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Dossier

Le tableau parisien des Goncourt en ouverture de l’Histoire de la société française pendant le Directoire : du chaos urbain à la recomposition historique

The Goncourts’ Paris picture at the opening of the Histoire de la société française pendant le Directoire : from urban chaos to historical recomposition
Catherine Thomas-Ripault
p. 13-27

Résumés

Dans le premier chapitre d’Histoire de la société française pendant le Directoire, les Goncourt offrent un tableau de Paris aux lendemains de la Révolution française, révélateur de transformations topographiques et de nouvelles formes de sociabilité. Mais si l’espace urbain ainsi dépeint reflète l’évolution de l’histoire, il permet aussi de lui donner du sens : les descriptions sont empreintes d’une idéologie contre-révolutionnaire qu’éclairent d’autres ouvrages des deux frères, et sont contaminées par des sentiments nostalgiques qu’inspire le Paris contemporain. Il ne s’agit pourtant pas pour les écrivains de proposer une satire sociale, mais de garder la mémoire d’un espace dans lequel s’inscrivent plusieurs temporalités, de recomposer une époque à partir de laquelle Paris ne cesse de se métamorphoser.

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Texte intégral

  • 1 « Comme la plupart des esprits troublés de notre temps, ils ont pris Paris pour la France, et au li (...)

1Dans Histoire de la société française pendant la Révolution et Histoire de la société française pendant le Directoire, parus respectivement en 1854 et 1855, les Goncourt, qui élaborent une conception de l’histoire plus tard exposée dans différentes préfaces, étudient les conséquences de la Révolution sur les mœurs, sans se placer d’un point de vue politique. C’est à travers la mode, les salons, la vie artistique, les bals ou la presse qu’ils restituent l’évolution de la société. Or l’histoire de la société française des Goncourt est essentiellement une histoire de la société parisienne, ainsi que l’ont souligné plusieurs critiques à l’époque où parurent ces ouvrages, au premier rang desquels Barbey d’Aurevilly1, qui leur en fait le reproche. Le premier chapitre d’Histoire de la société française pendant le Directoire, en particulier, a retenu notre attention car il est tout entier consacré à la description minutieuse de la capitale : si cette dernière est souvent évoquée dans les deux volumes, aucun autre chapitre ne lui est ainsi consacré, avec cette volonté d’offrir un tableau d’ensemble de la scène parisienne. Il s’agit de montrer Paris aux lendemains de la Révolution française, et d’étudier les modifications que cet événement crée dans les habitudes citadines et le paysage urbains. Ce texte, de très loin le plus long des 14 chapitres qui composent le volume – 115 pages, contre une vingtaine en moyenne pour les autres sections – s’inscrit ainsi dans une longue tradition d’observation littéraire de la ville : à partir du milieu du XVIIIe siècle paraît une profusion d’écrits sur la capitale française, des guides, des recueils d’anecdotes, des travaux érudits, des études de mœurs, ou des nouvelles à la main, dont les deux frères se nourrissent pour écrire leurs ouvrages historiques. C’est dans la lignée de ces chroniques urbaines que les Goncourt offrent, par une abondance de faits, de sons et d’images, un tableau de Paris révélateur à la fois de transformations topographiques et de nouvelles formes de sociabilité. Mais si l’espace urbain reflète l’évolution de l’histoire, nous verrons qu’il permet aussi de lui donner du sens : les descriptions des Goncourt sont empreintes d’une idéologie qu’éclairent d’autres ouvrages des deux frères, et sont contaminées par des sentiments qu’inspire le Paris contemporain. Il ne s’agit pourtant pas de proposer une satire sociale, mais plutôt de garder la mémoire d’un espace dans lequel s’inscrivent plusieurs temporalités, de reconstruire une époque qui ouvre une ère au sein de laquelle Paris ne cesse de se métamorphoser.

Un monde en pleine mutation

  • 2 Dominique Pety évoque le modèle du guide touristique comme dispositif énonciatif permettant de crée (...)
  • 3 Edmond et Jules de Goncourt, Histoire de la société française pendant le Directoire, nouvelle éditi (...)
  • 4 Robert Ricatte, La Création romanesque chez les Goncourt, 1851-1870, Paris, A. Colin, 1953, p. 61.

2Dans ce chapitre directement inspiré des tableaux de mœurs parus sous le Directoire, les deux frères se veulent les observateurs attentifs d’un Paris tout juste marqué par les profonds bouleversements causés par la Révolution française. Remontant au plus près de l’événement, ils tentent d’en saisir les conséquences directes de la façon la plus précise et la plus complète possible. Les descriptions suivent le regard de promeneurs qui déambulent dans les rues de la ville, partant de la Cité jusqu’au pourtour de la capitale, pour s’achever par la vision du château de Versailles. Plus qu’à des voyageurs soumis aux découvertes que livrent les hasards d’un parcours pittoresque, c’est à des guides2 acharnés que nous avons affaire : de manière méthodique, « section par section3 », rue après rue, ils font l’inventaire de ce qui reste, de ce qui change et de ce qui n’est plus par rapport au Paris pré-révolutionnaire, afin de nous livrer, en une « poussière de détails4 », une description qu’ils veulent fidèle et neutre du paysage urbain. L’expression est âpre, dénuée de lyrisme, le lecteur pris à parti par de fréquentes apostrophes et des impératifs qui lui indiquent un itinéraire à suivre et l’incitent à ne rien perdre du spectacle ainsi offert à son regard.

  • 5 Histoire de la société française pendant le Directoire, op. cit., p. 3.
  • 6 Ibid., p. 71-72.
  • 7 Ibid., p. 88.
  • 8 Ibid., p. 47.

