Navigation – Plan du site

AccueilNuméros27Femmes et lutte armée au pays bas...

Femmes et lutte armée au pays basque : de l’invisibilisation de leurs activités combattantes à une prise en compte de leur subjectivité

Isabelle Lacroix

Texte intégral

Introduction

1Les femmes impliquées dans la lutte armée en faveur de l’indépendance du Pays basque ont longtemps été invisibilisées tant par le milieu militant soutenant l’organisation armée ETA (Euskadi ta Askatasuna, littéralement « Pays basque et liberté ») que par les chercheurs et chercheuses travaillant sur la « question basque ». Si des chercheuses signalent dès les premières années la présence des femmes dans les commandos et opérations de cette organisation armée basque1, un militant témoigne en 1973 qu’ETA s’est refusé à recruter des femmes, arguant que leur place est à la maison2. Le sexe du chercheur explique également la reconnaissance tardive du rôle joué par les femmes dans ETA3. Ces dernières années, des militants historiques ont rendu des hommages à des femmes impliquées dans cette lutte armée jusque-là tues dans l’historiographie. Ainsi, par exemple, en 2015, José Manuel Pagoaga, dit « Peixoto », membre historique d’ETA a écrit un court article intitulé « Itzaleko gudariak, les guerriers de l’ombre », retraçant la trajectoire d’Ixabel Barriola Mendizabal, décédée en mai 1973 lors d’un accident de voiture, alors qu’elle participait à une opération d’ETA à la frontière entre Perpignan et la Catalogne visant à récupérer deux commandos ayant réalisé un vol spectaculaire4.

2Ce changement s’explique d’une part, par l’intérêt grandissant de la recherche académique sur la violence exercée par les femmes et, d’autre part, par le contexte sociohistorique de sortie de conflit au Pays basque permettant une parole plus libre au sein d’une organisation longtemps soumise au secret et à la répression étatique.

  • 5 Nous laissons volontairement de côté dans le cadre de cet article les organisations armées basques (...)
  • 6 Lorenzo Bosi, «  État des savoirs et pistes de recherche sur la violence politique  », Critique int (...)
  • 7 Elle croise entretiens biographiques, observations participantes et recueil de documents militants, (...)
  • 8 Isabelle Lacroix, «  Les Femmes dans la lutte armée au Pays basque  », op. cit., 2011.
  • 9 Coline Cardi, Geneviève Pruvost, «  La violence des femmes : un champ de recherche en plein essor   (...)
  • 10 Coline Cardi, Geneviève Pruvost (dir.), Penser la violence des femmes, Paris, La Découverte, 2012. (...)
  • 11 Fanny Bugnon, Les «  Amazones de la terreur  ». Sur la violence politique des femmes, de la Fractio (...)
  • 12 Miren Alcedo Moneo, « Mujeres de ETA : la cuestión del género en la clandestinidad », La Factoría, (...)
  • 13 Zuriñe Rodríguez Lara, « Las mujeres de ETA en la prensa escrita », Mediatika : Cuadernos de medios (...)
  • 14 Caroline Guibet-Lafaye, op. cit. 2020 ; Natacha Chetcuti-Osorovitz, Femmes en prison et violences d (...)

3Il s’agit, dans le cadre de cet article, à partir de deux articles publiés à onze ans d’intervalle, sur la question de l’engagement des femmes au sein de l’organisation armée basque ETA5, de revenir sur les enjeux à la fois épistémologique et méthodologique dans l’appréhension de l’implication de ces femmes dans la violence politique et de rendre compte d’un contexte sociohistorique qui a permis l’avènement de leurs récits de vie. En raison des difficultés méthodologiques d’accès aux organisations clandestines, ce type de sujet sensible amenait jusque-là à privilégier les sources secondaires et confrontait le chercheur ou la chercheuse à plusieurs questions, telles que la qualité et la neutralité des sources de presse et policières recueillies6. Nos deux articles, issus d’un travail de thèse7 sur la gauche indépendantiste basque au Pays basque français, s’inscrivent dans deux moments différents de l’organisation armée. Le premier a paru dans Champ pénal en 20118, dans un dossier coordonné par Coline Cardi et Geneviève Pruvost sur «  Le contrôle social des femmes violentes  » qui analysait tout type de violence9. Elles ont prolongé, en 2012, ce travail éditorial dans un ouvrage majeur, intitulé Penser la violence des femmes10, qui a ouvert la voie à d’autres travaux. La recherche sur la violence politique exercée par les femmes n’a cessé de grandir numériquement par de nombreux colloques, journées d’étude, publications portant spécifiquement sur cette question11, en particulier depuis les attentats djihadistes impliquant des femmes sur le territoire français, en 2016. Des travaux existaient auparavant sur les femmes dans l’organisation basque ETA12, mais ce champ s’est fortement développé en langue espagnole13 et française14 depuis 2011.

  • 15 Caroline Guibet Lafaye, «  Écueils de la fin d’un cycle de violence au Pays basque  », Revue des sc (...)

4Au niveau de l’évolution du contexte sociohistorique basque entre les deux publications, l’année 2011 est marquée par la Conférence internationale de paix d’Aiete le 17 octobre, qui réunit de nombreux représentants et représentantes politiques, acteur·rices socio-économiques locaux et expert·es internationaux·les pour élaborer une feuille de route de sortie du conflit. ETA annonce, trois jours plus tard, l’arrêt définitif de la lutte armée. Mais il faudra attendre 2018 pour que l’organisation « prononce son autodissolution au terme d’un conflit politique qui l’a opposé[e] à l’État espagnol depuis la fin des années 1950 »15. Aujourd’hui, dans un contexte où les plaies mémorielles sont encore présentes entre différents acteurs de la vie politique, le parti indépendantiste de gauche EH Bildu, considéré comme l’héritier de la branche politique d’ETA, a réalisé, dimanche 21 avril 2024, une percée électorale historique lors d’un scrutin régional au Pays basque, alors que jusque-là le Parti nationaliste basque (PNV), démocrate-chrétien, a toujours dominé l’échiquier politique.

