L’influence du catholicisme politique sur la société belge (1830-1995)
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- 1 Voir en général E. Lamberts (éd.), Christian Democracy in the European Union (1945-1995), Louvain, (...)
1Au cours du XXe siècle, le catholicisme politique - plus tard la démocratie chrétienne - a exercé une influence non négligeable sur la vie et les structures socio-politiques dans divers pays de l’Europe occidentale. Ceci n’est pas tellement le cas pour la France où le catholicisme politique n’a été qu’un courant assez faible dans la droite traditionnelle. Par contre, une telle influence est indéniable dans les pays du Benelux, en Autriche, en Italie et dans la République fédérale allemande1. Dans cette contribution, nous voulons nous limiter à la Belgique et montrer dans quel sens le catholicisme politique y a marqué de son empreinte les institutions socio-politiques.
2Signalons dès le début que les catholiques belges, qui ont créé très tôt un parti confessionnel, ont eu toute possibilité d’influencer la vie politique de leur pays. Leur parti prit le pouvoir en 1884 et depuis lors il a toujours fait partie du gouvernement, à l’exception de six ans (1945-1947, 1954-1958). Avant la première guerre mondiale, il fut seul au pouvoir ; depuis lors il est devenu le parti dominant dans des gouvernements de coalition. Les partenaires gouvernementaux avaient beau changer, le parti catholique-démocrate-chrétien savait consolider sa position de force. Il a donc disposé du temps et des moyens nécessaires pour exercer une influence considérable sur l’évolution du pays.
Du catholicisme politique à la démocratie chrétienne
- 2 J. Roegiers, Van « Unigenitus » (1713) tot « Mirari vos » (1832). Noord- en Zuidnederlandse katholi (...)
3La force du catholicisme politique en Belgique s’explique par son alliance avec le courant conservateur, une entente qui prit forme dès la révolution brabançonne à la fin des années 1780. A cette époque-là, l’Église catholique des Pays-Bas autrichiens (la Belgique actuelle) prenait le devant dans la résistance aux réformes “éclairées” de l’empereur Joseph II. Depuis les années 1730, à la suite de la suppression du jansénisme, elle avait été animée par un esprit ultramontain et antigallican, ce qui créait dans cette région une tout autre situation qu’en France. Le clergé ultramontain avait tendance à s’opposer à la tutelle de l’État sur l’Église et à défendre l’indépendance de celle-ci vis-à-vis des pouvoirs publics. La politique régaliste de Joseph II rencontrait une vive opposition de la part de l’Église. Celle-ci s’alliait aux forces conservatrices (la noblesse, les élites urbaines) qui à leur tour combattaient les réformes administratives et politiques de l’empereur. L’alliance entre l’Église et le courant conservateur se fortifia après l’annexion des Pays-Bas autrichiens par la France révolutionnaire (1795-1815) et elle se maintint dans ses grandes lignes dans le Royaume-Uni des Pays-Bas (1815-1830). Sous la domination française, l’Église résistait d’abord à la persécution religieuse des jacobins puis à la politique gallicane de Napoléon Ier. Avec la même ténacité, elle s’opposait après 1815 à la politique régaliste du roi calviniste hollandais Guillaume Ier2.
- 3 H. Haag, Les origines du catholicisme libéral en Belgique (1789-1839), Louvain, 1950 ; A. Simon, Re (...)
4A la fin des années 1820 se dessina un courant libéral au sein du clergé et parmi les (jeunes) laïcs catholiques. Pour mieux se défendre contre un État qui se montrait plutôt hostile à l’Église et pour réaliser la liberté complète de celle-ci, ils s’allièrent au libéralisme en adoptant un programme “libéral”. Avec les libéraux, ils revendiquaient un État parlementaire, la séparation des pouvoirs politiques et l’introduction des libertés modernes. Ils se montraient même disposés à accepter une formule de séparation entre l’Église et l’État. Plusieurs d’entre eux subissaient fortement l’influence des idées catholiques-libérales de Félicité de Lamennais. Il se développait au sein du clergé un élan démocratique qui, dans ses manifestations les plus radicales, menaçait l’alliance avec les élites traditionnelles3.
- 4 A. Simon, Aspects de l'unionisme. Documents inédits (1830-1857), Wetteren, 1958.
5L’union des oppositions catholique et libérale, l’unionisme, mena à la révolution belge (1830) et à la transformation des Pays-Bas du Sud en un État libéral et parlementaire. Dans le nouvel État belge, les libertés du culte, d’enseignement, de presse, d’association et de réunion furent octroyées. L’Église catholique acquit dans la Belgique nouvelle un statut beaucoup plus favorable que dans le Royaume-Uni des Pays-Bas. Elle pouvait se développer de façon autonome et, qui plus est, elle jouissait d’un traitement assez bienveillant de la part du gouvernement. Le climat unioniste en Belgique n’invitait pas explicitement à une mobilisation politique des catholiques. Ceci ne veut pas dire que les catholiques, y compris le clergé, restaient inactifs dans la vie politique : ils donnaient leur appui au régime unioniste, mais ils agissaient en ordre dispersé. Une forte fraction catholique-libérale collaborait avec des libéraux à orientation démocratique. Il y avait également une fraction plus conservatrice qui se rapprochait plutôt des libéraux conservateurs. Le manque d’unanimité politique, même au sein du clergé, et surtout le climat unioniste, qui était favorable à l’Église, tempéraient le facteur confessionnel dans la vie politique4.
- 5 Sur l’ultramontanisme en Belgique, voir E. Lamberts (éd.), De kruistocht tegen het liberalisme. Fac (...)
6La consolidation de la fraction conservatrice parmi les catholiques changea cette situation à la fin des années 1830. Les catholiques conservateurs ne voulaient pas seulement affirmer le principe de l’autorité dans la société et limiter le rôle du peuple dans la vie politique. Ils souhaitaient conserver autant que possible une sorte de collaboration entre l’Église et l’État. Dans leurs conceptions, ils se laissaient guider par la doctrine antilibérale du Saint-Siège (Mirari vos, 1832). Comme ils étaient orientés vers Rome, aussi en matière politique, la désignation “ultramontains” devenait petit à petit leur apanage. Ces ultramontains restaient en quelque sorte attachés à l’idée de l’union du trône et de l’autel, beaucoup plus que les catholiques-libéraux. Leurs conceptions constituaient une menace pour la neutralité idéologique et donc pour le caractère libéral de l’État5.
- 6 H. Haag, Les droits de la cité, Bruxelles, 1946.
7La fraction ultramontaine au sein du clergé jouissait de l’appui de puissants alliés. La monarchie et la noblesse voulaient, pour sauver leurs propres intérêts, refouler les tendances progressistes au sein de l’Église belge. Elles surent gagner le Saint-Siège à leur cause. Rome établit une nonciature à Bruxelles, renforça la présence ultramontaine au sein de l’épiscopat, exerça des pressions sur le clergé catholique-libéral et le ramena à une position plus conservatrice. De ce fait le lien entre l’Église et les forces conservatrices était à nouveau renforcé. La symbiose entre conservatisme et confessionalisme se confirmait6.
- 7 Sur l’évolution politique de la Belgique, voir E. Witte et J. Craeybeckx, La Belgique politique de (...)
8Plus qu’auparavant la hiérarchie ecclésiastique briguait une espèce de collaboration avec les gouvernements unionistes, qui de leur côté adoptaient de plus en plus une orientation conservatrice. L’Église reçut, en échange de son appui aux autorités politiques, un certain nombre d’avantages. Ainsi acquit-elle une influence notable dans l’enseignement primaire public (1842) et dans l’organisation de la charité publique. Par ce type de collaboration entre l’Église et l’État on en revenait jusqu’à un certain point à des situations proches de l’Ancien Régime, ce qui, bien entendu, ne pouvait être accepté par la bourgeoisie libérale. Celle-ci considérait ces développements comme une trahison de l’esprit de la Constitution de 1831 et réagit contre l’emprise croissante de l’Église sur la vie publique. Le cléricalisme déclencha une réaction anticléricale et on se dirigeait inéluctablement vers une lutte politique à base religieuse. Les libéraux tournèrent le dos à l’unionisme, qui était devenu un prétexte au pouvoir de l’Église et de la noblesse. Ils fondèrent leur propre parti, à orientation anticléricale nette. En 1847 ils conquirent le pouvoir au niveau national et ils allaient le garder pratiquement jusqu’en 18847.
