera contrôlé selon la charia et appliqué par une autorité suprême, le calife »5. Par conséquent, ces organisations, telles que Daesh, ayant établi leurs propres Etats, contrôlent à la fois les terres et la population, tout comme n’importe quel autre État institué.
8La structure interne de telles organisations est à la fois hiérarchique et basée sur des réseaux. Dans leurs territoires de gouvernance, celles-ci ont établi un modèle pyramidal clair qui comprend un cabinet, divers départements et des conseils. Par exemple, la structure de direction de Daesh se compose de plusieurs conseils, dont le conseil militaire, le conseil consultatif, le conseil de la défense et du renseignement et le conseil judiciaire. Jabhat Fateh al-Sham et Jaish al-Fatah ont également créé leurs propres conseils de direction, ministères des Services publics et unités de sécurité et de police, dans leurs régions respectives. Ces départements et conseils, comme tout État, se sont vu assigner des tâches distinctes et ont maintenu une communication continue entre eux.
9Les organisations contrôlent également des territoires géographiques identifiables mais fluides. Cela leur a permis d’établir des quartiers généraux dans des villes (Raqqa pour Daesh et Idlib pour Jabhat Fateh al-Sham et Jaish al-Fatah) et de mettre en place une autorité centrale sur toutes leurs unités opérationnelles dans les zones qu’elles dirigeaient. Cette autorité centrale contrôlait et gouvernait tous les aspects de l’État et de la politique publique.
10Toutefois, dans leurs interactions avec d’autres groupes, les organisations d’édification de l’État ont utilisé une approche fondée sur les réseaux. Par exemple, tout groupe djihadiste situé en dehors du territoire de Daesh et ayant déclaré son allégeance à ce dernier s’est vu accorder l’autorité de fonctionner et de gouverner. Dans cette situation, Daesh à Raqqa n’a servi que de force spirituelle et de guide pour des groupes, comme Boko Haram au Nigeria, qui ont prêté allégeance à Daesh.
Le rôle des femmes dans les organisations djihadistes construisant un État
- 6 Paul Staniland, « States, Insurgents, and Wartime Political Orders », Perspectives on Politics, v (...)
11Les conflits liés à la construction de la nation ont toujours été un phénomène important dans l’étude de celle-ci. Il est important de noter qu’il n’existe pas de voie unique vers l’édification d’un État. Plusieurs ont été « construits dans le sang et le feu sans relâche, d’autres ont été des rassemblements fracturés d’élites, d’autres encore ont été des accords stables mais tacites entre des forces politiques »6. Cet article se concentre sur la voie violente, avec les organisations djihadistes comme point focal en ce qui concerne l’engagement des femmes en leur sein.
- 7 Earl Conteh-Morgan, Collective Political Violence: An Introduction to the Theories and Cases of Vio (...)
- 8 Sita Ranchod-Nilsson et Mary Ann Tétreault, « Gender and Nationalism, Moving beyond Fragmented Conv (...)
12Le phénomène de compétition violente entre les différents secteurs d’une société s’est intensifié au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, où « la plupart des conflits dans le monde ont été dus à des efforts de construction de la nation »7. L’armée joue « un rôle clé non seulement dans la défense de l’État-nation, mais aussi dans l’arbitrage des critères d’appartenance (citoyenneté) à la nation »8, comme on le constate dans les pays où le service militaire (national) est obligatoire pour les citoyens, notamment Singapour, l’Iran, le Danemark ou la Turquie. Dans des cas comme celui d’Israël, ce service militaire (national) obligatoire s’applique aussi bien aux hommes qu’aux femmes, sans discrimination.
- 9 Charles Tilly, « War Making and State Making as Organized Crime », Collective Violence, Contentious (...)
- 10 Karen Rasler et William R. Thompson, « Explaining Rivalry Escalation to War: Space, Position, and C (...)
- 11 Herman Schwartz, « Immigrants and Organized Crime », in H. Richard Friman (éd.), Crime and the Glob (...)
- 12 Mark Duffield, Global Governance and the New Wars: The Merging of Development and Security, New Yor (...)
13L’affirmation bien connue de Charles Tilly9 selon laquelle « la guerre fait les États et les États font la guerre » est devenue un concept central pour comprendre cette relation entre les conflits militaires et la construction de l’État. Son argumentation identifie trois composantes essentielles au processus : le contrôle centralisé du territoire, le développement de l’appareil d’État et la pacification. La théorie de Tilly a été reprise dans diverses études sur le sujet, notamment dans les travaux de Rasler et Thompson (1989)10, ainsi que de Schwartz (2009)11, qui a exploré des dynamiques similaires dans le contexte des organisations mafieuses. Selon ce cadre, la construction de l’État se produit lorsque des experts et des élites violentes consolident la sécurité et fournissent le premier et le plus essentiel des biens publics : le contrôle de l’utilisation de la force12.
- 13 Jeremy M. Weinstein, Inside Rebellion: The Politics of Insurgent Violence, Cambridge University Pre (...)
- 14 Sukanya Podder, « State Building and the Non-state: Debating Key Dilemmas », Third World Quarterly,(...)
- 15 Robert W. McColl, « The Insurgent State: Territorial Bases of Revolution », Annals of the Associa (...)
- 16 Andrew A. Merz, Coercion, Cash-crops and Culture. From Insurgency to Proto-state in Asia’s Opium Be (...)
14L’idée que des acteurs non étatiques violents tentent d’établir un contrôle territorial et une gouvernance a été examinée par des chercheurs tels que Weinstein (2006)13 et Podder (2014)14. Elle est particulièrement pertinente dans le contexte des organisations djihadistes. Les travaux de McColl (1969)15 sur les États insurgés soulignent la nécessité pour ces mouvements de tenir un territoire en tant que précurseurs de la guérilla, une tactique également adoptée par des organisations comme Daesh et les talibans16.
- 17 Karima Omar, « National Symbolism in Constructions of Gender: Transformed Symbols in Post-conflict (...)
- 18 Eric M. Bergerud, Touched with Fire: The Land War in the South Pacific, Penguin, 1997.
- 19 Norma Kriger, « The Zimbabwean War of Liberation: Struggles Within the Struggle », African Nation (...)