3Au gré de ce méticuleux recensement, apparaît une succession de rues, places, faubourgs, monuments, bâtiments, en une étourdissante accumulation de toponymes. Scènes et paysages urbains se succèdent au rythme rapide d’une marche pressée, comme frappée par le nombre et l’importance des changements enregistrés : c’est un Paris en pleine mutation que nous livrent les Goncourt, particulièrement attentifs au mouvement, aux métamorphoses qui animent ce tableau. Dès les premières pages du chapitre, ils insistent sur l’agitation régnant dans les rues de la ville, où l’on croise des « traiteurs par centaines » et des « marchands de vin et d’eau de vie par milliers5 ». Les écrivains restituent les « mille bruits6 » de Paris, les musiques et les disputes qui retentissent dans les cafés, l’appel des cochers qui annoncent le prix d’une course ou les cris des marchands. Ils décrivent des mouvements de foule ou s’attardent sur des groupes humains plus restreints, et peignent alors de petites scènes vivantes : le marché des Innocents qui offre un « tapage de voix, de couleurs, d’aspects7 » ; le va-et-vient des ouvrières et des grisettes sur les boulevards Saint-Denis et Saint-Martin ; les promenades des familles dans les jardins publics. Évolutif, mouvant, l’espace urbain dans son ensemble paraît soumis à d’incessantes reconfigurations : de nombreux bâtiments sont détruits, d’autres se voient occupés, réaménagés pour s’adapter à de nouvelles fonctions, tandis que des constructions surgissent sur les ruines de l’ancien bâti. Les jardins se transforment également : agrandis et embellis, les Champs-Élysées ou le jardin des Plantes deviennent des promenades courues. Certains lieux changent radicalement de physionomie, comme la Chaussée-d’Antin, ce « nouveau Paris8 » :

  • 9 Ibid., p. 50.

Quelle ville improvisée par la Révolution, cette Chaussée-d’Antin, où quelques palais d’actrices semés de loin en loin semblaient, au dix-huitième siècle, les jalons d’une cité projetée ! quelle construction rapide ! quelle face nouvelle prend soudain cette terre de marais et de pépinières abandonnée aux maraîchers, ce verger bourbeux que nous montre le plan de Turgot ! les maisons viennent se ranger à côté des maisons ; les bâtisses relient les cottages jetés çà et là par Bellanger ; les chemins deviennent des rues […]9

4Les transformations urbaines, aussi radicales que rapides, créent une impression de bouillonnement qui semble fasciner les deux frères et qu’ils restituent parfaitement. Nul doute que leur éloge des tableaux de mœurs rédigés sous le Directoire, formulé au chapitre VIII de leur ouvrage, fait écho à ce qu’eux-mêmes recherchent dans leur peinture :

  • 10 Ibid., p. 257.

Une lanterne magique immense, où le Paris de la Révolution défile bruyant, mouvementé, plein de fièvre et de cris, de fêtes et de folies ; un grand livre, où la pensée est jetée, le style libre et vigoureux, le crayonnage hardi, le coloris ardent, une toile à tout moment changeante où se pressent et se poussent les événements, les foules, les tragédies, les orgies […] témoignage d’une belle âme et d’un grand peintre, immense et courageuse entreprise ; grandes pages de la chronique morale de la France, où la grande histoire viendra puiser10 !

5Les Goncourt renvoient en particulier au Nouveau Paris de Louis-Sébastien Mercier, souvent cité dans leurs notes : la référence apparaît à la fois comme une source et comme un modèle pour les écrivains, qui saisissent l’énergie d’une période en pleine ébullition.

Un tableau à portée idéologique

  • 11 Voir l’article de Pierre-Jean Dufief : « Les Goncourt moralistes et politiques », Cahiers Edmond et (...)

6Mais s’ils disent l’émergence de forces nouvelles, les bouleversements recensés créent surtout une impression de confusion, de chaos. Pour être changeante, évolutive, la ville n’en accomplit pas moins toujours le même mouvement : marqué par les figures de la répétition et de l’accumulation, le texte enregistre inlassablement le spectacle de bâtiments partiellement ou entièrement détruits, et le style saccadé, fait de phrases nominales, de nombreuses incises et de longues énumérations, suscite une impression d’éclatement. Devenue méconnaissable aux yeux de ceux qui l’habitèrent avant la Révolution, Paris n’offre plus de cohérence, de structure. Et c’est d’autres écrits des deux frères parus à la même époque qui permettent de donner du sens à ce tableau, en laissant peu de doutes sur le regard que les écrivains portent sur le phénomène révolutionnaire : l’Histoire de la société française pendant la Révolution souligne déjà le passage d’une société raffinée à une société percluse de vices ; de manière plus radicale La Révolution dans les mœurs, court ouvrage paru la même année de manière presque confidentielle, analyse les conséquences de la Révolution en un réquisitoire sans appel : devenue bourgeoise, pragmatique, tout entière dominée par l’argent et la politique, la société française a perdu l’éclat, la grâce, l’harmonie d’un XVIIIe siècle présenté comme un modèle politique, esthétique et social11. Dès lors le premier chapitre de l’Histoire de la société française pendant le Directoire peut se lire comme une illustration de ce pamphlet : à travers les descriptions d’un Paris saccagé, dont les principaux bâtiments changent brusquement de fonction, les écrivains dénoncent l’industrialisation et l’embourgeoisement de toute une société. Les églises, les couvents, les théâtres, les cafés, les collèges, les palais ou les hôtels particuliers, autant de lieux représentant une forme de spiritualité, de culture ou d’art, sont non seulement en partie détruits et pillés mais largement dévoyés : réquisitionnés pour abriter de nouvelles activités, ils se voient investis par deux notions principales, synonymes, pour les Goncourt, de modernité : l’argent et la vulgarité.