9Après 1847, les gouvernements libéraux successifs soustrayaient progressivement l’enseignement et la charité publics à l’influence du clergé. Une contre-offensive catholique entre 1855 et 1857 échoua. Les libéraux renforcèrent leurs positions et transformèrent l’appareil de l’État en arme contre l’Église. L’État centralisé devenait de nouveau un instrument aux mains des forces anticléricales. Dans les milieux catholiques, on allait en garder un anti-étatisme fervent. Or désormais l’Église disposait d’une meilleure arme de défense contre les actions de l’État qu’avant 1830. Elle sut tirer profit de ses libertés constitutionnelles pour développer son réseau organisationnel. La menace émanant de l’État laïcisé se transformait ainsi en un stimulant important à l’expansion du réseau d’organisation catholique et cela pas seulement dans les secteurs éducatif et caritatif. Le développement d’un réseau catholique devenait une stratégie pour sauvegarder l’influence de l’Église dans la société, influence aussi bien politique que religieuse. Les deux aspects étaient désormais intimement liés. Des organisations profanes et politiques reçurent une justification religieuse ; des organisations religieuses une tonalité politique.
- 8 Voir sur le parti catholique au 19e siècle, A. Simon, Le parti catholique belge, Bruxelles, 1958, e (...)
10Face au parti libéral se profilait, à partir de la fin des années 1850, un parti “conservateur”, qui était en réalité un parti catholique. Les ultramontains et les catholiques-libéraux avaient une opinion différente quant à la couleur idéologique de ce parti. Les catholiques-libéraux, qui étaient restés nombreux dans les milieux urbains et parmi les notables politiques, avaient modéré leurs idées depuis les années 1830, mais continuaient à faire confiance aux institutions libérales belges. Ils voyaient dans le parti conservateur plutôt un parti centriste, modéré, constitutionnel, qui respecterait la neutralité idéologique de l’État mais qui devait aussi garantir le libre fonctionnement de l’Église. Les ultramontains, en revanche, attendaient du parti conservateur qu’il fût en premier lieu un parti confessionnel et qu’il donnât la priorité à la défense des intérêts de l’Église, ce qui impliquait à leurs yeux un certain soutien de l’État à l’Église8.
11Dans les années 1870-1880, on assista à la première mobilisation à grande échelle du peuple catholique dans le cadre de la question romaine et de la lutte scolaire, qui fut déclenchée par la loi du 1er juillet 1879, introduisant la laïcisation de l’enseignement primaire public. Les deux questions n’avaient pas seulement pour conséquence que le confessionnalisme gagnait en intensité, mais aussi qu’on sollicitait, plus qu’auparavant, un large soutien pour la cause catholique auprès du peuple. La vague de catholicisme militant avait pour conséquence que le parti conservateur devenait un parti « catholique à part entière ». En même temps, il était créé une ouverture vers la masse populaire qui, à partir des années 1890, serait mobilisée d’une façon structurelle et permanente.
- 9 E. Lamberts et J. Lory (éds), 1884 : un tournant politique en Belgique, Bruxelles, 1986.
12La lutte scolaire adoucit les antagonismes au sein du camp catholique. Les catholiques-libéraux se montraient plus confessionnels qu’auparavant. L’aile ultramontaine, encouragée par le nouveau pape Léon XIII, était plus qu’avant disposée à user des possibilités offertes par les institutions libérales pour faire face à la politique de laïcisation. L’unité retrouvée aida les catholiques à reconquérir le pouvoir en 1884. Leur victoire avait également été facilitée par le fait que de nombreux électeurs s’étaient effrayés du radicalisme de l’anticléricalisme libéral et de l’avènement d’un socialisme semi-révolutionnaire. Le parti catholique resterait seul au pouvoir pendant trente ans, grâce à l’élargissement de son recrutement électoral. Il s’était appuyé depuis longtemps avant tout sur la campagne et la (petite) bourgeoisie conservatrice, mais après l’introduction du suffrage universel avec vote plural (1893) il sut élargir sa base, grâce au soutien des organisations populaires catholiques. Petit à petit il évoluait vers un parti de classes, avec une représentation garantie des paysans, des ouvriers et de la (petite) bourgeoisie. Il devint le premier parti confessionnel en Europe à s’installer d’une façon aussi durable au pouvoir9.
- 10 Pour l’histoire du parti catholique pendant l’entre-deux-guerres, voir E. Gerard, De katholieke par (...)
13Après 1918, par l’introduction de la représentation proportionnelle et du suffrage universel pur et simple, des gouvernements de coalition devenaient la règle. Le parti catholique y participait toujours, de préférence avec les libéraux pendant l’entre-deux-guerres. Comme auparavant, il se portait garant de l’influence sociale de l’Église et continuait à défendre l’enseignement libre, la famille, la propriété et l’entreprise privée, l’harmonie sociale, l’unité nationale et la monarchie. Néanmoins, comme parti de classe, il subissait l’influence d’importantes forces centrifuges. Dans les années 1930, il risquait même de devenir victime d’un mouvement de concentration de la droite (avec des éléments fascisants). Cependant, celui-ci s’affaiblit après 1936. En même temps l’intégration sociale à l’intérieur du monde catholique progressait, ce qui constituait le prélude à la fondation d’un parti démocrate-chrétien après la seconde guerre mondiale : le “Christelijke Volkspartij” (CVP) - Parti Social Chrétien (PSC). Le nouveau parti ne se présentait plus comme un parti confessionnel ou un parti de classes mais comme un parti populaire, avec une direction centrale et un programme commun, fortement imprégné par le personnalisme10.
14Le renforcement des partis de gauche après la seconde guerre mondiale et le réveil des tensions idéologiques éloignèrent les démocrates chrétiens du pouvoir pendant quelques années, mais à partir de 1958 ceux-ci surent restaurer leur hégémonie politique. Bien sûr, au cours des décennies suivantes, le CVP/PSC perdit des votes au profit des libéraux, des partis nationalistes (surtout flamands) et des écologistes, mais grâce à sa position au milieu du spectre politique, il est resté jusqu’à nos jours un partenaire incontournable pour la formation des gouvernements de coalition.
15Ce qui précède, démontre la position de force du catholicisme politique en Belgique depuis plus d’un siècle. Les catholiques ont évidemment su profiter de cette situation et ils ont marqué de leur empreinte la société belge. Or, quelle a été la portée de cette influence ?
- 11 Le catholicisme politique a influencé aussi les mouvements régionalistes en Belgique. Il y a eu sur (...)
16La vie politique en Belgique a été assez complexe depuis plus d’un siècle. Au fond, on a eu successivement trois clivages, qui, de plus en plus, se sont influencés réciproquement : d’abord des tensions philosophico-religieuses (anticléricalisme contre cléricalisme), puis des tensions sociales (la bourgeoisie contre les ouvriers) et enfin des tensions ethno-culturelles (les Flamands contre les Wallons). Ces tensions ont été contenues par des stratégies spécifiques qui ont façonné les institutions belges : la pilarisation, le néocorporatisme et la fédéralisation de l’État. Le catholicisme politique a contribué à chacune de ces stratégies, mais surtout à l’introduction de la pilarisation et du néocorporatisme11. Essayons d’éclaircir ces deux phénomènes politiques.
La pilarisation
- 12 Voir en général sur la “pilarisation” : A. Lijphart, The Politics of Accomodation. Pluralism and De (...)
