Sabine Rousseau, Henri Burin des Roziers 1930-2017. La sève d’une vocation. Biographie
Sabine Rousseau, Henri Burin des Roziers 1930-2017. La sève d’une vocation. Biographie, Paris, Éditions du Cerf, 2023, 474 p. ISBN 978-2-2041-6069-8
Texte intégral
1La biographie reste une valeur sûre de l’historiographie contemporaine et Sabine Rousseau en fait la démonstration en proposant le parcours de vie et d’engagement du dominicain Henri Burin des Roziers. L’homme n’est pas un inconnu pour elle. Elle l’a rencontré et interrogé à la fin de sa vie et leur entretien a été édité. Elle a étudié ses combats en Haute-Savoie et publié ses lettres d’Amérique latine. Pour ce nouveau travail, elle a disposé de l’ensemble de sa correspondance, à laquelle s’ajoutent les archives dominicaines, les papiers de plusieurs associations, les imprimés et les témoignages. Le plan est sans surprise qui conduit en quatorze chapitres de la naissance à la construction d’une légende. La conclusion, exemplaire, propose leur regroupement autour des quatre moments d’une vie. Les quatre premiers chapitres suivent la jeunesse d’un enfant de l’élite sociale, marquée par la Résistance et le gaullisme, ses engagements de lieutenant dans l’Algérie basculant dans la guerre totale (1955-1956) et son entrée en religion, entrée « négociée » avec sa famille et avec l’ordre pour permettre notamment la poursuite d’études juridiques. Les trois chapitres suivants jalonnent une rupture qui est aussi une « non-rupture ». L’aumônier des étudiants parisiens en droit, ordonné prêtre en 1963, est bousculé par Mai-68 et choisit de quitter le couvent Saint-Jacques pour rejoindre les plus pauvres comme il l’avait déjà demandé à ses supérieurs et comme il l’avait envisagé au milieu de la décennie précédente en regardant vers les Petits Frères de Charles de Foucauld avant de rejoindre les fils de saint Dominique. Il n’est pas le seul à faire ce choix dans la province de Paris, minée par la tourmente post-68. Il rejoint Besançon puis Annecy, où il accompagne les luttes sociales en travaillant à la DASS et en militant « à l’extrême gauche du Christ ». Il n’exerce plus aucune fonction sacerdotale, mais il reste en lien avec l’ordre par l’intermédiaire du provincial Rettenbach, à la différence de bien d’autres religieux de la même génération qui rompent définitivement. Une troisième période débute fin 1978, étudiée du chapitre IX au chapitre XI, celle du départ vers l’Amérique latine qui attire nombre de prêtres depuis le milieu de la décennie précédente et les « convertit » à une radicalité inédite dans le contexte de l’affirmation de la théologie de la libération et de l’option préférentielle pour les pauvres, promue par le CELAM depuis la conférence de Medellín. De nouvelles luttes commencent au service des paysans pauvres du diocèse amazonien de Goiás comme avocat de la commission pastorale de la terre, organe de la conférence épiscopale du Brésil. À l’aune des communautés de base, le dominicain renoue avec l’Église institutionnelle, mais une Église autre : la non-rupture d’hier permet une réintégration. Après une dizaine d’années, une fois encore, Henri Burin des Roziers s’apprête à opérer un nouveau changement, lié à la perception d’un déficit d’enracinement spirituel de son action. Il voyage à travers le continent latino-américain à la rencontre des communautés dominicaines et envisage de s’installer au Guatemala en 1991. Il reste finalement au Brésil pour poursuivre les luttes engagées aux côtés des paysans, à Rio Maria puis à Xinguara, malgré des dangers constants. C’est le quatrième temps, étudié en trois chapitres, jusqu’au retour en France en 2013 en raison d’une santé déficiente. C’est aussi le temps de la reconnaissance officielle, sinon des honneurs et de la médiatisation. Sabine Rousseau reconstitue parfaitement l’itinéraire d’un homme, dans ses engagements et ses convictions. Reste une part irréductible de mystère, celui d’une conscience affrontée aux événements, celui d’une foi qui demeure et qui change, comme le rappelle la citation de Charles Wright en exergue.
Pour citer cet article
Référence papier
Christian Sorrel, « Sabine Rousseau, Henri Burin des Roziers 1930-2017. La sève d’une vocation. Biographie », Chrétiens et sociétés, 31 | -1, 187-188.
Référence électronique
Christian Sorrel, « Sabine Rousseau, Henri Burin des Roziers 1930-2017. La sève d’une vocation. Biographie », Chrétiens et sociétés [En ligne], 31 | 2024, mis en ligne le 07 avril 2025, consulté le 18 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/chretienssocietes/11494 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13v34
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