1. Introduction

2Ces sujets sont certes réels et importants, mais ils ne doivent pas occulter les problèmes de délinquance et d’« incivilités » plus classiques et autrement plus nombreux qui se posent dans toutes les grandes villes, de multiples manières (Felson, 1994 ; Mucchielli, 2001 ; Robert, 2002 ; Roché, 2002) et sur les campus en particulier (Weiss et al., 2014). Plus généralement, la thématique de la sécurité sur les campus mêle à la fois des enjeux politiques, territoriaux, électoraux, de réputation, de concurrence entre universités et grandes écoles qu’il serait important d’éclaircir à l’avenir. Outre les problèmes liés à la sécurisation du matériel, des bâtiments et des systèmes informatiques, régulièrement audités (lors du Plan campus lancé par le gouvernement Fillon en 2008 par exemple), on ignore presque tout du sentiment de sécurité et des faits de délinquance ou d’incivilité dont les étudiants sont victimes. En effet, en France, nous disposons de peu d’éléments pour mener une réflexion sérieuse à la fois sur l’ampleur de la situation des campus et sur les moyens à mettre en œuvre pour répondre aux attentes des usagers.

3Ce constat est pourtant différent outre-Atlantique où des études ont tenté de pallier le manque de connaissances scientifiques en matière de sécurité dans le milieu étudiant (Fleury DeVoe, Bauer, 2011 ; Barrett et al., 2012 ; Sloan et al., 1997) quand d’autres se sont davantage centrées sur le management et l’organisation des campus (Simon, 1994). À quels types de victimation les étudiants inscrits dans les universités françaises font-ils face ? Les campus universitaires sont-ils des lieux sûrs pour la jeunesse ?

4Les technologies d’information et de communication (TIC) ouvrent le champ à des modes de socialisation et de communication qui évoluent, mais aussi à des contre-usages tels que la cyberviolence. Ce constat constitue la première raison de s’intéresser au monde étudiant dont les effectifs d’inscrits augmentent sans cesse. Puis, la jeunesse est un âge de la vie qui questionne puisque les enquêtes de victimation sur cette population révèlent certaines spécificités en même temps que le discours politique et médiatique singularise négativement cette jeunesse. Ensuite, la réalisation d’un état de l’art circonstancié est utile au cadrage de la réflexion contemporaine sur les enquêtes de victimation alors même que l’enquête « Cadre de vie et sécurité » (CVS) touche à sa fin et qu’une refonte globale de l’Enquête nationale de victimation va s’accomplir à partir de 2022 sous l’égide du ministère de l’Intérieur, nouveau maître d’œuvre du projet. Il est donc nécessaire d’expliciter le bien-fondé des enquêtes de victimation en ce qui concerne leurs buts, leurs méthodes, et ce qu’elles mesurent. En amont, nous qualifierons les campus universitaires et leurs usagers étudiants. Enfin, l’apport des enquêtes anglo-saxonnes nous permettra de révéler un angle mort scientifique malgré quelques travaux précurseurs et des données éparpillées qui laissent justement penser tout l’intérêt de ce type d’enquête sur cette population.

2. Renouveler l’approche scientifique de la population étudiante

5Pourquoi les campus et ses étudiants ? Une première réponse indique que les victimations sont sous-déclarées par les étudiants et qu’en conséquence, il est très difficile d’étudier avec rigueur les victimations de groupes spécifiques dans la population générale (Weiss, 2021). Des études américaines ont aussi montré que les incidents hors campus sont relativement plus violents et plus fréquents que les incidents sur le campus (Hart, Miethe, 2011). Une autre raison semble la nécessité de relancer des enquêtes de victimation sur les campus et de resserrer la focale sur une population étudiante grandissante et certainement singulière. Dès la décennie 1980, des auteurs signalent une différence fondamentale entre les étudiants et le reste de la jeunesse : « Être étudiant aujourd’hui [...], c’est disposer de plusieurs années où les soucis matériels sont relégués au deuxième voire au dernier rang des priorités. Voilà la différence fondamentale entre la jeunesse étudiante et la jeunesse travailleuse » (Baudelot et al., 1981, 64). Mais d’autres caractéristiques qu’il s’agira de développer concourent à regarder les campus universitaires comme des lieux particuliers de la vie sociale et les traiter en conséquence.

6L’angle mort de la recherche que nous cherchons à signaler doit nous permettre de lancer des enquêtes longitudinales et comparatives (c’est-à-dire sur des campus possédant des insertions socio-spatiale différentes, des étudiants aux caractéristiques sociodémographiques disparates, par exemple, et dans des villes de taille inégales). En quoi est-il pertinent d’étudier l’insécurité et les victimations dans les campus universitaires ? Quels sont les éléments qui laissent à penser que ces espaces sont frappés par ces phénomènes ? Et enfin, pourquoi étudier l’insécurité chez les étudiants ? Voilà quelques-unes des questions qui peuvent animer les chercheurs. L’idée sans doute fructueuse est d’étudier les campus sous l’aspect de la victimation et de l’insécurité en posant l’hypothèse que ces aspects ne sont pas sans lien avec leur insertion dans le tissu urbain.