17La notion de “pilarisation” est née dans les années 1950 aux Pays-Bas pour désigner un type de société qui se caractérise par de fortes lignes de démarcation idéologiques institutionnalisées. Elle a fait peu à peu l’objet d’études en sociologie et les sciences politiques. Des définitions divergentes du phénomène de la pilarisation ont été développées, mais elles nous permettent toutes de définir une société pilarisée comme une société fragmentée sur des bases philosophico-religieuses et ceci dans presque tous les secteurs de la vie culturelle, sociale et politique. Pour pouvoir parler de pilarisation, il est essentiel que des organisations religieuses ou philosophiques étendent leur terrain d’action au domaine profane et plus précisément à la sphère politique. Il doit y avoir des liens substantiels entre ce que les sociologues appellent le canal “corporatif” et le canal “électoral”. Le lien entre la religion (ou une autre idéologie) et le pouvoir est d’une importance essentielle dans le processus de pilarisation. A côte d’un pilier catholique ou protestant, on peut avoir d’autres piliers liés à l’une ou l’autre tendance philosophique et idéologique (par exemple un pilier socialiste ; moins explicitement un pilier libéral). Au sommet, les divers piliers sont unis par un fronton commun. A ce niveau-là ils entrent en dialogue, ils se concertent et ils élaborent un modus vivendi (démocratie de consentement).12
- 13 Sur le développement historique de la pilarisation en Belgique, voir E. Lamberts, « Les sociétés pi (...)
18En général, la pilarisation peut être caractérisée comme le résultat d’une stratégie antilibérale dans une société libérale (pluraliste). En effet, la pilarisation peut seulement émerger dans une société où sont introduites les libertés modernes (pluralisme religieux et philosophique). Mais au fond, c’est un esprit antilibéral (un esprit d’intolérance) qui conduit à la construction d’un ghetto (pilier) catholique, protestant ou socialiste. En Belgique, c’est surtout le segment catholique de la population qui a contribué au processus de la pilarisation. On constatait que l’Église n’était plus capable de conserver le monopole religieux et culturel. C’est pourquoi on s’est consacré à bâtir un État catholique dans l’État belge. En substance nous voulons démontrer pourquoi et quand l’Église catholique a développé un réseau d’organisations profanes dans les sphères sociale et politique et comment elle a contribué de cette manière à la segmentation philosophico-religieuse de la société13.
19Nous avons déjà esquissé comment le pluralisme idéologique s’était consolidé après 1830 dans le nouvel État belge. La constitution libérale permit un développement structurel de groupements philosophiques et idéologiques. Ainsi était créé le cadre formel dans lequel plus tard la pilarisation pourrait prospérer. L’Église réorganisa d’abord surtout les structures ecclésiastiques, améliora la formation du clergé et développa de nouvelles initiatives pastorales. Dans cette première vague organisationnelle après 1830 au sein du monde catholique, les initiatives émanaient essentiellement du clergé et visaient avant tout l’action religieuse. Ceci n’était pas seulement une question de priorités. Le climat unioniste en Belgique n’invitait pas explicitement à une mobilisation politique des catholiques. Sur le plan politique, les catholiques agissaient encore, comme nous l’avons vu, en ordre dispersé. Ce fut surtout l’offensive de la fraction la plus antilibérale des catholiques - la fraction ultramontaine - qui mena à une lutte politique à base religieuse. Le cléricalisme provoquait donc l’anticléricalisme. Bien vite, un parti libéral et anticlérical était confronté à un parti “conservateur”, clérical de fait. Les catholiques profitaient des libertés, inscrites dans la Constitution, pour développer toutes sortes d’institutions et d’associations, qui implicitement renforçaient le parti “conservateur”. Si l’on considère le développement du réseau d’organisation catholique entre 1850 et 1880, on constate qu’il s’étendit par ondes concentriques, de sphères spécifiquement religieuses à des sphères plus profanes. Les associations et initiatives situées dans les sphères extérieures, les plus profanes, s’adressaient essentiellement à la bourgeoisie, détentrice du droit de vote. Par contre, les oeuvres sociales, visant les paysans, ouvriers et artisans, revêtaient encore un aspect essentiellement moral et religieux. Ceci indique que le facteur électoral jouait un rôle considérable dans la “profanisation” du réseau d’organisation catholique.
20Quand les catholiques vinrent au pouvoir en 1884, l’appareil de l’État était désormais à nouveau sous leur contrôle. On ne pouvait plus s’en servir contre l’Église. Toutefois, bon nombre d’acquis libéraux furent sauvegardés. L’enseignement et la charité publics, par exemple, restaient en grande partie soustraits à l’influence du clergé. La fragile majorité parlementaire des catholiques, la crainte d’émeutes dans les rues des grandes villes et l’influence modératrice du roi Léopold II firent que la neutralité idéologique de l’État était assez bien respectée.
21Par la suite, les intérêts de l’Église allaient être surtout servis par la création d’un climat favorable au développement des organisations catholiques. On opta nettement pour un État minimal qui fît beaucoup de place à l’initiative libre, catholique. Ceci est d’autant plus remarquable que les pays occidentaux à cette époque tendaient à élargir les compétences de l’État, notamment dans le secteur social. La Belgique se montrait particulièrement active dans l’élaboration du “principe de la subsidiarité” où l’État déléguait un grand nombre de tâches à des institutions ou à des organisations (confessionnelles) constituées de particuliers. Ceci valait tant pour l’enseignement, le secteur caritatif, les prévisions sociales et le logement que pour - dans un stade ultérieur - la satisfaction des besoins culturels. Le choix d’un espace exempt de l’ingérence de l’État était le résultat logique d’un anti-étatisme que les catholiques, comme nous l’avons déjà montré, avaient développé progressivement. Désormais ils préféraient offrir les meilleures possibilités d’épanouissement à leurs propres organisations. Ces organisations, qui encadraient un segment important de la population et qui maintenaient celui-ci dans la sphère d’influence de l’Église, constituaient en même temps des points d’appui indispensables au parti catholique.
22A partir des années 1890, les autorités, d’abord à l’échelle locale, puis nationale, se mirent à subventionner des caisses d’épargne privées, des mutualités et des caisses de chômage et à soutenir des initiatives dans le domaine du logement social. De même le subventionnement de l’enseignement primaire catholique démarrait petit à petit quand la démocratisation de l’enseignement fut mise à l’ordre du jour. Ainsi le système de la “liberté subsidiée” prenait forme. La devise devenait : “Aide-toi et le gouvernement t’aidera”. Par la suite, ce système allait être mieux élaboré et renforcer le réseau d’organisation catholique (plus tard aussi le réseau socialiste). Il revenait en fait à une sorte d’appui indirect de la part de l’État à des organisations idéologiques et s’inscrivait ainsi à merveille dans la pensée ultramontaine, qui avait été absorbée par le parti catholique sous une forme modérée.
- 14 Voir E. Gerard et P. Wynants (éds.), Histoire du mouvement ouvrier chrétien en Belgique, 2 t., Louv (...)
23A la fin du siècle, à l’époque où les mutations économiques et sociales à la suite de l’industrialisation battaient en brèche les structures sociales traditionnelles, de nombreuses organisations nouvelles furent fondées, visant surtout l’encadrement des masses. Les associations professionnelles et les organisations socio-écomiques créées dans les grandes villes à l’intention des ouvriers par un mouvement socialiste en plein essor, montraient la voie à suivre. Le réseau catholique se ralliait à cette tendance et s’adressait plus qu’auparavant à la masse. En même temps il s’appliquait à la défense des intérêts matériels de ses membres. Ainsi pénétrerait-il davantage dans la sphère profane. L’impulsion fut donnée à l’émergence de mouvements populaires chrétiens, dans lesquels étaient organisés respectivement les agriculteurs (“Boerenbond” belge), les artisans et ouvriers (Ligue démocratique belge) et la classe moyenne. C’est surtout en Flandre que ces mouvements furent solidement établis14.
