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Notes de lecture

« Pourquoi deux années comptent ? » Note critique : William Caferro, Petrarch’s War. Florence and the Black Death in Context

Cambridge, Cambridge University Press, 2018, 228 p.
Cédric Quertier
Référence(s) :

« Pourquoi deux années comptent ? » Note critique : William Caferro, Petrarch’s War. Florence and the Black Death in Context, Cambridge, Cambridge University Press, 2018, 228 p.

Texte intégral

  • 1 W. P. Caferro, Le Tre Corone Florentine and War with the Ubaldini, 1349‑1350, dans F. Ciabattoni, E (...)

1Amorcé dans plusieurs contributions antérieures1, le dense, compact et très stimulant essai de William Caferro part d’un épisode circonscrit et délaissé par l’historiographie — deux années de guerres de la commune florentine contre le clan des Ubaldini dans les Apennins, juste après la peste noire (1349‑1350) — pour faire des propositions méthodologiques passionnantes sur l’économie de la guerre, sur les conséquences de la peste, sur l’histoire économique et sur les analyses historiques de court et de long terme.

  • 2 W. P. Caferro, John Hawkwood: An English Mercenary in Fourteenth Century Italy, Baltimore, Johns Ho (...)
  • 3 Outre les références indiquées à la note 1, voir : W. P. Caferro, « Comparative Economy and Martial (...)
  • 4 W. Caferro, Contesting the Renaissance, Oxford, Wiley-Blackwell, 2010 ; Id. (dir.), The Routledge H (...)

2Bien connu des chercheurs en histoire italienne et militaire, notamment pour sa biographie remarquée du condottiere John Hawkwood2, William Caferro est professeur d’histoire et d’études méditerranéennes à l’université Vanderbilt à Nashville. Il mène depuis plusieurs années une réévaluation de l’organisation institutionnelle, de l’impact économique de la guerre et du rôle des mercenaires à la Renaissance3, notion elle‑même revisitée dans ses derniers livres4. Ce livre s’inscrit pleinement dans cette dynamique, l’augmentant de propositions méthodologiques plus générales, ce qui en rehausse l’intérêt.

  • 5 J. Guldi et D. Armitage, The History Manifesto, Cambridge, Cambridge University Press, 2014 fait l’ (...)

3Le livre, centré sur les années 1349‑1350, s’organise en trois temps : l’implication de Pétrarque et des cercles humanistes dans la guerre (chap. 1), l’organisation institutionnelle et financière de celle‑ci (chap. 2 et 3), la contextualisation et l’interprétation fine des salaires des soldats (chap. 4 et 5), suivie d’une vérification des constatations sur une décennie (épilogue). En effet, profondément révisionniste et « provocateur » malgré lui, dans le sens où les « archives sont subversives » (p. 13) — les faits sont têtus, dirait‑on —, cet ouvrage majeur soulève une série de contradictions factuelles pour s’inscrire en faux contre la cliométrie mal contrôlée — qui aplanit et finit par nier les aspérités — et les big data en vogue depuis quelques années5. Il s’agit non pas de rejeter toute approche quantitative, mais de délivrer une leçon de méthode servie par des sources florentines exceptionnelles, qui invite tous les historiens à réfléchir avec autant d’acuité sur les chiffres et les séries — à construire prudemment — que ne le font les historiens ou les philologues sur les textes.

  • 6 Recension dans Studi sul Boccacio, no 48, 2020, p. 364‑368. Voir W. Caferro, « Niccolò Acciaiuoli a (...)

4Dans son approche, William Caferro n’hésite pas à croiser des sources et des champs historiographiques différents. Ses recherches relèvent à la fois de la critique littéraire la plus érudite de la correspondance de Pétrarque et Boccace (chap. 1) — aptitude déjà démontrée dans une série d’articles mentionnés dans la recension livrée par sa collègue Elsa Filosa6 — et de l’analyse de sources communales variées, telles que les registres des actes des conseils florentins (Consulte et Pratiche, Provvisioni-registri) et de leur correspondance (Signori, Missive I Cancelleria), les registres de la commission extraordinaire en charge de la guerre, et surtout les registres financiers de la Camera del comune. L’examen de ces sources diversifiées durant les années 1349 et 1350 forme l’ossature de l’ouvrage.

  • 7 Voir notamment S. Abélès, « Entre évidence et indifférence : les traces de la peste dans les archiv (...)

5Le premier temps décrit le déclenchement de la guerre et démontre l’implication de lettrés de premier plan comme Pétrarque, Boccace — et indirectement, Dante, qu’ils commentent lors de leurs échanges épistolaires. La peste, bien que difficilement documentable7, désorganise l’État florentin, tandis que la guerre apparaît comme le principal sujet d’intérêt, en particulier le conflit contre les Ubaldini, abondamment documenté par les chroniqueurs (Matteo Villani, Marchionne di Coppo Stefani) et les livres de famille (ricordanze, Donato Velluti). À l’été 1349 et à l’automne 1350, les deux campagnes militaires dans le Mugello supérieur, à la périphérie de l’État florentin, qui se sont soldées par une victoire de la commune, ont été occultées à la fois par la guerre contre Milan de 1351‑1353 (à laquelle les Ubaldini prennent d’ailleurs part) et par le désintérêt des historiens pour les conflits internes aux États.

  • 8 Recension de l’ouvrage de Caferro dans American Historical Review, vol. 125, no 1, février 2020, p. (...)
  • 9 Voir en particulier : E. Carlino (dir.), Ubaldini: signori degli Appennini: la riscoperta della fam (...)
  • 10 Voir en particulier S. Abélès, Protéger, libérer, assujettir : l’expansion territoriale de la commu (...)