7C’est en effet avant tout le commerce et l’industrie qui s’emparent de ces bâtiments, brusquement convertis, comme le font apparaître inlassablement les deux frères, en salles de vente, marchés, magasins, ou ateliers, fabriques et dépôts. Les Goncourt rendent compte d’une époque où quantité d’églises, de couvents ou d’immeubles, devenus biens de la Nation, sont abattus en vue d’opérations immobilières ou vendus à bas prix. Livrés à la spéculation publique ou privée, les bâtiments deviennent le matériau d’une nouvelle configuration sociale et urbaine et c’est la ville tout entière qui s’apparente, dans leur tableau parisien, à un vaste marché :

Spectacle étrange ! une partie de Paris vend l’autre !... tout le ci-devant Paris est à l’encan ! Partout biens nationaux à vendre ! partout vente d’effets et de mobiliers au nom et profit de la République ! — C’est la liquidation de la guillotine.

  • 12 Histoire de la société française pendant le Directoire, op. cit., p. 4.

Vente des condamnés, des émigrés, des confisqués, des ruinés ! Paris ! un marché où la voix des crieurs jamais ne se repose12.

8Paris apparaît sous la plume des Goncourt comme une ville démembrée, objet d’une marchandisation forcenée. Quand elles n’indiquent pas l’emprise du commerce et de l’industrie, les transformations relevées marquent le développement de l’administration, ou le triomphe des mœurs bourgeoises : des hôtels fastueux ou des lieux de culte se transforment en bureaux ou en espaces de loisirs, et l’insistance avec laquelle les écrivains relèvent le prestige et la beauté des anciens bâtiments reconfigurés selon des exigences pragmatiques confère une portée symbolique aux changements énoncés, comme lorsqu’ils évoquent l’installation de bains publics au sein d’intérieurs prestigieux :

  • 13 Ibid., p. 22-23.

En ce rez-de-chaussée, où le duc de Chabot, amateur honoraire de l’Académie royale de peinture et de sculpture, avait rassemblé mille chefs-d’œuvre des trois écoles, — des baignoires sont installées ; les tuyaux de conduite d’un bain public se font jour à travers les pilastres doriques de la façade […]13.

  • 14 Voir par exemple, parmi bien d’autres, cet extrait : « cette circonvallation de donations religieus (...)
  • 15 26 mars 1860, Journal, Mémoires de la vie littéraire, éd. R. Ricatte, Paris, Laffont, coll. « Bouqu (...)

9La mention récurrente de collections particulières dispersées, de statues brisées, de tableaux volés, d’archives brûlées, dit assez le désaveu des deux frères face à l’action des Révolutionnaires et l’avènement d’une société qu’ils estiment réfractaire à la beauté. La longue énumération des restaurants, des cabarets et des cafés, des hôtels garnis et des pensions, qui donnent lieu à de nouvelles constructions ou au réaménagement d’anciens bâtis, met encore l’accent sur les changements d’une société qui cherche à se divertir, en un mouvement qu’ils présentent comme une véritable profanation14. La multiplication des noms propres renvoyant aux personnes qui animent désormais la ville, les cabaretiers les plus célèbres, des vendeurs ou des prostituées, contribuent à la création d’un Paris dominé par l’esprit d’individualisme, qui se transforme sous l’œuvre incessante de milliers d’artisans, commerçants et ouvriers. Dramatisé comme espace de violence, Paris est le jeu d’oppositions significatives, comme lorsque la caricature, « cet art qui est à l’art ce que la gaudriole est à l’amour, […] un plaisir de famille bourgeoise15 », investit un bâtiment religieux :

  • 16 Histoire de la société française pendant le Directoire, op. cit., p. 45.

Et la grande galerie du couvent, la galerie de cent soixante-sept mètres de long, où les filles de la Passion, jambes nues, traînaient leurs sandales, — qu’est-elle ? Le musée du rire, le panthéon de la malice, la bibliothèque des pamphlets du crayon. Des caricatures la tapissent du haut jusqu’en bas. […] toutes les choses et tous les hommes, la Révolution et la Contre-Révolution, et Malo et Laharpe, et les mœurs et les crimes et les modes sont fouettés plaisamment en cet hôtel de l’épigramme. Et tout Paris vient là trouver bien ridicules la guillotine et les Frères-tueurs16.

  • 17 Dans La Révolution dans les mœurs la rupture entre la société d’Ancien Régime et la société moderne (...)

10Ainsi la déambulation à laquelle nous convient les Goncourt suit les méandres d’une ville dont les signes ont radicalement changé. La vulgarité, l’utilitarisme ont envahi Paris, en un mouvement dont la brutalité illustre le caractère manichéen de la pensée des deux frères lorsqu’ils envisagent le passage du XVIIIe siècle au XIXe siècle17.

  • 18 Histoire de la société française pendant le Directoire, op. cit., p. 11.
  • 19 Ibid., p. 2.
  • 20 Ibid., p. 20.
  • 21 Philippe Hamon, Imageries, littérature et image au XIXe siècle, édition augmentée, Paris, Corti, 20 (...)
  • 22 Ibid., p. 163.
  • 23 « Errez par les rues de Varennes, de Grenelle, de Saint-Dominique, de l’Université, de Bourbon, que (...)