24Dans cette stratégie, le motif électoral se confondait avec le motif pastoral. En vue de l’élargissement du droit de vote - qui fut réalisé en 1893 - il était d’une importance vitale que le parti catholique pût compter sur les suffrages d’une grande partie de la classe populaire. Il protégeait en fait le statut de l’Église, le libre fonctionnement de ses organisations et l’attitude bienveillante des administrations publiques envers elle. Un climat politique favorable était donc propice à ses activités pastorales.
25Progressivement une tendance à la démocratisation se dessina au sein des organisations populaires catholiques. Il faut souligner que cette tendance émancipatrice put compter sur le soutien d’une fraction importante du clergé. Celle-ci avait compris que seuls les mouvements populaires à orientation émancipatrice pourraient tenir le socialisme en échec. Une grande partie du clergé semblait prêt à accepter le principe de l’émancipation du peuple. De ce constat il ressort une fois de plus que la pilarisation, quoiqu’elle fût d’obédience antilibérale, ne pouvait arriver à ses fins qu’à condition d’utiliser des stratégies ‘modernes’.
26Le parti catholique lui aussi modernisa petit à petit son programme et ses structures. Comme nous l’avons déjà démontré, il évoluait vers un parti de classes, avec une représentation garantie des paysans, des ouvriers et de la (petite) bourgeoisie. De cette manière la jonction entre les canaux corporatif et électoral fut cimentée. De plus, il se forma par son intermédiaire un partenariat entre le pilier catholique et l’État. Les organisations populaires exerçaient par le biais du parti une influence notable sur le parlement et le gouvernement. Elles jouissaient également, grâce aux subventions accordées à un grand nombre de leurs initiatives, d’une espèce de soutien de la part de l’État.
27Avec un certain retard, cette évolution s’affirma aussi du côté socialiste, voire du côté libéral. L’introduction de la représentation proportionnelle dans le système électoral menait à une répartition du pouvoir et des avantages politiques entre les partis et les groupes idéologiques qui les soutenaient. Voilà comment le modèle relationnel entre l’État et le réseau d’organisation catholique s’est vu doté d’une postérité parmi les socialistes et les libéraux. Néanmoins, comme le parti catholique allait participer presque sans interruption à l’exercice du pouvoir en Belgique après 1918, c’est lui qui devait en tirer le plus de profit.
- 15 Voir pour le pilier catholique, A. Tihon, Belgique, dans Histoire du christianisme des origines à n (...)
- 16 P. Pasture, « Entre Église et citoyen : le PSC-CVP et sa base organisée », W. Dewachter e.a. (éds.) (...)
28Pendant l’entre-deux-guerres, le terrain d’action des piliers continua à s’élargir. Le monde du sport et des loisirs, les mouvements de jeunesse et les nouveaux médias (film, radio) furent attirés dans leurs sphères d’action15. Le pilier catholique était perçu comme une puissance redoutable à cette époque, ce qui n’excluait pas qu’il fût sujet à des tensions internes (sociales) fortes et qu’il montrât peu de cohésion sur le plan politique. Le parti de classes subissait l’influence d’importantes forces centrifuges. L’Action catholique se fit le substitut du morcellement politique. La hiérarchie ecclésiastique, qui la dominait et qui poursuivait le développement de l’enseignement et du secteur caritatif chrétien, assurait à cette époque-là, beaucoup plus que le parti, le commandement au sein du pilier catholique. Comme nous l’avons déjà vu, l’intégration sociale à l’intérieur du monde catholique progressa après 1936, ce qui mena à la fondation d’un parti démocrate-chrétien après la guerre. Bien que ce parti ne se présentât plus comme un parti de classes, il réussit à conserver des liens préférentiels avec le pilier catholique16.
- 17 M. Depaepe, « Von Kirche und Staat : versäulung als charakteristischer Prozess der Belgischen Bildu (...)
29Après 1945, la pilarisation se consolida, même si un certain nombre de tentatives timides pour traverser les lignes de démarcation idéologiques sont à signaler. La répression contre la collaboration, la question royale, puis la lutte scolaire (avec comme enjeu le subventionnement de l’enseignement secondaire catholique), provoquèrent à nouveau de grandes tensions entre les courants idéologiques. Du côté catholique, la centralisation du pilier (Secrétariat National de l’Enseignement Catholique, Caritas Catholica) fut intensifiée, en partie à la suite de la lutte scolaire17.
- 18 W. Dewachter, « Changes in a Particracy. The Belgian Party System From 1944 to 1986 », H. Daalder ( (...)
30L’entrelacement de l’État et des piliers se poursuivit, notamment sous l’effet de la politique des catholiques et des socialistes. Les organisations pilarisées acceptaient l’extension du rôle de l’État dans les secteurs socio-économique et socio-culturel, à condition d’avoir voix au chapitre dans les tâches remplies par l’État. En plus, le principe de la subsidiarité était toujours appliqué en combinaison avec le système de la liberté subsidiée. Cela consolidait les organisations pilarisées, qui elles-mêmes renforçaient leur contrôle sur l’appareil de l’État, grâce à leur influence décisive sur les partis politiques. Après 1945, ceux-ci devenaient tout-puissants dans la vie politique belge18.
- 19 E. Lamberts, « L’influence de la démocratie chrétienne en Belgique sur l’ordre politique », E. Lamb (...)
31Cette évolution soulignait l’importance des structures intermédiaires dans la société belge. Pour la plupart, celles-ci avaient, à la suite de l’évolution historique que nous avons esquissée, un caractère explicitement catholique ou anticlérical. Elles étaient donc “pilarisées”. Au cours du XXe siècle, elles allaient jouer un rôle de premier plan dans la structuration de la vie socio-économique, ce qui fait que le système belge peut en même temps être qualifié de néocorporatiste. Ainsi, la pilarisation et le néocorporatisme se sont rencontrés et se sont renforcés au cours de l’histoire19.
Le néocorporatisme
- 20 P.C. Schmitter, « Still the Century of Corporatism ? », P.C. Schmitter et G. Lehmbruch (éds), Trend (...)
32Le néocorporatisme peut être caractérisé comme une forme atténuée du corporatisme. Il renvoie à un modèle de société dans lequel est organisée d’une manière régulière une concertation entre l’État et les groupes d’intérêt socio-économiques. A la base de ce modèle se trouve la notion d’harmonie sociale. Il y a plusieurs variantes au sein du néocorporatisme20. Dans une version plus étatiste, qui est réalisée par exemple dans un pays ‘socialiste’ comme la Suède, l’État fait appel aux organisations professionnelles dans la préparation, l’évaluation, et occasionnellement, la mise en oeuvre de la politique économique et sociale, mais il ne leur attribue pas de compétences autonomes dans ces domaines. Dans une version moins étatiste, qui est plus populaire parmi les démocrates-chrétiens, l’État n’hésite pas à déléguer un certain nombre de ses fonctions et de ses compétences aux organisations professionnelles. Cette stratégie se relie sans problème au principe (catholique) de la subsidiarité, qui se prononce en faveur d’une répartition des compétences entre l’État et les autres formes de vie sociale mais qui, en même temps, reconnaît la primauté et le rôle régulateur de l’État.
- 21 Voir les études, déjà mentionnées, d’E. Gerard sur le mouvement ouvrier chrétien et de L. van Molle (...)
33A la fin du XIXe siècle, furent créés en Belgique des mouvements populaires chrétiens qui subissaient fortement l’influence des idées corporatistes21. Ces organisations chrétiennes réagirent contre le courant socialiste qui, à partir des années 1870, se détournait de l’anarchisme apolitique français et s’orientait de plus en plus sur la social-démocratie allemande. En 1885, fut fondé le Parti Ouvrier Belge, auquel s’affilièrent beaucoup de syndicats, de mutualités et de coopératives. Les positions collectivistes et anticléricales du socialisme provoquèrent la création de mouvements populaires chrétiens. Les catholiques s’étaient montrés assez tôt sensibles aux questions sociales et ils avaient suivi sous ce rapport une double piste. Une faible minorité de catholiques-libéraux se déclarait en faveur de l’émancipation politique et de la protection légale des ouvriers (Bartels, Ducpétiaux, De Jaer). La tendance ultramontaine, qui devenait de plus en plus dominante, se montrait plutôt ouverte à un corporatisme plus paternaliste et moins émancipateur.