6Ce n’est pourtant pas n’importe quelle guerre ni n’importe quel ennemi. Comme le rappelle Fabrizio Ricciardelli8, c’est un conflit au long cours débuté à l’été 1302, lorsque les Guelfes Blancs se sont alliés aux Gibelins de Romagne et avec les Ubaldini, et qui s’achève en 1373 lors de la soumission de la dynastie seigneuriale à la République florentine9. L’implantation du lignage seigneurial des deux côtés des Apennins lui permet d’installer des péages et donc de contrôler les routes stratégiques entre Florence et Bologne, qui débouchent sur Venise et le reste de l’Italie du Nord. Ils sont donc puissants, riches, bien implantés à la périphérie d’un État florentin cherchant à mieux contrôler son territoire voire à s’étendre10, afin de permettre à ses marchands de conquérir de nouveaux marchés.

7Face à la désorganisation de la commune florentine juste après la peste, le brigandage périphérique reprend et les Ubaldini en profitent pour rançonner les voyageurs, ce qui gêne la circulation des marchands. Dans cette atmosphère tendue, deux amis de Pétrarque — Mainardo Accursio, surnommé Simplicianus et Luca Cristiani, ou Olympius — sont détroussés au printemps 1349, le premier mourant d’ailleurs de ses blessures (p. 25). Ce n’est pas la moindre contradiction — apparente — de voir Pétrarque, le chantre de la paix en Italie (p. 28), presser Florence de déclarer la guerre aux brigands, demande à laquelle la cité accède avec les campagnes du printemps 1349 et de l’automne 1350 (p. 31).

8Ici, les sources littéraires et archivistiques convergent pour relier les cercles humanistes à la création de l’université florentine et à la guerre contre les Ubaldini. Non seulement le financement de la guerre et de l’université sont votés le même jour (p. 33), mais un cercle de poètes et d’humanistes autour de Boccace (Niccolò del Buono, Francesco Bruni, Francesco Nelli), qui sont des acteurs de premier plan de la scène politique florentine, plaident dans les conseils en faveur de la guerre et du recrutement de Pétrarque — afin d’accroître la renommée du Studio (p. 34‑35, p. 43). L’amitié entre Pétrarque et Boccace serait d’ailleurs antérieure à leur fameuse rencontre de 1351, puisqu’une citation commune du réformateur athénien Solon — redécouvert par Pétrarque en 1345 — atteste d’un échange précoce d’informations (p. 39).

9Selon William Caferro, il convient donc de contextualiser et d’historiciser les lettres de Pétrarque (en particulier Familiares VIII, 10, et secondairement VIII, 9), même si certains détails ont disparu : il vit pleinement une vita activa même lorsqu’il se rêve en reclus campagnard prônant la vita contemplativa (p. 48). En quelque sorte, William Caferro humanise les humanistes : les figures de Pétrarque et Boccace sont bien plus complexes et contradictoires que la lecture de leurs seuls monuments littéraires ne le laisse croire : Pétrarque, le défenseur de la paix italienne s’avère belliqueux lorsqu’il s’agit de défendre ses amis, et accepte le mécénat du seigneur milanais — ennemi historique de Florence —, ce qui afflige Boccace.

10Le second temps du livre est centré sur l’organisation institutionnelle et économique de la guerre. Avant toute interprétation, le chapitre 2 (p. 49‑83) décrit l’organisation de l’armée florentine, encore insuffisamment connue (p. 60), en croisant des sources fiscales (camera dell’arme, camera del comune) et des délibérations de la commission extraordinaire (balia) pour la conduite de la guerre.

11Reconstituer les effectifs est complexe, puisque les combattants sont regroupés par origine linguistique et géographique dans des unités de taille variable. Pour autant, la seconde campagne a dû rassembler plus de 3 000 hommes (p. 59). Si les mercenaires à cheval allemands sont nombreux, les guelfes italiens ne manquent pas (p. 61). Surtout, William Caferro montre que l’armée de l’époque n’avait rien à avoir avec l’armée du xve siècle dépeinte par Machiavel, qui a aveuglé les historiens des périodes antérieures. Loin d’être une masse informe — même après la peste — elle est bien plus professionnalisée, fidèle et florentine qu’ils ne le pensent. En effet, les cavaliers — qui ne sont pas tous chevaliers — sont d’origines très diverses mais sont considérés comme des hommes valeureux (pour les Allemands) et comme des Guelfes fidèles (pour les Italiens). De plus, la cité du Lys s’appuie sur un noyau considérable de capitaines d’infanterie originaires du territoire florentin, recrute des fantassins habitués à combattre en montagne puisqu’ils proviennent du Mugello et des Apennins, ainsi que des arbalétriers de Ligurie et de la Lunigiana, réputés pour leur professionnalisme (p. 61‑63). De la sorte, composant elle‑même les unités de combattants avant de recruter le chef de l’armée, la commune florentine s’assure de la contrôler (p. 66). Bien plus, les mercenaires n’abandonnent pas la ville entre deux campagnes et la plupart sont engagés durant les deux campagnes militaires ; certains firent même une longue carrière au service de Florence (p. 69) au point d’acquérir des parts de la dette publique (p. 71).

12Mais l’armée n’est pas constituée que de soldats : William Caferro s’intéresse également aux quelques centaines d’hommes qui assurent la logistique (transport, construction des engins de siège, inspection de l’équipement des soldats, versement des paies, échange d’informations, divertissement, p. 78).

  • 11 On devrait plutôt dire « chargées ou non de la guerre » puisque la sphère pacifique présentée par l (...)

