Jury : MM. les professeurs Gérard Cholvy (Montpellier 3) président, Bernard Delpal (Saint‑Etienne), Jean‑Pierre Gutton (Lyon 2), Claude Langlois (École Pratique des Hautes Études) et Etienne Fouilloux (Lyon 2)

1Dans la salle Marc Bloch de l’Université Lumière Lyon 2, Pierre Kirchner a présenté une thèse portant sur tes Bénédictines en France de 1790 à 1837. Pour l’impétrant, le choix d’un tel sujet repose autant sur la logique d’un parcours universitaire classique que sur un cheminement personnel. Il a montré comment les années de recherche avaient été celles de déplacements constants dans l’ensemble de la France tant auprès des centres d’archives publiques que privées puisqu’il avait obtenu l’autorisation de nombreux monastères de Bénédictines à venir étudier leur histoire. Avec obstination, il a souhaité que l’histoire des moniales de saint Benoît ne soit plus considérée comme le pendant de l’histoire des moines et que cet oubli réparé montre comment les Bénédictines ont une histoire propre à elles avant l’arrivée des moines de Solesmes. Pierre Kirchner a développé une histoire des Bénédictines depuis la rupture révolutionnaire qui est une histoire rattachée à l’Ancien Régime plus par son spirituel que par son matériel. S’il ne néglige pas les pertes subies par les moniales (De 236 monastères, on passe à une trentaine de maisons en 1840) après la Révolution, pour lui, c’est l’héritage des réformatrices du XVII^e siècle que les survivantes de 1790 ont voulu restaurer. Il conclue sur les figures oubliées de Madame de Bavoz et Madame Bernierre, deux fondatrices qui ont autant leur place que Dom Guéranger dans l’histoire monastique.

2Etienne Fouilloux, après avoir présenté l’impétrant, renouvelle son désir de voir publier le mémoire de maîtrise qu’il avait soutenu à Lyon, en 1991, sur l’abbaye de Pradines de 1950 à 1978. Pour le directeur de recherches de Pierre Kirchner, ce dernier a rempli son contrat en ayant su réunir un ensemble considérable d’archives pour réviser l’histoire de la restauration monastique et écrire enfin une histoire des Bénédictines depuis la Révolution. De cette thèse reposant sur trois parties, il a particulièrement apprécié la description de la vie hors le cloître des moniales. De cette vie crépusculaire apparaît une renaissance dispersée en France voulue par quelques-unes des 5 000 anciennes Bénédictines présentes en 1790. De ces monastères réapparus ou fondés sans l’aide des moines, Pierre Kirchner montre remarquablement la diversité des dévotions, des images et des coutumes dans un but unique qui est de vivre selon la Règle de saint Benoît. Pour Monsieur Fouilloux, cette thèse ne comble pas seulement un vide historiographique, elle oblige à réécrire l’histoire de la restauration des ordres religieux en France au XIX^e siècle en lui réintégrant la part oubliée de l’histoire des moniales.

3Claude Langlois félicite Pierre Kirchner pour la qualité de son travail d’autant qu’il a eu plaisir à lire un travail qui prolonge l’enquête qu’il avait réalisée sur les congrégations féminines. La recherche de Pierre Kirchner est remarquable par son but qui est de rendre justice aux Bénédictines dans une histoire monastique jusqu’alors écrite au masculin. La qualité de ce travail repose, d’après Monsieur Langlois, sur trois éléments principaux. Le premier est d’avoir pressenti avec raison que l’histoire monastique au féminin n’a pas disparu avec la Révolution. La seconde est d’avoir su réunir une imposante documentation et par l’accès aux archives privées d’avoir pu reconstituer une histoire lacunaire. Enfin, le troisième élément est celui d’une démonstration impressionnante par le choix et chronologique et géographique voulu par l’impétrant.

