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Mémoires honteuses Les chrétiens européens face à leurs passés embarrassants (xvie-xxie siècles)

Faire avec la rétractation d’une voyante : le cas de l’apparition de la Vierge Marie à Pontmain (Mayenne)

Dealing with the retraction of a psychic : the case of the apparition of the Virgin Mary in Pontmain (Mayenne)
Christophe Tropeau
p. 75-97

Résumés

17 janvier 1871 : des enfants disent voir apparaître la Vierge Marie dans le ciel de Pontmain, un petit village situé au nord-ouest du département de la Mayenne. 2 février 1872 : après un procès canonique, l’évêque du diocèse de Laval désigne quatre voyants officiels et authentifie l’apparition. Une basilique est érigée, une gare est construite, un pèlerinage marial se développe. Décembre 1920 : lors d’un second procès canonique, l’une des quatre voyantes officielles, devenue religieuse, Jeanne-Marie Lebossé, se rétracte et dit n’avoir rien vu cinquante ans plus tôt.
Face à ce rebondissement honteux, risquant de mettre à mal, aux yeux des fidèles, le statut de Pontmain en comparaison des autres sanctuaires mariaux, au premier rang desquels celui de Lourdes, les autorités ecclésiastiques mayennaises adoptent successivement plusieurs stratégies mémorielles. Pendant un demi-siècle, elles ne révèlent pas l’évènement ; le récit officiel, établi dès 1871, reste inchangé. Puis, à l’occasion du centenaire de l’apparition, avec l’accord de l’évêque du diocèse de Laval, une tentative d’explication et d’assimilation de la rétraction, qui ne remet pas en cause l’apparition, est avancée par l’intermédiaire d’un ouvrage très documenté. Cependant, depuis, la politique mémorielle adoptée par les autorités ecclésiastiques locales oscille entre un retour à une occultation de la rétractation de Jeanne-Marie Lebossé et une entreprise de diversion, engagée avec la promotion du rôle joué par le curé de Pontmain en 1871, l’abbé Guérin.

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Texte intégral

  • 1 René Laurentin, Albert Durand, Pontmain. Histoire authentique, t. I, Paris, Apostolat des éditions/ (...)

1Au soir du 17 janvier 1871, un petit groupe d’enfants de Pontmain, hameau d’une centaine d’habitants situé au nord-ouest du département de la Mayenne, disent voir apparaître la Vierge Marie dans le ciel. Alerté, l’évêque de Laval, dont relève Pontmain, dépêche très rapidement sur place l’abbé Richard afin d’établir les faits et d’en concevoir un récit. Dès le 2 mars, le manuscrit est terminé ; une lecture publique en est faite à Pontmain, en présence des petits voyants. La première édition paraît le 22 mars 1871. René Laurentin, qui s’est intéressé à plusieurs apparitions mariales, dont celle de Lourdes, écrit en 19711 :

[…] à ma connaissance, il n’est pas de pèlerinage qui ait bénéficié, dès la première heure, d’une enquête aussi proche des évènements, aussi objective, sensible aux détails pris sur le vif, et, pour l’époque, aussi sobre. Avant la fin de l’année, plus de 50 000 exemplaires sont répandus ; les premières traductions paraissent en Suisse, Italie, Angleterre.

  • 2 Joachim Bouflet, Dictionnaire des apparitions de la Vierge Marie, Paris, Éditions du Cerf, 2020, p. (...)
  • 3 Joachim Bouflet, Institution et charisme dans l’Église de 1846 à nos jours : la question du jugemen (...)

2Le succès de l’ouvrage tient vraisemblablement au contexte. L’évènement de Pontmain se situe dans la lignée d’autres apparitions mariales sur le territoire français, reconnues par les autorités religieuses, comme à La Salette en 1846 et à Lourdes en 1858, ou non reconnues, soit plus d’une cinquantaine de cas répertoriés entre 1800 et 19142. Mais il a surtout lieu en pleine guerre franco-prussienne, à une date où la situation militaire des troupes françaises est des plus désespérée et où la population de l’Ouest de la France s’attend à voir déferler les troupes ennemies. Finalement, le déferlement n’a pas lieu et un armistice est signé entre la France et le tout nouvel Empire allemand, le 28 janvier 1871. Nombreux sont ceux à voir un rapport de cause à effet entre l’évènement de Pontmain et la fin des hostilités. L’évènement mayennais devient une « référence » pour les apparitions dites « des temps mauvais » qui vont se multiplier dans les deux décennies qui suivent en France et en Europe3.

  • 4 Aimable-Marie Richard, L’évènement de Pontmain. Récit de l’apparition du 17 janvier 1871, Laval, im (...)

3Le récit de l’abbé Richard sur Pontmain est réédité à plusieurs reprises jusqu’en 1939, année de la dernière édition recensée. La préface de l’édition de 1916 note4 :

Ce Récit a été fait par M. l’abbé Richard dès les premiers mois qui suivirent le mémorable Évènement, et il a été fait avec piété et avec exactitude. Avec piété : on dit que c’est à genoux que M. Richard écrivit ces pages à la louange de Notre-Dame de Pontmain. Avec exactitude : M. Richard vint d’abord à Pontmain réunir les éléments de son travail en interrogeant les Voyants et les soixante personnes qui les entouraient le soir du 17 janvier 1871. Puis il composa l’opuscule. Ensuite il revint à Pontmain, et devant les Voyants et les soixante personnes il lut ce qu’il avait écrit, faisant sur place les corrections de détails qu’on lui signalait. Nous osons ajouter que ce Récit est parfait, tellement il resplendit de simple vérité. On demanda à l’historien de Notre-Dame de Lourdes, Henri Lasserre, d’écrire un livre sur Notre-Dame de Pontmain. Il répondit : "Mais le livre est fait : c’est le Récit de l’abbé Richard. On ne saurait rien écrire de plus beau."

  • 5 Philippe Joutard, Histoire et mémoires, conflits et alliance, Paris, La Découverte, 2013, p. 15.
  • 6 Paul Ricœur, La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli, Paris, Seuil, 2003, p. 650.

4De fait, le travail de l’abbé Richard agrège une soixantaine de mémoires individuelles pour en faire, après « corrections de détails », une mémoire collective, qui, du fait de la commande de l’évêque de Laval, devient une mémoire officielle, fixée dans un livre. Il s’agit bien là de mémoire et non d’histoire, car, comme l’écrit Philippe Joutard, « l’histoire, récit du passé, instaure d’entrée de jeu une distance5 », rappelant l’opposition, présentée par Paul Ricoeur6, entre la « fidélité de la mémoire » et la « vérité de l’histoire » : « La notion de fidélité indique bien le caractère personnel, affectif, passionné, la vérité, ce rapport scientifique et universel ». L’image de l’abbé, « à genoux », plein de louanges à l’égard de la Vierge Marie, place résolument son récit du côté de la mémoire. Pendant 50 ans, aucun autre récit n’a fait concurrence à celui de l’abbé Richard et une mémoire officielle, seule et unique, de l’évènement de 1871 à Pontmain s’est imposée à tous, sous le contrôle des autorités ecclésiastiques locales.

  • 7 Serge Tisseron, La honte. Psychanalyse d’un lien social, Paris, Ekho, 2020 (1ère éd. 2007), p. 305.

5Or, en 1920, à l’occasion d’un second procès canonique ordonné par l’évêque de Laval, ce récit officiel est confronté à un imprévu honteux : la rétractation de Jeanne-Marie Lebossé, l’une des quatre voyants officiels. Selon Serge Tisseron7, « le caractère commun à toutes les formes de honte est l’angoisse d’être exclu, c’est-à-dire non seulement la crainte d’un retrait d’amour, mais même de toute forme d’intérêt ». En l’occurrence, l’attitude première adoptée par l’évêque de Laval, qui est de ne pas rendre publique la rétractation de Jeanne-Marie Lebossé, semble témoigner de sa crainte de la dégradation, au sens premier du terme, de l’apparition de Pontmain en 1871, placée, depuis la fin du xixe siècle, au même rang que celle de La Salette et celle de Lourdes.