13Un troisième cercle concentrique pourrait presque englober l’ensemble de la société communale, tant ses « sphères » pacifiques ou belliqueuses s’interpénètrent11, en raison de la polyvalence des hommes (les camerlingues communaux se déplacent sur le champ de bataille, les ouvriers sont indistinctement employés sur des chantiers guerriers ou non) et de l’interpénétration entre les institutions : même les officiers de la condotta détiennent simultanément d’autres charges communales (p. 81‑83).

  • 12 Une pièce équivaut à un setier de blé ou un baril entier de vin.

14Comment financer tout cela (chap. 3, p. 84‑112) ? Cette guerre a une finalité économique : soustraire aux Ubaldini le contrôle des routes et des lucratifs péages vers Bologne, augmenter les ressources communales en accroissant la renommée et donc le nombre d’étudiants fréquentant l’université florentine si Pétrarque y accepte une charge (p. 85). Mais la guerre a surtout un immense impact économique : elle met à l’épreuve les finances publiques, déjà mises à mal par la peste, qui a emporté un nombre considérable de contribuables. Qu’on juge du poids écrasant de la guerre sur les finances : 71,3 % de toutes les dépenses communales y sont consacrées lors de la première campagne, et 83,6 % lors de la seconde (p. 88‑90), sommes auxquelles il faudrait encore ajouter l’approvisionnement et le paiement de la main-d’œuvre ! Le matériau le plus cher et recherché est alors le bois — pour construire les engins de siège, mais aussi sans doute parce que les Apennins sont trop déboisés et peuplés pour fournir l’armée (p. 93)12.

  • 13 Pour donner un ordre d’idées, en mai-juin 1349, la confrérie d’Orsanmichele fournit une somme deux (...)

15Comment la commune lève‑t‑elle ces sommes en si peu de temps ? Comme souvent en Italie, le financement repose sur les gabelles, doublées en temps de guerre, notamment les plus rémunératrices (sur le vin, le sel et les marchandises importées ou exportées par les portes de la ville, p. 97). Mais elles permettent difficilement de couvrir les dépenses de guerre en temps normal, ce qui explique l’appoint des amendes et des prêts forcés. Dans les circonstances exceptionnelles des années immédiatement postérieures à la peste, la baisse dramatique de l’assiette fiscale explique donc le recours aux fonds substantiels avancés par la confrérie d’Orsanmichele — chargée de s’occuper des pauvres et qui a reçu un afflux massif de dons après la peste et ses flots de morts (p. 99)13. En revanche, lors de la seconde campagne (1350), on commence à rembourser la confrérie, les revenus des gabelles repartent à la hausse et l’estimo imposé dans les campagnes permet d’exploiter les richesses persistantes.

  • 14 Elle préfigure sans doute l’onoranza du xve siècle.

16William Caffero note l’importance symbolique de la dirittura14, une taxe de 12 deniers par lire (8,33 %) sur toute transaction financière au sein de la commune, y compris sur le versement des salaires, sur les vêtements fournis et sur les transferts entre institutions. Directement liée au discours idéologique de l’Église sur l’argent, elle cherche à valoriser la droiture morale (dirittura) et à faire le bien (honorer Dieu et accroître le capital humain en créant une université) à partir de mauvaises actions (financières et guerrières, p. 105‑106).

17Que rapporte la guerre ? Quels en sont les gagnants et les perdants ? Globalement, elle est tout au plus neutre : la prise de contrôle des routes des Apennins après 1350 compense partiellement l’effort fiscal. De plus, une partie des sommes dépensées est recyclée sur place, car nombre des artisans et des soldats engagés sont originaires des zones de conflit, et y réinvestissent leurs gains, voire investissent dans le Monte communal (p. 108). Au contraire, pour les marchands qui prêtent à la commune, les risques et le niveau élevé des garanties financières à apporter excèdent largement les faibles profits (0,6‑2 %). Plus que les profits de guerre, leur engagement s’explique par leur « sens de l’État » (« service to the state », p. 111) et par ses retombées positives sur leur honneur familial.

  • 15 Notamment p. 16, citant son History of Economic Analysis, Oxford, Oxford University Press, 1954, p. (...)

18La troisième partie, centrée sur les salaires, est sans aucun doute le cœur de la démonstration. L’auteur entend démontrer combien le social est incorporé dans la donnée économique « salaire », reprenant en cela les enseignements de Joseph Schumpeter15 et surtout de la Grande Transformation de Polanyi :

  • 16 K. Polanyi, The Great Transformation, Boston, Beacon Press, 2001 (1944), p. 74, cité par Caferro, p (...)

The outstanding discovery of recent historical and anthropological research is that man’s economy, as a rule, is submerged in his social relationships. He does not act so as to safeguard his individual interest in the possession of material goods; he acts so as to safeguard his social standing, his social claims, his social assets16.

19Le chapitre 4 entend ainsi contextualiser et interpréter les salaires des soldats. Généralement présentés dans l’historiographie en rapide augmentation après la peste, les analyses se basent bien souvent sur des corpus limités de salaires quotidiens de manœuvres et de maçons, croisés avec la reconstitution des niveaux de vie ou d’un panier moyen de consommateur. L’analyse porte ici sur des cohortes plus importantes et sur des catégories différentes de salariés (soldats et employés publics). Ses conclusions tranchent radicalement avec le consensus établi (p. 113‑115) : elle prouve en effet que les salaires ne connaissent pas de variation en fonction de la saison ou de la durée d’engagement. La compétence joue : les mercenaires à cheval, en particulier allemands, sont mieux payés que les fantassins, dont les capitaines gagnent deux à trois fois le salaire de leurs hommes ; parmi eux, les arbalétriers de Ligurie ou de Lunigiana sont très bien rémunérés (p. 116‑117). Certes, la paye nominale des fantassins augmente notablement entre 1349 et 1350 (p. 119), surtout si la taille de leur unité augmente, suivant en cela l’évolution générale des salaires dans le secteur privé, tandis que celle des cavaliers reste identique dans tous les cas (p. 121). Pourtant, loin d’interdire les hausses de salaires comme ailleurs en Europe, Florence autorise leur augmentation (p. 122).