15Parallèlement à ces débats, l’implication des femmes dans les processus de construction de l’État, en particulier par le biais de groupes militants, est évidente tout au long de l’histoire moderne, même si leur rôle est moins médiatisé. Comme le note Omar (2004)17, les femmes ont été des participantes actives, bien que souvent invisibles, dans les luttes révolutionnaires nationales, lors de conflits au Salvador, au Nicaragua, en Libye, en Érythrée, au Vietnam ou en Yougoslavie. Par exemple, durant la première guerre d’Indochine, le nationalisme vietnamien a mobilisé à la fois les hommes et les femmes pour s’opposer aux valeurs confucéennes qui restreignaient les femmes à des rôles domestiques. Elles sont entrées dans l’armée et ont donné leur force de travail, contribuant de manière significative au mouvement national. Pendant la guerre du Vietnam, les femmes représentaient une proportion considérable des troupes du Viêt Cong, certaines d’entre elles, comme Thi Dinh, occupant des postes de haut rang tels que celui de commandante adjointe18. Ce modèle se retrouve dans d’autres mouvements anticoloniaux, tels que l’Armée de libération nationale africaine du Zimbabwe, où un nombre important de combattantes a participé à l’engagement militaire direct et occupé des postes de commandement19.
- 20 Sita Ranchod-Nilsson et Mary Ann Tétreault, « Gender and Nationalism », op. cit., p. 10-26.
16Cependant, les universitaires féministes minorent la participation des femmes aux mouvements nationalistes, arguant que celles-ci sont souvent mobilisées pendant les périodes de conflit, mais marginalisées une fois l’État consolidé20. Omar souligne que ce schéma d’empouvoirement temporaire suivi d’une marginalisation a pu être observé à la fois au Vietnam ou au Nicaragua. Contrairement à cette tendance, les organisations djihadistes ont observé un schéma opposé, où les femmes étaient largement absentes pendant les périodes de conflit, mais ont gagné en pouvoir et ont été amenées à jouer des rôles publics après la création d’États territoriaux.
17L’édification d’États islamiques par Daesh, Jabhat Fateh al-Sham et Jaish al-Fatah dans les régions de Syrie et d’Irak a ainsi ouvert une nouvelle voie pour l’intégration des femmes dans les groupes militants djihadistes. Ils offraient aux femmes beaucoup plus d’options que d’autres groupes djihadistes tels qu’Al-Qaïda. Contrairement à la vision ultra-restrictive qu’ont la plupart des groupes djihadistes comme Al-Qaïda, le réseau Haqqani ou Ansar Al-Islam, les organisations de construction de l’État ont intégré un plus grand nombre de femmes dans plusieurs secteurs de leur appareil administratif sans déroger à leur interprétation stricte de la charia.
- 21 Richard Barrett, « Beyond the Caliphate. Foreign Fighters and the Threat of Returnees », rapport (...)
- 22 Frank Gardner, « The Crucial Role of Women within Islamic State », BBC, 20 août 2015, <www.bbc.co (...)
18Selon les statistiques de 2014, les femmes représentaient jusqu’à 10 % des membres étranger·es identifié·es de Daesh21, mais ce chiffre était relativement faible et souvent proche de zéro dans la plupart des autres groupes djihadistes, tels qu’Al-Qaïda ou Ansar al-Sunnah. Pour atteindre l’objectif d’établir un califats, avec sa propre société, ses résidents, son économie, son armée et d’autres mécanismes sociaux, les femmes des organisations d’États ont pu accéder à des rôles stratégiques plutôt que tactiques. Alors que les organisations djihadistes de construction de l’État étaient brutales envers les non-musulmanes et la grande majorité des musulmanes qui n’étaient pas d’accord avec leur interprétation de l’islam, elles avaient pour stratégie d’utiliser les femmes qui faisaient la hijrah (« migration ») vers les territoires sous domination djihadiste pour établir et renforcer leurs califats22.
- 23 Ibid.
19Au fur et à mesure que fut dépassé le stade de simples organisations militantes pour établir des États fonctionnels, les femmes furent considérées comme essentielles à leur croissance et à leur pérennité puisqu’elles représentent la moitié de la population. Elles ont ainsi été intégrées à diverses « institutions parallèles ségréguées par sexe », y compris les soins de santé, l’éducation, les forces de police, l’armée et même le service de collecte des impôts par Daesh et, à plus petite échelle, par d’autres presque-États plus petits, comme Jabhat Fateh al-Sham et Jaish al-Fatah23. Ces institutions parallèles sexuellement ségréguées étaient contrôlées par les femmes et ne s’occupaient que des questions qui concernaient des femmes. À titre d’exemple, dans les centres d’éducation et de soins de santé les femmes fournissaient des services exclusivement destinés aux femmes. Grâce à ce mécanisme, la mixité fut réduite.
- 24 James A. Piazza, « Draining the Swamp: Democracy Promotion, State Failure, and Terrorism in 19 Mid (...)
20Il est essentiel de noter que ces organisations tendent à former leurs proto-États (ou califats) en lieu et place d’États faibles ou en déliquescence. Dans une étude réalisée en 2007, Piazza a conclu que les États défaillants fournissent les conditions essentielles au fonctionnement et au développement des organisations djihadistes24. En tant qu’alternatives califats fournissent aux populations la protection, l’ordre et les services dont ils ont besoin. Les théories de l’État défaillant fournissent des critères dont l’absence peut indiquer le passage d’un État fonctionnel à un État faible. En appliquant ces grilles aux califats on trouve une clé de lecture à la question de l’inclusion des femmes sur leurs territoires. En étant relativement plus inclusives, les organisations djihadistes de construction de l’État peuvent relever les défis auxquels est confronté un État en déliquescence, offrant une alternative fonctionnelle au chaos.
21Le modèle de défaillance de l’État de Call sert de cadre essentiel pour structurer cette étude. En se concentrant sur trois « lacunes » essentielles – la sécurité, la fourniture de services et de biens publics et la légitimité – le modèle permet d’expliquer comment ces organisations, comme Daesh, opèrent dans des contextes d’États faibles ou défaillants. En intégrant les femmes dans divers rôles, notamment la sécurité, l’éducation, les soins de santé et l’administration publique, les organisations djihadistes qui construisent l’État tentent de combler ces lacunes en offrant une forme alternative de gouvernance dans les régions où les institutions de l’État se sont effondrées.
22Sur la base de données empiriques recueillies dans différents pays du Moyen-Orient, cet article conclut que les femmes constituent un rôle essentiel dans la stabilisation l’État. Le tableau suivant illustre les différents rôles qu’elles remplissent :
23Toutefois, si le modèle de Call permet d’encadrer la logique opérationnelle de ces organisations, il convient d’en reconnaître les limites potentielles. L’hypothèse du modèle selon laquelle le fait de combler ces lacunes contribue à une gouvernance durable ne rend peut-être pas pleinement compte des défis à long terme auxquels sont confrontées ces organisations, en particulier les mesures autoritaires et coercitives qu’elles emploient pour garder le contrôle. En outre, le modèle de Call tend à se concentrer sur les facteurs structurels, tout en sous-estimant le rôle de l’idéologie, des dynamiques culturelles et des pratiques coercitives qui sous-tendent également les efforts de construction de l’État dans les contextes djihadistes. La dépendance des organisations djihadistes à l’égard de l’endoctrinement idéologique et de la coercition pourrait en fin de compte compromettre la durabilité de leurs efforts de gouvernance.