6Depuis un siècle, l’attitude mémorielle des autorités ecclésiastiques locales – on peut même parler de politique mémorielle quand cela concerne l’évêché de Laval ou le sanctuaire de Pontmain – a évolué. À une longue phase d’occultation la plus totale, ont succédé une tentative d’assimilation, puis des stratégies diverses qui tiennent, à nouveau, de l’occultation, mais aussi de la diversion.

Taire, 1921-1971

7La première attitude adoptée par les autorités ecclésiastiques locales est de taire totalement la rétractation de Jeanne-Marie Lebossé. Cette politique est menée pendant plus de 50 ans, entre 1920 et 1971. Pour bien saisir le choc ressenti, il faut revenir à l’établissement du récit officiel dès 1871.

8Selon la version rédigée par l’abbé Richard, la Vierge Marie apparut, au soir du 17 janvier 1871, vers six heures, au jeune Eugène Barbedette, âgé de douze ans, puis à son frère, Joseph, de deux ans son cadet. Après que d’autres habitants du hameau se furent pressés autour des frères Barbedette et de leurs parents, deux autres enfants dirent voir également la Vierge Marie dans le ciel : Françoise Richer, onze ans, et Jeanne-Marie Lebossé, neuf ans, jeunes pensionnaires des religieuses de l’école du village. Puis, ce fut au tour d’Eugène Friteau, six ans, et de la jeune Augustine Boittin, deux ans, de témoigner de l’apparition de la Vierge Marie dans le ciel. Près d’une centaine de personnes sont alors présentes autour des petits voyants devant la grange des Barbedette. Aucun adulte présent ne voit la Vierge Marie pendant les trois heures que dure l’apparition, pas même l’abbé Michel Guérin, curé de Pontmain depuis 1836. Ce dernier et les deux religieuses présentes ce soir-là à l’école prennent en main la communauté rassemblée, dirigeant le chant et la prière, pendant que les enfants décrivent les différentes phases de l’apparition. Cette dernière ne parle pas, mais, selon les jeunes voyants, délivre finalement un message écrit dans le ciel : « Mais priez mes enfants, Dieu vous exaucera en peu de temps. Mon Fils se laisse toucher. »

  • 8 R. Laurentin, op. cit., t. I, p. 62.
  • 9 Ibid., t. II, p. 288.
  • 10 Adolphe Robert, Gaston Cougny, Dictionnaire des parlementaires français, t. II, Paris, Bourloton éd (...)
  • 11 Notes prises à la suite d’un récit fait par le père Joseph Barbedette, dans une chapelle de l’Huiss (...)
  • 12 R. Laurentin, op. cit., t. I, p. 64 ; t. II, p. 288 ; t. III, p. 109-110.

9Les jours suivant l’évènement, les jeunes voyants sont soumis à de multiples interrogatoires. Dès le 19 janvier 1871, c’est le doyen de Landivy qui officie8. Entre le 20 janvier et la fin du mois de mars, ce sont « trente-et-un procès d’interrogatoires des voyants par les pèlerins » qui « sont conservés dans [les] archives9 ». Le 10 mars, le général de Charrette, ancien membre de l’armée pontificale entre 1860 et 1870, ancien combattant de la guerre franco-prussienne et éphémère député des Bouches-du-Rhône en février 187110, en pèlerinage à Pontmain, menace Jeanne-Marie Lebossé de la pointe de son sabre pour éprouver son témoignage : « Celle-ci, effrayée, se mit à pleurer. - Si tu mens petite, je te mets à mort : petite, tu n’as rien vu ! Et tout en pleurant, Jeanne-Marie eut pourtant le cœur de dire : - Mais je ne peux pourtant pas dire que je n’ai rien vu11 ! » Après cet échange, le général quitte la Mayenne en signant une attestation d’interrogatoire à laquelle il ajoute : « Je crois »12.

  • 13 René Laurentin, Patrick Sbalchiero, sous dir., Dictionnaire des « apparitions » de la Vierge Marie, (...)
  • 14 Joachim Bouflet, Philippe Boutry, Un signe dans le ciel. Les apparitions de la Vierge, Paris, Grass (...)
  • 15 R. Laurentin, op. cit., t. I, p. 89.

10Le premier procès canonique s’ouvre les 27 et 28 mars 1871, avec l’enquête préparatoire du vicaire général. La législation Lambertini, issue des écrits publiés en 1748 par l’archevêque de Bologne, devenu pape de 1740 à 1758 sous le nom de Benoît XIV, propose des normes juridiques pour ce qui touche aux apparitions13. La procédure de Pontmain reproduit celle suivie depuis deux décennies et la reconnaissance de l’apparition de La Salette par l’évêque de Grenoble en 1851. S’impose alors un modèle attestataire, où l’enquête cherche à démontrer la qualité des témoignages des voyants, avant que l’évêque ne vienne clore la procédure en attestant, ou non, de la réalité de l’apparition14. C’est ce même dispositif qui aboutit à l’appréciation positive de l’évêque de Tarbes, le 18 janvier 1862, quant aux apparitions de Lourdes. Le 14 mai 1871, les jeunes voyants sont interrogés par l’évêque de Laval lui-même, Mgr Wicart, puis du 5 au 7 décembre, a lieu l’examen médical. Au cours de ces mois d’enquête, les propos de Jeanne-Marie Lebossé, par ailleurs, nièce de la religieuse qui dirige l’école de Pontmain, apparaissent sensés et la jeune fille semble faire preuve d’un certain aplomb. René Laurentin, qui a étudié l’apparition dans les années 1960, écrit à propos du témoignage de Jeanne-Marie Lebossé15 :

En ce qui concerne les premiers mois, c’est le plus abondant [témoignage], et l’un des plus précis. Nous avons dû abandonner l’hypothèse qui mettait cette abondance au compte du bavardage : ce témoignage est limpide, concis et sans surcharge. Les réponses aux questions qui concernent l’apparition même sont les plus étendues ; plus longues que les réponses concernant les faits extérieurs ; elles sont plus longues aussi que celles des autres voyants, telles que nous les avons conservées : ce qui est pour le moins une preuve de l’intérêt que les enquêteurs portaient à son témoignage.

  • 16 Ibid., t. III, p. 187.

11Après des discussions théologiques et d’ultimes compléments d’enquête et après avoir exclu les témoignages d’Eugène Friteau et d’Augustine Boittin du fait de leur jeune âge, Mgr Wicart édicte le jugement suivant le 2 février 187216 :

Art. 1. Nous jugeons que l’Immaculée Vierge Marie, Mère de Dieu, a véritablement apparu, le 17 janvier 1871, à Eugène Barbedette, Joseph Barbedette, Françoise Richer et Jeanne-Marie Lebossé dans le hameau de Pontmain. Nous soumettons, en toute humilité et obéissance ce jugement au jugement suprême du S[aint]-Siège apostolique, centre de l’unité, et organe infaillible de la vérité dans toute l’Église.
Art. 2. Nous autorisons dans notre diocèse le culte de la bienheureuse Vierge Marie, sous le titre de Notre-Dame d’Espérance de Pontmain.
Art. 3. Nous nous réservons expressément l’approbation de toute formule de prière, de tout cantique, de tout livre de piété ayant rapport à l’apparition, et nous défendons de publier aucun écrit de ce genre, sans Notre approbation préalable donnée par écrit.
Art. 4. Répondant aux vœux qui nous ont été exprimés de toutes parts, nous avons formé le dessein d’élever un sanctuaire en l’honneur de Marie sur le terrain même au-dessus duquel Elle a daigné apparaître.