5Nous montrerons tout d’abord que malgré la féminisation de l’organisation armée ETA à différents niveaux, les femmes n’ont jamais eu le même statut que les hommes impliqués et n’ont pas échappé aux stéréotypes de genre dans l’imaginaire social. Toutefois, l’existence de nouveaux travaux, privilégiant une sociologie compréhensive et un point de vue féministe, a permis, à travers le récit des femmes impliquées dans l’organisation armée ETA d’amener un tout autre regard, en accédant aux subjectivités de ces femmes.

I) Une féminisation dans les rangs de l’organisation armée basque ETA en demi-teinte ?

a) Une féminisation numérique de l’accès à la violence politique basque

6La recherche a longtemps privilégié des sources quantitatives de seconde main en raison de difficultés d’accès au terrain. L’une des premières analyses de cette présence des femmes dans ETA est statistique. Il s’agit de regarder leur progression historique et de mettre l’accent sur l’analyse des fonctions occupées par ces femmes dans la lutte armée. Analyser la manière dont l’organisation armée est structurée par des rapports sociaux de sexe a pour nous été important en mobilisant les outils conceptuels de la sociologie du genre et du travail.

  • 16 Florencio Domíngez Iribarren, ETA : estrategia organizativa y actuaciones, 1978-1992, Bilbao, Unive (...)
  • 17 Margaret Gonzalez-Perez, Women and Terrorism: Female Activity in Domestic and International Terror (...)
  • 18 Jesús Casquete, En el nombre de Euskal Herria. la religión politíca del nacionalismo vasco radical, (...)
  • 19 Carrie Hamilton, op. cit., 2007.
  • 20 De nombreux changements ont eu lieu au niveau des politiques pénitentiaires, l’Espagne ayant mis en (...)

7Nous avons ainsi pu montrer qu’au fil des années, la proportion des femmes dans l’organisation clandestine ETA a progressé. Cette progression est apparue dans les statistiques des enquêtes policières16, d’arrestations17 et d’emprisonnement18. Ainsi, en juillet-août 1983, 8 % des femmes d’ETA sont détenues. En 1991, elles sont 12 %. Ce chiffre se maintient entre 11 et 13 % jusqu’aux années 200219. Selon nos calculs à partir des listes de prisonniers et prisonnières réalisées régulièrement par l’association d’aide aux prisonniers Etxerat, cette présence était de 16 % à la fin de notre thèse en décembre 2009, dans les prisons françaises et espagnoles. À ce jour, le contexte n’est plus le même, au 21 mai 2024, l’association comptabilise un total de 136 prisonniers politiques basques dont 130 ont pu être transférés au Pays basque alors que durant notre thèse ils étaient au nombre de 700 environ dispersés dans différentes prisons très éloignées du Pays basque. Cette forte baisse s’explique par des sorties de prison plus importante dans le contexte de l’arrêt de la lutte armée d’ETA20, mais on reste néanmoins dans les mêmes proportions puisque 21 femmes sont encore détenues sur les 136.

  • 21 Isabelle Lacroix, op. cit., 2011
  • 22 Corinne Rostaing, «  L’Invisibilisation des femmes dans les recherches sur la prison  », Les Cahier (...)

8La progression numérique des femmes dans l’organisation ne permet pas d’affirmer d’emblée une féminisation de l’accès à la violence politique au Pays basque. Ces chiffres sont, d’une part, à analyser avec prudence, car ils rendent bien plus souvent compte de l’activité policière et des politiques antiterroristes sur cette question que de l’effectivité d’une féminisation de la lutte armée21. Néanmoins, les travaux22 montrent le traitement différentiel des délits par les organisations policières et judiciaires selon le genre. Bien souvent, les femmes sont moins judiciarisées, car le tabou de leur propre violence reste encore présent, il est donc possible que leur présence au sein du groupe armé ETA soit même sous-évaluée.

  • 23 Danièle Kergoat, «  Division sexuelle du travail et rapports sociaux de sexe  », in Helena Hirata, (...)

9La description statistique cache, si l’on en reste aux chiffres globaux, des phénomènes de distribution des postes selon les secteurs et les niveaux hiérarchiques qui différencient fortement les trajectoires des militants et militantes impliqués dans l’organisation. En effet, cette féminisation de la lutte armée ne peut se comprendre que si l’on regarde la division sexuelle du travail dans l’organisation ETA et la façon dont elle s’inscrit dans des principes de séparation (qui assignent hommes et femmes à des activités de travail différentes) et de hiérarchisation des tâches (un travail d’homme a une valeur plus importante qu’un travail de femme)23. La lecture des écrits scientifiques et médiatiques nous a permis de construire une typologie de fonctions organisationnelles dans ETA – »  coulisses  », guerrières, de représentation, de commandement et théorique – et de voir comment elles se répartissent de façon genrée.

  • 24 Jules Falquet, «  Les Salvadoriennes et la guerre civile révolutionnaire  », Clio. Histoire, femmes (...)

10À l’instar de la guerre civile révolutionnaire au Salvador qu’a analysée Jules Falquet24, la division sexuelle du travail dans ETA peut se résumer ainsi jusqu’aux années 1980 : aux femmes l’arrière, la logistique, l’approvisionnement, l’alimentation, le soin aux blessé·es et le deuil ; aux hommes le combat, la stratégie, la direction, la camaraderie virile, l’héroïsme et, pour certains hommes en position de pouvoir et de prestige, la polygamie facile. À partir du milieu des années 1980, la distribution du « travail violent » entre les sexes évolue sensiblement horizontalement (entre pairs), mais un peu moins sur le plan vertical (commanditaire, exécutant). Il faut savoir que le milieu des années 1980 correspond à la transition démocratique en Espagne et à une militarisation accrue de l’organisation armée, qui entre peu à peu au fil des années dans une violence plus indiscriminée en ce qui concerne les cibles par voiture piégée.

11Cette militarisation d’ETA n’a pas empêché l’augmentation du nombre de femmes dans l’organisation à des fonctions combattantes, réalisant des assassinats et des attentats à la voiture piégée. Des changements sont également apparus dans les fonctions de représentations. Ainsi, dans les prisons françaises et espagnoles, les porte-parole du collectif des prisonniers « politiques » basques sont respectivement une femme et un homme. En 2006, lors d’une conférence de presse donnée par trois membres d’ETA cagoulés qui annonçaient un cessez-le-feu, la femme a pris la parole, elle était positionnée au centre. Depuis la dissolution d’ETA politico-militaire en 198225, aucune femme n’avait encore parlé lors d’un communiqué de presse26. Le groupe armé a réitéré une prise de parole féminine en 2010 lors de l’annonce d’une autre trêve27.

b) Une moindre présence des femmes dans la hiérarchie : un plafond de verre dans le travail violent ?