La sécurité
- 25 Charles T. Call, « Beyond the “Failed State”: Toward Conceptual Alternatives », European Journal (...)
24Le déficit de sécurité se produit lorsque l’autorité centrale (pour diverses raisons, notamment un conflit civil ou une occupation étrangère) n’est pas en mesure d’assurer un niveau minimal de sécurité face à des groupes armés organisés »25. Dans de telles circonstances, les organisations djihadistes de construction étatique dotées de capacités militaires peuvent combler le déficit de sécurité. Les données empiriques montrent qu’en raison de leur nature belliqueuse, ces organisations combleront la première des trois lacunes. Pour ce faire, les organisations de construction étatique intègrent des femmes dans des rôles militaires et de maintien de l’ordre.
25La brigade Al-Khansaa (la force de police féminine de Daesh) est un exemple de ce type d’institution. Les femmes dirigeaient entièrement la brigade, son personnel n’ayant qu’un contact minime avec leurs homologues masculins. Les femmes occupaient tous les niveaux hiérarchiques de cette brigade, y compris le commandement. Jaish al-Fatah à Idlib, en Syrie, a également mis en place une structure de forces de police exclusivement féminine. En employant des femmes à des postes de sécurité les menaces posées par les femmes ont pu être contrées étant donné que, selon la charia, les forces de sécurité masculines ne sont pas en mesure d’exercer leur autorité sur les femmes concernant certains gestes, tels que les fouilles corporelles et les interrogatoires. Les forces de sécurité féminines ont veillé à la bonne exécution des codes moraux stricts concernant les femmes dans les espaces publics, y compris le code vestimentaire et les relations entre personnes de sexe opposé.
- 26 Jennifer Philippa Eggert, « Why Do Women Join IS? A Critique of Gendered Assumptions About Women’s (...)
26Forces militaires : Les organisations djihadistes d’édification de l’État ont fait valoir que l’implication des femmes dans les fonctions de première ligne était relativement récente. Bien que les registres officiels n’indiquent aucune trace confirmée de combattantes jusqu’en février 2016, des membres féminines de Daesh auraient mené des attentats-suicides dans le nord de l’Irak depuis 201426. Deux officiers peshmerga kurdes dans le nord de l’Irak, le général Mahdi Younis à Makhmur et le lieutenant-colonel Sayed Hassan Hussain à Baqerat ont confirmé que Daesh avait eu recours à des femmes kamikazes pour attaquer les forces kurdes au moins deux fois en 2015 (entretien du 12 juillet 2016). En mai et juillet 2016, des femmes kamikazes de Daesh ont également mené deux attaques meurtrières dans les villes irakiennes de Bagdad et de Balad, qui ont fait plus de 70 mort·es parmi les civil·es.
27Une réfugiée syrienne de 38 ans à Gaziantep, en Turquie, a déclaré à l’auteur que sa cousine à Idlib avait été approchée par une femme inconnue dans un rassemblement de femmes et qu’on lui avait demandé si elle souhaitait sacrifier sa vie dans le sentier d’Allah en rejoignant un groupe de femmes en quête de martyr pour défendre Jabhat Fateh al-Sham contre les croisés et les infidèles (entretien du 21 mai 2016). Une ancienne habitante de Mossoul, âgée de 41 ans et vivant à Erbil, en Irak, a également confirmé l’intention de l’ISIS de créer des bataillons féminins pour défendre Mossoul contre l’armée irakienne et les milices chiites. Elle a déclaré qu’étant donné que la situation à Mossoul était critique et qu’une offensive majeure pour libérer Mossoul était attendue dans un avenir proche, Daesh essayait de mobiliser toutes ses ressources pour défendre la ville, y compris en utilisant des femmes (entretien du 14 juillet 2016).
28Forces de police : Peu après la création de Daesh, l’organisation a annoncé la formation de la brigade Al-Khansaa, une force de police morale exclusivement féminine, chargée de faire respecter les codes de conduite de la charia. Plusieurs réfugié·es syrien·nes et irakien·nes ont confirmé avoir vu des femmes armées et vêtues de robes noires patrouiller dans les rues de Raqqa, Mossoul, Falloujah, Tell Abyed, Tell Afar et Jarablus, en voiture ou à pied. La brigade Al-Khansaa opérait sous l’égide du Conseil de sécurité de Daesh et avait la responsabilité du maintien de l’ordre à l’intérieur du pays.
29Lors d’un entretien avec l’auteur à Kilis, en Turquie, un ancien résident de Raqqa âgé de 44 ans a souligné qu’Al-Khansaa disposait de ses propres installations dans la ville pour empêcher ses membres de se mêler à leurs homologues djihadistes masculins. Elles emmenaient les femmes qui avaient enfreint la charia dans ce centre à Raqqa : arrêtaient les femmes qui portaient des abayas (longues robes noires) serrées, qui n’étaient pas accompagnées d’un membre masculin de leur famille en public, qui fumaient des cigarettes, qui buvaient ou mangeaient en public pendant le mois de jeûne, qui commettaient l’adultère, qui commettaient des actes d’homosexualité ou qui portaient du vernis à ongles brillant (entretien du 19 mai 2016).
30Jaish al-Fatah a également créé une brigade de police composée exclusivement de femmes dans ses territoires d’Idlib, en Syrie. Cette brigade a suivi le même modèle d’organisation que la brigade Al-Khansaa de Daesh. Une réfugiée de 35 ans originaire d’Idlib et vivant à Antakya, en Turquie, a déclaré que Jaish al-Fatah demandait aux femmes d’Idlib d’observer le code vestimentaire islamique, et que sa brigade de police composée exclusivement de femmes patrouillait dans les rues pour veiller à l’application de cet ordre. Contrairement à la réglementation stricte de Daesh sur le code vestimentaire des femmes, les forces de police de Jaish al-Fatah n’ont pas forcé les femmes à porter des robes entièrement noires. Elles pouvaient porter des couleurs différentes tant que ces couleurs n’étaient pas vives et que leur corps était couvert (entretien du 15 mai 2016).