7Il paraît aussi pertinent de repenser l’analyse des victimations sur les campus à l’ère du numérique. Si la prévalence de la victimation fluctue entre les enquêtes et les méthodologies utilisées, nous savons désormais que la cyberviolence est une réalité pour un nombre important d’étudiants, surtout en Amérique du Nord, et que les insultes, les rumeurs et les menaces agrègent les victimations les plus déclarées par les étudiants (Patchin, Hinduja, 2010 ; Kennedy, Taylor, 2010 ; Walker et al., 2011 ; Molluzzo, Lawler, 2011). La France nous semble très en retard dans ce champ de la recherche malgré une tentative récente sur un échantillon de 1 125 étudiants issus de deux universités françaises (Berthaud, Blaya, 2014) où l’on apprend que ce type de violence est intra-universitaire. Les études sur la cyberviolence se concentrent globalement sur les élèves de l’enseignement secondaire, les travaux s’intéressant à l’enseignement supérieur sont très minoritaires alors même que « l’âge n’apparaît pas comme un indicateur systématique de cybervictimation dans le sens où les plus jeunes ne sont pas les seuls concernés par le phénomène » (Blaya, 2018, 427), comme le montrent certains résultats d’enquête (Tokunaga, 2010). Les premiers résultats issus de ce focus sur les victimations liées aux technologies numériques renvoient à la nécessité de mener des enquêtes systématiques sur les campus afin de déterminer à la fois la nature et l’ampleur de ce phénomène encore assez récent et qui pourrait prendre de l’ampleur. Cette approche constitue un élément supplémentaire dans le plaidoyer que nous développons.

3. Un terrain d’investigation original

8Dans ce cadre, nous nous proposons ici de démarrer des enquêtes de victimation sur un terrain original, ces lieux particuliers de la vie sociale que sont les campus universitaires et sur lesquels quasiment aucune recherche de ce type n’a été conduite en France.

9Ce terrain de recherche présente différentes caractéristiques à mettre en lumière. Tout d’abord, les campus universitaires sur le territoire français sont toujours implantés dans les aires urbaines, soit au cœur des centres-villes, soit de plus en plus en périphérie. L’évolution des liens entre territoires et universités doit entrer dans le cadre de futures recherches. D’un point de vue général, les relations qu’entretiennent les universités françaises avec leur territoire passent du divorce au milieu des années 1980 dont les collectivités locales se souciaient peu (campus dégradés, vieillissants et désertés par les étudiants dès la fin des cours) à une réconciliation, à la suite du Plan université 2000 lancé dans les années 1990 par le ministère Jospin. Au sein des territoires urbains, les universités sont regardées comme un atout économique, social et culturel, sortant ainsi de leur isolement par rapport à la société locale. En réalité, les rapports entre la ville et l’université alternent des phases de rapprochement et d’autonomisation en fonction de diverses évolutions dont celle des effectifs d’étudiants. Dubet et ses collègues soulignaient qu’« à partir du début des années soixante, la formidable croissance des effectifs étudiants va faire éclater les palais universitaires de la fin du XIX^e siècle et remettre en cause l’inadaptation entre le réseau universitaire et l’urbanisation nouvelle » (Dubet et al., 1994, 24). Ainsi, s’intéresser aux victimations subies par les étudiants est une façon de poser de façon inédite encore en France les rapports entre les campus et la ville.

11Les campus universitaires peuvent aussi être regardés à travers la spécificité de la vie étudiante et de ses contraintes. En effet, le rapport aux études, le temps de transport, le temps salarié ou encore les relations entre étudiants sont quelques-unes des caractéristiques de la vie étudiante qui en quelque sorte la singularise vis-à-vis du reste de la jeunesse.

4. Les discours sur les déviances : précautions d’usage

12L’insécurité et « la » délinquance font l’objet de nombreux discours et rares sont les personnes qui hésitent à donner leur opinion au sujet de la montée du crime, argumentant par exemple à propos d’une politique gouvernementale incompétente, accompagnée de juges laxistes faisant face à une délinquance de plus en plus jeune et violente (Mucchielli, 2001). Premièrement, on sait que les discours s’appuient largement sur affaiblissement des normes sociales et sont alimentés par les faits divers les plus choquants dont les médias, télévisés notamment,, amplifient l’importance sur le territoire français. Les campus ne sont pas épargnés à en juger par les articles hebdomadaires traitant de leur sécurité. Il convient d’éviter l’écueil consistant à mettre sur le même plan faits divers et faits sociaux. Deuxièmement, il ne faut pas oublier que la sécurité fait l’objet d’un « conflit de définition » entre groupes sociaux et politiques aux intérêts divergents (Macé, 2000, 137). De surcroît, cette vision issue du sens commun est sinon très contestable, tout du moins à nuancer. Les sondages d’opinion, dont on sait que la fabrication est loin d’être neutre (Bourdieu, 1981, 222-235) même lorsque les précautions méthodologiques sont prises, contribuent à alimenter le débat public en faisant dire aux chiffres tout et son contraire (Mucchielli, 2010). Les chiffres ne parlent pas d’eux-mêmes, c’est l’interprétation qui permet d’en tirer du sens (Martin, 1997).