- 22 Sur l’influence du corporatisme dans les milieux catholiques-sociaux en Belgique à la fin du 19e si (...)
34Les idées corporatistes, inspirées par des théoriciens austro-allemands, furent, dans un premier temps, divulguées en Belgique par le biais de la France22. La Tour du Pin, de Mun et Harmel exercèrent à partir du milieu des années 1870 une influence incontestable sur les chefs de file ultramontains, de plus en plus sensibles aux questions sociales. C’était d’abord un corporatisme modéré et peu conceptuel qui fut introduit, aussi bien dans la pratique que dans les esprits. Il se contentait de combattre les excès du système capitaliste libéral et avait à peine une dimension politique. Il fut formé des associations ouvrières « patronnées « ou des Guildes paroissiales qu’on ne saurait considérer comme de véritables associations professionnelles. On leur attribuait avant tout une fonction morale et éducative. Dans les années 1880, l’idée corporative fut approfondie. Les théoriciens austro-allemands exerçaient une influence de plus en plus directe en Belgique, entre autres par le biais de l’Union de Fribourg. Le concept d’une société corporative chrétienne, historiquement fondée, organique, solidaire mais néanmoins hiérarchique, prenait davantage de consistance. Les efforts se concentraient sur les groupes occupant le “milieu” de la société. Ce “milieu”, constitué des paysans, des artisans et des petits commerçants, était perçu comme un tampon nécessaire entre le travail et le capital, ainsi que comme la meilleure garantie pour le maintien des valeurs et institutions traditionnelles, telles que la foi et la famille. La classe ouvrière devait être orientée sur ce “milieu”. A cet effet, il fallait l’organiser dans des corporations mixtes, constituées de patrons et d’ouvriers. Ces corporations étaient conçues comme des organisations liées aux diverses catégories sociales (“standen”) : guildes corporatives pour le secteur artisanal, le commerce de détail, la grande industrie et les agriculteurs (“boerenbonden”), chacune appuyée par ses propres journaux, caisses de crédit, assurances, etc. Elles reçurent tant des fonctions socio-économiques que socio-culturelles. En plus, elles devaient avoir d’un prolongement politique et, par le biais de la “représentation des intérêts”, influer sur la politique. Petit à petit, l’idée de l’intervention sociale de l’État se frayait un chemin. Les catholiques belges, comme il a déjà été mentionné, redoutaient le renforcement de l’autorité de l’État, mais après 1884, quand ils eurent reconquis le pouvoir, cette résistance s’affaiblit. On affirmait toutefois que l’État devait agir par le biais des structures intermédiaires auxquelles il fallait accorder des compétences explicites dans le domaine socio-économique.
35L’idéologie corporative inspirait dans une grande mesure les associations de classe (“standsorganisaties”) nationales, créées au cours des années 1890. Sous l’influence allemande, la tendance corporative l’emporta peu à peu sur la tendance coopérative au sein du Boerenbond belge (1890). La Ligue démocratique belge, qui coordonnait depuis 1891 les oeuvres pour les ouvriers et les artisans, était un forum important pour les idées corporatives. Celles-ci animaient aussi le mouvement des classes moyennes, qui démarra plus tard et qui montrait beaucoup d’intérêt pour l’exemple allemand de l’organisation corporative de la petite industrie et du commerce de détail.
- 23 P. Gérin, « Les mouvements populaires en Belgique », E. Lamberts (éd.), Une époque en mutation, ibi (...)
36Vers la fin du siècle, on assista à un nouvel essor de tendances démocratiques au sein du catholicisme social belge. Ceci apparut déjà au Congrès des catholiques à Liège de 1889 où bon nombre d’orateurs semblaient prêts à accepter l’émancipation sociale et politique des ouvriers, ainsi que leur protection légale. Ils se prononçaient également en faveur de la fondation de syndicats autonomes. Après 1900, le courant démocratique au sein des mouvements populaires chrétiens prit de l’ampleur. Le prosélytisme puissant du socialisme renforçait la tendance émancipatrice du côté catholique. Le syndicalisme autonome, par exemple, avait le vent en poupe et préparait l’avènement d’un mouvement ouvrier chrétien autonome23. Des tendances analogues s’observaient au sein des autres mouvements populaires. Les organisations chrétiennes abandonnèrent l’idée et la pratique des corporations mixtes (micro-corporatisme), mais n’en restaient pas moins fidèles aux larges contours du modèle corporatif (macro-corporatisme) : le concept d’une société de classes (“standen”) avec une inégalité contenue, le rêve de l’harmonie sociale, la délégation de tâches socio-économiques par l’État à des organisations intermédiaires, la représentation politique des intérêts.
- 24 J.L. Jadoulle, La pensée de l'abbé Pottier (1849-1923). Contribution à l'histoire de la démocratie (...)
- 25 Voir l’excellente biographie de J. de Maeyer, Arthur Verhaegen, 1847-1917. « De rode baron”, Louvai (...)
37L’influence durable de la pensée corporative, qui affectait aussi les catholiques plus démocratiques, ressort de la prise de position d’Antoine Pottier, l’un des porte-paroles les plus importants des démocrates-chrétiens liégeois. Lui aussi continuait de rêver à la réhabilitation d’une harmonie sociale perdue et œuvrait pour la sauvegarde d’une société de classes hiérarchisée24. Ceci vaut encore plus pour Arthur Verhaegen qui, à Gand, la ville industrielle la plus importante de la Flandre, sut intégrer la démocratie chrétienne dans le parti catholique. Toute sa vie, il est resté fidèle à l’idéal de la société de classes chrétienne et c’est plutôt par pragmatisme qu’il acceptait le syndicalisme autonome et la démocratie politique25.
- 26 K. Meerts, « De personalistische traditie aan de K.U.Leuven rond de eeuwwisseling », L. Bouckaert, (...)
38C’était surtout à l’université de Louvain, le centre intellectuel le plus important de la Belgique catholique, que se développa un corporatisme actualisé, au sein de l’Ecole des Sciences politiques et sociales (Brants) et de l’Institut néothomiste (Mercier, Deploige). Les professeurs de philosophie louvanistes trouvaient les fondements du concept de justice dans le néothomisme. Ils s’intéressaient beaucoup à la situation sociale de l’individu humain et attachaient une grande importance à la famille comme pierre angulaire de la société et à d’autres entités sociales, dont les organisations professionnelles. Entre toutes ces associations devaient exister une forte solidarité et une coordination parfaite. Les philosophes louvanistes louaient le principe de la subsidiarité et souscrivaient à l’idée de la représentation politique des intérêts. Dans leur modèle de société, l’accent était mis sur les structures intermédiaires. Ils adoptèrent peu à peu une attitude plus souple à l’égard des acquis démocratiques, mais restaient néanmoins attachés aux macro-éléments du corporatisme26.
- 27 Pour une analyse de la politique gouvernementale entre 1884 et 1914 dans le domaine social, voir E. (...)
39Les idées corporatives avaient un impact indéniable sur la politique gouvernementale qui, jusqu’en 1914, était l’affaire des catholiques27. Cette politique était d’une part axée sur l’amélioration de la situation matérielle des ouvriers, qu’on voulait promouvoir petits propriétaires. D’autre part, on souhaitait maintenir les classes moyennes (paysans, commerçants, artisans).