  • 17 L’auteur cite notamment J. Munro, « Wage-Stickiness, Monetary Change and Real Incomes in Late Medie (...)

20Pour William Caferro, la stagnation des salaires des cavaliers impose une comparaison avec l’ensemble des employés communaux. L’étude de 44 types de salaires communaux (représentant environ 450 personnes employées par la commune) montre à quel point les soldats sont des employés très bien payés : les capitaines de cavalerie allemands gagnent autant que les juges d’appel (pourtant le troisième officier communal le mieux payé), les cavaliers allemands davantage que le chancelier de la commune, et les capitaines de compagnies d’écuyers (shields bearer) plus que les comptables et les médecins (p. 130). Surtout, William Caferro montre que l’écrasante majorité des salaires des employés communaux reste stable, et rappelle que même les salaires du textile stagnent dans le troisième tiers du xive siècle (p. 168), rejoignant en cela les études à long terme qui lui semblent empiriquement les plus solides17. Mais l’extrapolation est rendue difficile par des évolutions contradictoires des salaires de certains métiers, qui ne demandent pas une expertise particulière (p. 133).

21Il convient cependant de faire un pas de côté : le type d’employeur (une institution ou un particulier) change la donne ; de même, un emploi pourvoit aussi distinction sociale et honneur, incitant parfois à accepter un faible salaire en échange d’une forte considération sociale (p. 137), à l’instar du chancelier Ventura Monachi — qui se plaint de son faible salaire dans ses ricordanze — ou des châtelains, issus des grandes familles florentines mais devant déposer une caution importante. Les salaires n’englobent pas toutes les compensations, car d’autres occasions de gagner de l’argent se présentent lors d’une charge : ser Ventura Monachi triple ainsi son salaire par divers expédients, dont des pots-de-vin ; les musiciens et les crieurs reçoivent des paiements additionnels lors des cérémonies publiques ; les cavaliers bénéficient de compensations, comme le restaur pour remplacer leurs chevaux blessés. On retrouve ici le caractère hétérogène des salaires mis en évidence par B. Geremek et l’absence de prise en compte des « extras » en nature (nourriture, uniformes, etc.). En somme, les seuls salaires à eux seuls sont peu représentatifs du véritable niveau de vie des individus (p. 141‑142). Les salaires des soldats et des fonctionnaires sont d’autant plus difficiles à déterminer qu’un système de récompenses pour service rendu ou pour courage au combat — sortes de prime au résultat — est mis en place et qu’en dehors des capitaines, les registres comptables mentionnent une somme globale attribuée à une unité militaire sans nécessairement en détailler sa répartition.

22Par ailleurs, non seulement les salaires n’englobent pas la totalité des rémunérations versées, mais même les cavaliers nobles acceptent des bas salaires qui n’augmentent pas, car ils considèrent que l’activité militaire est honorable en soi et permet d’accroître leur influence politique parmi les réseaux guelfes (p. 146). L’image machiavélienne de mercenaires avides et se vendant au plus offrant doit donc être sérieusement révisée, puisqu’un noyau important de l’armée florentine est composé de soldats fidèles qui s’engagent au long cours, considèrent le service militaire comme honorable et ennoblissant, et refusent même les exemptions de dirittura (p. 144‑145).

23Le chapitre 5 analyse la nature variable de l’occupation professionnelle juste après la peste et sa signification socio-économique, dans la mesure où d’autres facteurs que le salaire jouent pour déterminer le niveau de vie.

24Ainsi, le type de monnaie dans lequel les salaires sont libellés et versés est porteur d’un prestige différencié, le paiement en florins d’or étant le plus prestigieux, bien que les paiements en argent ne soient pas réservés aux seuls artisans. Malgré des données fragmentaires, entre 1349 et 1350, une réorientation vers les paiements en argent semble s’opérer qui, combinée à la stagnation générale des salaires, permet de contenir la hausse des dépenses de la commune (p. 152‑154).

25D’autres facteurs jouent également : les taxes sur les salaires, généralisées et très fortes pour les soldats, mais supprimées pour le personnel essentiel au fonctionnement de la commune (p. 159) ; la taille des unités par poste de dépense ; l’expertise, dans le cas des cavaliers italiens, mieux payés lorsqu’il s’agit de chevaliers adoubés ou d’ambassadeurs dotés d’une familia plus fastueuse (ici le nombre de chevaux détermine le montant ; p. 164). Quoiqu’il en soit, les cavaliers italiens et allemands, qui étaient les soldats les plus experts et les plus mobiles, ne reçurent pas d’augmentation salariale dans les années immédiatement postérieures à la peste (p. 165).

26Surtout, durant cette période troublée, les durées de travail sont de plus en plus fragmentées et les différenciations entre les travailleurs s’accroissent parce que les opérateurs économiques diversifient leurs fournisseurs (pour les marchands) ou les types de travail (pour les employés) pour compenser les risques. L’établissement de hiérarchies claires parmi les travailleurs en ressort troublée et la notion d’emploi doit être revisitée : d’une part, les employés les cumulent, ce qui rend difficile la conversion entre un salaire et un niveau de vie ; d’autre part, l’extrapolation des salaires sur une année entière constitue un contresens dans bien des cas, puisque l’embauche se faisait surtout à court terme, et pour bien des employés communaux il était même théoriquement interdit d’être employé à l’année (p. 167).