13Les interprétations hâtives conduisent à de fausses conclusions puisque « l’insécurité ne se développe pas nécessairement à cause de la criminalité, mais souvent à propos d’elle » (Robert, Zauberman, 2017). Une complexité est inhérente à la thématique de la sécurité puisqu’elle mélange en permanence des éléments de réalité, des discours, des représentations sociales à la fois politiques et médiatiques. Bien que la violence et la délinquance soient des réalités sociales, ces notions font l’objet de quantité de représentations et plus largement, elles sont le fruit de processus sociaux de définition. Une recontextualisation historique impose de conclure à une « invention de la violence », fruit de « puissants mécanismes » (Mucchielli, 2011, 188) à la fois judiciaire (Mucchielli, 2011, 54-55), médiatique et classiste (Mucchielli, 2011, 203). Ainsi, on définit la déviance comme l’« envers de la norme qu’elle transgresse » (Mucchielli, 2012, 63). La déviance, et plus particulièrement la délinquance, résultent à la fois d’une production sociale et législative. Cette production est matérialisée sur les campus par un renforcement, après 2015, des règles en permettant l’accès, dans une tentative d’imperméabilisation de ces territoires. La délinquance sur ces espaces est un concept dont le contenu évolue au cours du temps au gré des événements et des priorités gouvernementales. Analyser la délinquance sur les campus n’a donc pas de sens que si l’on admet sa dimension spatiale et historique, bref les étapes de sa construction comme problème public et sa définition juridique. Les campus peuvent ainsi devenir de nouveaux terrains d’exploration des représentations fantasmatiques de la délinquance et des incivilités.

14Au sein de ces multiples débats exacerbant la thématique sécuritaire, certains pans de la population et certains territoires concentrent particulièrement ces discours et ces représentations chargés de fantasmes (Mucchielli, 2001). À propos des campus universitaires, une recherche menée à Marseille a montré que les représentations sociales sur l’environnement proche (Weiss, 2021), surtout lorsque sa population est socialement disqualifiée et la réputation du quartier entachée, transpirent sur les opinions des usagers du campus et parfois entraînent une anticipation du risque délinquant chez les agents de sécurité qui y travaillent (Weiss, 2018). Dès lors, à quels phénomènes objectifs les discours prétendent-ils se référer ?

5. Victimation et sentiment d’insécurité

15Les premières enquêtes américaines des années 1960, en cherchant auprès des victimes une mesure de la délinquance détachée des statistiques administratives, ont également exploré les réactions émotionnelles de ces victimes à cette délinquance et dès lors ont buté sur un paradoxe : exposition au risque et sentiment d’insécurité coïncidaient mal.

5.1. Opinions, risques et insécurité

16Dans les discussions et débats sur la sécurité de ces cinquante dernières années, il faut distinguer ce qui relève des opinions, des risques de victimation et du sentiment d’insécurité. Le problème initial est de se détacher du sens commun et de rompre avec les prénotions sur le phénomène. Sur ce sujet chargé d’émotions, les évidences renferment souvent des représentations trompeuses. Dans son étude, F. Fürstenberg (1971) affirmait qu’une distinction existe entre la peur qu’on éprouve pour soi-même et la peur ressentie pour ses proches ; il ajoute que l’on peut également être préoccupé par la délinquance en tant que problème social sans pour autant se sentir en insécurité. À la suite de Fustenberg, cette distinction réapparaît sous d’autres dénominations chez Figgie (1980) qui différencie concrete fear et formless fear ou encore Louis-Guérin (1984) lorsqu’elle distingue saillance personnelle et saillance sociale. La recherche qualitative de D. Duprez et M. Hedli (1992) dans le Nord met en exergue la dichotomie entre les individus que la délinquance effraie et ceux qui en sont seulement préoccupés. Il ne faut donc pas confondre les mécanismes distincts que sont la peur et la préoccupation : le premier se rapporte à un sentiment alors que le second exprime une opinion. La peur peut être considérée comme « une appréhension du risque » en lien partiel avec la délinquance enregistrée au niveau local (Pottier, Robert, 1997) ou avec les victimations déclarées (Pottier et al., 2002). La seconde dimension du sentiment d’insécurité réside dans les préoccupations à propos de la délinquance qu’on érige au rang de problème social important, voire prioritaire (Zauberman, 2015, 11).