11C’est donc en moralistes que les Goncourt dressent le tableau d’une ville dont chaque modification dénonce l’action abrutissante menée par la Révolution. Apparemment absents de leur tableau, ils se livrent pourtant à une interprétation sociale et politique du paysage urbain qui donne à leur texte une portée réactionnaire. « La République », « la Révolution », sont les forces agissantes responsables de ces transformations, plusieurs fois associées au verbe « violer », ou « mutiler ». L’action des révolutionnaires est ainsi assimilée au vandalisme, à une destruction massive créant un espace dénué de toute humanité : en dépit de l’agitation relevée, la ville semble étrangement livrée à elle-même. L’usage intensif des voix pronominale et passive (un hôtel « se vend », une porte « a été abattue », l’église de Saint-Nicolas du Chardonnet « a été dépouillée de son calvaire magnifique ») ou les multiples participes passés au préfixe en –dé (détruit, démoli, dégradé, déshonoré, dépouillé, etc.) lient l’action à une force invisible, inéluctable, d’une violence d’autant plus inquiétante que son origine est diffuse. La personnification de la ville tout entière ou de ses immeubles, figure dominante de ce chapitre, crée l’impression que ce sont les bâtiments eux-mêmes qui livrent bataille : ainsi « l’hôtel Bretonvillier voit sa galerie peinte par Bourdon, Chamerton, Baptiste, et ses grandes salles, déshonorées et mutilées par des bureaux et des logis d’ouvriers18 ». La mention des nombreuses affiches qui couvrent les murs contribue à cet effet de déshumanisation : « Au hasard, allons. Des affiches partout ; les murailles semblent bâties en papier19 », notent les Goncourt au début de leur description, et plus loin ils évoquent « la fontaine de Grenelle, déshonorée par des affiches et des placards20 ». Non seulement les affiches témoignent de « multiples déplacements culturels21 », ainsi que l’a montré Philippe Hamon, comme le passage du privé vers le public, l’industrialisation de la littérature, ou le « dévoiement des images mises au service du commerce22 », mais elles contribuent à effacer l’architecture parisienne, à nier le Paris d’avant 1789. Les murs deviennent tous identiques, un papier sans épaisseur, éphémère, remplace les constructions historiques, et fait entendre une parole mercantile qui ne vient d’aucune voix humaine. La ville est alors un espace dans lequel les promeneurs ne peuvent plus qu’« errer23 » à la recherche de temps plus anciens.

Le Paris du Directoire reflet du Paris contemporain

12L’émotion, l’indignation que suscite la démolition du patrimoine sont au cœur d’une histoire que les Goncourt ne conçoivent pas autrement qu’intime, c’est-à-dire relative aux individus mais aussi imprégnée de leur propre sensibilité et de leurs convictions profondes. Les écrivains, contrairement aux auteurs des tableaux de Paris dont ils s’inspirent, ne se font pas ici les peintres de la vie contemporaine : ils recomposent, à partir d’archives – journaux, papiers, affiches –, la ville telle qu’elle se présentait une soixantaine d’années plus tôt. L’ampleur des notes de bas de page met l’accent sur ce travail de recomposition : elles désignent l’éparpillement à partir duquel les deux frères vont construire l’œuvre bâtie qu’ils proposent au lecteur, en une sorte de geste architectural qui fait pendant au mouvement de destruction systématique dont leur tableau témoigne. L’érudition prend le pas sur l’observation et peut dialoguer avec l’expérience et l’imagination pour reconstituer un espace dans lequel les écrivains projettent des regrets et des angoisses toutes modernes.

  • 24 « Historiquement, c’est là que, pour les deux frères, commencent les temps modernes, que s’inaugure (...)
  • 25 18 novembre 1860, Journal, t. I, op. cit, p. 632.

13C’est d’abord leur propre époque que les deux frères mettent à distance : la révolution de 1848 a réactualisé les peurs et les polémiques de 1789, et marque durablement les consciences ; pour les Goncourt elle constitue, ainsi que l’a montré Jean-Louis Cabanès, une profonde rupture à partir de laquelle s’ouvrent « les temps modernes24 » dans lesquels les deux frères ne se reconnaissent plus. En outre le « temps de construction25 » qui est le leur présente plus d’une similitude avec le temps de destruction qu’ils décrivent dans leur histoire du Directoire. De nombreuses transformations urbaines, dans les années 1850, modifient radicalement le paysage parisien. Les travaux d’Haussmann engendrent à partir de 1852 la construction mais aussi la démolition de nombreux bâtiments, créant un sentiment de perte et un climat d’inquiétude qui rappellent l’époque post-révolutionnaire. Ainsi, sous les bouleversements politiques et urbains, le Paris des Goncourt disparaît, comme le Paris du XVIIIe siècle s’effaçait sous le vandalisme des révolutionnaires :

  • 26 Ibid.

Notre Paris, le Paris où nous sommes nés, le Paris des mœurs de 1830 à 1848, s’en va. Il s’en va par le matériel, il s’en va par le moral. La vie sociale y fait une grande évolution qui commence. La vie retourne à devenir publique. Tout cela me fait l’effet d’être, dans cette patrie de mes goûts, comme un voyageur. Je suis étranger à ce qui vient, à ce qui est, comme à ces boulevards nouveaux, qui ne sentent plus le monde de Balzac — qui sentent Londres, quelque Babylone de l’avenir. Il est bête de venir ainsi dans un temps en construction : l’âme y a des malaises, comme un homme qui essuierait des plâtres26.

  • 27 Revenus du Salon de 1857, les Goncourt déclarent ainsi : « Plus une main douée ! plus le génie écla (...)