27Comme les recettes fiscales sont difficiles à lever et les employés difficiles à recruter en temps de peste, les rangs des officiers communaux sont clairsemés en 1349‑1350 (p. 161). C’est pourquoi des personnages étonnants se retrouvent à des postes cruciaux : un sonneur de cloches et un cuisinier peuvent être envoyés pour de longues ambassades grassement rémunérées auprès des souverains les plus prestigieux. Ainsi, Arrigho Mazzei, serviteur des Prieurs (donzello) effectue 346 jours de service comme ambassadeur en Allemagne, en Hongrie, et à Avignon auprès du pape. Pour cela, il reçoit l’équivalent de trois fois le salaire annuel du chancelier de la commune ou d’un semestre de celui d’un juge d’appel. Les membres de la familia du podestat sont théoriquement les moins bien payés dans l’échelle des salaires, mais ils peuvent cumuler plusieurs fonctions et leur fidélité — qui garantit le secret des tractations — leur permet de recevoir des sommes faramineuses (p. 172‑173, p. 176). L’emploi de subalternes n’est d’ailleurs pas exceptionnel, en raison des désagréments inhérents à la fonction, que bien des personnes aisées — comme Donato Velluti — fuient.

  • 18 J. Guldi et D. Armitage, The History Manifesto, ouvr. cité. Pour un débat autour de leurs propositi (...)
  • 19 Rendues possibles par une série d’opérations artificielles : convertir un salaire quotidien sur 250 (...)

28L’épilogue monte en généralité en valorisant une méthodologie nuancée puis teste les conclusions des chapitres précédents sur un échantillon plus large, de dix années. La crise du court terme, dénoncée par The History Manifesto de Guldi et Armitage18, apparaît ainsi comme artificielle, tant la contextualisation fine des salaires tout au long de l’ouvrage remet en cause l’aplanissement des différences dans les séries sur le long terme pratiquées par les Annales (labroussiennes, imagine‑t‑on), où la disponibilité et la transférabilité19 dans des ordres de grandeurs modernes ont été privilégiés sur leur pertinence scientifique (p. 183). La sérialité masque ainsi des informations capitales, comme l’importance du type de monnaie, la prégnance des contrats courts et la nécessité de distinguer entre les travailleurs.

  • 20 Voir notamment C. Ginzburg, « Signes, Traces, Pistes-Racines d’un paradigme de l’indice », Le Débat(...)
  • 21 Voir à cet égard les développements récents de la microstoria globale : R. Bertrand et G. Calafat, (...)

29L’image qui ressort de l’analyse est alors bien plus complexe et, à bien des égards, susceptible de provoquer une révolution scientifique : l’auteur n’hésite pas à citer La structure des révolutions scientifiques de T. Kuhn (p. 179) qui a montré combien les progrès des sciences proviennent d’observations au départ marginales. Bien qu’il refuse d’abandonner les séries historiques, contrairement à Carlo Ginzburg20, le raisonnement implicite de Caferro est identique et rejoint les premiers manifestes de la micro-histoire italienne, qui choisissaient un micro-terrain avec l’ambition de livrer des analyses générales bien plus significatives que celles portant sur des enquêtes sérielles, grâce à des interprétations et à des dépouillements archivistiques plus poussés21.

30Par ailleurs, considérer les chiffres comme empiriques en soi produit des raisonnements téléologiques, incitant les historiens à sélectionner de manière caricaturale leurs données afin de prouver leur argument, voire de fétichiser les méthodes de leurs prédécesseurs et d’adopter un classement décennal — hérité du xixe siècle — dont les bornes peuvent faire varier considérablement l’impact de la peste noire, selon qu’on la place dans une décennie ou une autre (p. 191). Pour éviter ce biais, William Caferro examine les données de 1345 à 1354. Les observations pour 1349‑1350 sont alors confirmées : les salaires nominaux des fantassins augmentent, comme ceux de la construction, alors que ceux des cavaliers stagnent. Cette analyse confirme aussi l’importance de facteurs imparfaitement pris en compte, comme le type de monnaie, déjà mis en évidence par Cipolla : le salaire des cavaliers allemands n’est plus libellé en or mais en lires d’argent après 1351, au moment où le prix de l’or s’envole lorsque Florence s’engage dans la guerre contre Milan et doit recruter entre 5 000 et 7 000 soldats. Non seulement la commune comprime les coûts en gelant les salaires réels de ses salariés les plus coûteux, mais cela prouve aussi que les salaires ne sont pas laissés au seul arbitrage du marché du travail. Ainsi, nombre de vulgates historiques sont corrigées et nuancées (« trends are divergent and do not tell a single tale », p. 197) grâce aux trésors que recèlent encore les nombreuses archives italiennes.

31En somme, William Caferro livre une ode au retour aux archives, invitant à prendre en compte toute leur complexité et se montre critique vis-à-vis des tendances simplificatrices de certaines modélisations historiques.

  • 22 P. Beck, P. Bernardi et L. Feller (dir.), Rémunérer le travail au Moyen Âge. Pour une histoire soci (...)
  • 23 A. Jamme, « Le pape, ses légats et la rétribution du service d’armes dans l’Italie du xive siècle » (...)
  • 24 Ibid., p. 475 et p. 480‑483.