12Dans les attendus de son jugement, Mgr Wicart rappelle la coïncidence entre l’apparition de la Vierge Marie à Pontmain et le repli des troupes prussiennes en Mayenne à la mi-janvier 1871 et accrédite l’idée d’un miracle. L’évêque de Laval conclut toutefois ce passage par ces mots : « Nous citons ces faits et ces dates, sans en déduire aucune conclusion. »

  • 17 M. Ferron, op. cit. p. 35.
  • 18 Ibid., p. 42.

13De fait, le pèlerinage à Pontmain connaît un véritable succès dès les premières années17. La construction d’une grande église, pouvant accueillir un millier de fidèles, est lancée dès 1873. Les travaux sont achevés en 1895 et le sanctuaire est érigé en basilique par le pape en 190518. Le territoire des environs de Pontmain est détaché de Saint-Ellier et devient une commune à part entière en 1876. Le vieux pont en bois qui marque l’entrée du village est reconstruit en pierres dans ces mêmes années 1870. La ligne de tramway entre Laval et Landivy est déviée pour desservir Pontmain à partir de 1900. C’est toute une économie qui se met en place, avec l’essor local de la restauration, de l’hôtellerie, mais aussi des marchands de souvenirs.

  • 19 J. Bouflet, Institution et charisme…, op. cit., p. 70.
  • 20 M. Ferron, op. cit., p. 18-19.

14C’est dans ce contexte local et dans celui de la sortie de guerre contre les Allemands, qu’en 1918, Mgr Grellier, évêque de Laval depuis 1906, essaie de relancer l’actualité d’une apparition mayennaise tenue pour antiprussienne19, donc antiallemande. Il entreprend alors des démarches auprès du Vatican pour obtenir la création d’une messe et d’un office propres à Pontmain. Or, les pièces du premier procès, réclamées par Rome, sont introuvables à l’évêché. Un second procès canonique est donc indispensable pour confirmer officiellement l’authenticité de l’apparition de 1871. Celui-ci se tient de mars 1919 à avril 1920, avec expertise médicale, commission de théologiens et audition des voyants. Trois des quatre voyants officiellement reconnus en 1871 sont toujours en vie : Eugène Barbedette, 62 ans, curé de Châtillon-sur-Colmont, dans le nord de la Mayenne, Joseph Barbedette, 60 ans, lui-même curé successivement dans plusieurs paroisses rurales du diocèse de Laval, et Jeanne-Marie Lebossé, 59 ans, religieuse de la congrégation des Sœurs de la Sainte-Famille de Bordeaux depuis plus de 30 ans. Françoise Richer, quant à elle, est morte en 1915, à l’âge de 54 ans, à Châtillon-sur-Colmont, où elle exerçait comme servante du père Eugène Barbedette20.

  • 21 R. Laurentin, op. cit., t. I, p. 77.

15La rétractation de Jeanne-Marie Lebossé a lieu en deux temps. Pendant la durée du procès canonique, lors duquel les frères Barbedette confirment leurs témoignages de 1871, la religieuse bordelaise se désiste, arguant d’un « secret de confession21 ». Le fait est noté au procès-verbal, mais n’empêche pas Mgr Grellier, le 16 avril 1920, de confirmer l’authenticité de l’apparition de la Vierge Marie, mais à huis clos, c’est-à-dire sans que cela soit rendu public.

  • 22 Ibid., t. I, p. 80.

16Puis, à la fin de l’année 1920, Jeanne-Marie Lebossé accepte de venir s’expliquer à Laval. Le procès canonique est rouvert le 15 décembre. Devant Mgr Grellier (1850-1939), entouré d’une commission de théologiens composée de l’abbé Plessard (1873-1931), du chanoine Batard (1850-1934) et de l’abbé Suhard (1874-1949), la religieuse bordelaise fait la déposition suivante22 :

J’ai à déclarer que je n’ai pas vu la Sainte Vierge apparue à Pontmain, le 17 janvier 1871. Ce secret m’a toujours pesé lourdement. Je ne m’en suis ouverte qu’en entrant au noviciat à Royaumont (Seine-et-Oise) [en 1881], mais je l’ai fait connaître immédiatement à mon confesseur. […] Je répète que je n’ai rien vu d’extraordinaire […] J’ai dû voir les trois étoiles qui étaient du reste indiquées par tout le monde […]. Cependant mon souvenir sur ce point n’est pas très précis. Je dois dire que, depuis toujours, je me suis fait une loi de ne jamais me représenter ni l’apparition, ni aucun des détails. Je ne faisais que répéter ce que j’entendais dire à ma compagne [Françoise Richer] et aux deux autres voyants [les frères Barbedette] qu’il m’était facile d’entendre, parce que, bien qu’un peu séparés, nous n’étions pas distants les uns des autres.

  • 23 Ibid., t. III, p. 346-349.

17Dans une lettre adressée à l’évêque, en date du 29 décembre 1920, le chanoine Batard écrit23 :

En trois longues séances, les 18 et 20 décembre, le témoin Jeanne-Marie Lebossé, en religion sœur Saint-André, a paru devant le tribunal que vous présidiez, Monseigneur, et a donné les réponses et les explications demandées.
Avec une émotion facile à comprendre, sœur Saint-André a libéré tout de suite sa conscience par un aveu extrêmement pénible pour elle et très pénible aussi pour ceux qui ont eu à le recueillir. Elle n’a pas vu la sainte Vierge le 17 janvier 1871. Elle a expliqué ensuite son rôle dans cette journée et ce qu’elle a fait plus tard jusqu’au jour où, éclairée et comprenant toute la gravité de sa faute, elle eût voulu la déclarer à l’autorité ecclésiastique, « au Pape lui-même » s’il lui avait été donné de le voir. […]
En vérité, il semble que le démon aura usé de tous ses moyens pour empêcher le culte de la Vierge à Pontmain, tant il le redoute. Lorsqu’on construisait l’église monumentale qui s’élève au lieu de l’Apparition et que la construction était très avancée, la plus grande partie s’écroula [en septembre 1882] : c’était une perte immense. Quand il a fallu s’occuper ces derniers temps du fait de Pontmain pour présenter une requête à la Sacrée Congrégation des Rites, quelle déception ! Tous les dossiers des précédentes enquêtes avaient disparu. Enfin, si ce dernier incident [la rétractation de Jeanne-Marie Lebossé] n’avait pas été éclairci, qui pourrait dire qu’il n’eût pas éclaté quelque jour, quand il n’eût plus été possible de le contrôler ni de l’expliquer, et que des soupçons n’eussent pas atteint les autres, fait mettre en doute l’apparition ? Comment comprendre que l’enquête eût été laissée incomplète ?
Lorsqu’un messager vint apporter la nouvelle de l’écroulement du monument de Pontmain, j’avais l’honneur d’être présent dans le cabinet de Mgr Le Hardy du Marais [évêque de Laval de 1876 à 1886] et je n’oublierai jamais sa parole : Eh bien, nous recommencerons, dit-il.
On se remit à l’œuvre sans interruption. Et aujourd’hui s’élève, depuis longtemps achevée et consacrée, plus belle que celle de Lourdes, la Basilique de la prière où la Mère de Dieu est si bien honorée et priée.
Vous aussi, Monseigneur, comme Mgr Le Hardy du Marais, lorsqu’a été constatée la fâcheuse disparition des dossiers, vous avez dit aussitôt : Nous recommencerons.
Les deux principaux voyants, survivants par bonheur, sont venus renouveler le témoignage donné dans leur enfance et le renforcer de plus d’autorité encore. Quand il s’est agi de mettre au clair le dernier incident, vous avez su prendre si heureusement les mesures de prudence nécessaires que rien ne transpirera, et qu’il ne résultera de cette audition rien qui nuise à la vérité : au contraire, la vérité en est confirmée. […]

18La longue lettre du chanoine Batard, par ailleurs promoteur du procès, c’est-à-dire chargé de produire les objections, témoigne des motivations des ecclésiastiques qui ont auditionné Jeanne-Marie Lebossé. Premièrement, la rétractation de la religieuse bordelaise doit être tue pour que « rien [ne] nuise à la vérité ». L’évènement est assimilé à un énième « incident » sur le chemin visant à établir durablement le culte de la Vierge Marie à Pontmain. Deuxièmement, la lettre montre bien que rien n’arrêtera les autorités ecclésiastiques locales, pas même la rétractation d’une voyante, dans la volonté d’authentifier l’apparition de 1871. Enfin, la référence à la basilique de Lourdes, moins belle que celle de Pontmain selon le chanoine, laisse entrevoir la concurrence qui existe entre les sanctuaires mariaux et la peur que la révélation d’un évènement honteux ne vienne déclasser Pontmain. En conséquence, décision est prise de sceller le document qui renferme la déposition de la religieuse bordelaise et de taire totalement sa rétractation.

