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Comptes rendus

Edmond de Goncourt, La Maison d’un artiste

Jean-Louis Cabanès
p. 195-196
Référence(s) :

Edmond de Goncourt, La Maison d’un artiste, la collection d’art japonais et d’art chinois commenté par Geneviève Lacambre, Paris, À propos, 2018, 320 p.

Texte intégral

1On commencera par un regret. Cette édition de La Maison d’un artiste n’est pas complète. Elle omet les listes des dessins et des livres du XVIIIe siècle. Certes, il s’agissait, comme le titre l’indique, de se centrer sur les arts d’Extrême-Orient. Mais rien n’empêchait que fût donnée dans son intégralité une œuvre défiant toute appréhension générique : elle oscille entre catalogues, autobiographie et proses poétiques proches parfois de l’hymne-blason. La priver d’une partie de ces catalogues c’est la mutiler un peu. Et pourtant, en dépit de cette réserve, cette édition incomplète fera date, nous semble-t-il. Riche d’une impeccable érudition, elle donne à voir et à imaginer ce qu’était la collection d’objets chinois et japonais constituée par Edmond, au moment où celui-ci, en se célébrant comme décorateur avait fait en sorte que la maison-musée devînt aussi une maison-moi et une maison-texte.

2Geneviève Lacambre, en se fondant sur l’analyse du catalogue de ventes de 1897 consacré aux arts de l’Extrême-Orient, mais aussi sur l’album photographique personnel d’Edmond et sur l’exemplaire de La Maison d’un artiste qu’il avait lui-même annoté et parfois illustré de quelques dessins, a mené une vaste enquête qui lui a permis souvent de retrouver la trace des objets dispersés après la mort de l’écrivain. Ces recherches patientes l’autorisent à faire le point sur le japonisme des Goncourt, à mieux situer les deux frères parmi les autres collectionneurs. On peut, à la lumière de cette étude, définir leur savoir, appréhender les livres qu’ils achetèrent pour garantir sur des documents leur passion japonisante, on comprend mieux également l’amitié puis la brouille d’Edmond avec cet autre amateur capital, Philippe Burty. On mesure l’importance de l’exposition universelle de 1878 ; on apprend que, pour La Maison d’un artiste, l’écrivain reçut l’aide ponctuelle de deux Japonais, Ôtsuka Tajuko, Narushimi Kinhiki. On sait le rôle capital que jouera Hayashi dans la rédaction des monographies consacrées à Outamaro et à Hokusai. En 1881, Edmond n’avait pas encore pris contact avec celui qu’il appelait parfois « l’intelligent Japonais », il ignorait encore qu’il possédait des estampes dont Hokusai était parfois l’auteur.

3Geneviève Lacambre éclaire donc comment se constitua, par étapes successives, le savoir d’Edmond. Le goût de l’amateur tint d’abord d’une intuition artistique qui autorisait souvent des jugements de goût pertinents, mais qui s’accompagnaient parfois d’erreurs sur l’histoire des arts du Japon, qu’Edmond, moins averti que Burty ou Louis Gonse, cantonnait, en 1881, dans une période allant de la fin du XVIIIe siècle au commencement du XIXe siècle.

4Les recherches de Geneviève Lacambre n’informent pas seulement une étude à valeur de préface. Elles déterminent aussi le choix de l’illustration qui est à double entrée. Tantôt, en effet, les photographies de Lochard, utilisées à bon escient, donnent à voir telle ou telle pièce de la maison d’Auteuil, tantôt la reproduction des objets qui ornaient ces pièces ou qui étaient contenus dans des vitrines et des coffres, permet de mettre en regard des mots de l’écrivain les images des objets retrouvés. Un dialogue fécond est ainsi instauré entre deux systèmes sémiotiques. Il permet de vérifier l’éloquence suggestive et précise des descriptions tout en faisant apparaître la pertinence du collectionneur. Mais il y a plus. L’historienne d’art attribue parfois à tel ou tel artiste japonais une estampe restée anonyme pour Edmond. On mesure l’intérêt du travail accompli. Il concrétise un projet envisagé par l’écrivain, celui de donner, à partir des photographies de Lochard, une nouvelle édition de La Maison d’un artiste. Il l’outrepasse même, en permettant au lecteur d’appréhender au plus près quelques-uns des objets collectionnés. Il semble alors, lorsqu’on observe les illustrations que l’Extrême-Orient, pour Edmond, est une altérité apprivoisée, intimisée, réappropriée. Cette édition de La Maison d’un artiste, dont on a regretté qu’elle fût tronquée, constitue néanmoins un moment fort des études consacrées aux deux frères. Elle enrichit notre savoir tout en s’imposant comme un livre d’art.

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Pour citer cet article

Référence papier

Jean-Louis Cabanès, « Edmond de Goncourt, La Maison d’un artiste »Cahiers Edmond et Jules de Goncourt, 25 | 2019, 195-196.

Référence électronique

Jean-Louis Cabanès, « Edmond de Goncourt, La Maison d’un artiste »Cahiers Edmond et Jules de Goncourt [En ligne], 25 | 2019, mis en ligne le 01 septembre 2022, consulté le 10 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/cejdg/960 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cejdg.960

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Auteur

Jean-Louis Cabanès

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