  • 28 Miren Alcedo, op. cit., 1997.

12Pour autant, si les femmes entrent incontestablement dans les fonctions guerrières et de représentation, réduisant ainsi la ségrégation horizontale du travail militant, leur présence, en augmentation dans le leadership est restée assez faible. Une certaine division sexuelle du travail a donc persisté puisque les activités les plus prestigieuses, le comité exécutif d’ETA, ont été les moins féminisées. La division sexuelle n’a donc pas disparu, elle s’est déplacée à d’autres niveaux de l’organisation. Quand elles ont accédé à des postes de responsables, leur tâche a reproduit encore une certaine division sexuelle du travail investissant des secteurs considérés comme plus féminins (documentation, information, relations internationales). Même si les sources policières et journalistiques ont affirmé que de plus en plus de femmes y accèdent, celles-ci ont semblé malgré tout freinées dans l’élaboration de la stratégie et de l’idéologie du groupe armé. Peu d’entre elles ont été assignées au travail théorique28.

  • 29 Xavier Crettiez, La Violence ethno-nationaliste contre l’État. Les exemples basque et corse, thèse (...)
  • 30 Marlaine Cacouault-Bitaud, «  La Féminisation d’une profession est-elle le signe d’une baisse de pr (...)
  • 31 María Martínez González, «  Les Mobilisations féministes et les dynamiques identitaires : une étude (...)

13Des recherches29 ont avancé que cette féminisation est devenue possible au moment où le groupe armé était le plus dévalorisé. Cependant, comme le constate Marlaine Cacouault-Bitaud qui a étudié la corrélation établie entre « féminisation » et « dévalorisation » d’une profession – et que nous pouvons reprendre pour analyser l’accès des femmes à la violence politique –, « les images et les interprétations négatives qui sont élaborées chaque fois qu’une activité valorisée cesse de constituer un privilège masculin expriment une vision dépassée ou mythique d’une profession, révèlent des contradictions et des évolutions à différents niveaux »30 . On pourrait ainsi signaler combien les évolutions sociétales et notamment l’augmentation du niveau de formation des femmes et leur entrée massive sur le marché du travail, le poids grandissant des mouvements féministes au Pays basque espagnol31 ont joué un rôle important dans cet accès à des positions plus prestigieuses au sein du groupe armé.

  • 32 Jesús Casquete, op. cit., 2009.

14Des auteurs nuancent cette féminisation de la lutte armée basque en invoquant des mécanismes plus symboliques. Ils soulignent que, si le nombre des femmes augmente bien, l’imaginaire du héros masculin au sein d’ETA persiste toutefois. Dans le nationalisme radical, le terme de gudari (« combattant ») reste androcentré et souligne la difficile acceptation sociale de la violence des femmes. Si des hommages ont été rendus ces dernières années à des femmes décédées, de nombreuses fêtes du calendrier commémoratif du nationalisme radical sont dédiées à honorer les figures des héros masculins tombés pour la cause32. L’iconographie militante met en avant certains attributs spécifiques par exemple sur des peintures murales qui représentent des figures historiques militantes barbues.

  • 33 Isabelle Lacroix, «  Maintenir son engagement en prison. Le cas des militants basques  », in Sandri (...)

15De plus, si des transformations dans la répartition des tâches militantes ont pu apparaître entre hommes et femmes au sein de l’organisation armée, le monde militant soutenant ETA reste fortement sexué. Les femmes sont toujours au cœur de la construction du « travail émotionnel » du réseau dense d’associations qui soutient le prisonnier33. Assignées au travail du care, elles jouent toujours un rôle politique important dans le maintien des liens entre les détenus et la famille, dans la relation épistolaire ou les visites en prison, ainsi que dans l’organisation de campagnes de protestation en faveur des prisonniers. Dans le contexte de processus de paix, elles apparaissent encore une fois plus visibles à des postes clés, cantonnant ainsi toujours les hommes à la guerre et les femmes à la paix.

16On observe également ce même phénomène de réassignation du genre dans la presse et la société en général.

c) Des stéréotypes sexués toujours présents, mais en évolution

  • 34 Isabelle Lacroix, op. cit., 2011 ; op. cit, 2022.

17À l’instar de ce qu’a pu montrer Fanny Bugnon (2015) pour celles engagées dans Action directe et dans la Fraction armée rouge, le traitement médiatique de ces femmes impliquées dans ETA se caractérise par une dépolitisation ou une stigmatisation de leur accès à la violence politique. Les représentations oscillent entre l’image de la «  bonne  » et de la « mauvaise » fille. Trois figures de femmes violentes se maintiennent dans les médias et dans l’imaginaire social : l’épouse, fiancée, amoureuse, souvent représentée comme victime d’un homme qui l’a poussée à s’engager dans la lutte armée ; la sanguinaire et plus cruelle que les hommes ; et enfin celle à la sexualité débridée dont le corps est hypersexualisé dans les représentations34.

  • 35 Ibid.

18Du milieu des années 1960 au milieu des années 1970, dans la presse, la première figure de la militante d’ETA se construit à travers l’image du couple terroriste. À la fin des années 1970, l’image de la femme dangereuse plus « froide », plus « sanguinaire » que l’homme supplante celle de l’innocente victime, tout en laissant intacte l’image du couple terroriste. Ces vingt dernières années, le nombre des femmes ayant augmenté au sein d’ETA, leurs représentations se normalisent. La plupart des reportages sur les accusées de crimes en relation avec ETA ne s’étendent plus de façon obsessionnelle sur leur féminité ou leur sexualité. Si certains stéréotypes sexués disparaissent, d’autres se maintiennent quand les frontières de genre les plus hermétiques sont franchies. À ce titre, la participation d’un petit nombre de mères à des actions armées bouleverse l’ordre sexué et voit de nouveaux rappels à l’ordre se construire, mis en avant à travers les articles de presse35.