  • 24 Arch. départ. de la Mayenne, 3 pe 318/ 63 et 64.

19Eugène Barbedette meurt le 2 mai 1927, son frère, Joseph, le 3 novembre 1930. Jeanne-Marie Lebossé, dernière survivante des quatre voyants officiels décède à Bordeaux, le 12 décembre 1933, à l’âge de 72 ans. Consulté entre cette date et le mois de mars 193424, l’hebdomadaire la Semaine religieuse du diocèse de Laval, qui arbore en couverture une illustration de Notre-Dame de Pontmain, passe totalement sous silence la disparition de la religieuse. En revanche, à la même époque, le journal accorde de longs développements à la canonisation récente de sainte Bernadette de Lourdes, mentionne le décès d’une religieuse originaire de Mayenne à Angers et fait de longs comptes rendus de cérémonies à Pontmain.

  • 25 Auguste Lefranc, L’évènement de Pontmain raconté et discuté, Paris, Gabalda, 1923.
  • 26 R.P. Thiriet, Un serviteur de Marie : Michel Guérin, 1801-1872, premier curé de Pontmain, Laval, Go (...)
  • 27 Fr. Farrouault, Brève notice sur les voyants de l’apparition de Pont-Main (17 janvier 1871), Laval, (...)
  • 28 Chanoine Foisnet, Notre-Dame de Pont-Main, Paris, éditions Fleurus, 1961.

20La disparition des derniers voyants officiels concorde avec l’introduction, ou la réintroduction, d’autres acteurs dans le récit de l’apparition. En 1923, Auguste Lefranc publie L’évènement de Pontmain raconté et discuté25. Il y signale l’existence d’un septième voyant, Auguste Avice, âgé de cinq ans en 1871 et dont le père, à l’époque, a tu, de manière avérée, le témoignage. En 1935, le Révérend-Père Thiriet, chapelain de Notre-Dame de Pontmain, publie une biographie de l’abbé Michel Guérin26. Un de ses successeurs, le frère Farrouault, fait paraître, en 1959, avec l’imprimatur du vicaire général du diocèse de Laval, une « brochure plus simple et plus accessible » sur non plus les quatre, mais les sept voyants, officiels et non officiels traités à égalité, avec l’« essentiel de ce qu’on doit savoir sur chacun d’eux27 ». Enfin, en 1961, dans une bande dessinée à destination des enfants narrant l’apparition de 187128, si les deux frères Barbedette conservent la première place dans le récit, Françoise Richer et Jeanne-Marie Lebossé sont, elles, reléguées au second plan, au même rang que les trois voyants non officiels.

  • 29 Fr. Farrouault, op. cit., p. 9.

21À aucun moment, ces ouvrages n’évoquent la rétractation survenue en 1920. Bien au contraire, le frère Farrouault écrit à propos de Jeanne-Marie Lebossé29 :

Toute sa vie, sa discrétion sur l’Apparition de Pont-Main fut remarquable. Une seule fois, elle parut sortir de son silence. ‘‘J’apprends que vous avez vu la Sainte Vierge, lui dit un jour une Sœur, serait-ce vrai ? Vous étiez bien jeune alors, et peut-être ne vous en souvenez-vous pas…’’ Très maîtresse d’elle-même, elle répond, modeste et grave tout à la fois : ‘‘Oui, ma Sœur, j’ai vu la Sainte Vierge ; non seulement je me rappelle l’avoir vue, mais je la vois toujours.’’

  • 30 Le Jour du Seigneur, RTF Télévision, 17 janvier 1971 [accessible en ligne, https://www.youtube.com/ (...)
  • 31 R. Laurentin, P. Sbalchiero, op. cit., p. 752.

22Il semble, toutefois, que la mémoire de la rétractation de Jeanne-Marie Lebossé se soit transmise. Lors de l’émission Le Jour du Seigneur du 17 janvier 197130 , René Laurentin, qui est celui qui rend publique la rétractation, déclare : « La grosse surprise, c’était ce document qui était sous scellés, à Pontmain, et que j’ai fait ouvrir. Et c’était une rétractation d’une des voyantes, Jeanne-Marie Lebossé, cinquante ans après. » En 2007, Laurentin raconte une histoire différente : après avoir été recruté en 1963 par Mgr Guilhem, évêque de Laval, pour écrire l’histoire de Pontmain en vue du centenaire de l’évènement, une « préenquête » lui aurait appris le « secret »31. Laurentin aurait donc eu connaissance de la rétractation de Jeanne-Marie Lebossé avant que l’évêque ne décide de faire sauter les scellés. Il évoque les réticences de Mgr Guilhem, évêque de Laval de 1962 à 1969, à prendre la responsabilité de faire sauter les scellés des aveux de Jeanne-Marie Lebossé, ce qui retarde son étude de plusieurs années : « Mgr Guilhem était très soucieux, car son prédécesseur, le cardinal Richaud dont le caractère impétueux était redouté, tenait à ce secret pour protéger la foi des fidèles ». Mgr Richaud est évêque de Laval de 1938 à 1960, avant de devenir archevêque de Bordeaux de 1950 à 1968 et cardinal à partir de 1958. Laurentin écrit, quelques lignes plus loin : « À la dernière session du concile de Vatican II (octobre 1965), Mgr Guilhem révéla au cardinal Richaud qu’il m’avait livré le secret. Je l’appris par un affront du cardinal ». Ce témoignage laisse donc à penser que le secret de la rétractation, depuis 1920, s’est uniquement transmis d’évêque en évêque et qu’il demeure, jusqu’en 1963, un enjeu pour la crédibilité du sanctuaire marial de Pontmain aux yeux de l’évêché.

Tenter d’expliquer, 1971

  • 32 R. Laurentin, op. cit.

23À la fin des années 1960, au moment où s’annonce le centenaire de l’apparition, l’évêché de Laval, à l’initiative du chanoine Poulain, recteur du sanctuaire de Pontmain, passe commande d’un ouvrage sur le sujet. C’est donc René Laurentin qui est choisi pour le diriger. Lui est adjoint Albert Durand, prêtre et archiviste du diocèse de Laval, ainsi qu’une équipe de religieux. En janvier 1971 paraît ainsi Pontmain, histoire authentique, en trois volumes32 : le premier tome est un récit des faits ; le second apporte des preuves, par un système de renvois avec le premier volume ; enfin, le troisième tome est une sélection de documents, parmi les 1 200 collectés par l’équipe dirigée par Laurentin et Durand.

  • 33 Le Jour du Seigneur, op. cit.

24Dans l’émission télévisée du Jour du Seigneur du 17 janvier 1971, la méthode de René Laurentin est présentée comme « scientifique et historique », ce que celui-ci ne conteste pas33. D’ailleurs, lui-même se dit « historien ». Au cours de ce même programme, il dit avoir été « objectif » et conclut « à l’authenticité des faits » de l’apparition de 1871, tout en certifiant que, « en ne sachant pas où l’on allait, il y avait un gros risque à prendre ».

  • 34 R. Laurentin, op. cit., p. 83.

25Dans le tome I, qui compte au total 190 pages, plus de 20, de la page 79 à la page 100, sont consacrées à la question de la rétractation de Jeanne-Marie Lebossé, pour la révélation de laquelle René Laurentin a l’autorisation de l’évêque de Laval. Laurentin écrit : « Cette rétractation est-elle troublante ou scandaleuse ? Ce qui serait scandaleux, ce serait de la passer sous silence.34 »

  • 35 Ibid., t. I, p. 84.

