• 1 Une partie des renseignements qui suivent m’ont été fournis par une des filles de Michelle Magdelai (...)

Michelle Magdelaine ne faisait pas partie des historiennes médiatiques, bien connues du grand public1. Elle a pourtant beaucoup marqué des générations de chercheurs, débutants ou confirmés, travaillant sur le protestantisme moderne ou sur le Refuge huguenot. Elle était très présente dans les colloques et les groupes de recherche sur ce sujet, qu’elle éclairait toujours de sa connaissance approfondie des questions traitées.

• 2 Dans Didier Boisson, Yves Krumenacker (dir.), La coexistence confessionnelle à l’épreuve. Études su (...)
• 3 Michelle Magdelaine (éd.), Guerre et paix en Alsace au xvii^e siècle, Toulouse, Privat, 1981.

Michelle Magdelaine avait commencé, sous la direction de Robert Mandrou, une thèse sur Sainte-Marie-aux Mines au xvii^e siècle, une commune située aujourd’hui dans le Haut-Rhin, qui avait la particularité, à l’époque moderne, d’abriter des catholiques, des luthériens, des réformés et des anabaptistes, francophones et germanophones, ce qui en faisait un lieu privilégié d’observation des modalités de coexistence confessionnelle. La thèse a été interrompue lorsque, en 1980, la maladie a obligé Mandrou à prendre une retraite anticipée. Michelle Magdelaine est cependant restée la spécialiste incontestée de Sainte-Marie-aux-Mines, sur laquelle elle a écrit plusieurs articles, dont une contribution à un volume de notre collection « Documents et Mémoires » avec un article intitulé « La Coexistence confessionnelle à Sainte-Marie-aux-Mines au xvii^e siècle »2. Son attachement à l’Alsace s’est aussi exprimé par la publication d’extraits du voyage du sieur de l’Hermine en Alsace3.

• 4 Michelle Magdelaine, Rudolf von Thadden (dir.), Le Refuge huguenot, Paris, Armand Colin, 1985.
• 5 Les principales informations sur la base se trouvent sur son site : http://www.refuge-huguenot.fr/i (...)

Ses recherches sur Sainte-Marie-aux-Mines l’ont amenée à découvrir, dans les archives de Francfort, les registres d’assistance aux réfugiés de l’Église française. Elle s’est alors lancée dans un nouveau projet de thèse sur « Une année du Refuge huguenot à Francfort-sur-le-Main, 1686-1687 », sous la direction de Jean Delumeau. Mais ce travail n’a jamais abouti, Michelle Magdelaine ayant consacré toute son énergie à élaborer et développer la base de données sur le Refuge, sur laquelle nous reviendrons. Cela lui a permis d’entrer en 1983 au CNRS, rattachée à l’Institut d’Histoire Moderne et Contemporaine. Elle a finalement peu publié, mais ses quelques écrits sur le Refuge sont devenus incontournables, en premier lieu le volume dirigé avec Rudolf von Thadden qui dresse un état des lieux encore globalement valable aujourd’hui4. Son plus grand apport à la recherche historique, source d’ailleurs de la plupart de ses textes, est l’élaboration à partir de 1978 – une époque où ce genre d’entreprise était encore extrêmement rare –  d’une base de données sur la première génération du Refuge, ceux qui sont partis entre 1685 et la fin du siècle, soit entre 200 et 300 000 personnes, pensait-on dans les années 1970, plus vraisemblablement entre 150 et 180 000 avance-t-on aujourd’hui. Près de 100 000 d’entre eux passeront, entre 1685 et 1705, par Francfort, principal lieu d’assistance des réfugiés dans le Saint-Empire. Le dépouillement exhaustif des registres de l’Église française de Francfort a donc été son premier objectif. Michelle Magdelaine a ensuite, en 1981, constitué un groupe de recherche international qui a permis des dépouillements dans d’autres Églises allemandes et dans d’autres pays (Grande-Bretagne et Suisse). Il y avait en 2010 230 000 fiches établies, dont 135 000 entrées dans la base de données – ce qui ne correspond pas au même nombre de personnes, car il y a de nombreux doublons : des personnes assistées plusieurs fois au même endroit ou dans des endroits différents. Cette base, qui permet de mieux connaître les réfugiés et de les suivre dans leurs déplacements, a été stockée successivement à Orsay, à Montpellier puis à Paris ; en 2009, elle a été transférée à Lyon, au LARHRA. Un projet de restructuration qui devrait permettre de l’interroger plus facilement est en cours5.