14Se promenant dans la ville moderne, les deux frères sont heurtés par les mêmes signes qui blessent le regard des voyageurs imaginaires aux lendemains de 1789 : la destruction du Paris historique livre la ville à la spéculation immobilière, tandis que les commerces et les manufactures continuent de se développer. Les affiches sont omniprésentes, au point qu’elles semblent pouvoir incarner, pour les promeneurs de 1857, la décadence de l’art pictural, ainsi que l’indique une note du Journal27. Les Goncourt se sentent étrangers dans cette ville qui amplifie les méfaits de la Révolution française : le Journal comme la correspondance, à l’époque où ils rédigent l’Histoire de la société française pendant la Révolution et le Directoire, témoignent d’une profonde lassitude, voire d’une véritable haine vis-à-vis de leur époque, qui se traduit par le désir de fuir la ville, comme le montrent ces mots envoyés à Aurélien Scholl quelques jours avant leur départ pour l’Italie :

  • 28 4 octobre 1855, Correspondance générale des Goncourt, t. I, éd. établie, présentée et annotée par P (...)

Ils s’en vont parce qu’ils s’ennuient, parce que la patrie leur porte sur les nerfs, parce qu’ils ont une nostalgie à rebours, parce qu’ils ont grand besoin de rompre avec leur ruisseau et leur Paris, cinq ou six mois28.

15Le Paris d’après la Terreur donne ainsi corps à des impressions qui naissent du spectacle de la ville et de la société contemporaines : la peur du désordre, la haine du monde moderne, la sensation d’être exilés, « voyageurs » en leur propre temps, mais aussi le sentiment de vivre une époque vouée à une disparition imminente. Au début des années 1850, les deux frères expriment le besoin d’élaborer un tableau de Paris, mais du Paris contemporain, qui préserverait l’image de la ville avant qu’elle ne disparaisse :

  • 29 20 août 1855, Journal, t. I, op. cit., p. 143.

Nous lui [Henri Valentin, dessinateur à l’Illustration] disions qu’il y avait une fort belle illustration à faire de Paris : des tableaux comme Mabille, La Morgue, un cabaret de la Halle, etc. : enfin, prendre un tableau dans le plaisir et la douleur, à tous les étages et dans tous les quartiers ; mais cela bien fait, d’après nature et non de chic, et pouvant servir de document pour plus tard. Et nous nous plaignons à lui que l’avenir n’aurait point de renseignements vrais sur tout cela29.

  • 30 Voici comment les Goncourt évoquent l’évolution du projet qui aboutit aux deux volumes de l’Histoir (...)
  • 31 4 novembre 1856, Journal, t. I, op. cit., p. 214.

16La mention du « tableau dans le plaisir et la douleur » rappelle le titre auquel les Goncourt avaient pensé pour le petit volume qui fut le point de départ de leur Histoire du Directoire : Histoire du plaisir sous la Terreur30. Le 4 novembre 1856 c’est le projet d’une œuvre littéraire, et non plus picturale, qu’ils évoquent, un texte qui, sur le modèle du Tableau de Paris de Mercier et de La Gazette de Champfleury, représenterait « les nouvelles sociales, la philosophie de l’aspect des salons, du monde et de la rue31 ». Le milieu du XIXe siècle comme la période post-révolutionnaire font naître le besoin de garder la mémoire d’une ville dont les multiples métamorphoses annoncent la progressive disparitio

Le Paris fantasmagorique : la lutte contre l’oubli

17L’écriture de l’histoire récente sous la forme d’un tableau urbain est ainsi une façon de matérialiser ses peurs et de pallier le sentiment d’accélération du temps et de rupture opéré par la Révolution française ; en recomposant Paris à l’époque du Directoire, les écrivains tentent de freiner un mouvement qui n’ira qu’en s’amplifiant et dont ils subissent les retombées. Mais ce n’est pas seulement le Paris post-révolutionnaire que les narrateurs-promeneurs fixent dans leur ouvrage : la ville fait cohabiter différentes strates temporelles, qu’ils saisissent sur le mode de la succession ou de la simultanéité. Marcher dans Paris est un voyage dans le temps, d’abord parce que celui-ci ne s’écoule pas partout de la même façon. Alors que la Chaussée-d’Antin s’affirme comme un quartier nouveau, tourné vers le futur, les quartiers populaires, moins touchés par la Révolution, font perdurer le Paris d’autrefois. La Courtille et Belleville, par exemple, reproduisent des mœurs qui semblent ancestrales :

  • 32 Histoire de la société française pendant le Directoire, op. cit., p. 53.

La révolution n’a rien ruiné par là, et le peuple et la joie s’y donnent rendez-vous, tout comme jadis. On y chante, on y saute, on y lève le coude, on y embrasse, et on y casserait les plats s’ils n’étaient en étain32.

  • 33 En mars 1859 ils évoquent l’idée de publier un recueil de gravures inédites intitulé « Paris au XVI (...)

18Des quartiers échappent aux démolitions et restituent un passé qui, sous les pas des voyageurs, alterne avec un présent qui lui est étranger. Mais les lieux défigurés par la Révolution livrent eux-mêmes aux promeneurs attentifs une image précise d’un passé tout récent : le « Paris du XVIIIe siècle33 », que nos guides font surgir de chaque ruine observée, de chaque transformation, comme dans cet extrait, construit sur le motif de l’ubi sunt, où il est question des métamorphoses subies par le château d’Anet, non loin de la capitale :

  • 34 Histoire de la société française pendant le Directoire, op. cit., p. 108.