26La première hypothèse que René Laurentin évoque est qu’effectivement, Jeanne-Marie Lebossé n’a rien vu le 17 janvier 1871, mais ce n’est pas grave35 : « De fait, Jeanne-Marie est un témoin secondaire. Les deux premiers voyants, ce sont les deux frères : Eugène puis Joseph. Les autres ont vu après. Le mimétisme de Jeanne ne rejaillit pas sur eux. Elle se présente seulement comme un écho fidèle de ce qu’ils avaient dit. » René Laurentin présente cette hypothèse comme la position ancienne de l’Église catholique, celle en particulier du confesseur de Jeanne-Marie Lebossé en 1881.

  • 36 Ibid., t. I, p. 85-86.

27En vérité, pour René Laurentin, une seconde hypothèse prévaut pour expliquer la rétractation de la religieuse de Bordeaux en 192036 :

  • 37 Le Jour du Seigneur, op. cit.

Une apparition est une expérience hors série, un état second, un état d’exception, difficilement imaginable après retour à l’état ordinaire. La mémoire est ici défaillante. C’est un fait que les voyants les plus sérieux ont ressenti des éclipses de surface dans leur certitude fondamentale, surtout à longueur de temps, de questionnaires épuisants, d’objections troublantes. Même Bernadette Soubirous, témoin exemplaire s’il en fut […], a ressenti ce trouble. […]
Jeanne-Marie a vu comme les autres voyants de Pontmain. Elle a témoigné joyeusement et spontanément. Mais bientôt, elle a perdu l’évidence première. Comme Thérèse de l’Enfant Jésus, elle est tombée dans l’illusion d’avoir menti.
Se comparant à un « policier » cherchant à confondre un témoin37, Laurentin affirme que les propos de Jeanne-Marie Lebossé lors de sa rétractation, en 1920, ne sont pas en cohérence avec les faits de 1871. Dans le même entretien, il avoue : « J’aurai aimé être présent [en 1920] pour lui poser des questions et lui rendre son évidence première, tellement éblouissante. […] C’est la voyante que j’aime le mieux. »

  • 38 Élisabeth Claverie, Les guerres de la Vierge. Une anthropologie des apparitions, Paris, Gallimard, (...)

28René Laurentin n’est pas un historien, c’est avant tout un « théologien de Marie38 ». Dans les années 1950, il soutient une double thèse, en lettres et en théologie, sur la Vierge Marie. Il dirige six ouvrages sur Lourdes entre 1955 et 1964, dont un Lourdes, histoire authentique des apparitions, en 6 volumes, publié entre 1961 et 1964. Il se spécialise alors dans les apparitions mariales, entreprenant de faire le tri entre elles, opposant à ses contradicteurs sa « démarche méthodique » d’« historien », cherchant à écrire un récit qui se prétend « authentique », comme l’indique le titre de ses ouvrages sur Lourdes et Pontmain, c’est-à-dire définitif et incontestable.

29Mais si Laurentin et son équipe collectent 1 200 documents pour appuyer leurs propos, ce ne sont presque uniquement que des sources religieuses (diaires, presse catholique, correspondances des autorités religieuses locales ou des voyants, procès canoniques, etc.). Les sources civiles (État-civil, recensements de population, archives et monographies communales, par exemple) sont totalement ignorées, alors qu’elles se révèlent très riches pour appréhender le contexte social et culturel de Pontmain en janvier 1871.

  • 39 R. Laurentin, op. cit., p. 101.

30Le résultat auquel aboutit René Laurentin est théologique et non historique. Il s’agit, sous contrôle de l’évêque de Laval et du recteur du sanctuaire de Pontmain, de réaffirmer, une troisième fois, l’authenticité de l’apparition de 1871 et de purger la question de la rétractation de Jeanne-Marie Lebossé en la rendant publique et, par la même occasion, d’en proposer une explication entendable par les fidèles. René Laurentin met toute son autorité et sa légitimité de spécialiste des apparitions mariales dans la balance. Malgré tout, refusant d’assumer une position pleinement théologique, il conclut ainsi les pages consacrées à la rétractation de Jeanne-Marie Lebossé : « Le souci d’objectivité, qui nous a conduits à examiner sans idée préconçue tous les indices pour et contre, nous porte à laisser le soin au lecteur de juger. La question reste ouverte39. » C’est une manière pour lui de préserver l’aspect « scientifique » de sa démarche, mais qui peut déstabiliser celui ou celle qui attend que la page de la rétractation de Jeanne-Marie Lebossé soit définitivement tournée.

Occulter et faire diversion, depuis 1971

  • 40 Ce colloque, intitulé Pontmain, l’apparition du 17 janvier 1871 : textes, contextes, interprétation (...)

31Lors du colloque organisé en janvier 202140, à Laval, à l’occasion du 150e anniversaire de l’apparition de Pontmain, l’un des intervenants, Michel Ferron, professeur agrégé de lettres modernes en retraite, membre du comité de rédaction de la revue l’Oribus « Histoire et Société en Mayenne », s’étonne

[…] malgré toutes les explications embarrassées que donne Laurentin, […], ce que je trouve surprenant, c’est que, ayant eu l’autorisation de l’évêque de l’époque, monseigneur Guilhem [évêque de Laval de 1962 à 1969], de révéler cette rétractation au moment du centenaire, elle soit toujours aussi peu connue des pèlerins et des fidèles d’aujourd’hui.

  • 41 Philippe Joutard, « Mémoire collective », dans Christian Delacroix et alii (dir.), Historiographies (...)
  • 42 www.sanctuaire-pontmain.com, site officiel du sanctuaire de Pontmain.

32En effet, ce qui prévaut, un siècle après la rétractation de Jeanne-Marie Lebossé, c’est, à son sujet, l’occultation, pour reprendre le terme utilisé par Philippe Joutard41. Les travaux de René Laurentin et d’Albert Durand, par leurs conclusions ouvertes, ne semblent pas avoir conduit les autorités ecclésiastiques locales à adopter un récit complet et transparent. Ainsi, fin 2021, le site Internet du sanctuaire de Pontmain propose-t-il, concernant Jeanne-Marie Lebossé, la notice suivante, citée ici en intégralité42 :

Jeanne-Marie LEBOSSÉ est née le 12 septembre 1861 à Gosné (Ille-et-Vilaine). Orpheline de père et ayant sa mère paralysée, elle est recueillie par sa tante Sœur Timothée, directrice de l’école de Pontmain. En 1881, elle entre chez les Sœurs de la Sainte Famille de Bordeaux.
Pendant dix ans, elle sera paralysée, et en mars 1933 elle sera réduite à une impuissance absolue. Elle meurt le 12 décembre 1933. Elle est enterrée dans le cimetière central de Bordeaux, dans le caveau de sa communauté.

33Toute mention de sa rétractation en 1920 est occultée. C’est une mémoire sélective qui est proposée ici. Cette notice fait force de loi hors de la sphère strictement religieuse, puisqu’en mai 2015, à l’occasion du baptême de l’école privée de Gosné, en Ille-et-Vilaine, du nom de Jeanne-Marie Lebossé, la directrice de l’école reprend dans la presse, in extenso, les termes présentés sur le site Internet du sanctuaire, omettant ainsi d’évoquer la rétractation de la religieuse43.

