Edmond et Jules de Goncourt, Œuvres d’histoire. Portraits intimes du XVIIIe siècle
Edmond et Jules de Goncourt, Œuvres d’histoire sous la direction de Pierre Dufief, Portraits intimes du XVIIIe siècle textes établis, présentés et annotés par Catherine Thomas, Paris, Champion, 2019, 592 p.
Texte intégral
1Publiés chez Dentu en deux temps, en 1857 et en 1858, les Portraits intimes regroupent des monographies dont les premières parurent fin 1856 dans L’Artiste. De nouvelles études les complèteront, quelques-unes fondées sur des documents découverts au cours du voyage que les deux frères accomplirent en Italie en 1855-1856. Dans ce double recueil, les deux frères voulaient faire revivre, saisie sur le vif, leur époque de dilection en prolongeant les travaux historiques qu’ils lui avaient déjà consacrés. Mais l’Histoire de la société française pendant la Révolution, pas plus que l’Histoire de la Société française pendant le Directoire n’étaient des biographies. Avec les deux volumes parus chez Dentu, le récit historique se subjective, prend pour objet une vie d’homme ou de femme.
2Il faut s’être confronté à l’annotation des écrits historiques des deux frères pour mesurer la difficulté des obstacles ici surmontés. Ces « Portraits », en effet, sont riches en allusions qu’il faut décrypter, s’y manifeste aussi un savoir indiscret qui resterait étranger au lecteur si les notes ne l’éclairaient. Par ailleurs, de la première édition à la seconde, procurée par Edmond chez Charpentier en 1878, le recueil s’est transformé, a perdu trois études pour s’enrichir de quelques autres. L’annexe qui complète ce volume accueille les monographies délaissées. Ajoutons que, d’une édition à l’autre, les monographies elles-mêmes se transforment, il fallait donc relever les principales variantes, ce qui n’était pas une mince tâche.
3Mais cette édition ne se contente pas d’être érudite, elle s’agrémente d’une présentation intelligente qui situe l’ouvrage en son temps en montrant que les deux frères semblent prolonger Houssaye et Monselet. Ils s’en défendent pourtant à juste titre. Houssaye est, pour eux, le roi de l’apocryphe. On ne peut que leur donner raison. On pourrait certes rappeler que le « portrait », étudié par Hélène Dufour est depuis longtemps un genre institué, et que Sainte-Beuve, qui y excelle, se fonde, lui aussi, sur des lettres autographes. Il ne fait cependant pas le même usage des correspondances que les Goncourt, et ses portraits ne visent pas, figure par figure, à embrasser tout le XVIIIe siècle. Les deux frères semblent en quelque sorte contactés par les documents qu’ils insèrent dans leurs monographies et celles-ci font revivre des doubles quand se centrent sur Bachaumont et sur Caylus, l’un parce qu’il tient un journal, l’autre parce qu’il est un collectionneur, un graveur, un antiquaire curieux de reliques parfois étonnantes. Si les Bichons, en partie, se mirent dans ce recueil de portraits, ils mettent en scène leur recherche et s’érigent souvent, au gré d’une double énonciation, en protagonistes. Comme le dit Catherine Thomas, « le je auctorial se mêle au je autobiographique des personnalités étudiées pour indiquer le chemin qui a conduit les Goncourt jusqu’à elles. »
4Précisons que les annexes réunissent les principaux articles qui furent consacrés à ces Portraits, et qu’elles autorisent, en outre, une comparaison entre les monographies publiées par les Goncourt et des extraits prélevés chez Houssaye, Monselet, Sainte-Beuve. C’est garantir l’originalité des deux frères sur des documents en reliant, dans une boucle probante, l’annexe et la présentation.
5Cette édition des Portraits intimes, érudite, solide, intelligente, appelle les plus vifs éloges. Elle est vraiment remarquable.
Pour citer cet article
Référence papier
Jean-Louis Cabanès, « Edmond et Jules de Goncourt, Œuvres d’histoire. Portraits intimes du XVIIIe siècle », Cahiers Edmond et Jules de Goncourt, 25 | 2019, 197-199.
Référence électronique
Jean-Louis Cabanès, « Edmond et Jules de Goncourt, Œuvres d’histoire. Portraits intimes du XVIIIe siècle », Cahiers Edmond et Jules de Goncourt [En ligne], 25 | 2019, mis en ligne le 01 septembre 2022, consulté le 11 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/cejdg/963 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cejdg.963
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