40Dans le domaine social, on se préoccupait avant tout de la situation de l’ouvrier. Dès 1887, la concertation sociale fut engagée. Des conseils d’industrie et du travail furent créés par secteur, composés de façon paritaire de représentants du patronat et des ouvriers. Ces organismes devaient conseiller le gouvernement, sur sa demande, dans des questions sociales et intervenir en médiateur lors de conflits collectifs entre patrons et ouvriers. En 1889, la représentation des ouvriers fut renforcée dans les conseils de prud’hommes, qui jugeaient les différends d’ordre professionnel. Au tournant du siècle, on s’attaqua aux assurances sociales. Dans ce domaine, le principe de la liberté subsidiée fut appliqué. Les autorités ne se limitaient pas à la création du cadre juridique et institutionnel de la sécurité sociale, elles soutenaient aussi financièrement les caisses d’assurance existantes. Il n’était toutefois pas question d’une assurance obligatoire. Le gouvernement catholique craignait qu’une telle obligation ne menât à la création d’organismes d’État, au détriment des caisses d’assurances catholiques. Cette attitude impliquait aussi que la politique sociale concernât surtout l’ouvrier appliqué, parcimonieux et plus ou moins qualifié et non pas tellement le prolétariat ouvrier. Ceci répondait au concept de la “société du milieu” que les catholiques-sociaux avaient en vue.
41Ce concept déterminait aussi la politique catholique à l’égard des paysans et des classes moyennes. La politique agricole visait avant tout à maintenir en vie la petite entreprise familiale. Les classes moyennes, elles, faisaient, encore plus que le secteur agricole, l’objet d’une politique d’encouragements et de soutien d’initiatives à la base.
- 28 H. Mélot, Evolution du régime parlementaire, Bruxelles, 1936 ; E. Witte, « De evolutie van de rol d (...)
42Entre-temps le parti catholique évoluait vers un parti de “standen” (classes). Cette évolution fut accomplie après la première guerre mondiale et entraîna une consolidation de l’influence des forces démocratiques au sein du parti. Or, en même temps s’installait une sorte de représentation des intérêts : les parlementaires catholiques ne représentaient plus tellement des électeurs particuliers mais plutôt des groupes d’intérêts organisés. Du coup, le régime parlementaire changeait de caractère. Le parti socialiste lui aussi, porte-parole des syndicats, des mutualités et des coopérations, contribuait à cette évolution28.
- 29 D. Luyten, Ideologisch debat en politieke strijd over het corporatisme tijdens het interbellum in B (...)
43Dans les années 1930, l’intérêt pour le corporatisme fut activé par le développement d’un corporatisme d’État dans les pays fascistes. En Belgique, du côté catholique, c’étaient surtout le patronat et les classes moyennes qui se firent l’écho de ce corporatisme autoritaire. Celui-ci fournissait à un certain nombre d’entrepreneurs une stratégie pour neutraliser le mouvement ouvrier. C’est justement pour cette raison que le mouvement ouvrier chrétien restait sur la réserve face au corporatisme politique. Néanmoins, il se sentait toujours attiré, il y était encouragé en outre par l’encyclique “Quadragesimo Anno” (1931), par les principes du corporatisme socio-économique. Il œuvrait pour une organisation officielle de la vie économique qui garantît la paix sociale et qui étendît en même temps le pouvoir des mouvements syndicaux29.
44Vers 1936, la menace croissante des systèmes totalitaires en Europe poussait les partis politiques belges vers un consensus social et démocratique. Il fut formé un “front démocratique”, qui résisterait au choc de la seconde guerre mondiale, et qui allait être, pour longtemps, la clef de voûte de la politique belge. La résistance des éléments conservateurs contre une concentration des forces démocratiques s’était affaiblie parce que d’un côté l’aile droite de la bourgeoisie était attirée par l’extrême droite et s’était détournée du parti catholique et que de l’autre côté le socialisme, sous l’influence des idées de Hendrik de Man, avait pris un tournant vers le centre. On en arrivait à un rapprochement entre socialistes et catholiques. Les réformes sociales furent activées. Ainsi, en 1936, par l’organisation d’une première Conférence nationale du travail, on fit un pas considérable vers la concertation institutionnalisée entre employeurs, syndicats et gouvernement.
- 30 P. Pasture, « The April 1944 « Social Pact » in Belgium and its Significance for the Post-War Welfa (...)
45La victoire sur le fascisme menait au renforcement des mouvements sociaux et démocratiques. Dès la fin de la seconde guerre mondiale, on jeta les fondements de l’État-providence. Grâce à l’arrêté-loi du 28 décembre 1944, la sécurité sociale pour les salariés fut organisée de façon cohérente. Plus tard, on ferait de même pour les autres catégories professionnelles. Il est à noter que les assurances sociales restaient organisées sur une base professionnelle et qu’une solidarité catégorielle, et non pas nationale, était réalisée par ce système. Les assurances sociales les plus importantes devenaient obligatoires, ce qui risquait de renforcer les tendances étatisantes. N’empêche que le principe de la subsidiarité pouvait en grande mesure survivre. Les syndicats et les mutualités continuaient à assurer l’exécution des allocations de chômage et de l’assurance maladie-invalidité. Avec les employeurs, ils avaient voix au chapitre dans la gestion du système. Comme l’assurance-santé devenait la pierre angulaire de la politique de santé, les mutualités acquéraient en plus une position de force dans l’organisation de ce secteur30.
- 31 D. Luyten, Sociaal-economisch overleg in België sedert 1918, Bruxelles, 1995 ; H. Deleeck, « La pol (...)
46En outre, la vie économique fut organisée en termes de droit public. Par la mise en place de conseils professionnels (au niveau sectoriel) et de conseils d’entreprise, le salarié put participer, par le biais des syndicats, à la gestion des entreprises. Les partenaires sociaux devinrent cogestionnaires des grandes institutions financières (par exemple la Banque nationale) qui furent transformés en entreprises publiques mixtes. Des organismes de coordination furent fondés : sur le plan économique, le Conseil central de l’économie (1948), et, dans la sphère sociale, le Conseil national du travail (1952). Après, ce modèle de concertation a été l’objet de retouches à plusieurs reprises, mais son noyau est resté intact31.
- 32 P. Pasture, Kerk, politiek en sociale actie. De unieke positie van de christelijke arbeidersbewegin (...)
47L’économie de concertation était le résultat d’un compromis entre socialistes et démocrates-chrétiens, mais sa structure répondait surtout à ce que le mouvement ouvrier chrétien s’était toujours donné pour objectif. On y retrouvait des principes tels que la liberté d’association, l’autonomie des acteurs économiques organisés, la subsidiarité et l’harmonie sociale. Par le biais de l’économie de concertation et des assurances sociales, le mouvement ouvrier sut étendre sensiblement son pouvoir. Il pouvait participer systématiquement à la politique socio-économique. C’étaient surtout les syndicats et les mutualités qui renforçaient leur influence. En fait, le système semblait profiter le plus au mouvement ouvrier chrétien qui à partir des années soixante devint plus fort que son pendant socialiste32.
- 33 A. van den Brande, « Neo-corporatism and functional-integral power in Belgium », I. Scholte (éd.), (...)
48Non seulement le mouvement ouvrier, mais aussi les mouvements des classes moyennes, le Boerenbond et la Fédération des entreprises étaient intégrés de plus en plus dans les structures de concertation et invités à prendre part aux décisions politiques. De cette façon, une structure d’État corporative modérée (néocorporative) vit le jour. La concertation sociale fut organisée à tous les niveaux et cela de manière systématique et récurrente. Les groupes d’intérêts étaient représentés dans nombre d’organismes consultatifs et de gestion. L’État leur confiait de son côté une partie de ses tâches, surtout dans la sphère sociale. De leur côté, ils exerçaient, à travers leur représentation dans les partis politiques, une grande influence sur le parlement et le gouvernement33.
49Le modèle d’État néocorporatif fonctionna à merveille dans les années 1960 et 1970. A cette époque, la politique gouvernementale était en grande partie déterminée par les démocrates-chrétiens et les socialistes. On en arrivait à un front syndical durable entre les syndicats chrétiens et socialistes. De même, les mutualités chrétiennes et socialistes s’entendaient très bien. L’action commune des syndicats et mutualités augmenta encore leur poids dans l’économie de concertation et dans l’État-providence.