  • 36 María Dolores González Katarain, alias Yoyes, a été la première femme à intégrer les instances diri (...)
  • 37 Isabelle Lacroix, op. cit., 2011 ; op. cit., 2022.

19Alors que les hommes d’ETA ont été longtemps réfugiés en France et avaient une vie de famille, la maternité et l’engagement s’excluaient mutuellement. La mère était alors le personnage qui donnait son fils à la cause. L’entrée dans l’organisation armée contestataire impliquait des renoncements à la maternité. Pour « Yoyes36 », la naissance de son enfant a constitué un tournant irréversible, une rupture avec ses activités antérieures. La maternité aujourd’hui n’est plus antinomique de l’engagement dans la lutte armée. Des femmes d’ETA ont un enfant durant leur clandestinité. Face à cette transformation dans l’organisation, les articles de presse mettent en scène une répartition des rôles sexués pour ces femmes qui cumulent la clandestinité et l’éducation de leur enfant37.

20Ainsi, les travaux académiques comme les médias véhiculant les stéréotypes de genre dans l’imaginaire social ont fortement orienté les perceptions de la violence politique des femmes au Pays basque en déniant leur capacité d’y jouer un rôle actif. Les récents travaux, qui ont accédé directement aux paroles des femmes impliquées dans l’organisation armée, ont permis de rendre compte des cheminements vers ce type d’engagement violent et d’y apporter ainsi une rationalité de leur part. Ils ont également éclairé leur vécu de la clandestinité, de la détention et de la sortie de prison.

II) Des paroles « rapportées » aux témoignages directs des femmes sur leur implication dans la lutte armée

  • 38 Cette expression désigne les militant·es qui ne sont pas dans la clandestinité, qui participent à l (...)

21La prise en compte de l’expérience vécue par les femmes militantes dans ETA n’est pas nouvelle, mais a longtemps été très minoritaire dans les recherches en raison de l’illégalité de l’organisation armée et de sa clandestinité. Ce terrain « sensible » ne permet pas d’envisager des observations participantes sauf dans le réseau militant qui soutient l’organisation armée, ce qui a été pour nous le cas durant la thèse de doctorat. De même, se risquer à révéler des informations passibles pénalement, lors d’un entretien sociologique, a longtemps fait que les enquêté·es, hommes ou femmes, qui étaient dans ETA ou dans d’autres organisations armées basques, dans des activités de « coulisses », ne répondaient pas aux sociologues ou répondaient à l’interview, mais ne mentionnaient pas ou peu leurs propres activités. Correspondant à la catégorie de « combattants légaux »38, il s’agissait pour eux de protéger l’organisation.

  • 39 Miren Alcedo, op. cit. ; 1997.
  • 40 Carrie Hamilton, op. cit., 2007.
  • 41 Irène Gimenez, Devenir prisonniere politique. Une histoire sociale et genrée de la prison politiqu (...)

22Les travaux de Miren Alcedo39 ou de Carrie Hamilton40 pour le cas basque jouent un rôle pionnier, mais il faut attendre ces dix dernières années pour que des travaux en plus grand nombre mobilisent des sources de première main. L’arrêt de la lutte armée de façon définitive a largement contribué à libérer la parole de ces femmes, même s’il persiste des plaies qu’elles ne souhaitent pas raviver. Les récentes recherches qui ont privilégié l’analyse des trajectoires biographiques des femmes impliquées dans l’organisation armée ont permis de mieux saisir la réalité des rapports sociaux de sexe à l’œuvre dans l’organisation ETA et leur socialisation antérieure à l’engagement. Ainsi, par exemple, l’historienne Irène Gimenez41, qui a réalisé, dans le cadre de son doctorat, une histoire sociale genrée de la prison politique en fin et sortie de dictature franquiste de 1963 à 1984 en Espagne, a pu ainsi analyser les trajectoires des prisonnières impliquées dans différentes organisations armées, dont ETA. Elle a appréhendé des carrières militantes exceptionnelles comme ordinaires, de l’entrée à la sortie de prison, de la socialisation militante aux effets de l’incarcération. Elle a montré par ailleurs les difficultés pour avoir des témoignages. Ces femmes ayant vécu des expériences extrêmes de tortures ont géré leur présentation de soi par le silence, ou l’euphémisation ou la dévaluation des souffrances vécues, ou par l’humour.

  • 42 Caroline Guibet Lafaye, Armes et bagages. Éthique de l’engagement politique armé, Vulaines-sur-Sein (...)
  • 43 Olivier Fillieule, «  Post scriptum : propositions pour une analyse processuelle de l’engagement in (...)

23Ces travaux déconstruisent le stéréotype de femmes passives et entrées dans des groupes armés uniquement par amour pour un homme. Ils récusent le fait que le « terrorisme, la violence politique ou les processus de radicalisation appellent une méthodologie spécifique et constituent des objets sociologiques à part, qui ne pourraient être abordés avec les outils de la sociologie classique »42. En s’inscrivant le plus souvent dans une perspective de sociologie compréhensive et féministe et dans les approches processuelles de l’engagement militant43 qui s’intéressent à l’entrée, au maintien des engagements ou au désengagement, les nouvelles recherches sur les femmes dans ETA ont pu atteindre la subjectivité de ces militantes qui ont longtemps fait l’objet de « paroles rapportées », les hommes de l’organisation ayant longtemps parlé pour elles.

a) Une socialisation militante en amont de l’engagement dans la clandestinité

  • 44 Carrie Hamilton, op. cit., 2007.
  • 45 Caroline Guibet Lafaye, op. cit., 2020.
  • 46 Zuriñe Rodríguez Lara, « Motivaciones, ingreso y experiencias participativas de las mujeres en ETA  (...)
  • 47 Miren Alcedo Moneo, op. cit., 1997 ; Caroline Guibet Lafaye, op. cit., 2020.
  • 48 Zuriñe Rodríguez Lara, op. cit., 2017.
  • 49 Isabelle Lacroix, op. cit., 2011 ; 2022.