5.2. Statistiques administratives et enquêtes de victimation

17La genèse des enquêtes sur la victimation et le sentiment d’insécurité est à rechercher aux États-Unis, où d’ailleurs les préoccupations sécuritaires remontent à la décennie 1960 avec la President’s Commission on Law Enforcement and Administration of Justice (Commission Katzenbach). C’est en 1965 que les premières opérations de comptages statistiques de la victimation (victimization studies), indépendantes des comptages administratifs, se font jour. Ces sondages interrogent sur un certain nombre d’infractions dont les participants à l’échantillon auraient été victimes. Ils se poursuivront tout en améliorant leurs échantillons tous les cinq ans à partir de 1973. Ainsi, on inverse la focale afin de se positionner du point de vue de la victime et l’on constate rapidement que les victimations mentionnées dans ces enquêtes sont de loin plus nombreuses que les infractions enregistrées par les services de police, la différence étant ce fameux chiffre noir de la délinquance. Sur la lancée des études nord-américaines, des chercheurs en sciences sociales en France s’imprègnent de cette méthode d’enquête (Zauberman et al., 2013). Néanmoins, on signale rapidement que « ce débat [sur le “chiffre noir”] devient complètement irréel, il faut avoir le courage de renoncer entièrement à des expressions aussi peu utiles que délinquance apparente, délinquance réelle ou chiffre noir. On peut alors reprendre les choses plus simplement » (Robert, 1994, 26), jauger « un phénomène social qui n’avait traditionnellement été mesuré qu’à travers des données administratives » (Zauberman, 2015, 8).

18Partant du constat que chaque administration applique des filtres dans les affaires dont elle est saisie, et ce à toutes les étapes de la chaîne pénale (police, procureur, tribunaux), on recherche de nouveaux indicateurs offrant la possibilité de s’approcher au plus près de l’occurrence des actes délinquants. Cette recherche s’appuie sur des sondages appliqués à un échantillon représentatif que ce soit à l’échelle locale ou nationale, et même internationale. Concernant les victimations, la période de temps visée par l’enquête est généralement arrêtée sur la dernière ou les deux dernières années précédant l’enquête. Si la première enquête conduite en France est datée du milieu des années 1980, ce n’est qu’une décennie plus tard que la mise en œuvre régulière des enquêtes de victimation a lieu. Ce dispositif est le fait de l’Insee dans ses Enquêtes permanentes – qui perdurent jusqu’en 2007 – sur les conditions de vie des ménages (« EPCVM »). Avec l’arrivée de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) dans le champ (Robert, Zauberman, 2011a ; Robert, Zauberman, 2011b), l’Insee produit une enquête de victimation dédiée, dénommée « Cadre de vie et sécurité (CVS) ». Parallèlement à cette étude nationale, bientôt sous la responsabilité du ministère de l’Intérieur, est réalisée, tous les deux ans depuis 2001, une enquête en Région Île-de-France. Nous avons également à disposition l’étude « Baromètre santé » conduite par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes) depuis 1992 (la 9^e édition date de 2017) ; enquête périodique menée par téléphone et comprenant des questions sur les violences agies et subies au cours de l’année précédant l’enquête. Fortes de ces enseignements, ces enquêtes vont se décliner au niveau local où l’Observatoire régional de la délinquance et des contextes sociaux (ORDCS) reprend et développe des enquêtes similaires sur la région marseillaise dans des communes de tailles différentes et sur deux campus universitaires (Mucchielli, Raquet, 2016). Ce foisonnement d’études, qui incite à la comparaison, permet aujourd’hui de souligner les atouts et faiblesses de cet outil méthodologique.

5.3. La méthodologie des enquêtes de victimation : administration, indicateurs et limites

19Afin de construire une connaissance sociologique de la victimation et du sentiment d’insécurité, divers indicateurs peuvent être mesurés à l’occasion de ce type d’enquête. Le taux de prévalence mesure la proportion d’étudiants atteinte au moins une fois par un type de victimation au cours de la période de référence (indicateur le plus fiable). L’incidence, quant à elle, détermine le volume de la victimation subie dans la population (dépendante de l’information sur le nombre de faits subis). Ensuite, le taux de risque permet de connaître la prévalence des seuls étudiants qui, en raison de leur équipement, sont susceptibles de subir une victimation en particulier. On peut également mesurer la multivictimation qui correspond, au cours d’une période de référence, au nombre moyen de faits similaires déclarés par victime (Zauberman, 2015, 11). Ces enquêtes donnent également la possibilité de mesurer le taux de plainte, proportion de victimes déclarant avoir porté plainte, et le taux de renvoi, proportion de victimes qui ont alerté la police ou la gendarmerie. Enfin, elles nous renseignent, à travers différents indicateurs, sur le sentiment d’insécurité de la population enquêtée, ici les étudiants, en mesurant les peurs à différents moments (le jour, la nuit, par exemple) et lieux (le domicile, le quartier, le campus, les transports, par exemple). Des comparaisons territoriales et longitudinales peuvent ainsi émerger de cette série de données.