34Lors du colloque consacré au 150ème anniversaire de l’apparition de Pontmain, organisé à Laval en janvier 2021, en introduction de la seconde journée, le père Renaud Saliba, recteur du sanctuaire de Pontmain, intervient pour « raconter », selon ses propres termes, l’apparition de 1871. Il dit, d’ailleurs : « Le travail principal d’un recteur, d’un serviteur, dans un sanctuaire marial, c’est de raconter l’évènement qui s’est produit maintenant il y a 150 ans. » Le père Saliba évoque donc Auguste Friteau, demi-frère d’Eugène Barbedette, parti à la guerre contre les Prussiens ; il parle de la mère, Victoire Barbedette, qui a perdu son premier mari et ses trois filles, emportés par une épidémie. Il insiste sur la piété des frères Barbedette, la comparant en négatif à l’ignorance des voyants de la Salette et de Lourdes : « Quelle différence ! ». Il signale ainsi que Bernadette Soubirous « commence à peine à apprendre son catéchisme à 14 ans », quand Eugène et Joseph, respectivement 12 et 10 ans, enchaînent quotidiennement les prières individuelles, les prières collectives, les services à la messe et les chemins de croix. Puis le père Renaud Saliba aborde l’apparition que dit voir Eugène et raconte : « Ce soir-là, d’autres enfants diront voir aussi d’une manière très spontanée et avec des accents de sincérité la même chose qu’Eugène. Il s’agit de son petit frère, Joseph, et de deux petites pensionnaires de la maison d’école des religieuses. » C’est la seule mention de Françoise Richer et de Jeanne-Marie Lebossé, qui ne sont pas nommément citées, dans tout le récit du père Saliba. La fin de sa narration revient sur Eugène Barbedette, mais également sur le rôle de l’abbé Guérin, curé de la paroisse. Le recteur du sanctuaire de Pontmain n’évoque en rien la rétractation de Jeanne-Marie Lebossé, dont il ne prononce pas même le nom au cours de son intervention.

35Le sujet est en revanche évoqué dans la communication suivante, celle de Michel Ferron, consacrée à la « Présentation de l’apparition de Pontmain dans le double contexte des débuts du diocèse de Laval et de la guerre franco-prussienne », dans laquelle il revient sur la personnalité de Mgr Wicart, évêque de Laval au moment de l’apparition de 1871 :

J’aurai bien aimé connaître la réaction de Mgr Wicart s’il avait eu à gérer, comme son successeur, Mgr Grellier, lors du second procès canonique, cette rétractation spectaculaire, inattendue, de l’une des voyants, Jeanne-Marie Lebossé. Je pense qu’il aurait été sans doute un peu gêné. Je ne sais pas comment il s’en serait sorti, parce que Mgr Grellier, quelques années plus tard, s’en sortira avec beaucoup de souplesse […], mais Mgr Wicart a accrédité pendant très longtemps cette exploitation très radicale d’un évènement [l’apparition de 1871] qui, tout de suite, s’est trouvé en quelque sorte embarqué dans un contexte d’opposition très frontale avec les régimes politiques en place.

36Le père Renaud Saliba, recteur du sanctuaire de Pontmain, intervient alors en réaction à la communication de Michel Ferron, sur le sujet précis, et unique, de la rétractation de Jeanne-Marie Lebossé. Il tend à minimiser l’impact de l’évènement, vraisemblablement gêné par le terme « spectaculaire » utilisé par le membre de l’Oribus : « Une des voyantes n’a pas voulu redonner son témoignage. Elle n’a pas dit : “On a fait un coup monté, c’est faux”. Elle a dit : “Les autres ont vu, moi je n’ai pas vu”. » Le père Saliba s’appuie alors sur la thèse défendue en 1971 par René Laurentin « qui avait comme mission de faire la vérité » et de conclure que Jeanne-Marie Lebossé, comme adulte, « a du mal à assumer cet évènement [de l’apparition] », mentionnant que Bernadette Soubirous a connu, un temps, les mêmes doutes.

37Un siècle après, la rétractation de Jeanne-Marie Lebossé est donc toujours un sujet tabou pour les autorités ecclésiastiques locales. Elle est totalement occultée dans la narration officielle ou, quand le sujet est mis sur la table, renvoyée à un statut de non-évènement. Cela corrobore le constat de Michel Ferron sur le fait que la rétractation n’est pas ou peu connue des « fidèles », des « curieux » ou des « touristes », publics auxquels le père Saliba prétend s’adresser en tant que narrateur de l’évènement.

  • 44 M. Ferron, p. 42.
  • 45 R. Laurentin, P. Sbalchiero, op. cit., p. 753.

38La censure que René Laurentin rencontre dans les années 1990 témoigne, par ailleurs, de cette volonté renouvelée d’occultation des autorités ecclésiastiques locales. En 199244, suite à des travaux de démolition, le dossier du premier procès canonique, réalisé en 1871-1872, est retrouvé : « Il était coincé entre un mur et le coffre-fort monumental enfoncé dans une alcôve, au rez-de-chaussée de l’évêché de Laval. »45 Immédiatement, Laurentin se rend à Laval et commence à travailler, plusieurs mois, à l’édition intégrale des documents en collaboration avec l’archiviste du diocèse. Mais, dans le même temps, une commission locale, organisée au niveau de l’évêché, décide de ne rien publier. L’archiviste décède et Laurentin se retrouve seul :

  • 46 Ibid., p. 753-755.

[…] j’insistai pendant plusieurs années et fus reçu poliment mais sans réponse. C’est seulement par un tiers que j’appris discrètement l’étonnant secret : l’autorité avait cru devoir dire à l’évêque que l’abbé Laurentin ne devait plus s’occuper d’apparition […]. La commission, jugeant que certains témoignages risquaient de poser des problèmes, décida d’enfouir le procès dans le secret des archives46.

39En parallèle de cette occultation, une autre politique mémorielle est mise en œuvre, depuis les années 1980, par l’évêché de Laval, ce qui tend à créer une diversion quant à la question de la rétractation et conduit à une relecture de l’évènement de l’apparition. Un personnage est au cœur de cette politique : l’abbé Michel Guérin, curé de Pontmain entre 1836 et 1872.

  • 47 « Pontmain : Clôture de l’année Michel Guérin », dans Ouest-France, 30 octobre 1986, reproduit dans (...)

40En 1986, le diocèse de Laval, sous l’épiscopat de Mgr Billé (1984-1995), célèbre l’« année Guérin » en hommage au 150ème anniversaire de l’arrivée du curé à Pontmain. Le 25 octobre, au cours d’une messe célébrée dans la basilique, l’évêque de Laval « dit son plaisir de se joindre à la paroisse pour “faire mémoire” du don que Dieu a fait à Pontmain d’un prêtre pour préparer l’apparition de la Vierge47 ». Au soir de cette célébration, une plaque commémorative est dévoilée par Mgr Billé sur la façade de l’ancien presbytère de l’abbé Guérin. Entre le curé et les voyants, et particulièrement les voyantes, on peut dès lors parler de concurrence des mémoires.

  • 48 Notre-Dame de Pontmain. Manuel du pèlerin, Laval, Imprim. de la Mayenne, 1949.
  • 49 Pèlerin de Pont-Main. Manuel du pèlerin, Laval, Association diocésaine de Laval, 1986.

41Cette même année 1986, paraît une nouvelle version du Manuel du Pèlerin de Pontmain. Une version antérieure, datée de 194948, narrait l’apparition en faisant mention, nominativement d’Eugène et Joseph Barbedette, de Françoise Richer et Jeanne-Marie Lebossé, mais aussi d’Eugène Friteau et d’Augustine Boittin. En cela, l’édition du Manuel du Pèlerin de 1949, en intégrant les voyants, au sens large – ne manque qu’Auguste Avice – se conformait à l’évolution de l’époque, évoquée plus haut. Par contraste, le Manuel du Pèlerin, version 198649, réalisé par une équipe de prêtres, de religieuses et de laïcs, à la demande du recteur du sanctuaire, fait un récit très bref de l’apparition, sur deux pages, mentionne les noms d’Eugène et Joseph Barbedette, mais pour les autres, se contente d’évoquer des « enfants à foi profonde ». Puis, sur 11 pages, le Manuel présente les lieux liés à l’apparition : sont évoquées successivement la grange de la famille Barbedette, avec mention des deux frères, l’église de la paroisse, avec mention de l’abbé Guérin, et enfin, le cimetière, avec, là encore, mention des tombes de Joseph Barbedette et de Michel Guérin. Les deux jeunes voyantes sont totalement écartées du récit au profit du vieux curé.