24À l’encontre des regards médiatiques, ces femmes, dans les entretiens, témoignent de leur agentivité dans leur parcours de lutte armée. Les plus anciens travaux comme ceux de Carrie Hamilton44 avaient constaté que les femmes entraient par les réseaux de socialisation familiale au même titre que les hommes. Caroline Guibet Lafaye45, qui a récemment interviewé 19 femmes impliquées dans ETA et dans l’organisation armée basque française IK, souligne qu’elles sont loin d’avoir suivi un homme et que leur socialisation militante aux idées nationalistes existait déjà bien en amont de leur entrée dans ETA. Il en est de même de Zuriñe Rodríguez Lara46 qui a interrogé 25 femmes et 6 hommes ayant intégré ETA. Elle constate que ces femmes viennent d’un milieu familial nationaliste et/ou avaient de fortes convictions ouvriéristes. D’autres travaux relèvent que les femmes ont pris la décision de militer dans ETA avant d’être en couple. Leur mise en couple s’est faite majoritairement a posteriori de leur engagement47. Elles ont, le plus souvent, eu des motivations idéologiques, celle du rêve d’un Pays basque indépendant, à partir d’un événement choc leur faisant prendre conscience de la nécessité de s’enrôler (arrestation, détention d’un compagnon ou voisin), ou encore celle de la croyance que l’engagement dans la lutte armée basque leur apporterait une émancipation et leur ouvrirait de nouvelles possibilités dans leur vie48. Si beaucoup ont été initiées par leur père, leurs frères, cette disposition héroïque et cette culture de la violence peuvent également être transmises par des femmes. Mais peu de recherches s’intéressent encore aujourd’hui à la transmission de femme à femme. Seuls quelques romans ont abordé cette question49.

25Il est à noter que l’absence de lecture, pour ces femmes, d’une socialisation militante en amont du passage à la lutte armée dans les médias ou dans certains travaux scientifiques s’explique par la faiblesse de travaux portant sur la place des femmes dans le nationalisme basque, et notamment dans leur prise de fonction au sein de partis politiques ou d’organisations de jeunesse. Les entretiens, réalisés entre 2002 et 2008 lors de notre terrain de thèse, soulignaient leur socialisation dans des activités de théâtre, d’apprentissage de la langue basque en cours du soir, dans les gaztetxe (« maisons de jeunes ») et dans les organisations de jeunesse, mais également pour les plus jeunes d’entre elles, leur accès facilité à des fonctions dans les partis politiques, etc. Les plus âgées d’entre elles, qui avaient été dans des « activités de coulisse » pour les organisations armées, ont pu témoigner de leurs difficultés de militer en tant que femmes et de faire reconnaître leur place à des niveaux de direction dans des instances politiques et culturelles basques.

b) Des expériences de la clandestinité et des institutions répressives qui rappellent aux femmes engagées l’« ordre du genre »

  • 50 Zuriñe Rodríguez Lara, op. cit., 2013.
  • 51 Ibid.
  • 52 Zuriñe Rodríguez Lara, op. cit., 2017.

26C’est d’ailleurs dans les travaux qui recueillent la parole des femmes que l’on voit apparaître le plus le discours d’un engagement libérateur des rapports sociaux de genre et d’un futur assigné à être épouse et mère50. Émancipation qui sera ensuite vue, pour une partie d’entre elles, comme une déception lors de leur confrontation avec le réel de l’organisation. En effet, la récente littérature scientifique a pu montrer, à travers l’histoire de vie de femmes engagées, combien la clandestinité a renforcé la division des tâches, ce qui fut difficile à vivre pour elles. Les normes de clandestinité ont été, selon Zuriñe Rodríguez Lara51, source de contradictions pour ces femmes obligées de reproduire la normalité pour assurer la sécurité de l’organisation armée, dans un usage fonctionnel de la socialisation traditionnelle hommes/femmes, qui s’est traduit par une division sexuelle du travail militant et des difficultés d’accès à des postes de responsabilités et d’armes. Elles se sont souvent retrouvées à devoir faire la cuisine, par exemple. Rodríguez Lara52 a recueilli leur sentiment de solitude et d’absence de référents féminins dans l’organisation armée. Toutefois, si elles ont dû se battre pour avoir l’égalité dans l’organisation, elles ont néanmoins pu expérimenter des vies autonomes et des relations genrées différentes des attendus que la société avait pour elles.

  • 53 Natacha Chetcuti-Osorovitz, op. cit., 2021.

27Plus récemment, des chercheuses françaises ont analysé l’espace de la prison dans les trajectoires biographiques des femmes impliquées dans ETA, jusqu’ici encore peu étudié. Ainsi, dans son livre Femmes en prison et violences de genre. Résistances à perpétuité53, Natacha Chetcuti-Osorovitz montre combien leurs trajectoires carcérales sont marquées par une dépolitisation de leurs actes par les institutions judiciaires et pénales, que ce soit au moment des procès comme dans l’expérience carcérale, alors même que cette incarcération est pensée comme la continuité de leur engagement militant.

  • 54 Ema Harlouchet-Gratien, « Expériences carcérales et insertion sociale des ex-prisonnières des organ (...)
  • 55 Rodríguez Lara & Etxebarrieta, 2016, p. 92.
  • 56 Chetcuti-Osorovitz et Sanos., op. cit., 2022, p. 168.

28Ema Harlouchet-Gratien éclaire des pans jusque-là restés dans l’ombre que sont la maternité pendant la clandestinité et durant l’incarcération. Cet aspect était en conclusion de notre article dans Champ pénal, en 2011, comme chantier de recherche à venir. À partir de dix entretiens semi-directifs auprès de femmes sorties de prison54, elle observe deux positionnements « en l’absence d’une énonciation collective de ce thème ». Beaucoup de femmes interrogées, et notamment les plus jeunes, lui ont fait part de la compatibilité de la maternité avec leur engagement militant. C’est plutôt la prison qui les a réassignées à l’ordre du genre. Comme elle le constate, « seules les femmes sont autorisées à faire entrer leur enfant, jusqu’à 18 mois, dans les centres pénitentiaires et il n’existe pas de centre de paternité pour les hommes en Europe. La prison est alors le lieu d’un rappel constant d’un modèle de la maternité qui véhicule des normes de genre traditionnelles, notamment à travers l’organisation de stages sur l’éducation des parents, sur l’autocontrôle et sur le développement moral55. Une fois incarcérées, les militantes doivent donc se confronter à des modèles de la maternité imposés par le cadrage carcéral »56.