Anet, une ruine ! plus rien que des murailles ! les plafonds peints par Audran, brûlés ! […] Où donc ces jardins, ces terrasses magnifiques dont [le duc de Vendôme] avait doté le château ? et ces canaux, qu’il avait créés à si grands frais, ne sont plus que le lit d’un amas de fange, où croupit une eau pourrie ! les parcs de Lenôtre sont coupés, tous les bois, pour une misère, un rien, un peu d’argent comptant, on les a vendus, donnés ; la statue en marbre de Diane de Poitiers à genoux n’est plus que morceaux ; et, au village voisin, le mausolée de Diane sert de mangeoire aux chevaux34 !

19L’énumération des splendeurs disparues permet ainsi de recomposer, même pour en dire l’anéantissement, l’image du château d’autrefois. La promenade est liée à la mémoire, elle incite à déceler dans un même espace deux temps qui s’opposent d’autant plus violemment que, cette fois, ils se superposent. Les noms des anciens propriétaires d’hôtels particuliers, mêlés à ceux des nouveaux occupants, font naître le souvenir du Paris d’Ancien-Régime, d’autant plus désirable qu’il a été balayé par une réalité dénuée de toute grandeur  :

  • 35 Voir également l’évocation de « l’hôtel Galiffet, devenu, avec sa galerie de quatre-vingt-dix pieds (...)

Rentrant dans la rue Saint-Dominique, vous songez à l’hôtel de Luynes, à l’escalier peint en architecture par Brunetti, à ces figures qui peuplaient les entre-colonnements. Le voici, l’hôtel de Luynes ; quel tapage ! Quelle marmaille dans les salons ! De l’hôtel de Luynes, le citoyen Baudin a fait une crèche payante pour les enfants de quinze mois à sept ans35.

20En dépit des violentes mutations le passé demeure lisible, et c’est toute une société disparue qui se dessine, en surimpression, à travers les ruines et le chaos. Exact contre-point de la modernité, elle semble condenser toutes les vertus sociales. Ainsi l’agitation de Paris avant la Révolution, faite de fantaisie et de légèreté, semble sans commune mesure avec le tumulte post-révolutionnaire. Le plaisir a changé de nature, comme l’indique le déplacement des lieux de fête :

  • 36 Ibid., p. 59.

Le boulevard du Temple, le boulevard des Audinot, des Nicolet, des Sallé, et des Yon, et des Godet, et des Bancelin et des Emery ! ce boulevard des spectacles, des cafés, des restaurateurs et des jardins publics ; ce rempart de joies, de liesses, de bruits, de folies, où le beau monde même venait s’oublier et s’ébattre ! quelle décadence ! Ce n’est plus que le Palais-Royal ignoble des crapuleux faubourg, où se démènent, s’agacent et s’égosillent ivrognes et prostituées, histrions imberbes et Phrynés de huit ans, crincrins et chansons36 !

21Les Goncourt ressuscitent ainsi, entrelacée dans les descriptions du Paris du Directoire, l’image d’un espace-temps prestigieux, qui participe à l’élaboration du mythe d’un paradis récemment perdu, d’un âge d’or brusquement enseveli. Paré d’une richesse artistique et culturelle inégalée, le Paris du XVIIIe siècle est subitement convoqué sur un mode lyrique qui couve, tout au long du chapitre, sous la neutralité affichée et laisse affleurer une image fantasmée de la ville :

Ô Paris lettré ! Paris élégant ! Paris bavard ! Paris comédien ! Paris public ! Paris amusé ! Paris de l’arbre de Cracovie et du Théâtre-Français, de l’académie de la Guérinière et du café Procope, du café des Boucheries et de la foire Saint-Germain !

  • 37 Ibid., p. 15-16.

Petite capitale du XVIIIe siècle ! je vous redemande aux échos, je vous redemande aux souvenirs37.

22 L’écriture se fait trace de plusieurs réalités disparues : en livrant à la fois ce qu’était Paris avant la Révolution, et ce qu’il devint immédiatement après, le texte préserve deux images de la ville toutes deux révolues. Par leur méticuleux inventaire des monuments et des bâtiments détruits, des objets d’art disparus ou endommagés, les narrateurs-promeneurs agissent en commissaires-priseurs, mais davantage en vue d’un héritage que d’une vente publique : ils tentent de sauver les vestiges qui, sans leur recensement minutieux, risquent de sombrer à jamais dans l’oubli. Ainsi peut-on les rapprocher du peintre Martin évoqué dans leur tableau, « ce prince des brocanteurs » qui arpente les rues de la capitale aux lendemains de la Révolution :

  • 38 Ibid., p. 31.

Homme brusque et bourru, morigénant le Conservatoire du Musée national, mais fureteur, mais dépisteur des grandes collections, par ces temps de dispersion des belles choses ; actif et habile voyageur à la suite du vandalisme, courant la France, retrouvant des chefs-d’œuvre […]38.

  • 39 Edmond et Jules de Goncourt, Histoire de la société française pendant la Révolution, deuxième éditi (...)

23Comme le brocanteur qui sauve ce qui peut l’être des mains des vandales, les voyageurs fictifs recensent les derniers vestiges de l’ancien Paris, et exhument des ruines du Directoire les traces de l’ancien temps. L’image des deux frères en promeneurs parisiens renvoie aussi à l’activité des Goncourt historiens-collectionneurs, qui s’attachent à saisir dans le Paris du Second Empire les restes – productions artistiques, archives ou objets de la vie de tous les jours – à partir desquels ils ressuscitent le Paris du Directoire ou un XVIIIe siècle qu’ils affectionnent et qu’ils idéalisent. Il s’agit toujours de faire renaître, à partir d’objets divers, un passé tout juste détruit, « une société si proche tout à la fois, et si éloignée de nous39 ».