  • 50 www.abbemichelguerin.fr : site officiel sur la béatification de l’abbé Guérin, ouvert par le diocès (...)
  • 51 Anne Bernet, Michel Guérin. Le curé de l’apparition de Pontmain, Lyon, éditions Peuple Libre, 2020.

42Le 1er juin 2013, à la basilique de Pontmain, Mgr Scherrer, évêque de Laval depuis 2008, en présence de Mgr Le Saux, évêque du Mans, ouvre le procès en vue de la béatification de Michel Guérin. L’objectif est « de recueillir le plus grand nombre possible d’informations concernant la vie, l’œuvre et les vertus du “Serviteur de Dieu” afin de constituer un dossier historique et théologique, par la suite transmis à la congrégation pour la cause des saints à Rome50 ». Le 1er juin 2016, les membres de la commission « historique » prêtent serment en présence de l’évêque de Laval, parmi lesquels Anne Bernet, postulatrice, c’est-à-dire chargée « de suivre le déroulement de l’enquête auprès des autorités diocésaines ». En 2020, Anne Bernet publie une biographie intitulée Michel Guérin. Le curé de l’apparition de Pontmain51.

  • 52 A. Bernet, op. cit., p. 10.
  • 53 A.-M. Richard, op. cit., p. 22 et 26-27.

43Dès lors, le récit de l’apparition évolue. Celle-ci est désormais dépeinte comme une fin en soi, une récompense pour le sacerdoce de l’abbé Guérin. Anne Bernet écrit52 : « Nul, à Pontmain, ni parmi ceux qui connaissaient l’abbé Guérin, ne douta jamais que cette grâce était la récompense accordée à ce vieux prêtre […]. » Le père Saliba, recteur du sanctuaire, au cours du colloque consacré à Pontmain, en janvier 2021, intègre pleinement l’abbé Guérin dans son récit de l’apparition. Il valorise la concomitance, au soir du 17 janvier 1871, entre l’arrivée du curé devant la grange de la famille Barbedette et le fait que, selon les dires des jeunes voyants, « une mandorle piquée de quatre bougies éteintes » se dessine dans le ciel, autour de la Vierge Marie. Le père Saliba ajoute : « Le curé comprend tout de suite que quelque chose se passe. » Dans la version de 1871, l’abbé Richard décrit plutôt un Michel Guérin ému, apeuré, désemparé, dans un premier temps, de ne pas voir53.

44Cette valorisation du curé de Pontmain comme personnage majeur de l’apparition de la Vierge Marie à Pontmain ne se limite pas aux sphères ecclésiastiques. Lors du colloque de janvier 2021, la communication de Michel Ferron est construite sur le « contraste total » entre la figure de Mgr Wicart, « évêque de choc », et celle de l’abbé Guérin, « curé de terrain ». Ainsi, il souscrit à l’idée selon laquelle l’apparition de 1871 est la « récompense du zèle de l’abbé Guérin ». En décembre 2020, à l’occasion du 150ème anniversaire de l’apparition, la revue l’Oribus réédite, avec des réactualisations, le numéro spécial consacré à Pontmain, rédigé initialement en 1987 par Michel Ferron. Cette réédition, qui ne compte que 65 pages, quand l’originelle en comptait 83 pages, présente dès la page 8 un encart biographique consacré à Michel Guérin, inséré entre introduction et narration des faits. Cet encart n’existe aucunement dans la version de 1987. Sa place de choix dans la version de 2020 tend à prouver que l’abbé Guérin est devenu le personnage principal de l’apparition de 1871, non seulement dans la narration des autorités ecclésiastiques locales, mais également au-delà.

  • 54 Le Jour du Seigneur, op. cit.

45En conclusion, les positionnements mémoriels successifs des autorités ecclésiastiques depuis un siècle témoignent de la diversité des attitudes possibles – on pourrait même parler de politiques, ou tout du moins de stratégies – face à un évènement honteux, comme semble l’être la rétractation de Jeanne-Marie Lebossé. La honte naît, ici, du rapport de Pontmain aux autres sanctuaires français, et en particulier au premier d’entre eux, Lourdes. Ce dernier est la référence des autorités ecclésiastiques locales : en 1920, pour le chanoine Batard, la basilique de Pontmain est plus belle que celles de Lourdes ; en 2021, le père Saliba note que les frères Barbedette sont plus pratiquants que Bernadette Soubirous. La rétractation de Jeanne-Marie Lebossé est alors perçue comme une tache, honteuse, sur une apparition de Pontmain décrite par ailleurs comme « pure54 ».

46L’occultation apparaît l’attitude première la plus simple à adopter. C’est ainsi qu’en 1920, l’évêque de Laval choisit de ne pas révéler la rétractation de Jeanne-Marie Lebossé. De même, aujourd’hui, la démarche des autorités ecclésiastiques est de ne pas mentionner publiquement l’évènement embarrassant, ou tout du moins de l’évoquer le moins possible, alors même qu’il a été révélé depuis 1971.

47Deux autres politiques mémorielles demandent plus de temps et d’implication. La première est la tentative d’explication, l’essai d’assimilation de l’évènement embarrassant à un récit officiel tenable : l’ouvrage de René Laurentin et d’Albert Durand, sur commande de l’évêque de Laval, en est un exemple. C’est une stratégie qui demande une préparation importante en amont, mais aussi une communication rôdée, à laquelle René Laurentin s’emploie, où la méthode employée, décrite comme « scientifique » et l’immensité du corpus documentaire tendent à éteindre toute contestation. Cela nécessite une longue réflexion, une longue maturation afin d’aiguiser au mieux les arguments qui gommeront les éléments gênants, et de justifier en quoi la rétractation n’est plus un problème. La seconde stratégie est également de long terme. Il s’agit de faire émerger un contre-récit, dans le cas précis, de mettre en valeur un personnage qui, dans un premier temps, n’est pas de premier plan : l’abbé Guérin. La démarche de béatification, initiée par le diocèse de Laval, est un moyen de valoriser le sanctuaire de Pontmain, en s’appuyant sur un personnage prêtant moins à caution qu’une voyante religieuse qui se rétracte.

  • 55 Ph. Joutard, Histoire et mémoires, conflits et alliance, op. cit., p. 253-279.
  • 56 Éric Vigne, « Accord et désaccord avec les historiens », Esprit. La pensée Ricœur, mars-avril 2006, (...)

48Pour l’heure, la mémoire officielle de l’Église locale, à propos de la rétractation de Jeanne-Marie Lebossé, et plus largement à propos de ce qui s’est passé à Pontmain le 17 janvier 1871 et ses suites, est seule en scène. Aucun travail historique universitaire spécifique n’existe, jusqu’à maintenant, sur Pontmain. On ne peut donc qu’inviter à une « alliance nécessaire » entre mémoire et histoire55, comme le fait Philippe Joutard, reprenant les mots d’Éric Vigne : « la mémoire a d’abord instruit l’histoire, pour en être mieux instruite en retour ; à chaque fois l’éthique de conviction du citoyen a conduit à l’éthique de responsabilité du savant56 ».

Annexes

Jeanne-Marie Lebossé, vers 1871

Jeanne-Marie Lebossé, vers 1871

(Arch. départ. de la Mayenne, 19Fi528)

Les quatre petits voyants officiels de Pontmain, vers 1871

Les quatre petits voyants officiels de Pontmain, vers 1871

(Arch. départ. de la Mayenne, 19Fi526)

Représentation de la Vierge de Pontmain, fin xixe siècle

Représentation de la Vierge de Pontmain, fin xixe siècle

(Arch. départ. de la Mayenne, 19Fi518)

Apparition de Pontmain, vitrail de la basilique Notre-Dame d’Espérance, Pontmain

Apparition de Pontmain, vitrail de la basilique Notre-Dame d’Espérance, Pontmain

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Notes

1 René Laurentin, Albert Durand, Pontmain. Histoire authentique, t. I, Paris, Apostolat des éditions/Lethielleux, 1971, p. 68.