  • 57 Olatz Dañobeitia Ceballos, «  La herida abierta : las torturas contra las mujeres en el contexto va (...)

29Dans les articles de 2011 et 2022, nous avions également montré combien les tortures sexuelles subies par les militantes d’ETA sonnaient comme un rappel à l’ordre par les policiers du monopole masculin de la violence. Des tracts militants mettant en scène les photos des actes de tortures subies autant par les hommes que par les femmes engagées dans la lutte armée avaient rendu aussi plus visibles ces dernières années la présence de ces femmes dans leur rang. Mais on avait encore peu de travaux sur cet aspect, du point de vue de celles qui l’ont vécu. Olatz Dañobeitia Ceballos57 a montré, à partir de 14 entretiens biographiques, combien, jusque-là rendue invisible, la torture sexuelle a été l’une des expressions de la violence politique exercée par l’État espagnol par le biais de ses forces de sécurité et agents publics. Malgré le double contexte de silence produit par le déni institutionnel de la torture et l’invisibilité résultant des points de vue androcentriques, les femmes qui, à un moment de leur vie, ont subi la torture pour des raisons politiques, s’expriment aujourd’hui plus facilement sur ce vécu et gagnent en visibilité.

c) La sortie de prison

  • 58 Ema Harlouchet-Gratien, op. cit., 2022, p. 180.

30Ema Harlouchet-Gratien a également appréhendé la sortie de prison de ces prisonnières politiques basques. Elle montre que celles qui sont restées dans le collectif des prisonniers politiques ont pu bénéficier d’un réseau militant dense de soutien pour se réinsérer. Subissant le « stigmate du CV vide » lié au temps passé en clandestinité et en prison, elles ont été confrontées à des positions subalternes dans la hiérarchie sociale. Elles vivent néanmoins une continuité militante en s’investissant en particulier dans les mouvements féministes basques et contribuent à « promouvoir des expériences de vie jusqu’ici invisibilisées »58.

Conclusion

  • 59 Fanny Bugnon, «  Notice thématique “Genre et violences politiques”  », Encyclopédie pour une nouvel (...)
  • 60 Laurent Gayer, «  Militariser les femmes. Doctrines, pratiques et critiques du féminisme martial en (...)

31La violence politique exercée par les femmes au Pays basque a suscité au fil des années un engouement scientifique malgré toutes les difficultés pour accéder aux données. Les récents travaux ont pu enfin atteindre la subjectivité de ces femmes en recueillant de façon directe leurs témoignages, dépassant ainsi les stéréotypes sociaux à leur égard, celles-ci étant considérées comme déviantes au regard de l’ordre du genre et de leurs activités illégales. Malgré leur progression numérique notable et à différents niveaux de la hiérarchie de l’organisation armée ETA, « ces femmes se heurtent, au-delà des époques et des causes qui guident leur engagement, à la permanence des normes de genre et au poids des imaginaires sociaux qui font de la violence politique des femmes une véritable énigme sociale »59. De nombreux pans de recherche reste encore dans l’ombre. Le travail de ces femmes au sein du collectif des prisonniers politiques basques, mais également leurs relations aux autres détenues dans la prison, leur rapport avec le mouvement abertzale au-dehors de la prison mériteraient d’être encore plus investiguées. Il faudrait également approfondir l’analyse des profils de ces femmes qui ont accédé au sommet de l’organisation. L’articulation de la sociologie de la violence politique avec la sociologie de l’engagement militant, du travail et des organisations, et du genre met en lumière des processus jusque-là observés uniquement sous l’angle de la pathologie. Il y aurait aussi à interroger le nombre d’enfants car beaucoup de femmes ne dépassent pas le premier enfant dans ce contexte militant de lutte armée. Il est possible que l’arrivée du deuxième enfant produise une division sexuelle du travail encore plus forte dans le groupe armé ou un désengagement de ces femmes, comme ont pu le montrer d’autres travaux en sociologie du genre concernant l’inégale répartition du travail parental et domestique dans le couple à l’arrivée du deuxième enfant. Il y aurait également à creuser l’absence d’énonciation collective au sein du groupe armé sur la place des femmes, à la différence de certains autres groupes, comme celui des Tigres tamouls (LTTE) ou celui des maoïstes népalais étudiés par Laurent Gayer, qui « ont poussé le plus loin, à la fois sur le plan rhétorique et en pratique l’idée d’une émancipation des femmes par les armes »60.

Haut de page

Notes

1 Eileen MacDonald, Shoot the Women First, New York, Random house, 1991.

2 Robert P. Clark, « Patterns in the Lives of ETA Members », in Peter H. Merkl (éd.), Political Violence and Terror: Motifs and Motivations, Berkeley et Los Angeles, University of California Press, 1986, p. 283-309.

3 Isabelle Lacroix, «  Les Femmes dans la lutte armée au Pays basque  », Champ pénal/Penal Field, vol. VIII, 2011, https://journals.openedition.org/champpenal/8076

4 www.naiz.eus/eu/hemeroteca/gara/editions/2015-04-12/hemeroteca_articles/itzaleko-gudariak ; également l’article «  Mujeres en ETA, Ixabel Barriola, la militante desconocida  » publié le 12 janvier 2016 sur le site txalaparta.eus : www.txalaparta.eus/es/noticias/mujeres-en-eta-ixabel-barriola-la-militante-desconocida

5 Nous laissons volontairement de côté dans le cadre de cet article les organisations armées basques françaises. Si Iparretarrak a été le groupe armé le plus important de ce côté de la frontière, les années 1970 et début des années 1980 ont vu jaillir différentes organisations promouvant la violence comme mode d’action politique telles que Hordago, Euskal Zuzentasuna, Herri Zain, Herritarak, Zilatu, Gora euskadi, Xutik. Il y aurait un travail d’histoire à réaliser sur ces groupes. La caractéristique d’une partie d’entre eux, tels Hordago, selon les dires des militants interviewés dans le cadre de notre thèse, était d’être composé autant d’hommes que de femmes à la différence d’IK, plus masculin dans ses effectifs.