L’État pilarisé et néocorporatiste assailli
50Comme nous l’avons déjà démontré abondamment, le néocorporatisme a été imbriqué dans la pilarisation en Belgique. Mais petit à petit des fissures sont apparues dans cet édifice solide. Ces fissures n’étaient pas dues au processus de la fédéralisation, qui avait été mis en route pour contenir les tensions ethno-culturelles dans le pays. Les structures pilarisées étaient, en fait, minées par un changement de mentalité parmi les catholiques et par la sécularisation croissante. Le néocorporatisme était menacé par la crise économique des années 1980 et par l’évolution vers une nouvelle culture politique.
- 34 L. Voyé e.a. (eds.), La Belgique et ses dieux : églises, mouvements religieux et laïques, Louvain-l (...)
51Dès les années 1960, on constate une tendance vers la dépilarisation dans la société belge. On assistait à un glissement important, notamment dans le monde catholique, sous l’influence de Vatican II. L’ “aggiornamento” au sein de l’Église catholique s’est manifesté à travers l’intensification du dialogue avec le monde ‘moderne’ et par une plus grande tolérance. La liberté religieuse était désormais perçue d’une façon plus positive. La relation entre pouvoir et religion a été remise en cause. Ainsi tombait l’un des motifs principaux de la pilarisation et une tendance vers la dépilarisation commençait à se dessiner parmi les catholiques. Celle-ci affecta surtout la sphère politique : de plus en plus de catholiques se sont détournés de la Démocratie chrétienne et se sont mis à soutenir d’autres partis (libéraux, nationalistes ou écologistes). Il faut toutefois noter que les organisations catholiques se sont maintenues dans les secteurs social et culturel, bien que le facteur religieux y ait reçu une autre interprétation. Ainsi, le caractère “clérical” du pilier catholique a disparu. La baisse du nombre de prêtres et de religieux a conduit à une professionnalisation accrue au sein des organisations pilarisées. Le pilier catholique a acquis en même temps une conscience collective nouvelle : des valeurs telles que la solidarité et la fraternité en constituent dorénavant le contenu (évolution vers une chrétienté socio-culturelle)34.
- 35 P. Pasture, “Entre Église et citoyen : le PSC-CVP et sa base organisée”, p. 279-285.
52Le maintien des organisations pilarisées dans la vie sociale et culturelle s’explique par leur entrelacement avec l’appareil de l’État, par les services qu’elles fournissent et par leur utilité sociale. Bien que la dépilarisation politique se poursuive, le CVP et le PSC sont devenus, plus qu’auparavant, les agents de liaison au sein du pilier catholique (ils remplacent ainsi la hiérarchie épiscopale). Cela signifie en pratique que, même si de nombreux catholiques ne votent plus pour les candidats démocrates-chrétiens, les organisations sociales et culturelles auxquelles ces électeurs sont affiliés n’ont pas rompu leurs relations préférentielles avec le CVP en Flandre, ou, à un moindre degré, avec le PSC en Wallonie35.
53Il y avait donc des limites à la dépilarisation. D’un autre côté, comme nous l’avons déjà mentionné, le néocorporatisme résistait bien au cours des années 1960 et 1970. La fédéralisation du pays apportait peu de changements à un système qui était le produit de la pacification sociale et philosophico-religieuse. Les groupes d’opinion dominants et les organisations professionnelles se firent valoir sans la moindre difficulté dans les nouvelles structures régionales.
- 36 P. Delwit, J.M. De Waele, Ecolo. Les verts en politique, Bruxelles, 1996.
54Néanmoins, dans les années 1980, la critique de l’État pilarisé et néocorporatif s’est intensifiée, surtout du côté libéral. Les libéraux, avec leurs préférences individualistes et en même temps étatistes, n’avaient jamais été partisans de la pilarisation. Sous l’influence du néolibéralisme, qui gagnait du terrain à cause de la crise économique, ils attaquaient aussi le néocorporatisme, qui selon eux était en bonne partie responsable de la croissance exorbitante des dépenses publiques. Une menace supplémentaire pour le système existant émanait des nouveaux mouvements sociaux tels que l’écologisme, le pacifisme et le tiers-mondisme. Ils étaient en quelque sorte le fruit des mouvements contestataires des années 1960. Surtout les écologistes acquirent très vite une position assez forte en Flandre et en Wallonie. Ils se sont heurtés au système politique belge, parce qu’ils étaient plutôt partisans de la démocratie directe et d’une politique ouverte qui entrait en conflit avec la politique de consentement à huis clos et élitaire qui était devenue habituelle dans le pays36.
- 37 E. Lamberts, « Du personnalisme au social-personnalisme (1968-1995) », W. Dewachter e.a. (éds), Un (...)
55En effet, une fissure de plus en plus large se dessinait entre la politique et les citoyens. L’anti-politique a fait son entrée, comme l’ont démontré les élections législatives de novembre 1991. Les démocrates chrétiens (CVP/PSC) y ont répondu, au moins au niveau du programme. Ces dernières années, ils ont formulé des propositions pour réaliser une démocratie plus émancipatrice, plus responsable. Eux aussi, ils plaident maintenant pour la réduction du rôle des partis et des groupes d’intérêts, le renforcement de l’autonomie des institutions politiques et une influence plus nette du citoyen sur la politique37. Il est intéressant de souligner que de telles réformes impliquent en fait une correction apportée au système politique qu’ils avaient en grande mesure eux-mêmes construit.
Notes
1 Voir en général E. Lamberts (éd.), Christian Democracy in the European Union (1945-1995), Louvain, 1997.
2 J. Roegiers, Van « Unigenitus » (1713) tot « Mirari vos » (1832). Noord- en Zuidnederlandse katholieken tussen jansenisme en ultramontanisme, - Trajecta, 1 (1992) 49-66.
3 H. Haag, Les origines du catholicisme libéral en Belgique (1789-1839), Louvain, 1950 ; A. Simon, Rencontres mennaisiennes en Belgique, Bruxelles, 1963.
4 A. Simon, Aspects de l'unionisme. Documents inédits (1830-1857), Wetteren, 1958.
5 Sur l’ultramontanisme en Belgique, voir E. Lamberts (éd.), De kruistocht tegen het liberalisme. Facetten van het ultramontanisme in België in de 19e eeuw, Louvain, 1984 (avec résumés en français).
6 H. Haag, Les droits de la cité, Bruxelles, 1946.
7 Sur l’évolution politique de la Belgique, voir E. Witte et J. Craeybeckx, La Belgique politique de 1830 à nos jours. Les tensions d’une démocratie bourgeoise, Bruxelles 1987 ; E. Lamberts, « Belgium Since 1830 », H. Blom et E. Lamberts (éds), History of the Low Countries, Providence-Oxford, 1998. Il y eu encore des gouvernements unionistes entre 1852 et 1857. Le parti conservateur fut au pouvoir de 1870 à 1878.
8 Voir sur le parti catholique au 19e siècle, A. Simon, Le parti catholique belge, Bruxelles, 1958, et surtout J.L. Soete, Structures et organisations de base du parti catholique au 19e siècle (1863-1884), Louvain-la-Neuve, 1996.
9 E. Lamberts et J. Lory (éds), 1884 : un tournant politique en Belgique, Bruxelles, 1986.
10 Pour l’histoire du parti catholique pendant l’entre-deux-guerres, voir E. Gerard, De katholieke partij in crisis. Partijpolitiek leven in België (1918-1940), Louvain, 1985. Pour l’histoire du CVP-PSC, voir W. Dewachter e.a. (éds), Un parti dans l’histoire, 1945-1995. 50 Ans d’action du Parti Social Chrétien, Bruxelles, 1996.
11 Le catholicisme politique a influencé aussi les mouvements régionalistes en Belgique. Il y a eu surtout un lien assez fort entre le parti catholique et le mouvement flamand. Voir là-dessus les nombreuses publications de Lode Wils et notamment The Flemish Movement. A Documentary History, 1780-1990, Londres, 1992. Sur la position de la démocratie chrétienne vis-à-vis du processus de la fédéralisation, voir J. Velaers, « Les forces vives de toute une génération : la réforme de l’État de 1970 à 1995 », W. Dewachter e.a. (éds), Un parti dans l’histoire, 492-528.