Fourniture de services et de biens publics
31Call affirme qu’un État est faible « lorsque ses institutions sont incapables de fournir des biens et des services publics minimaux à la population ». L’intégration des femmes dans les organisations djihadistes a subi connu une transformation, car les femmes ne servent pas seulement d’objets tactiques ou de combattantes ; elles sont également impliquées dans un plus large éventail de professions de prestation de services et de biens publics ségréguées par sexe, notamment l’éducation, le travail caritatif, le logement et les soins de santé.
- 27 Noman Benotman et Nikita Malik, « The Children of Islamic State », rapport de la Quilliam Foundat (...)
32Enseignantes et éducatrices : En tant que lieu idéal pour former les esprits et les cœurs de la future génération, les écoles et le système éducatif ont joué un rôle essentiel dans le projet d’établissement du califat de Daesh27. Malgré les rapports relatant la fermeture des écoles de filles, beaucoup étaient encore en place et fonctionnaient sur les territoires des califats. Selon une ancienne résidente de Raqqa âgée de 36 ans qui vivait dans la ville de Sanliurfa dans le sud de la Turquie, lorsque Daesh a pris le contrôle de sa ville, toutes les écoles n’ont pas été fermées. Cependant, les élèves ont été séparés en fonction de leur sexe. Les enseignantes ont pu continuer à travailler sous l’égide de Daesh, mais avec de nouveaux règlements, notamment le respect d’un code vestimentaire strict. Elles devaient porter une longue robe noire qui couvrait tout le corps. Les enseignantes ont également été contraintes de porter des gants noirs et d’enseigner le programme conçu par l’autorité éducative de Daesh (entretien du 25 mai 2016).
33Une réfugiée de Mossoul âgée de 27 ans qui vivait dans le camp de Debaga en Irak a également déclaré qu’au début de la prise de contrôle de Mossoul par Daesh, de nombreuses enseignantes ont quitté leur emploi, car elles n’étaient pas satisfaites de l’approche idéologique de l’État islamique à l’égard de l’éducation. Cependant, Daesh a appelé avec force toutes les enseignantes à retourner dans leurs écoles en vertu des nouvelles réglementations. Les enseignantes recevaient leur salaire directement de Daesh et étaient menacées de se voir confisquer leurs biens si elles démissionnaient (entretien du 13 juillet 2016).
34Jabhat Fateh al-Sham a suivi la même approche à l’égard de l’éducation. Un réfugié syrien de 29 ans originaire d’Idlib et vivant à Istanbul, en Turquie, a expliqué que les écoles et les universités avaient été fermées pendant une courte période à Idlib ; cependant, après quelques semaines, elles ont été rouvertes, avec une ségrégation sexuelle. Seules les enseignantes étaient autorisées à enseigner aux filles, tant à l’école qu’à l’université. Le salaire de ceux et celles qui enfreignaient les règles était réduit et ils et elles étaient puni·es (entretien du 17 mai 2016).
35Médecins et infirmières : Une attention particulière a également été accordé à la santé publique. Début 2015, Daesh a introduit son système de santé de l’État islamique (ISHS) en répliquant le même modèle de ségrégation sexuelle que dans le système éducatif. Une réfugiée irakienne de 42 ans du camp de Debaga, dans le nord de l’Irak, a expliqué à l’auteur qu’une section de l’hôpital général de Mossoul était réservée aux patientes pour qu’elles puissent consulter des des infirmières et des médecins de sexe féminin. Daesh a obligé toutes les femmes médecins et infirmières à porter de longues robes noires sous leur blouse blanche et à se couvrir le visage d’un voile. Plusieurs médecins et infirmières portaient également des gants noirs. Ce n’est qu’à huis clos qu’une femme médecin pouvait retirer son voile pour procéder aux examinations. Elle a également déclaré que, à sa connaissance, les femmes médecins ne pouvaient pas participer aux gardes de nuit dans les hôpitaux (entretien du 13 juillet 2016).
36Selon une ancienne habitante d’Idlib âgée de 30 ans et résidant à Gaziantep, dans le sud de la Turquie, les responsables de Jaish al-Fatah étaient extrêmement stricts s’agissant de faire appliquer la charia dans les centres médicaux, même s’ils autorisaient les femmes médecins à continuer de travailler dans les sections réservées aux femmes dans les hôpitaux. Elle a précisé qu’une médecin avait eu peur de toucher son fils malade, alors âgé de 2 ans, pour un examen médical, car elle n’était pas autorisée par Jaish al-Fatah à soigner les hommes (entretien du 24 mai 2016).
- 28 « Islamic State’s Income Drops 30 Percent on Lower Oil, Tax Revenue: IHS », Reuters, 18 avril 201 (...)
37Perceptrices d’impôts : Un autre aspect important de la fonction publique de ces organisations est leur approche du financement de leur État. Les champs pétroliers syriens et irakiens étaient les principales sources de revenus de Daesh et, à plus petite échelle, Jaish al-Fatah et Jabhat Fateh al-Sham généraient également des millions de dollars par mois. Cependant, en raison de l’intensification des raids aériens de la coalition occidentale et de la Russie, les revenus pétroliers de Daesh ont chuté de manière significative, passant d’environ 85 millions de dollars par mois à environ 55 millions de dollars à la mi-2015. Selon un rapport de Reuters datant de 2016, les impôts représentaient 50 % des revenus totaux de Daesh, tandis que la part des revenus pétroliers était réduite à moins de 43 %. Les recettes fiscales de Daesh ont fortement augmenté, passant de 350 millions de dollars en 2014 à plus de 800 millions de dollars en 201528.
38Selon un ancien habitant de Raqqa âgé de 47 ans et vivant à Gaziantep, en Turquie, après avoir pris la ville, Daesh a installé son administration fiscale dans le bâtiment de la banque de crédit de Raqqa. Selon lui, l’autorité fiscale était responsable de nombreuses personnes chargées de collecter les impôts. Ces percepteurs et perceptrices vérifiaient les magasins, les exploitations agricoles, les entreprises privées et les bureaux gérés par Daesh pour s’assurer qu’ils payaient régulièrement leurs impôts (entretien du 24 mai 2016). Plusieurs réfugié·es syrien·nes ont confirmé l’existence d’un petit groupe perceptrices au sein de l’autorité fiscale de Daesh. Un réfugié syrien de 29 ans qui était commerçant à Raqqa et vivait dans la ville de Kilis, dans le sud de la Turquie, a déclaré qu’en raison de la pression internationale exercée sur Daesh et des conséquences de la perte des revenus pétroliers, l’organisation avait intensifié ses efforts pour générer des revenus par le biais de l’imposition. Il a indiqué que, lorsqu’il s’est rendu à l’autorité fiscale de Daesh à Raqqa pour payer sa taxe professionnelle, il a remarqué une pièce avec une porte fermée assignée aux femmes pour qu’elles paient leurs impôts. Selon lui, ce sont des femmes de Daesh qui s’occupent de la collecte (entretien du 18 mai 2016).