6 Lorenzo Bosi, «  État des savoirs et pistes de recherche sur la violence politique  », Critique internationale, 54, 2012, p. 171-189.

7 Elle croise entretiens biographiques, observations participantes et recueil de documents militants, ainsi qu’une analyse de sources secondaires (presse écrite, romans, littérature scientifique). Isabelle Lacroix, Actions militantes et identités basques. Trajectoires d’engagement, socialisations militantes et constructions identitaires dans les organisations nationalistes (et non nationalistes) au Pays basque français, thèse de doctorat en sociologie, université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, 2009.

8 Isabelle Lacroix, «  Les Femmes dans la lutte armée au Pays basque  », op. cit., 2011.

9 Coline Cardi, Geneviève Pruvost, «  La violence des femmes : un champ de recherche en plein essor  », Champ pénal/Penal Field, vol. VIII, 2011, https://journals.openedition.org/champpenal/8102

10 Coline Cardi, Geneviève Pruvost (dir.), Penser la violence des femmes, Paris, La Découverte, 2012. Leur ouvrage se situait dans la lignée des travaux des historiennes Cécile Dauphin et Arlette Farge, De la violence et des femmes (Albin Michel, 1997).

11 Fanny Bugnon, Les «  Amazones de la terreur  ». Sur la violence politique des femmes, de la Fraction armée rouge à Action directe, Paris, Payot, 2015 ; Caroline Guibet Lafaye, Alexandra Frénod (dir.), S’émanciper par les armes  ? Sur la violence politique des femmes, Paris, Presses de l’Inalco, 2019 ; Caroline Guibet Lafaye, «  Militantes clandestines dans le conflit armé basque  », Champ Pénal/Penal Field, no 21, 2020, https://journals.openedition.org/champpenal/11572 ; Martial Poirson (dir.), Combattantes. Une histoire de la violence féminine en Occident, Paris, Éditions du Seuil, 2020 ; Alexandra Frénod, Caroline Guibet Lafaye, On ne va pas y aller avec des fleurs. Violence politique : des femmes témoignent, Marseille, Hors d’atteinte, 2022 ; Natacha Chetcuti-Osorovitz et Sandrine Sanos (dir.), Le Genre carcéral. Pouvoir disciplinaire, agentivité et expériences de la prison du xixe au xxie siècle, Gif-sur-Yvette, Éditions des maisons des sciences de l’homme associées, 2022.

12 Miren Alcedo Moneo, « Mujeres de ETA : la cuestión del género en la clandestinidad », La Factoría, no 4, 1997, p. 1-9 ; Carrie Hamilton, Women and ETA : The Gender Politics of Radical Basque Nationalism, Manchester, Manchester University Press, 2007.

13 Zuriñe Rodríguez Lara, « Las mujeres de ETA en la prensa escrita », Mediatika : Cuadernos de medios de comunicación, no 14, 2013, p. 151-167 ; Ignacio Lozano Torres, « Mujeres de ETA : Lectura de sus representaciones en el discurso », Cuestiones de género : de la igualdad y la diferencia, no 11, 2016, p. 37-55 ; María Jesús Pando Canteli et María Pilar Rodríguez Pérez, « Las mujeres de ETA : activismo y transgresión », Arbor : Ciencia, Pensamiento y Cultura, vol. 196-796, avril-juin 2020.

14 Caroline Guibet-Lafaye, op. cit. 2020 ; Natacha Chetcuti-Osorovitz, Femmes en prison et violences de genre. Résistances à perpétuité, Paris, La Dispute, 2021 ; Isabelle Lacroix, «  L’invisibilisation de la subjectivité et de l’agentivité des femmes engagées dans l’organisation armée basque ETA », in Natacha Chetcuti-Osorovitz et Sandrine Sanos (éd.), Le Genre carcéral, op. cit.

15 Caroline Guibet Lafaye, «  Écueils de la fin d’un cycle de violence au Pays basque  », Revue des sciences sociales, 65, 2021, http://journals.openedition.org/revss/6284, paragr.1.

16 Florencio Domíngez Iribarren, ETA : estrategia organizativa y actuaciones, 1978-1992, Bilbao, Universidad del País Vasco, 1998.

17 Margaret Gonzalez-Perez, Women and Terrorism: Female Activity in Domestic and International Terror Groups, Londres/New York, Routledge, 2008.

18 Jesús Casquete, En el nombre de Euskal Herria. la religión politíca del nacionalismo vasco radical, Madrid, Tecnos, 2009.

19 Carrie Hamilton, op. cit., 2007.

20 De nombreux changements ont eu lieu au niveau des politiques pénitentiaires, l’Espagne ayant mis en place pendant de nombreuses années des régimes d’exception. Ainsi, la « Doctrine Parot » qui a consisté à calculer les remises de peine sur la base de la durée cumulée des condamnations et non sur la peine à purger, ce qui pouvait amener des militants d’ETA à être condamnés de 3 000 à plus de 4 000 ans de prison, a été jugée, en 2012, contraire aux droits de l’homme par la CEDH. La « Voie Nanclares », qui permettait aux prisonniers rejetant publiquement la lutte armée «  clair, solennel et public  » d’être transférés dans les prisons basques et d’assouplir les peines par des autorisations de sortie ou une libération conditionnelle. En 2012, le gouvernement espagnol fait des concessions, les prisonniers n’auront plus besoin de demander pardon aux victimes pour rentrer dans ce programme. Du côté de la dispersion des prisonniers qui existait depuis 1989, il faut attendre 2019, en France pour qu’on y mette fin ainsi qu’à l’éloignement, et 2023 en Espagne.

21 Isabelle Lacroix, op. cit., 2011

22 Corinne Rostaing, «  L’Invisibilisation des femmes dans les recherches sur la prison  », Les Cahiers de Framespa, 25, 2017, http://journals.openedition.org/framespa/4480

23 Danièle Kergoat, «  Division sexuelle du travail et rapports sociaux de sexe  », in Helena Hirata, Françoise Laborie, Hélène Le Doaré, Danièle Senotier (dir.), Dictionnaire critique du féminisme, Paris, PUF, 2000, p. 35-44.