20Cela étant, les enquêtes de victimation portent en elles un certain nombre de limites. En effet, s’intéressant aux victimes, elles ne peuvent renseigner sur les délinquances sans victime individualisable, elles excluent également les connaissances sur les victimes qui ont disparu (homicide notamment). Ces enquêtes se concentrent sur les atteintes visibles aux biens et aux personnes (agressions, vols, dégradations, notamment). Outre les problèmes concernant la mémoire, une autre contrainte inhérente à cette technique de sondage réside dans la construction des échantillons. Est laissé de côté un ensemble de populations les plus précaires, qui a pourtant une plus forte expérience de la victimation. Pour finir, certaines victimations, parce qu’elles sont intimes (agressions à caractère sexuel et violences intrafamiliales), sont plus difficiles à déclarer que d’autres. Si les déclarations des enquêtés reposent sur leurs souvenirs, il faut également que l’événement en question soit appréhendé par la victime comme une victimation et qu’elle réussisse à le verbaliser. Une autre question à soulever pour la population qui nous occupe est celle du mode d’administration : dans le secondaire, les enquêtes sur la victimation des élèves sont généralement administrées en salles de classe sous forme d’un questionnaire papier complété soit sous le contrôle des responsables de l’enquête, soit sous le contrôle des enseignants (Debarbieux, 2018). Le problème lié à l’autorisation parentale, qui est souvent contraignant dans le secondaire, ne se pose pas dans l’enseignement supérieur, les étudiants étant majeurs.

21Malgré ces écueils et l’absence d’instrument parfait, les enquêtes de victimation sont celles qui approchent au plus près la réalité à un moment donné sur une population précise, alors que les statistiques des institutions pénales sont largement le reflet de leur activité dont les priorités évoluent dans le temps. La comparaison avec d’autres sources disponibles est un moyen de s’assurer des correspondances ou des divergences et éventuellement de faire apparaître des tendances parce qu’« un film en dit plus long qu’une photographie » (Zauberman, 2015, 11). Afin de circonscrire notre objet, nous avons donc recherché les données disponibles concernant la population qui nous intéresse : les étudiants des campus.

6. Un angle mort dans la recherche française

22Nous abordons l’état des connaissances de ce sous-champ de recherche sur le « monde étudiant », les victimations et la sécurité à propos des campus tout d’abord en France puis à l’étranger en montrant comment certaines données pourraient être réappropriées. Dans les études françaises, à côté d’études sur les mécanismes de reproduction sociale (essentiellement sur le collège et le lycée), les étudiants sont plutôt enquêtés sous l’angle des pratiques, de la culture, de la mobilité, de la contestation, des conditions de vie et de subsistance, etc. Si en tant que jeunes, les étudiants sont plus exposés aux risques de victimation (Zauberman et al., 2013), et dans certains espaces – comme les transports en commun – plus sensibles à la peur pour soi que les autres catégories d’âge (Heurtel et al. 2018), il convient de préciser et d’argumenter ce point. À l’avenir, ce travail doit également être mené auprès du personnel des universités, même si à notre connaissance, ce public – certes hétérogène – ne se distingue en rien du reste de la population en matière d’insécurité et de victimation. Les questions relatives à la sécurité des campus n’ont à ce jour fait l’objet que de peu de publications scientifiques.

6.1. Les enquêtes françaises : un apport limité

24Néanmoins, plusieurs études sont à signaler. Tout d’abord, au lieu de se focaliser sur l’inégalité des chances de réussite, Ferry et Tenret s’orientent vers la perception des inégalités en « s’intéressant notamment au sentiment de justice dans le système éducatif », et plus précisément sur les « inégalités de traitement » (Ferry, Tenret, 2017, 1), dont les discriminations, à partir de l’enquête « Conditions de vie des étudiants 2016 ». La différence de traitement se transforme en discrimination lorsque l’étudiant lui associe un critère illégitime tel que le poids, l’âge, la couleur de peau, la religion, le sexe, etc. Les résultats de l’enquête montrent des différences de traitement plus importantes chez les étudiants occupant une position défavorisée dans le champ universitaire, chez les étudiants étrangers et chez les femmes, notamment dans le rapport aux pairs (Ferry, Tenret, 2017, 3). Puis, toujours sur la thématique des discriminations, d’autres chercheurs ont travaillé sur l’expérience de la discrimination à l’école (Brinbaum et al., 2013) en concluant aux difficultés de repérage de ce type de victimation essentiellement dues à la multiplicité des critères, des expériences et de l’individualisation de l’inégalité subie. Enfin, en reprenant des données issues de l’enquête « Conditions de vie 2013 », Cordazzo (2016) rappelle deux grandes conséquences des vulnérabilités économiques des étudiant·e·s influençant négativement le cours des études : le non-recours aux soins (en premier lieu les femmes) et la mise au travail (la proportion d’étudiants concernés augmente avec l’âge) (p. 185). Parmi les différents indicateurs de la vulnérabilité étudiante, Cordazzo propose une analyse des corrélations avec plusieurs variables sociodémographiques. Il montre notamment qu’« en plus des facteurs traditionnels (nationalité, catégorie sociale des parents) favorisant les difficultés économiques, s’ajoutent ceux liés au passage à l’âge adulte que sont l’autonomie résidentielle et la mise en couple » (Cordazzo, 2016, 189).