39Agentes chargées du logement et de l’hébergement : Daesh fournissait gratuitement à ses membres des logements et des services. Pour ses membres féminins, des femmes étaient chargées de ces arrangements. Selon un électricien syrien de 36 ans réfugié dans la ville turque de Kilis, les femmes célibataires qui arrivaient de l’étranger étaient envoyées dans des maisons appartenant à Daesh, appelées maqars. Des agentes chargées du logement et de l’hébergement s’occupaient de les emmener à la frontière, de les loger dans les maqars et de répondre à leurs besoins. Il a ajouté que Daesh affectait les femmes aux maqars en fonction de leur nationalité et ne leur permettait pas de se mêler aux habitant·es. En règle générale, les agent·es chargé·es du logement et de l’hébergement des arrivant·es étaient originaires du même pays (entretien du 22 mai 2016).
40Selon un ancien résident de Raqqa âgé de 45 ans qui vit à Istanbul, en Turquie, les maqars se trouvaient généralement dans les villes principales des territoires de Daesh, à savoir Raqqa et Mossoul. Après avoir franchi la frontière des territoires de Daesh, les migrantes célibataires ont rencontré leurs agentes de logement et d’hébergement, puis ont été emmenées dans les villes où se trouvaient leurs maqars. Les agentes y organisaient la première séance d’information pour les nouvelles arrivantes célibataires. Elles leur expliquaient les bases de la vie sous l’égide de Daesh, notamment le code vestimentaire, les codes de conduite dans les rues et l’orientation dans le quartier. Les officières étaient également chargées de maintenir les services offerts dans les maqars, y compris le matériel ménager, la nourriture, les ustensiles de cuisine et de répondre aux autres demandes (entretien du 16 mai 2016).
41Autres rôles : Outre les rôles et les contributions évoqués précédemment, les femmes ont participé à d’autres activités sociales (comparativement moins importantes). Un ancien habitant de Mossoul, âgé de 31 ans et vivant à Erbil, en Irak, a déclaré que la maison de retraite située près de chez lui n’avait pas été fermée lors de la chute de Mossoul. Au contraire, Daesh a séparé les personnes âgées de sexe masculin et féminin dans deux bâtiments et a interdit aux soignant·es de sexe masculin et féminin de se rencontrer. Il a également ajouté que les femmes soignantes n’étaient autorisées à fournir des services qu’aux patientes. Les femmes soignantes recevaient également leur salaire directement des autorités de Daesh (entretien du 11 juillet 2016).
42L’appariement est une autre pratique de ces tâches dédiées aux femmes. Bien qu’aucun rapport ne confirme qu’il s’agisse d’un emploi, des preuves empiriques indiquent que plusieurs membres de la brigade d’Al-Khansa, des responsables du logement et de l’hébergement, des enseignantes et des infirmières coopéraient étroitement avec les autorités de Daesh dans ce domaine. Une ancienne résidente de Raqqa âgée de 34 ans, qui vivait avec sa famille à Istanbul, en Turquie, a noté que les agentes de logement et d’hébergement étaient très impliquées dans l’accueil des femmes célibataires. Elles s’occupaient de présenter les filles aux candidats djihadistes masculins sous la surveillance du département des affaires matrimoniales de Daesh (entretien du 15 mai 2016).
Légitimité
43Comme le souligne Call, « la légitimité repose en particulier sur des processus de participation populaire et sur l’inclusion de groupes sociaux mis à l’écart ». En l’absence de moyens conventionnels de participation politique (tels que les élections ou les partis politiques), les organisations djihadistes étatiques ont tenté de renforcer leur légitimité à gouverner en convainquant les musulmans et les musulmanes du monde entier de rejoindre leurs territoires faire la hijrah (migration) vers leurs territoires, y compris les femmes.
44Grâce à l’inclusion d’un nombre important de femmes musulmanes, marginalisées dans les sociétés occidentales, les organisations ont légitimé leur ordre social alternatif contre l’ordre social hégémonique occidental soi-disant laïque et basé sur l’émancipation des femmes. En établissant des institutions parallèles ségréguées par sexe, elles ont par ailleurs fourni une justification religieuse pour que les croyantes participent davantage aux affaires sociales tout en conservant leur haut niveau de religiosité et d’engagement idéologique. Les États leur ont enfin fourni la plateforme nécessaire pour jouer un rôle dans la création d’une nouvelle génération de croyant·es et d’un État dans lequel leurs engagements idéologiques et religieux était reconnus et protégés.
- 29 « Isis Leader Calls on Muslims to “Build Islamic State” », BBC, 1er juillet 2014, www.bbc.co.uk/n (...)
45Hijrah : Le mot arabe hijrah fait référence à la migration de Muhammad, le prophète de l’islam, de La Mecque à Médine en 622 de notre ère pour établir le premier État islamique. En 2014, le calife de Daesh, Abu Bakr al-Baghdadi, a lancé un appel public à tous·tes les musulman·es du monde pour qu’ils et elles fassent la hijrah vers le califat de Daesh et aident à établir ses institutions, son économie et ses infrastructures29 ; cet appel a été suivi par Jaish al-Fatah en juillet 2015 dans un message vidéo demandant à tous·tes les musulman·es du monde de faire la hijrah vers ses territoires en Syrie.
- 30 Nadia Khomami, « Number of Women and Children Who Joined Isis “Significantly Underestimated” », T (...)
46Plus de 13 % de celles et ceux qui ont fait la hijrah vers le califat de Daesh depuis les pays occidentaux étaient des femmes, ce qui constitue une étape importante dans l’histoire des organisations djihadistes30. Ce chiffre ne comprenait que les femmes occidentales, et non celles qui ont rejoint l’organisation depuis des pays islamiques, tels que la Tunisie, l’Algérie, l’Arabie saoudite, la Libye, l’Égypte, la Malaisie, l’Indonésie, etc. Ces chiffres n’incluent pas non plus les femmes syriennes et irakiennes, qui ont été directement ou indirectement intégrées à Daesh par le biais de ses institutions parallèles ségréguées par sexe, y compris les écoles, les hôpitaux et les forces de police.