24Rapporter l’implacable fragmentation de Paris en milliers d’objets et de débris exposés dans les rues à la suite de pillages ou au cours de ventes de biens nationaux, c’est alors déplorer les violences de la Révolution mais aussi désigner l’origine de leur histoire, ce moment où l’Ancien Régime devient patrimoine, où le XVIIIe siècle, pensé comme irrémédiablement clos, se fait objet de désir pour les amateurs de curiosités. Transformés en un gigantesque magasin à ciel ouvert, certains quartiers de Paris apparaissent comme de véritables paradis pour les collectionneurs : ils exposent la matière même de l’histoire des Goncourt, des morceaux du passé soudain devenus supports d’une histoire sociale :

  • 40 Histoire de la société française pendant le Directoire, op. cit., p. 31.

La belle ligne de quais, à partir du quai des Augustins, pour le commerce de la curiosité ! Les grands hôtels qui la tenaient tout entière, démembrés par la révolution, — ce ne sont que boutiques ; ce ne sont que petits Dunkerque étalant à un vitrage, à une fenêtre, à un coin de mur, étalant même sur la dure, et l’art, et le mobilier, l’héritage tout entier du siècle proscrit. Et ainsi se fonde le musée de nos quais modernes40.

  • 41 Voir Élisabeth Launay, Les Frères Goncourt collectionneurs de dessins, Paris, Arthena, 1991, p. 83.
  • 42 « […] on rencontrait alors des dessins, et des dessins de l’école française du XVIIIe siècle chez t (...)
  • 43 « Chaque chose particulière devient […] une encyclopédie rassemblant tout ce qu’on sait de l’époque (...)

25L’image rappelle celle de « la vieille place du Carrousel » ou des arcades de l’Institut à la fin des années 183041, quand les deux frères trouvaient des dessins du XVIIIe siècle par centaines dégorgeant de « cartons baillant entr’ouverts42 », et commençaient une collection dont Dominique Pety a montré le rôle essentiel dans leurs reconstitutions historiques. La période qui suit la Révolution française est ce moment originel à partir duquel dessins, papiers, ruines, morceaux d’art, commencent à acquérir du sens pour les historiens, au point que, pour eux comme pour les collectionneurs, « ils portent l’esprit de tout un siècle43 ». Pour les guides qui nous promènent dans Paris à l’époque du Directoire, comme pour les historiens qui envisagent le passé depuis les années 1850, il s’agit d’assembler ces « débris » de la ville défigurée par la Révolution pour reconstruire un tableau d’ensemble, replacer le détail dans la totalité qui le constituait et ainsi reconstruire un paysage urbain sauvé de la dispersion et de l’oubli.

26Ce premier chapitre de l’Histoire de la société française pendant le Directoire, qui reflète, en raccourci, l’ensemble de l’ouvrage, met l’accent sur ce qui fascine les Goncourt dans le Paris d’après la Révolution : l’effervescence de la ville, son bouillonnement, la manière dont elle dramatise le fossé qui oppose XVIIIe et XIXe siècles, et se mue en une vaste brocante. Elle porte, surtout, la force symbolique des temps inauguraux : point de non-retour à partir duquel la société ne cesse de se métamorphoser, époque où plusieurs temporalités se confrontent et où le passé se fragmente en éclats, elle marque la naissance d’une image mythique de l’Ancien Régime, et favorise un sentiment historique qui mêle préoccupations idéologiques et pensée nostalgique.

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Notes

1 « Comme la plupart des esprits troublés de notre temps, ils ont pris Paris pour la France, et au lieu de nous donner l’histoire de la société française pendant la Révolution, ils nous ont donné l’histoire de la société parisienne. Mensonge qui serait une injure, si ce n’était pas une erreur ! » (« À propos de la publication par les Goncourt d’une Histoire de la société française pendant la Révolution », Le Pays, 26 avril 1854, repris dans Les Œuvres et les Hommes, Genève, Slatkine, 1968, XXI, p. 58).

2 Dominique Pety évoque le modèle du guide touristique comme dispositif énonciatif permettant de créer l’illusion d’une proximité avec l’époque décrite (voir « Les Goncourt et l’Histoire de la société française pendant la Révolution. Montages documentaires, modèles énonciatifs et statut de l’historien », Europe, 2015, nov.-déc., p. 40-41).

3 Edmond et Jules de Goncourt, Histoire de la société française pendant le Directoire, nouvelle édition, Paris, Charpentier et Fasquelle, 1892, op. cit., p. 7.

4 Robert Ricatte, La Création romanesque chez les Goncourt, 1851-1870, Paris, A. Colin, 1953, p. 61.

5 Histoire de la société française pendant le Directoire, op. cit., p. 3.

6 Ibid., p. 71-72.

7 Ibid., p. 88.

8 Ibid., p. 47.

9 Ibid., p. 50.

10 Ibid., p. 257.

11 Voir l’article de Pierre-Jean Dufief : « Les Goncourt moralistes et politiques », Cahiers Edmond et Jules de Goncourt, 2008, n° 15, p. 143-156.

12 Histoire de la société française pendant le Directoire, op. cit., p. 4.

13 Ibid., p. 22-23.

14 Voir par exemple, parmi bien d’autres, cet extrait : « cette circonvallation de donations religieuses qui fermait le jardin du côté du boulevard, et mettait la clef des Tuileries dans la poche des Feuillants ; ce rempart de bâtiments religieux adossés à la terrasse des Feuillants […] n’est plus qu’une ligne de traiteurs, de restaurateurs et de maisons de plaisir » (ibid., p. 40).

15 26 mars 1860, Journal, Mémoires de la vie littéraire, éd. R. Ricatte, Paris, Laffont, coll. « Bouquins », t. I, p. 547.