4À partir des reproches émis par Claude Langlois sur les oublis de la thèse, Pierre Kirchner s’explique avec le jury sur le choix de ne pas traiter les aspects financiers et architecturaux de la vie monastique au début du XIX^e siècle. Outre son aveu de ne pas être attiré par ces questions, il explique que le manque d’archives n’a pu l’aider à développer ces thèmes autour de la restauration des Bénédictines.

5Reprenant la question des origines sociales des moniales, Monsieur Gutton invite l’impétrant à regarder les archives notariales pour traiter la question de l’origine sociale des religieuses. Le professeur Gutton est impressionné par l’ampleur des archives consultées par l’impétrant d’autant qu’il a su se faire ouvrir les archives privées des monastères de Bénédictines. Comme Étienne Fouilloux, il apprécie le travail sur la vie hors le cloître des moniales. Pour monsieur Gutton, la thèse de monsieur Kirchner montre bien à travers l’originalité de la restauration des Bénédictines, l’indépendance que celles-ci ont pu acquérir vis à vis des Bénédictins. Il conclue en jugeant cette thèse comme étant un beau travail sur l’histoire de la spiritualité et de la femme.

6S’adressant à Étienne Fouilloux, Monsieur Delpal souligne qu’il connaît Pierre Kirchner depuis son DEUG et qu’il est heureux de retrouver un de ses anciens étudiants produisant une thèse qu’il juge « utile, nécessaire et bienfaisante ». S’il a été déconcerté par le choix chronologique, il avoue avoir été convaincu après lecture de l’ensemble du travail qui permet de replacer une histoire oubliée des moniales de saint Benoît face au prestige de Dom Guéranger, un prestige qui explique en partie l’oubli d’une histoire monastique purement féminine. Comme les autres membres dei jury Bernard Delpal souligne la qualité du travail réalisé par Pierre Kirchner. À ses yeux, le corpus est digne des thèses dites « d’ancien régime ». Proche des autres membres du Jury quant aux remarques faites à l’impétrant, Bernard Delpal a souhaité apporter trois réflexions à partir de la lecture de cette thèse. Ses réflexions répondent à celles émises par Pierre Kirchner sur la dépendance des moniales vis à vis des moines et sur l’oubli de leur histoire. La première réflexion est relative à la question de l’autonomie de l’histoire monastique féminine qui ne peut négliger l’état de la société et des mœurs du XIX^e siècle. Ensuite, il aurait été bon de renforcer l’étude économique de la vie des monastères pour définir les distinctions entre les Bénédictines et les autres ordres féminins. Enfin dans le choix chronologique et malgré l’originalité de la césure de 1837, ne doit-on pas voir une fois encore hi dépendance des moniales vis à vis des moines ?

7Le président Gérard Cholvy a souhaité exprimer sa joie de retrouver son ancien étudiant de DEA, à Montpellier, et de voir que ce qui était un vaste projet est devenu une thèse de qualité tant par sa présentation générale que par l’ampleur de ses sources et de sa bibliographie. S’il regrette l’absence de récits des péripéties révolutionnaires, il loue l’habilité avec laquelle Pierre Kirchner a su éviter l’écueil d’une juxtaposition de monographies. Gérard Cholvy reconnaît avoir lu avec intérêt l’étude du choix des noms de religion par les Bénédictines avant et après la Révolution dans le but de saisir l’évolution des dévotions propres aux moniales. Enfin s’il admet avoir été convaincu par la thèse qui oppose l’esprit des Bénédictines issues directement des moniales de l’Ancien Régime de celui des Bénédictins, fondés par Dom Guéranger, dans un esprit de rupture avec l’image du moine maltraité par le XVIII^e siècle, il regrette que l’impétrant ait minimiser l’entorse à la Règle par les Bénédictines en devenant institutrices ou hospitalières dans le but de trouver des moyens de subsistances mais surtout d’être reconnues par l’ État. Après délibération, le jury déclare Pierre Kirchner docteur en histoire avec la mention très honorable avec les félicitations du jury à l’unanimité.