32Sur les salaires cependant, on regrette l’absence de prise en compte des travaux récents en langue française, car l’entreprise de Patrice Beck, Philippe Bernardi et Laurent Feller, qui a donné lieu à une belle publication collective22, confirme et affine certains éléments. Ainsi Armand Jamme décrit‑il dans son étude sur les mercenaires du pape le recrutement des recrues parmi les plus fidèles et le paiement d’une partie des soldes des capitaines en début de charge, ce qui renforce la fidélité des troupes23. Cela est d’autant plus nécessaire que leur rémunération, fractionnée entre salaire et primes, peut varier brutalement en fonction des manipulations des gouvernants pour limiter le coût de la guerre — par exemple, payer les primes pour bravoure avant d’indemniser les pertes de chevaux — ou tout simplement de la trésorerie disponible24.

  • 25 Ibid., p. 466 : A. Jamme constate des niveaux de rémunération très élevés dans les décennies 1320‑1 (...)
  • 26 Ibid., p. 466‑467.

33Surtout, il propose une hypothèse intéressante, non abordée par William Caferro : l’intensité des conflits, qui transforme les mercenaires et les soldats en « denrées » rares détermine les variations de salaires. Cela permettrait de nuancer la stagnation des soldes des cavaliers dans les années 1340, en la replaçant dans une temporalité plus longue25. Cette stagnation aurait pu s’expliquer par la basse intensité d’un conflit interne à l’État territorial florentin. Précisons d’emblée, pour ce second argument, que les données récoltées par William Caferro infirment cette idée car elles ne démontrent pas d’augmentation sensible du salaire des cavaliers en 1351 lors des guerres avec Milan (p. 192‑194) ; pour autant, on aurait aimé le vérifier sur une période plus longue. L’interventionnisme communal pour fixer le niveau des soldes, jamais laissées totalement aux forces d’un hypothétique marché, fonctionne donc globalement pour cette période, d’autant plus que l’échelle des salaires répond davantage à une logique d’office en Italie, alors qu’elle s’explique davantage par la position sociale en Provence26.

  • 27 F. Boldizzoni, The Poverty of Clio, Princeton, Princeton University Press, 2011.
  • 28 Pour des propositions intégrant les théories et la pratique de l’économétrie, voir C. Dherbécourt e (...)
  • 29 Ici, il se rapproche des propositions de C. Dherbécourt et É. Monnet, « Les angles morts de The Pov (...)

34Sans rejeter les séries statistiques, mais étrangement, sans jamais non plus citer The Poverty of Clio de Boldizzoni27, très critique à l’égard d’Armitage et de Guldi, Caferro s’inscrit dans une veine révisionniste qui estime plus fécond de fournir de nouvelles interprétations que des séries de données répétitives. La voie médiane entre histoire et pratiques économétriques qu’il s’efforce de suggérer, différente d’une autre tentative ayant consisté à réhabiliter l’intérêt — limité mais réel — de la théorie et des modèles économiques28, consiste en une réhabilitation radicale de la pratique des archives et de l’explicitation des hypothèses théoriques comme des implications de leurs choix méthodologiques, pour se départir du fétichisme du chiffre (voire de l’imprécision du vocabulaire historique, p. 189 et p. 19129).

  • 30 Voir notamment L. Feller, « Les écritures de l’économie au Moyen Âge », Revue historique, no 693, 2 (...)
  • 31 L. Feller, « Les écritures de l’économie au Moyen Âge », art. cité, p. 44‑45 et p. 59.
  • 32 J. Hayez, « La difficile émergence des écrits marchands parmi les sources des médiévistes », Cahier (...)
  • 33 Citons notamment L. Feller et C. Wickham (dir.), Le marché de la terre au Moyen Âge, Rome, Publicat (...)
  • 34 Voir J. Claustre (dir.), Transiger. Éléments d’une ethnographie des transactions médiévales, Paris, (...)
  • 35 L. Feller et A. Gramain, L’évident et l’invisible. Questions de méthodes en économie et en histoire(...)

35En cherchant à réconcilier les séries statistiques avec Polanyi et avec la contextualisation historique, ce grand livre est appelé à devenir une pierre angulaire dans la refondation de l’histoire économique de ces dernières années. On regrettera toutefois l’imparfaite connexion avec les historiens économistes « hétérodoxes30 ». Laurent Feller rappelle dans une contribution récente combien cet encastrement des relations sociales dans les pratiques économiques, qu’il s’est fait fort de démontrer dans bon nombre de ses travaux portant sur une période allant du viie au xiiie siècle, est toujours valable au xive siècle31 : un changeur florentin comme Lippo del Sega, un opérateur avignonnais comme Paul de Sade, voire un grand marchand toscan comme Francesco Datini32 n’adoptent pas toujours des comportements monétairement optimaux, car différer le remboursement d’un prêt ou modifier le prix d’une transaction (par exemple, vendre moins cher une terre pour préparer un futur mariage et donc pour renforcer des alliances familiales) revient souvent à fortifier une relation sociale sur le moyen et le long terme. Ces intuitions ont donné lieu à des entreprises collectives impliquant une bonne partie des médiévistes français, voire européens33. Au final, un pas de côté paraît nécessaire, afin d’effectuer une ethnographie des transactions médiévales34 et de mettre en place des méthodologies communes qui permettent aux historiens comme aux économistes d’adopter un langage commun, dans un dialogue appelé à se poursuivre35.

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Notes

1 W. P. Caferro, Le Tre Corone Florentine and War with the Ubaldini, 1349‑1350, dans F. Ciabattoni, E. Filosa, K. M. Olson (dir.), Boccaccio 1313‑2013, Ravenne, Longo, 2015, p. 43‑56 ; Id., Military Enterprise in Florence at the Time of the Black Death, 1349–1350, dans J. Fynn-Paul (dir.), War, Entrepreneurs, and the State in Europe and the Mediterranean, 1300–1800, Leyde, Brill, 2014, p. 15‑31 ; Id., « Petrarch’s War: Florentine Wages and the Black Death », Speculum, vol. 88, no 1, 2013, p. 144‑165.