25Les études de l’OVE portent sur diverses thématiques telles que les ressources et dépenses, la concurrence entre le travail rémunéré et les études, le logement, l’autonomie vis-à-vis de la famille, l’alimentation, la santé, les conditions d’études ou encore les techniques d’étude, ainsi que les loisirs et les pratiques culturelles des étudiants. Mis à part l’étude des discriminations, nous n’avons donc aucune donnée disponible au sujet de l’expérience de la victimation sur les campus français. Il serait opportun de combler ce manque en intégrant un volet « sécurité », de sa conception à son déploiement sur les campus par l’OVE.

27On peut pourtant déjà prédire l’intérêt des recherches de ce type. Au Royaume-Uni, des résultats d’enquête de victimation – suivant la méthodologie de la British Crime Survey (BCS) (Simmons, Dodd, 2003) – montrent qu’un tiers de l’échantillon d’étudiants anglais inscrits dans une des neuf universities in the East Midlands (quatre campus se trouvaient en milieu urbain et cinq en banlieue) a été victime d’un crime ou délit au cours d’une année (Barberet et al., 2003) et 62 % des étudiants victimes ne l’ont pas reporté aux autorités policières (Barberet et al., 2002). La proportion de victime ne semble pas avoir évolué depuis l’année universitaire 1993-1994 sur ce même territoire (Fisher et al., 1998). Contrairement à l’image des campus universitaires conçus comme des tours d’ivoire, la victimisation des étudiants anglais a été présentée comme un problème grave méritant une intervention politique à partir des années 1990. Le principal prédicteur de la victimisation violente était un mode de vie comprenant des niveaux élevés de fêtes sur le campus la nuit et la consommation de drogues à des fins récréatives. Sur la base d’enquêtes de victimisation menées auprès de deux échantillons aléatoires d’étudiants résidant sur le campus d’universités comparables en Angleterre et aux États-Unis, des chercheurs ont examiné l’ampleur et la nature de la victimisation des étudiants sur le campus et le risque qu’ils courent de subir des actes de violence, des vols et des cambriolages au cours d’une année universitaire. Les taux de victimisation sur les campus pour les étudiants qui vivent sur des campus anglais sont globalement beaucoup plus élevés que ceux qui vivent sur des campus américains (Fisher, Wilkes, 2003).

28Ainsi, les connaissances anglo-saxonnes sur ces sujets sont vastes, la régularité des études donne également la possibilité d’une comparaison longitudinale, connaissances qui font défaut aujourd’hui en France à plusieurs titres. Ces enquêtes permettent aussi de souligner à la fois les manques dans l’Hexagone et les imperfections des enquêtes à la française. En effet, les recherches sur les sexual assaults sur les campus et le fear of crime sont des révélateurs du retard français en la matière.

6.2. Sexual assaults and fear of crime

29Concernant les victimations, des enquêtes de ce type sont menées sur les campus américains depuis la fin des années 1980 avec comme thématique centrale la violence sexuelle (Sexual experiences survey). En 1988, Mary Koss initie la première enquête sur un échantillon de 7 000 étudiants répartis sur 35 campus dont les résultats apparaîtront dans l’ouvrage de Robin Warshaw (1994). Par la suite, nombre d’études vont voir le jour avec une certaine récurrence, notamment illustrées par les publications annuelles depuis 1998 du Bureau of Justice Statistics intitulée Indicators Of School Crime And Safety. Une étude réalisée en 2014 auprès d’étudiants en Grande-Bretagne a révélé que 25 % des femmes avaient subi une forme quelconque d’agression sexuelle pendant leurs études universitaires et que 7 % des femmes avaient été victimes de viol ou de tentative de viol en tant qu’étudiantes (NUS, 2015). À titre de comparaison, une récente étude en France a montré qu’une étudiante sur vingt a été victime de viol au cours de ses études menées par une association étudiante (OEVSS, 2020). Malgré une manière différente d’habiter le campus en France, en comparaison avec les campus anglo-saxons par exemple, on peut regretter que ce type de connaissances n’ait jamais été construit dans l’Hexagone.