16 Histoire de la société française pendant le Directoire, op. cit., p. 45.

17 Dans La Révolution dans les mœurs la rupture entre la société d’Ancien Régime et la société moderne apparaît comme radicale, et les deux entités sont décrites tout au long de l’ouvrage sur le mode de l’antithèse.

18 Histoire de la société française pendant le Directoire, op. cit., p. 11.

19 Ibid., p. 2.

20 Ibid., p. 20.

21 Philippe Hamon, Imageries, littérature et image au XIXe siècle, édition augmentée, Paris, Corti, 2007, p. 156.

22 Ibid., p. 163.

23 « Errez par les rues de Varennes, de Grenelle, de Saint-Dominique, de l’Université, de Bourbon, que tous ces hôtels vous sembleront défigurés : leurs anciens hôtes les reconnaîtraient-ils ? » (Histoire de la société française pendant le Directoire, op. cit., p. 18).

24 « Historiquement, c’est là que, pour les deux frères, commencent les temps modernes, que s’inaugurent un monde nouveau, une société nouvelle, au sein de laquelle ils seraient en quelque sorte exilés » (« La Deuxième République dans les premières œuvres des Goncourt », Cahiers Edmond et Jules de Goncourt, 2015, n° 22, p. 17).

25 18 novembre 1860, Journal, t. I, op. cit, p. 632.

26 Ibid.

27 Revenus du Salon de 1857, les Goncourt déclarent ainsi : « Plus une main douée ! plus le génie éclatant d’une palette ! plus de soleil, plus de chair ! Plus rien que des adroits, cherchant et volant le succès par le chemin des voleurs, […] par le drame, la comédie, la littérature, par tout ce qui n’est pas la peinture. En sorte qu’avec cette pente et cette décadence, je ne serais pas étonné que ces années-ci, on arrive à faire un tableau ainsi : une bande de ciel, un mur, et une affiche sur le mur où il y aura écrit quelque chose d’excessivement spirituel » (6 juillet 1857, Journal, t. I, op. cit., p. 282 ; voir également la note du 28 mai 1863 : « ennui des élections, des affiches, des blagues » (ibid., p. 970)

28 4 octobre 1855, Correspondance générale des Goncourt, t. I, éd. établie, présentée et annotée par Pierre-Jean Dufief, Paris, Champion, 2004, p. 278.

29 20 août 1855, Journal, t. I, op. cit., p. 143.

30 Voici comment les Goncourt évoquent l’évolution du projet qui aboutit aux deux volumes de l’Histoire de la société française pendant la Révolution et pendant le Directoire : « la curieuse chose et l’infiniment petite que la première idée d’une œuvre littéraire. Quand je pense que nos deux volumes in-8° de l’Histoire de la société française pendant la Révolution et le Directoire étaient ceci dans notre pensée au premier jour : Histoire du plaisir sous la Terreur, un petit volume à 50 centimes. Puis le volume à 50 centimes devint, grossissant, grandissant, s’élevant, un volume Charpentier à 3 f. Puis il fit craquer ce format et devint un in-8°. Puis son sujet, une histoire interne, complète de la Révolution et du même coup, 2 vol. in-8° » (12 mai 1857, Journal, t. I, op. cit., p. 396).

31 4 novembre 1856, Journal, t. I, op. cit., p. 214.

32 Histoire de la société française pendant le Directoire, op. cit., p. 53.

33 En mars 1859 ils évoquent l’idée de publier un recueil de gravures inédites intitulé « Paris au XVIIIe siècle ».

34 Histoire de la société française pendant le Directoire, op. cit., p. 108.

35 Voir également l’évocation de « l’hôtel Galiffet, devenu, avec sa galerie de quatre-vingt-dix pieds de long, ornée de quarante colonnes corinthiennes, la résidence du gros Lacroix, le ministre des Relations extérieures » (ibid., p. 20).

36 Ibid., p. 59.

37 Ibid., p. 15-16.

38 Ibid., p. 31.

39 Edmond et Jules de Goncourt, Histoire de la société française pendant la Révolution, deuxième édition, Paris, Dentu, 1854, Préface.

40 Histoire de la société française pendant le Directoire, op. cit., p. 31.

41 Voir Élisabeth Launay, Les Frères Goncourt collectionneurs de dessins, Paris, Arthena, 1991, p. 83.

42 « […] on rencontrait alors des dessins, et des dessins de l’école française du XVIIIe siècle chez tous les brocanteurs de vieilleries quelconques » (La Maison d’un artiste, Paris, Charpentier,1881, p. 32).

43 « Chaque chose particulière devient […] une encyclopédie rassemblant tout ce qu’on sait de l’époque, du paysage, de l’industrie, du propriétaire dont elle provient » (Walter Benjamin, Paris, capitale du XIXe siècle, Paris, Cerf, 1984, p. 222).

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Pour citer cet article

Référence papier

Catherine Thomas-Ripault, « Le tableau parisien des Goncourt en ouverture de l’Histoire de la société française pendant le Directoire : du chaos urbain à la recomposition historique »Cahiers Edmond et Jules de Goncourt, 27 | 2022, 13-27.

Référence électronique

Catherine Thomas-Ripault, « Le tableau parisien des Goncourt en ouverture de l’Histoire de la société française pendant le Directoire : du chaos urbain à la recomposition historique »Cahiers Edmond et Jules de Goncourt [En ligne], 27 | 2022, mis en ligne le 15 mars 2023, consulté le 16 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/cejdg/806 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cejdg.806

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Auteur

Catherine Thomas-Ripault

Université de Bretagne Occidentale

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Droits d’auteur

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