2 W. P. Caferro, John Hawkwood: An English Mercenary in Fourteenth Century Italy, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2006 ; Id., Mercenary Companies and the Decline of Siena, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1998.

3 Outre les références indiquées à la note 1, voir : W. P. Caferro, « Comparative Economy and Martial Corporatism: Toward an Understanding of Florentine City Leagues, 1332–92 », Speculum, vol. 97, no 4, 2022, p. 1073‑1100 ; Id., « Warfare and Economy in Renaissance Italy, 1350–1450 », The Journal of Interdisciplinary History, vol. 39, no 2, 2008, p. 167‑210 ; Id., « Honour and Insult: Military Rituals in Late Medieval Tuscany », dans S. K. Cohn, M. Fantoni et F. Franceschi (dir.), Late Medieval and Early Modern Ritual. Studies in Italian Urban Culture, Turnhout, Brepols, 2013, p. 183‑209. Voir également ses travaux sur la bureaucratie florentine : Id., « Ser Matteo di Biliotto and Florentine Diplomacy in the Fourteenth Century », dans A. Barlucchi, F. Franceschi et F. Sznura (dir.), La Firenze dell’età di Dante negli atti di un notaio. Ser Matteo di Biliotto, 1294‑1314, Florence, Editpress, 2020, p. 111‑132 ; Id., « The Visconti War and Boccaccio’s Florentine Public Service in Context, 1351–53 », Heliotropia, vol. 15, 2018, p. 111‑131.

4 W. Caferro, Contesting the Renaissance, Oxford, Wiley-Blackwell, 2010 ; Id. (dir.), The Routledge History of the Renaissance, Londres, Routledge, 2017.

5 J. Guldi et D. Armitage, The History Manifesto, Cambridge, Cambridge University Press, 2014 fait l’objet d’une critique récurrente dans l’ouvrage.

6 Recension dans Studi sul Boccacio, no 48, 2020, p. 364‑368. Voir W. Caferro, « Niccolò Acciaiuoli and the Certosa at the Intersection of Faith, Politics, Economy and Warfare in Trecento Italy », dans A. Andreini et al. (dir.), Niccolò Acciaiuoli, Boccaccio e la Certosa del Galluzzo: politica, religione ed economia nell’Italia del Trecento, Rome, Viella, 2020, p. 11‑36. Sur l’historicisation de Boccace, voir E. Filosa, Boccaccio’s Florence. Politics and People in His Life and Work, Toronto, University of Toronto Press, 2023.

7 Voir notamment S. Abélès, « Entre évidence et indifférence : les traces de la peste dans les archives florentines du milieu du xive siècle », communication au colloque Nouvelles recherches sur la peste noire (2), P. Boucheron et E. Anheim (dir.), Collège de France, juin 2021, <www.college-de-france.fr/fr/agenda/colloque/nouvelles-recherches-sur-la-peste-noire/entre-evidence-et-indifference-les-traces-de-la-peste-dans-les-archives-florentines-du-milieu-du>.

8 Recension de l’ouvrage de Caferro dans American Historical Review, vol. 125, no 1, février 2020, p. 288‑289.

9 Voir en particulier : E. Carlino (dir.), Ubaldini: signori degli Appennini: la riscoperta della famiglia Ubaldini, protagonista di arte e storia dal Medioevo al Rinascimento e oltre, Urbino, QuattroVenti, 2021 ; A. Monti et E. Pruno (dir.), Tra Montaccianico e Firenze: gli Ubaldini e la città, Atti del Convegno di studi di Firenze-Scarperia (28‑29 septembre 2012), Oxford, Archaeopress, 2016 ; L. Magna, Gli Ubaldini del Mugello: una signoria feudale nel contado fiorentino, dans I ceti dirigenti dell’età comunale nei secoli XII e XIII, Atti del 2o Convegno di Firenze (14‑15 décembre 1979), Pise, Pacini, 1982, p. 13‑65.

10 Voir en particulier S. Abélès, Protéger, libérer, assujettir : l’expansion territoriale de la commune de Florence au xive siècle, Rome, Publications de l’École française de Rome, octobre 2023.

11 On devrait plutôt dire « chargées ou non de la guerre » puisque la sphère pacifique présentée par l’auteur n’est pas une opposition à la conduite de la guerre, mais renvoie à un emploi communal.

12 Une pièce équivaut à un setier de blé ou un baril entier de vin.

13 Pour donner un ordre d’idées, en mai-juin 1349, la confrérie d’Orsanmichele fournit une somme deux fois supérieure à ce que rapporte la gabelle sur le vin.

14 Elle préfigure sans doute l’onoranza du xve siècle.

15 Notamment p. 16, citant son History of Economic Analysis, Oxford, Oxford University Press, 1954, p. 12‑13 : « Nobody can hope to understand economic phenomena of any, including the present epoch, who has not an adequate command of historical facts […]. »

16 K. Polanyi, The Great Transformation, Boston, Beacon Press, 2001 (1944), p. 74, cité par Caferro, p. 113. Version française : K. Polanyi, La Grande Transformation, C. Malamoud et M. Angeno (trad.), Paris, Gallimard, 2009 (1983), p. 91 : « La découverte la plus marquante de la recherche historique et anthropologique récente est que les relations sociales de l’homme englobent, en règle générale, son économie. L’homme agit de manière, non pas à protéger son intérêt individuel à posséder des biens matériels, mais de manière à garantir sa position sociale, ses droits sociaux, ses avantages sociaux. »

17 L’auteur cite notamment J. Munro, « Wage-Stickiness, Monetary Change and Real Incomes in Late Medieval England and the Low Countries, 1300–1450: Did Money Really Matters? », dans A. J. Field, G. Clark, et W. M. Sundstrom (dir.), Research in Economic History, Amsterdam, JAI, 2003, p. 185‑297 ; S. A. Epstein, Wage Labor and Guilds in Medieval Europe, Chapell Hill, University of North Carolina Press, 1991.