31Si ce phénomène de l’insécurité se décompose bien en deux axes de lecture (la peur pour soi et la préoccupation sécuritaire), la peur pour soi ne se résume pas à un « sentiment ». Les travaux anglo-saxons sur le fear of crime s’accordent à reconnaître trois dimensions à la peur pour soi que sont les composantes émotive, cognitive et comportementale (Farrall et al., 2009 ; Ferraro, 1995 ; Hale, 1996 ; Rader, 2004). Il nous semble que cette conceptualisation est particulièrement importante à maîtriser dans le cadre de futurs travaux sur les campus. En effet, les questions traditionnellement posées dans les enquêtes de victimation pour saisir la peur pour soi ont été l’objet de vives critiques dès la fin des années 1980 (Ferraro, Lagrange, 1987 ; Farrall et al., 1997 ; Farrall, Ditton, 1999). Des travaux récents (Farrall et al., 2009) renouvellent les conclusions scientifiques de ces trente-cinq dernières années de travaux en mettant en évidence les groupes qui craignent le plus la criminalité et en explorant les théories utilisées pour expliquer cette peur. Est ainsi proposé un nouveau modèle de la peur de la criminalité, en faisant valoir que ces méthodes, qui posant des questions d’intensité (« À quel point êtes-vous inquiet à propos de… »), peuvent en fait confondre une composante « expressive » ou « attitudinale » de la peur de la criminalité avec une composante expérientielle et ne permettent donc pas d’obtenir un aperçu complet de la façon dont la criminalité est perçue. À partir des données quantitatives de la British Crime Survey les auteurs posent des questions théoriques afin d’identifier ceux qui ne craignent la criminalité que de manière « expressive », en les séparant de ceux qui font l’expérience réelle de l’inquiétude face à la criminalité. Or beaucoup d’enquêtes à travers le monde (la CVS en est un bon exemple) continuent d’utiliser des questions obsolètes qui font l’objet des critiques exposées. Il semble donc impératif de rompre avec cette pratique dans les prochaines enquêtes de victimation. Mais pour ce faire, il est obligatoire de maîtriser la littérature anglo-saxonne sur ce thème. En effet, si l’on tient compte des travaux anglo-saxons, force est de reconnaître que les analyses les plus récentes ont considérablement amélioré les connaissances de ce phénomène (pour un aperçu en français des récents travaux anglo-saxons sur la peur pour soi, voir Noble, 2016).

7. L’étude des peurs : les apports de la recherche anglo-saxonne

32Les questionnements autour de la « peur du crime » et du sentiment d’insécurité ont fait naître nombre d’études dans le champ des sciences sociales et criminelles (Hale, 1996), un phénomène social d’ampleur, essentiellement urbain (Moser, Lidvan, 1991).

33L’approche centrée sur la question de désorganisation sociale a connu nombre de publications (Bursik, Grasmick, 1993 ; DeFronzo, 1996, 1997 ; Rountree, Land, 1996 ; Rountree et al., 1994 ; Warner, Rountree, 1997) concluant à l’incapacité de création d’un lien social fort et d’un contrôle social formel et/ou informel efficient, notamment dans des zones où le turn-over des habitants était élevé, faisant naître des comportements antisociaux au sein d’un quartier (Bursik, 1988) dont les groupes de jeunes adolescents représentent la tête de liste des sujets sociaux à la source des « problèmes ». Pour ce qui est des caractéristiques sociodémographiques, les zones mises en cause indiquent l’instabilité et l’hétérogénéité des habitants entraînant des incivilités et une montée du sentiment d’insécurité (facteurs cognitifs, majoritairement). D’autres recherches, quant à elles, concluent à la plus grande exposition des individus des métropoles au sentiment d’insécurité : les zones rurales seraient davantage épargnées (Sacco, 1990. Il se joue donc quelque chose entre la taille d’une ville et le sentiment d’insécurité éprouvée (Clemente, Kleiman, 1976 ; Lebowitz, 1975). Les campus, installés pour la plupart en espace urbain, constituent des terrains de recherche tout à fait favorables. Ainsi, leur implantation sociospatiale et le rapport qu’ils entretiennent avec leur environnement immédiat mériteraient une étude spécifique.

34Deux catégories de stimuli peuvent être utilisées dans les questionnaires pour aborder les incivilités : premièrement les incivilités physiques (présence de déchets, d’actes de dégradation, de graffitis, etc.), secondement les incivilités sociales (prostitution, alcoolisation publique, etc.) ou considérées comme telles (présence de groupe de jeunes par exemple). Ces deux types d’incivilités se comprennent par les habitants d’un quartier, d’une ville, d’une communauté en général, d’un campus universitaire dans le cas qui nous concerne, comme des signes patents d’un amenuisement du contrôle social dans la zone considérée.