24 Jules Falquet, «  Les Salvadoriennes et la guerre civile révolutionnaire  », Clio. Histoire, femmes et sociétés, no 5, 1997, p. 117-131.

25 Créé en 1959, ETA a traversé à partir de 1974 des moments de divisions internes sur l’orientation marxiste-léniniste du groupe armé et sur les méthodes de lutte. Cela a produit une scission entre, d’un côté, ETA militaire (ETA m), entièrement tournée vers la lutte armée, de l’autre, ETA politico-militaire (pm), qui donne une priorité à la voie politique face à la voie militaire, en particulier lors de la transition démocratique, à la fin du franquisme. En 1982, ETA pm renonce à la lutte armée et une partie de ses membres annonceront son autodissolution.

26 «  Ainhoa Ozaeta, la “voz” de la tregua  », rtve.es, 21 mai 2008, www.rtve.es/noticias/20080521/ainhoa-ozaeta-voz-tregua/59350.shtml

27 «  Otra tregua de ETA con voz de mujer  », rtve.es, 5 septembre 2010, www.rtve.es/noticias/20100905/otra-tregua-con-voz-mujer/351897.shtml

28 Miren Alcedo, op. cit., 1997.

29 Xavier Crettiez, La Violence ethno-nationaliste contre l’État. Les exemples basque et corse, thèse de doctorat de troisième cycle en science politique, Paris, université Paris 1,1997.

30 Marlaine Cacouault-Bitaud, «  La Féminisation d’une profession est-elle le signe d’une baisse de prestige  ?  », Travail, genre et sociétés, 2001/1, n° 5, p. 95.

31 María Martínez González, «  Les Mobilisations féministes et les dynamiques identitaires : une étude du féminisme au Pays basque espagnol  », Recherches féministes, 21/2, 2008, p. 75-101.

32 Jesús Casquete, op. cit., 2009.

33 Isabelle Lacroix, «  Maintenir son engagement en prison. Le cas des militants basques  », in Sandrine Nicourd (dir.), Le Travail militant, Rennes, PUR, 2009, p. 47-56.

34 Isabelle Lacroix, op. cit., 2011 ; op. cit, 2022.

35 Ibid.

36 María Dolores González Katarain, alias Yoyes, a été la première femme à intégrer les instances dirigeantes de l’organisation, elle a été assassinée en 1986 par l’un de ses camarades pour s’être désengagée de la cause.

37 Isabelle Lacroix, op. cit., 2011 ; op. cit., 2022.

38 Cette expression désigne les militant·es qui ne sont pas dans la clandestinité, qui participent à l’organisation armée tout en maintenant une vie quotidienne ordinaire, avec un travail, un foyer, etc.

39 Miren Alcedo, op. cit. ; 1997.

40 Carrie Hamilton, op. cit., 2007.

41 Irène Gimenez, Devenir prisonniere politique. Une histoire sociale et genrée de la prison politique en fin de sortie de dictature, Espagne, 1963-1987, thèse de doctorat en histoire contemporaine, université Lumière Lyon 2, 2022. Elle est co-lauréate du Prix de thèse 2023 de l’Institut du genre.

42 Caroline Guibet Lafaye, Armes et bagages. Éthique de l’engagement politique armé, Vulaines-sur-Seine, Éditions du croquant, 2019, p. 30.

43 Olivier Fillieule, «  Post scriptum : propositions pour une analyse processuelle de l’engagement individuel », Revue française de science politique, 51, 1-2, 2001. p. 199-215.

44 Carrie Hamilton, op. cit., 2007.

45 Caroline Guibet Lafaye, op. cit., 2020.

46 Zuriñe Rodríguez Lara, « Motivaciones, ingreso y experiencias participativas de las mujeres en ETA », Política y Sociedad, vol. 54/no 2, 2017, p. 409-429.

47 Miren Alcedo Moneo, op. cit., 1997 ; Caroline Guibet Lafaye, op. cit., 2020.

48 Zuriñe Rodríguez Lara, op. cit., 2017.

49 Isabelle Lacroix, op. cit., 2011 ; 2022.

50 Zuriñe Rodríguez Lara, op. cit., 2013.

51 Ibid.

52 Zuriñe Rodríguez Lara, op. cit., 2017.

53 Natacha Chetcuti-Osorovitz, op. cit., 2021.

54 Ema Harlouchet-Gratien, « Expériences carcérales et insertion sociale des ex-prisonnières des organisations indépendantistes basques à la sortie de prison », in Natacha Chetcuti-Osorovitz et Sandrine Sanos (dir.), Le Genre carcéral, op. cit..

55 Rodríguez Lara & Etxebarrieta, 2016, p. 92.

56 Chetcuti-Osorovitz et Sanos., op. cit., 2022, p. 168.

57 Olatz Dañobeitia Ceballos, «  La herida abierta : las torturas contra las mujeres en el contexto vasco  », Revista de Antropología Social, 31/2, 2022, p. 201-221.

58 Ema Harlouchet-Gratien, op. cit., 2022, p. 180.

59 Fanny Bugnon, «  Notice thématique “Genre et violences politiques”  », Encyclopédie pour une nouvelle histoire de l’Europe (Labex EHNE), 2017.

60 Laurent Gayer, «  Militariser les femmes. Doctrines, pratiques et critiques du féminisme martial en Asie du Sud  », in Caroline Guibet Lafaye et Alexandra Frénod (dir.), S’émanciper par les armes  ?, op. cit., paragr. 6.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Isabelle Lacroix, « Femmes et lutte armée au pays basque : de l’invisibilisation de leurs activités combattantes à une prise en compte de leur subjectivité »Les cahiers du CEDREF [En ligne], 27 | 2024, mis en ligne le 01 février 2025, consulté le 27 mars 2025. URL : http://journals.openedition.org/cedref/2207 ; DOI : https://doi.org/10.4000/138qj

Haut de page

Auteur

Isabelle Lacroix

Isabelle Lacroix, est maitre de conférences en sociologie à l’université Versailles St-Quentin-en-Yvelines, parmi ses publications : Jeunes et déjà maires. Le prix de l’engagement dans la politique municipale (avec Lardeux L.), Presses Universitaires Septentrion, 2022.

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search