- 31 « Oum Haarith », Counter Extremism Project, 18 mai 2015 a, www.counterextremism.com/extremists/oum- (...)
47Dans une structure à trois niveaux, la hijrah a d’abord permis aux femmes de prendre le contrôle de leur vie en décidant en toute connaissance de cause de rejoindre des organisations djihadistes. C’est ce qui ressort des messages Twitter de plusieurs femmes qui ont rejoint le califat de l’EI, dont la Néerlandaise Oum Haarith. Dans un message de mai 2015, elle explique : « Même s’ils apportaient des briques, de l’or ou de l’argent à ma maison tous les jours, je ne serais pas restée à billad al Kufr (« terre des infidèles »). Commencez à faire la hijrah ! ! ! »31.
- 32 « Hoda Muthana », Counter Extremism Project, 18 mai 2015 b, <www.counterextremism.com/extremists/ (...)
48Au deuxième niveau, les femmes, dont beaucoup vivaient dans des familles religieuses et traditionnellement conservatrices, ont ainsi trouvé l’occasion de briser le contrôle parental et de revendiquer leur indépendance et leur liberté. Le cas de Hoda Muthana est un exemple de ce type de comportement. Cette jeune fille de 22 ans originaire de l’Alabama, aux États-Unis, qui était soumise au contrôle strict de son père sur sa vie sociale (il lui était interdit d’utiliser les réseaux sociaux et de contacter des personnes ne faisant pas partie de sa famille), s’est enfuie en Syrie en novembre 2014. Elle a refusé à plusieurs reprises les appels de ses parents à revenir à la maison, et lorsqu’elle a épousé un combattant djihadiste en décembre 2014, elle n’a pas demandé l’autorisation de son père, car elle pensait qu’il était contre le véritable islam32.
- 33 Rafia Zakaria, « Women and Islamic Militancy », op. cit.
- 34 Carolyn Hoyle, Alexandra Bradford et Ross Frenett, « Becoming Mulan? Female Western Migrants to IS (...)
49Au troisième niveau, en faisant la hijrah dans des États islamiques nouvellement établis, les femmes qui étaient socialement et culturellement « aliénées » du fait de leurs opinions et pratiques islamistes fortes dans les pays occidentaux se sont retrouvées parmi leurs sœurs partageant les mêmes idées et dans un environnement propice à leur interprétation de la religion. Cela leur a permis de devenir des membres actives de la société mise en place par les organisations djihadistes. Les États islamiques établis par ces organisations ont permis à ces femmes d’échapper à une société où être un·e citoyen·ne égal·e exigeait d’abandonner les devoirs de sa religion33. En témoignent les messages Twitter postés par plusieurs membres féminins de Daesh, dont l’Écossaise Umm Layth, en 2013, qui fait l’éloge d’une parenté qu’elle n’avait jamais ressentie avant de rencontrer ses consœurs et ses frères de l’État islamique34.
- 35 Erin Marie Saltman et Melanie Smith, « “Till Martyrdom Do Us Part”. Gender and the ISIS Phenomenon (...)
50La maternité et la famille : Le fait d’ériger les femmes comme des symboles de l’État, plaçant leur capacité de reproduction au centre de l’argument, joue un rôle essentiel dans la relation entre les femmes et le processus d’édification de l’État. en particulier parmi les conservateurs, les mouvements nationalistes et les groupes extrémistes religieux. Les femmes contribuent grandement aux politiques démographiques de tout État nouvellement établi, et les organisations djihadistes ne font pas exception à la règle35.
- 36 Jack Moore, « More Than 31 000 Pregnant Women Under Islamic State Rule In Iraq and Syria », Newsw (...)
- 37 Charlie Winter (traduction et analyse), « Women of the Islamic State. A Manifesto on Women by the A (...)
- 38 Ibid.
51En juillet 2016, un rapport de la Fondation Quilliam a révélé que plus de 31 000 femmes enceintes vivaient dans le califat de Daesh36. Contrairement à la plupart des rapports, qui soulignaient l’importance pour celles-ci de donner naissance à des garçons plutôt qu’à des filles, les organisations étatiques avaient également une stratégie à long terme pour les filles. Il y avait besoin d’hommes pour combattre en première ligne, mais également d’une nouvelle génération de filles engagées idéologiquement et religieusement pour diriger les institutions liées aux femmes et fournir des services aux citoyennes de ces États. Un document diffusé par Daesh en 2015, intitulé Women in the Islamic State : Manifesto and Case Study, déclare que « la grandeur de sa position [de femme], le but de son existence est le devoir divin de la maternité »37. Le même document cite le hadith (les paroles du prophète Mahomet) : « Le paradis est sous les pieds de la mère ».38 Tout en identifiant la maternité et la famille comme les principales responsabilités des femmes, le même document les autorise à participer au djihad, à l’éducation et au système de santé. Toutefois, nous l’avons vu plus haut, les données empiriques indiquent que le rôle des femmes va au-delà de ces trois secteurs.
- 39 Ibid.
52Des musulmanes du monde entier ont été rassemblées dans les territoires gérés par les organisations djihadistes pour former la prochaine génération supranationaliste de l’Oumma (« communauté musulmane mondiale »), qui a opéré au-delà de la race, de l’ethnicité, de la culture et de la nationalité individuelles. Les femmes étaient considérées non seulement comme des reproductrices biologiques, mais aussi comme des agentes chargées de transmettre une certaine forme d’héritage idéologique à la génération suivante. Ce n’est que grâce à des femmes idéologiquement engagées, ayant suivi le système éducatif des organisations djihadistes, que ces États islamiques ont pu « élever, éduquer, protéger et prendre soin de la prochaine génération à venir »39. La maternité était louée par de nombreuses femmes sur les territoires. C’est ce qui ressort de nombreux messages postés sur les réseaux sociaux. Une femme migrante sous le nom de Tubalilghuraba sur Tumblr a posté un jour : « C’est la réalité de mes chères sœurs. Nous sommes créées pour être des mères et des épouses – même si la société occidentale a déformé vos opinions à ce sujet avec une mentalité féministe cachée... mes sœurs, ne renoncez pas à cette belle bénédiction de pouvoir élever les futurs moudjahidines [combattants djihadistes] de Shaam [Syrie]. »
Militantisme et recrutement
53À l’ère de l’information et des réseaux sociaux, les organisations djihadistes ont trouvé les moyens idoines pour atteindre leurs recrues et sympathisant·es potentiel·les dans le monde entier. Pour montrer que les États dirigés par les organisations djihadistes sont des destinations idéales pour les « vraies » musulmanes et pour les convaincre et les préparer à faire la hijrah et à adopter le rôle qui leur est dévolu, des militantes et recruteuses ont joué un rôle important de représentation. Les militantes pouvaient être facilement repérées sur tous les réseaux sociaux, y compris Facebook, Twitter, Instagram et les forums de discussion en ligne. Toute femme manifestant un intérêt pour les organisations djihadistes sur une plateforme était rapidement contactée par l’une de ces militantes et recruteuses. Ces dernières ont profité des crises d’identité, de la marginalisation sociale, de la dépression ou encore des troubles émotionnels de nombreuses femmes dans le monde pour présenter les États djihadistes comme des oasis dans lesquelles les femmes seraient aimées et respectées par leurs pairs musulmans.