35Les recherches portant sur les corrélations positives entre le sentiment d’insécurité et les incivilités se centrent essentiellement sur les perceptions qu’ont les habitants des incivilités (Lewis, Maxfield, 1980 ; Lewis, Salem, 1985 ; Skogan, Maxfield, 1981). Autrement dit, plus les actes d’incivilités se répètent dans une zone donnée, plus le sentiment d’insécurité a tendance à s’accroître. À partir de 1985, des chercheurs vont néanmoins relativiser cette corrélation positive en montrant que l’incidence des incivilités (matérielles et sociales) sur le sentiment d’insécurité peut être modérée notamment lorsqu’une incertitude existe sur l’évolution du quartier. Des études menées aux États-Unis viennent confirmer cette conclusion (Perkins et al., 1992, 1996), de même que des recherches françaises (Hermand et al., 1997, 1999). Ces mêmes recherches ajoutent que la familiarité avec le lieu joue sur la sensibilité des habitants aux incivilités. En effet, les incivilités sociales sont davantage repérées par les résidents du quartier quand les non-résidents constatent plutôt l’existence d’incivilités physiques. Qu’en est-il des étudiants familiers de leur campus (ou même des résidents) ? Des éléments en ce sens permettant de considérer l’asymétrie de perception de la réalité entre les différents acteurs sociaux pourraient être recueillis lors d’enquête de victimation. En effet, il semble raisonnable de penser qu’une manière différente de fréquenter un même environnement offre un regard différent sur celui-ci. Ainsi, il se joue sans nul doute quelque chose au niveau de l’appropriation des lieux et de l’emplacement du campus.

36La récente synthèse de Robert Sampson (2012) – en prenant pour point de départ de son raisonnement la pauvreté et les inégalités – cherche à comprendre le statut socioéconomique peu mouvant d’un quartier et ce, malgré les modifications urbaines profondes. Selon l’auteur, les inégalités sociales sont enracinées dans un contexte local. Il prouve que l’appréhension de la délinquance qu’ont les habitants prédit beaucoup mieux l’évolution des crimes et des délits que le désordre observé dans une zone donnée. Son analyse rejette en bloc la Broken Windows Theory qui stipule un lien de causalité entre les dégradations physiques de l’environnement et la production d’actes délinquants. Pour lui, la composition ethnique d’un quartier impacte le plus significativement la perception du désordre. Les campus français, construits majoritairement dans les années 1970 et dont certains sont implantés dans des espaces urbains à forte proportion d’immigrés (ou perçus comme tels), seraient des terrains tout à fait adéquats pour tester cette hypothèse.

8. Conclusion

38Pour toutes les raisons évoquées, la conduite d’enquêtes sur la victimation et le sentiment d’insécurité chez les étudiants en France permettrait de mieux comprendre ces espaces sociaux. La littérature anglo-saxonne est de ce point de vue très instructive et donne une idée assez précise du type de données scientifiques que l’on peut accumuler. Cet article suggère la création d’un programme de recherche sur ces questions dans le contexte des campus français qui ont leur particularité. En effet, ce vide scientifique rend impossible toute discussion sérieuse sur la sécurité des campus et des usagers étudiants. De quoi les étudiants sont-ils victimes ? Peut-on dresser un profil-type de victimes sur un campus ? L’organisation de la sécurité, les problèmes de délinquance locale ainsi que les représentations sociales forment-ils un ensemble de phénomènes qui s’articulent et s’alimentent ? Dans quelle mesure l’implantation sociospatiale d’un campus peut-elle influencer l’expérience de la victimation sur les campus ?

39Les campus universitaires sont des lieux difficiles à imperméabiliser puisqu’ils sont de fait des espaces ouverts sur la société. En parallèle, de maigres travaux arguent de déviances intra-universitaires. Nous invitons donc à étudier les campus à travers le prisme de la sécurité dans un contexte post-attentats de 2015 qui ont modifié la gestion de la sécurité. Les réflexions engagées ses dernières années sur la sécurité des campus se passent trop largement de la réalisation de ce type d’enquête qui a aussi l’avantage d’analyser les causes sociales et urbanistiques de l’insécurité et les pratiques des usagers. Une meilleure connaissance de la réalité des campus permettrait de mieux concevoir ces espaces et d’agir au regard des faits de délinquance et d’incivilité signalés par les étudiants, concernés au premier chef. L’objectif final est de rendre possible l’élaboration de préconisations concernant l’aménagement et un meilleur partage des espaces sur les campus qui, rappelons-le, accueillent chaque année une part importante de la jeunesse. Tous ces éléments permettraient par conséquent de questionner sous un nouvel angle l’ancrage spatial et social des étudiants et ainsi le rapport à leur environnement d’étude pour ajouter de la complexité dans la compréhension du sentiment d’insécurité chez ce public particulier. Force est de reconnaître que les enquêtes anglo-saxonnes et les résultats accumulés ces dernières années devraient constituer un modèle sur lequel la recherche française pourrait s’appuyer afin d’améliorer ses outils méthodologiques. De plus, la réalisation d’une proposition de programme de recherche sur les mondes étudiants serait également intéressante dans la mesure où elle soulèverait de très nombreux problèmes théoriques et méthodologiques qui méritent en tant que tels une investigation détaillée préalable à toute mise en œuvre des futures recherches.