12 Voir en général sur la “pilarisation” : A. Lijphart, The Politics of Accomodation. Pluralism and Democracy in the Netherlands, Berkeley, 1975 ; H. Post, Pillarization. An Analysis of Dutch and Belgian Society, Gower, 1989 ; McRae K.D. (éd.), Consociational Democracy. Political Accomodation in Segmented Societies, Toronto, 1974 ; R. Steininger, Polarisierung und Integration. Eine vergleichende Untersuchung der strukturellen Versäulung der Gesellschaft in den Niederlanden und Österreich, Meisenheim am Glan, 1975 ; H. Righart, De katholieke zuil in Europa. Het ontstaan van verzuiling onder katholieken in Oostenrijk, Zwitserland, België en Nederland,Meppel-Amsterdam, 1986 ; S. Hellemans, Strijd om de moderniteit. Sociale bewegingen en verzuiling in Europa sinds 1800, Louvain, 1990.
13 Sur le développement historique de la pilarisation en Belgique, voir E. Lamberts, « Les sociétés pilarisées : l'exemple belge », G. Cholvy (éd.), L'Europe. Ses dimensions religieuses, Montpellier, 1998, p. 219-234 ; « Pilarisation en Belgique », Revue belge d’histoire contemporaine, 13 (1982) 3-176 ; J. Billiet (éd.), Tussen bescherming en verovering. Sociologen en historici over zuilvorming, Leuven, 1988.
14 Voir E. Gerard et P. Wynants (éds.), Histoire du mouvement ouvrier chrétien en Belgique, 2 t., Louvain, 1994 ; L. van Molle, Chacun pour tous. Le Boerenbond belge (1890-1990), Louvain, 1990.
15 Voir pour le pilier catholique, A. Tihon, Belgique, dans Histoire du christianisme des origines à nos jours, t. XII, Paris, 1990, p. 538-554 ; J. Tyssens, « Laïcité et pilarisation dans le système politique belge pendant l’entre-deux-guerres », A. Miroir (éd.), Laïcité et classes sociales, 1789-1945, Bruxelles, 1992, p. 219-234.
16 P. Pasture, « Entre Église et citoyen : le PSC-CVP et sa base organisée », W. Dewachter e.a. (éds.), Un parti dans l’histoire, p. 265-295.
17 M. Depaepe, « Von Kirche und Staat : versäulung als charakteristischer Prozess der Belgischen Bildungsgeschichte », W. Böttcher, E. Lechner, W. Schöler (éds). Innovationen in der Bildungsgeschichte europäischer Länder, Berlin, 1992, p. 56-81.
18 W. Dewachter, « Changes in a Particracy. The Belgian Party System From 1944 to 1986 », H. Daalder (éd.)., Party Systems in Denmark, Austria, Switzerland, The Netherlands and Belgium, Londres, 1987, p. 285-363.
19 E. Lamberts, « L’influence de la démocratie chrétienne en Belgique sur l’ordre politique », E. Lamberts (éd.), Christian Democracy in the European Union, p. 254-269.
20 P.C. Schmitter, « Still the Century of Corporatism ? », P.C. Schmitter et G. Lehmbruch (éds), Trends Towards Corporatist Intermediation, Londres, 1979, p. 13 ; G. Lehmbruch et P. Schmitter (éds), Patterns of Corporatist Policy Making, Londres, 1982 ; Peter J. Williamson, Varieties of Corporatism : a Conceptual Discussion, Cambridge, 1985 ; U. Von Aleman (éd.), Neokorporatismus, Frankfurt-New-York, 1981 ; R. Czada, M. Schmidt (éds), Verhandlungsdemokratie, Interessenvermittlung, Regierbarkeit : Festschrift fur Gerhard Lehmbruch, Opladen, 1993.
21 Voir les études, déjà mentionnées, d’E. Gerard sur le mouvement ouvrier chrétien et de L. van Molle sur le “Boerenbond”.
22 Sur l’influence du corporatisme dans les milieux catholiques-sociaux en Belgique à la fin du 19e siècle, voir E. Lamberts (éd.), Une époque en mutation. Le catholicisme social dans le Nord-Ouest de l’Europe (1890-1910), Louvain, 1992, p. 49-63.
23 P. Gérin, « Les mouvements populaires en Belgique », E. Lamberts (éd.), Une époque en mutation, ibid., p. 143-173.
24 J.L. Jadoulle, La pensée de l'abbé Pottier (1849-1923). Contribution à l'histoire de la démocratie chrétienne en Belgique, Louvain-la-Neuve, 1991.
25 Voir l’excellente biographie de J. de Maeyer, Arthur Verhaegen, 1847-1917. « De rode baron”, Louvain, 1994. Un autre dirigeant du mouvement catholique social, qui était fortement influencé par le corporatisme, était Georges Helleputte. Voir sur lui, J. de Maeyer, L. van Molle et K. Maes (éds), Joris Helleputte. Architect en politicus (1852-1925), 2 t., Louvain, 1998.
26 K. Meerts, « De personalistische traditie aan de K.U.Leuven rond de eeuwwisseling », L. Bouckaert, G. Bouckaert (éds), Metafysiek en engagement. Een personalistische visie op gemeenschap en economie, Louvain, 1992, p. 65-82.
27 Pour une analyse de la politique gouvernementale entre 1884 et 1914 dans le domaine social, voir E. Witte et J. Craeybeckx, La Belgique politique de 1830 à nos jours.
28 H. Mélot, Evolution du régime parlementaire, Bruxelles, 1936 ; E. Witte, « De evolutie van de rol der partijen in het Belgische parlementaire regeringssysteem », Res Publica, 22 (1980) 7, p. 34.
29 D. Luyten, Ideologisch debat en politieke strijd over het corporatisme tijdens het interbellum in België, Bruxelles, 1996.
30 P. Pasture, « The April 1944 « Social Pact » in Belgium and its Significance for the Post-War Welfare State », Journal of Contemporary History, 28 (1993), p. 695-714 ; G. Vanthemsche, De beginjaren van de sociale zekerheid (1945-1963), Bruxelles, 1965.
31 D. Luyten, Sociaal-economisch overleg in België sedert 1918, Bruxelles, 1995 ; H. Deleeck, « La politique sociale », W. Dewachter e.a. (éds), Un parti dans l’histoire, p. 441-484.
32 P. Pasture, Kerk, politiek en sociale actie. De unieke positie van de christelijke arbeidersbeweging in België (1944-1973), Louvain, 1992 ; id., « La classe ouvrière, le mouvement ouvrier et la construction des États-providence dans l'Europe du Nord-Ouest », F. Guedj et S. Sirot, Histoire sociale de l'Europe, Paris, 1997, p. 224-225.
33 A. van den Brande, « Neo-corporatism and functional-integral power in Belgium », I. Scholte (éd.), Political Stability and Neo-corporatism. Corporatist Integration and Societal Cleavages in Western Europe, Londres, 1987, p. 95-119.
34 L. Voyé e.a. (eds.), La Belgique et ses dieux : églises, mouvements religieux et laïques, Louvain-la-Neuve, 1985, 2e section.
35 P. Pasture, “Entre Église et citoyen : le PSC-CVP et sa base organisée”, p. 279-285.
36 P. Delwit, J.M. De Waele, Ecolo. Les verts en politique, Bruxelles, 1996.
37 E. Lamberts, « Du personnalisme au social-personnalisme (1968-1995) », W. Dewachter e.a. (éds), Un parti dans l’histoire, p. 374-375.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Emiel Lamberts, « L’influence du catholicisme politique sur la société belge (1830-1995) », Chrétiens et sociétés, 5 | 1998, 7-30.
Référence électronique
Emiel Lamberts, « L’influence du catholicisme politique sur la société belge (1830-1995) », Chrétiens et sociétés [En ligne], 5 | 1998, mis en ligne le 01 avril 2017, consulté le 23 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/chretienssocietes/7126 ; DOI : https://doi.org/10.4000/chretienssocietes.7126
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