18 J. Guldi et D. Armitage, The History Manifesto, ouvr. cité. Pour un débat autour de leurs propositions, voir D. Armitage et J. Guldi dans le dossier « La longue durée en débat », Annales. Histoire, Sciences sociales, vol. 70, no 2, 2015, p. 285‑378.

19 Rendues possibles par une série d’opérations artificielles : convertir un salaire quotidien sur 250 jours ouvrables pour obtenir un salaire annuel ; le convertir en monnaie d’argent considérée comme la monnaie des travailleurs ; inventer une famille médiévale type pour calculer des standards de niveau de vie ; élaborer un modèle de paniers de biens essentiels, de coûts de la vie, etc.

20 Voir notamment C. Ginzburg, « Signes, Traces, Pistes-Racines d’un paradigme de l’indice », Le Débat, no 6, 1980, p. 3‑44 ; Id., Le fil et les traces. Vrai faux fictif, Paris, Verdier, 2006.

21 Voir à cet égard les développements récents de la microstoria globale : R. Bertrand et G. Calafat, « La microhistoire globale : affaires(s) à suivre », Annales. Histoire, Sciences sociales, vol. 73, no 1, 2018, p. 1‑18.

22 P. Beck, P. Bernardi et L. Feller (dir.), Rémunérer le travail au Moyen Âge. Pour une histoire sociale du salariat, Paris, Picard, 2014.

23 A. Jamme, « Le pape, ses légats et la rétribution du service d’armes dans l’Italie du xive siècle », dans P. Beck, P. Bernardi et L. Feller (dir.), Rémunérer le travail au Moyen Âge, ouvr. cité, p. 461‑485.

24 Ibid., p. 475 et p. 480‑483.

25 Ibid., p. 466 : A. Jamme constate des niveaux de rémunération très élevés dans les décennies 1320‑1330, lorsque le conflit entre guelfes et gibelins est le plus violent, puis une baisse dans les années 1340, suivi d’une remontée et d’une stabilisation dans les années 1355‑1366.

26 Ibid., p. 466‑467.

27 F. Boldizzoni, The Poverty of Clio, Princeton, Princeton University Press, 2011.

28 Pour des propositions intégrant les théories et la pratique de l’économétrie, voir C. Dherbécourt et É. Monnet, « Les angles morts de The Poverty of Clio », Tracés. Revue de sciences humaines, no 16, 2016, p. 137‑150, <https://doi.org/10.4000/traces.6584>.

29 Ici, il se rapproche des propositions de C. Dherbécourt et É. Monnet, « Les angles morts de The Poverty of Clio », art. cité, p. 147.

30 Voir notamment L. Feller, « Les écritures de l’économie au Moyen Âge », Revue historique, no 693, 2020, p. 25‑65 ; Id., Richesse, terre et valeur dans l’occident médiéval. Économie politique et économie chrétienne, Turnhout, Brepols, 2021 ; L. Feller, A. Gramain et F. Weber, La fortune de Karol. Marché de la terre et liens personnels dans les Abruzzes au haut Moyen Âge, Rome, Publications de l’École française de Rome, 2005.

31 L. Feller, « Les écritures de l’économie au Moyen Âge », art. cité, p. 44‑45 et p. 59.

32 J. Hayez, « La difficile émergence des écrits marchands parmi les sources des médiévistes », Cahiers électroniques d’histoire textuelle du Lamop, no 10, 2017, p. 40‑41, <https://lamop.pantheonsorbonne.fr/sites/default/[…]/02._Hayez_-_Emergence_des_ecrits_marchands-mod.pdf>.

33 Citons notamment L. Feller et C. Wickham (dir.), Le marché de la terre au Moyen Âge, Rome, Publications de l’École française de Rome, 2005 ; L. Feller et A. M. Rodríguez López (dir.), Objets sous contraintes : circulation des richesses et valeur des choses au Moyen Âge, Paris, Publications de la Sorbonne, 2013 ; L. Feller et C. Denjean (dir.), Expertise et valeur des choses au Moyen Âge, vol. I : Le besoin d’expertise, Madrid, Casa de Velazquez, 2013 ; L. Feller et A. M. Rodríguez López (dir.), Expertise et valeur des choses au Moyen Âge, vol. II : Savoirs, écritures, pratiques, Madrid, Casa de Velazquez, 2016 ; P. Benito i Monclús, S. Carocci et L. Feller (dir.), Économies de la pauvreté au Moyen Âge, Madrid, Casa de Velazquez, 2023.

34 Voir J. Claustre (dir.), Transiger. Éléments d’une ethnographie des transactions médiévales, Paris, Publications de la Sorbonne, 2019.

35 L. Feller et A. Gramain, L’évident et l’invisible. Questions de méthodes en économie et en histoire, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2022.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Cédric Quertier, « « Pourquoi deux années comptent ? » Note critique : William Caferro, Petrarch’s War. Florence and the Black Death in Context »Cahiers d’études italiennes [En ligne], 37 | 2023, mis en ligne le 30 septembre 2023, consulté le 20 avril 2025. URL : http://journals.openedition.org/cei/13928 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cei.13928

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