54En plus de toucher les femmes souffrant de complexités sociales et psychologiques, les militant·es et recruteur·ses des organisations djihadistes ont également tenté d’intégrer de nombreuses femmes par conviction idéologique. Convaincre les femmes de faire la hijrah vers les États islamiques augmenterait finalement la légitimité idéologique des organisations parmi les musulmans du monde entier et enverrait aux sociétés non musulmanes un message fort selon lequel l’ordre social islamique alternatif établi par ces organisations djihadistes pourrait essentiellement amener les femmes à abandonner leur position « émancipée » dans leur pays d’origine.
55En adaptant leur message à leur public, les organisations djihadistes d’édification de l’État, telles que Daesh, ont sollicité des femmes de différentes nationalités comme militantes et recruteuses. Des Françaises, des Britanniques, des Américaines, des Tunisiennes, des Indonésiennes et des ressortissantes d’autres pays sont entrées en contact avec les femmes qu’elles ciblaient dans leurs pays respectifs. Connaissant la langue, la culture et la situation sociale du pays, il leur était plus facile d’entrer en contact avec leurs compatriotes et de les convaincre d’adhérer à ces organisations. Après avoir établi une relation individuelle avec la recrue potentielle, on lui présentait des documents religieux et idéologiques préparés par les organisations djihadistes afin de les convaincre. Ensuite, les recruteuses décrivaient un style de vie utopique, en promettant amour, avantages matériels, famille et camarades de soins. Ces mêmes militantes organisaient le voyage des recrues, de leur pays d’origine vers les territoires gérés par les organisations djihadistes. Elles leur donnaient des conseils de voyage, les hébergeaient dans des lieux sûrs tout au long du périple et leur fournissaient des contacts dans les différents pays qu’elles traversaient. Les recruteuses facilitaient également le passage des frontières vers les territoires contrôlés par les organisations djihadistes.
Conclusion
56Cet article a exploré le rôle déterminant que jouent les femmes dans les organisations djihadistes qui construisent l’État, démontrant que leur intégration reflète une intersection unique entre l’idéologie et le pragmatisme. Ces organisations, telles que Daesh, sollicitent les femmes non seulement pour leur importance symbolique et idéologique, mais aussi pour leur contribution pratique à la gouvernance, à la sécurité et à la fourniture de services sur leurs territoires. De cette manière , les engagements idéologiques envers la jurisprudence islamique et les rôles de genre sont adaptés de manière pragmatique pour répondre aux exigences de la construction de califats dans les États faibles ou en faillite.
57À la lumière du modèle de défaillance de l’État de Call, il est clair que les organisations emploient stratégiquement des femmes pour combler les lacunes critiques en matière de sécurité, de fourniture de biens publics et de légitimité qui caractérisent les États déliquescents. L’implication des femmes dans des institutions parallèles ségréguées en fonction du sexe – allant des soins de santé à l’éducation et à la police – aide ces organisations en matière de gouvernance et de services. Cette approche pragmatique du rôle des femmes contraste fortement avec la position plus rigide sur le plan idéologique des groupes djihadistes traditionnels comme Al-Qaïda, qui restent moins ouverts aux femmes.
58Toutefois, la dimension idéologique demeure importante. L’inclusion des femmes dans les processus de construction de l’État est soigneusement encadrée dans les limites de la charia, ce qui garantit que leur participation renforce, plutôt qu’elle ne remette en cause, l’ordre religieux et politique général. En présentant les femmes comme essentielles à la continuité de l’oumma par leur rôle dans la reproduction, la socialisation et la propagande, ces organisations asseyent non seulement leur légitimité interne, mais remettent également en question l’ordre social hégémonique occidental qui promeut l’émancipation des femmes. Ainsi, la hijrah des femmes vers l’État islamique est présentée comme un choix idéologique qui renforce leur identité religieuse et répond aux besoins pragmatiques d’un État qui fonctionne.
59Pourtant, cette inclusion pragmatique ne se traduit pas par l’égalité de genre ou la liberté. Le rôle des femmes, bien qu’élargi, reste circonscrit par les impératifs idéologiques du califat. Leur agentivité est redéfinie dans ce contexte, où les normes traditionnelles en matière de genre coexistent avec les besoins pratiques de la construction de l’État. Ainsi, le rôle des femmes dans ces organisations invite à une compréhension plus large de l’agentivité dans des environnements restrictifs, remettant en question les conceptions conventionnelles de la victimisation et de la passivité.
60En conclusion, le croisement de l’idéologie et du pragmatisme illustre une dynamique complexe où les femmes sont à la fois instrumentalisées à des fins de construction de l’État et intégrées dans le tissu idéologique du califat. Cette dualité constitue une réponse fonctionnelle aux défis posés par la gouvernance d’États en déliquescence, tout en légitimant les objectifs idéologiques de l’État islamique. Les recherches futures devraient continuer à examiner comment cet équilibre entre idéologie et pragmatisme façonne le rôle des femmes dans de tels contextes, et ce qu’il révèle des tendances plus larges en matière de genre, de gouvernance et de conflit.
Notes
1 S’agissant de l’objet de cet article, les termes « organisations » ou « ces organisations » seront employés, sauf mention contraire, pour « organisations djihadistes qui construisent l’État », tels que définis dans ce paragraphe. A distinguuo, on parlera de « groupes » dans le cas d’organisations qui n’ont pas un rôle de construction.
2 Rafia Zakaria, « Women and Islamic Militancy », Dissent, www.dissentmagazine.org/article/why-women-choose-isis-islamic-militancy, vol. 62/no 1, 2015, p. 118-125.
3 « More German Women Joining ISIS to Fight, Intelligence Head Says », Al-Arabiya, 24 juin 2015, https://english.alarabiya.net/News/world/2015/06/24/More-German-women-joining-ISIS-to-fight-intelligence-head-says, consulté le 1er juin 2024.