2 Joachim Bouflet, Dictionnaire des apparitions de la Vierge Marie, Paris, Éditions du Cerf, 2020, p. 203.

3 Joachim Bouflet, Institution et charisme dans l’Église de 1846 à nos jours : la question du jugement épiscopal sur les apparitions mariales modernes et contemporaines, Thèse d’histoire, Université Michel de Montaigne – Bordeaux III, soutenue en 2014, p. 70 [en ligne].

4 Aimable-Marie Richard, L’évènement de Pontmain. Récit de l’apparition du 17 janvier 1871, Laval, imp. Chailland, 1916 (1ère éd. 1871), p. 1.

5 Philippe Joutard, Histoire et mémoires, conflits et alliance, Paris, La Découverte, 2013, p. 15.

6 Paul Ricœur, La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli, Paris, Seuil, 2003, p. 650.

7 Serge Tisseron, La honte. Psychanalyse d’un lien social, Paris, Ekho, 2020 (1ère éd. 2007), p. 305.

8 R. Laurentin, op. cit., t. I, p. 62.

9 Ibid., t. II, p. 288.

10 Adolphe Robert, Gaston Cougny, Dictionnaire des parlementaires français, t. II, Paris, Bourloton éditeur, 1890, p. 52-53.

11 Notes prises à la suite d’un récit fait par le père Joseph Barbedette, dans une chapelle de l’Huisserie en août 1909, citées par Michel Ferron, Pontmain, 17 janvier 1871. Une apparition providentielle ancrée dans l’histoire, dans L’Oribus, numéro spécial, n° 109, décembre 2020, p. 26.

12 R. Laurentin, op. cit., t. I, p. 64 ; t. II, p. 288 ; t. III, p. 109-110.

13 René Laurentin, Patrick Sbalchiero, sous dir., Dictionnaire des « apparitions » de la Vierge Marie, Paris, Fayard, 2007, p. 125.

14 Joachim Bouflet, Philippe Boutry, Un signe dans le ciel. Les apparitions de la Vierge, Paris, Grasset, 1997, p. 127.

15 R. Laurentin, op. cit., t. I, p. 89.

16 Ibid., t. III, p. 187.

17 M. Ferron, op. cit. p. 35.

18 Ibid., p. 42.

19 J. Bouflet, Institution et charisme…, op. cit., p. 70.

20 M. Ferron, op. cit., p. 18-19.

21 R. Laurentin, op. cit., t. I, p. 77.

22 Ibid., t. I, p. 80.

23 Ibid., t. III, p. 346-349.

24 Arch. départ. de la Mayenne, 3 pe 318/ 63 et 64.

25 Auguste Lefranc, L’évènement de Pontmain raconté et discuté, Paris, Gabalda, 1923.

26 R.P. Thiriet, Un serviteur de Marie : Michel Guérin, 1801-1872, premier curé de Pontmain, Laval, Goupil, 1935.

27 Fr. Farrouault, Brève notice sur les voyants de l’apparition de Pont-Main (17 janvier 1871), Laval, Imprimerie de l’Évêché Madiot, 1959.

28 Chanoine Foisnet, Notre-Dame de Pont-Main, Paris, éditions Fleurus, 1961.

29 Fr. Farrouault, op. cit., p. 9.

30 Le Jour du Seigneur, RTF Télévision, 17 janvier 1971 [accessible en ligne, https://www.youtube.com/watch ?v =U5CNYyt7x54].

31 R. Laurentin, P. Sbalchiero, op. cit., p. 752.

32 R. Laurentin, op. cit.

33 Le Jour du Seigneur, op. cit.

34 R. Laurentin, op. cit., p. 83.

35 Ibid., t. I, p. 84.

36 Ibid., t. I, p. 85-86.

37 Le Jour du Seigneur, op. cit.

38 Élisabeth Claverie, Les guerres de la Vierge. Une anthropologie des apparitions, Paris, Gallimard, 2003, p. 197.

39 R. Laurentin, op. cit., p. 101.

40 Ce colloque, intitulé Pontmain, l’apparition du 17 janvier 1871 : textes, contextes, interprétations, organisé par les Archives départementales de la Mayenne, en partenariat avec la délégation départementale de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre de la Mayenne, et l’université catholique de l’Ouest, antenne de Laval, a eu lieu à Laval les 13 et 14 janvier 2021 [accessible en ligne, sur MayenneTV, la chaîne Youtube du Conseil départemental de la Mayenne]. À noter que, selon les propos, en introduction des journées, de Cyril Daydé, directeur des Archives départementales, ces dernières ont organisé ce colloque sans partenariat avec le diocèse de Laval, d’un commun accord avec ce dernier.

41 Philippe Joutard, « Mémoire collective », dans Christian Delacroix et alii (dir.), Historiographies. Concepts et débats, Paris, Gallimard, 2010, p. 783.

42 www.sanctuaire-pontmain.com, site officiel du sanctuaire de Pontmain.

43 « Les élèves de Jeanne-Marie-Lebossé en visite à Pontmain », sur www.ouest-france.fr, site du quotidien Ouest-France, 21 mai 2015.

44 M. Ferron, p. 42.

45 R. Laurentin, P. Sbalchiero, op. cit., p. 753.

46 Ibid., p. 753-755.

47 « Pontmain : Clôture de l’année Michel Guérin », dans Ouest-France, 30 octobre 1986, reproduit dans Michel Ferron, Pontmain, 17 janvier 1871. De l’apparition « providentielle » au christianisme populaire (1871-1900), dans L’Oribus, numéro spécial, n° 25, décembre 1987.

48 Notre-Dame de Pontmain. Manuel du pèlerin, Laval, Imprim. de la Mayenne, 1949.

49 Pèlerin de Pont-Main. Manuel du pèlerin, Laval, Association diocésaine de Laval, 1986.

50 www.abbemichelguerin.fr : site officiel sur la béatification de l’abbé Guérin, ouvert par le diocèse de Laval.

51 Anne Bernet, Michel Guérin. Le curé de l’apparition de Pontmain, Lyon, éditions Peuple Libre, 2020.

52 A. Bernet, op. cit., p. 10.

53 A.-M. Richard, op. cit., p. 22 et 26-27.

54 Le Jour du Seigneur, op. cit.

55 Ph. Joutard, Histoire et mémoires, conflits et alliance, op. cit., p. 253-279.

56 Éric Vigne, « Accord et désaccord avec les historiens », Esprit. La pensée Ricœur, mars-avril 2006, p. 41.

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Table des illustrations

Titre Jeanne-Marie Lebossé, vers 1871
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Titre Les quatre petits voyants officiels de Pontmain, vers 1871
Crédits (Arch. départ. de la Mayenne, 19Fi526)
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Titre Représentation de la Vierge de Pontmain, fin xixe siècle
Crédits (Arch. départ. de la Mayenne, 19Fi518)
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Titre Apparition de Pontmain, vitrail de la basilique Notre-Dame d’Espérance, Pontmain
Crédits GO69, Wikimedia, licence CC0
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Pour citer cet article

Référence papier

Christophe Tropeau, « Faire avec la rétractation d’une voyante : le cas de l’apparition de la Vierge Marie à Pontmain (Mayenne) »Chrétiens et sociétés, 29 | 2022, 75-97.

Référence électronique

Christophe Tropeau, « Faire avec la rétractation d’une voyante : le cas de l’apparition de la Vierge Marie à Pontmain (Mayenne) »Chrétiens et sociétés [En ligne], 29 | 2022, mis en ligne le 17 mai 2023, consulté le 29 mai 2023. URL : http://journals.openedition.org/chretienssocietes/9420 ; DOI : https://doi.org/10.4000/chretienssocietes.9420

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