4 Aaron Y. Zelin, « Tunisia’s Female Jihadists », Washington Institute for Near East Policy, Policy Watch 3032, 1028, www.washingtoninstitute.org/policy-analysis/tunisias-female-jihadists
5 Jay Sekulow, Rise of ISIS: A Threat We Can’t Ignore, Simon and Schuster, Howard Books, 2015.
6 Paul Staniland, « States, Insurgents, and Wartime Political Orders », Perspectives on Politics, vol. 10/no 2, 2012, p. 246.
7 Earl Conteh-Morgan, Collective Political Violence: An Introduction to the Theories and Cases of Violent Conflicts, Psychology Press, 2004, p. 33.
8 Sita Ranchod-Nilsson et Mary Ann Tétreault, « Gender and Nationalism, Moving beyond Fragmented Conversations », Women, States and Nationalism, Londres, Routledge, 2003, p. 7.
9 Charles Tilly, « War Making and State Making as Organized Crime », Collective Violence, Contentious Politics and Social Change, Londres, Routledge, 2017, p. 122.
10 Karen Rasler et William R. Thompson, « Explaining Rivalry Escalation to War: Space, Position, and Contiguity in the Major Power Subsystem », International Studies Quarterly, vol. 44/no 3, 2000, p. 503-530.
11 Herman Schwartz, « Immigrants and Organized Crime », in H. Richard Friman (éd.), Crime and the Global Political Economy, Boulder, Lynne Rienner Publishers, 2009.
12 Mark Duffield, Global Governance and the New Wars: The Merging of Development and Security, New York, Bloomsbury Publishing, 2014.
13 Jeremy M. Weinstein, Inside Rebellion: The Politics of Insurgent Violence, Cambridge University Press, 2006.
14 Sukanya Podder, « State Building and the Non-state: Debating Key Dilemmas », Third World Quarterly, vol. 35/no 9, 2014, p. 1 615-1 635.
15 Robert W. McColl, « The Insurgent State: Territorial Bases of Revolution », Annals of the Association of American Geographers, vol. 59/no 4, 1969, p. 613-631.
16 Andrew A. Merz, Coercion, Cash-crops and Culture. From Insurgency to Proto-state in Asia’s Opium Belt, Thèse à Naval Postgraduate School, Monterey, Californie, 2008.
17 Karima Omar, « National Symbolism in Constructions of Gender: Transformed Symbols in Post-conflict States », Journal of Diplomacy and International Relations, vol. 5/no 1, Seton Hall University, 2004, p. 49.
18 Eric M. Bergerud, Touched with Fire: The Land War in the South Pacific, Penguin, 1997.
19 Norma Kriger, « The Zimbabwean War of Liberation: Struggles Within the Struggle », African Nationalism and Revolution, Londres, Routledge, 2019, p. 244-262.
20 Sita Ranchod-Nilsson et Mary Ann Tétreault, « Gender and Nationalism », op. cit., p. 10-26.
21 Richard Barrett, « Beyond the Caliphate. Foreign Fighters and the Threat of Returnees », rapport de The Soufan Center, New York, 2017.
22 Frank Gardner, « The Crucial Role of Women within Islamic State », BBC, 20 août 2015, <www.bbc.co.uk/news/world-middle-east-33985441>, consulté le 1er juin 2024.
23 Ibid.
24 James A. Piazza, « Draining the Swamp: Democracy Promotion, State Failure, and Terrorism in 19 Middle Eastern Countries », Studies in Conflict and Terrorism, vol. 30/no 6, 2007, p. 521-539.
25 Charles T. Call, « Beyond the “Failed State”: Toward Conceptual Alternatives », European Journal of International Relations, vol. 17/no 2, 2011, p. 303-326.
26 Jennifer Philippa Eggert, « Why Do Women Join IS? A Critique of Gendered Assumptions About Women’s Motivations », Engenderings, 2016.
27 Noman Benotman et Nikita Malik, « The Children of Islamic State », rapport de la Quilliam Foundation, no 7, 2016.
28 « Islamic State’s Income Drops 30 Percent on Lower Oil, Tax Revenue: IHS », Reuters, 18 avril 2016, www.reuters.com/article/idUSKCN0XF0CW, consulté le 20 mai 2024.
29 « Isis Leader Calls on Muslims to “Build Islamic State” », BBC, 1er juillet 2014, www.bbc.co.uk/news/world-middle-east-28116846, consulté le 12 mai 2024.
30 Nadia Khomami, « Number of Women and Children Who Joined Isis “Significantly Underestimated” », The Guardian, 23 juillet 2018, www.theguardian.com/world/2018/jul/23/number-of-women-and-children-joining-isis-significantly-underestimated, consulté le 12 mai 2024.
31 « Oum Haarith », Counter Extremism Project, 18 mai 2015 a, <www.counterextremism.com/extremists/oum-haarith>, consulté le 12 mai 2024.
32 « Hoda Muthana », Counter Extremism Project, 18 mai 2015 b, <www.counterextremism.com/extremists/hoda-muthana>, consulté le 12 mai 2024.
33 Rafia Zakaria, « Women and Islamic Militancy », op. cit.
34 Carolyn Hoyle, Alexandra Bradford et Ross Frenett, « Becoming Mulan? Female Western Migrants to ISIS », rapport de l’Institute for Strategic Dialogue, 2015.
35 Erin Marie Saltman et Melanie Smith, « “Till Martyrdom Do Us Part”. Gender and the ISIS Phenomenon », rapport de l’Institute for Strategic Dialogue, 2015.
36 Jack Moore, « More Than 31 000 Pregnant Women Under Islamic State Rule In Iraq and Syria », Newsweek, 7 mars 2016, www.newsweek.com/more-31000-pregnant-women-under-isis-rule-iraq-and-syria-434091, consulté le 12 mai 2024.
37 Charlie Winter (traduction et analyse), « Women of the Islamic State. A Manifesto on Women by the Al-Khanssaa Brigade », rapport de la Quilliam Foundation, 2015.
38 Ibid.
39 Ibid.
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Titre | Figure 1 : Principaux rôles des femmes dans les organisations djihadistes de construction de l’État |
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Pour citer cet article
Référence électronique
Hamoon Khelghat-Doost, « Au carrefour de l’idéologie et du pragmatisme : le rôle des femmes dans le djihadisme de construction de l’État », Les cahiers du CEDREF [En ligne], 27 | 2024, mis en ligne le 01 février 2025, consulté le 27 mars 2025. URL : http://journals.openedition.org/cedref/2188 ; DOI : https://doi.org/10.4000/138qh
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