• 1 Alain Corbin, Noëlle Gérome et Danielle Tartakowsky (dir.), Les Usages politiques des fêtes aux XIX (...)

1Après les fêtes nationales en France, les commémorations de la guerre d’Algérie, les fêtes du maréchal Pétain, l’historien Rémi Dalisson investigue dans son dernier ouvrage les voyages politiques de Napoléon III. Entre 1848 et 1870, le président de la République puis Empereur sillonne la France au cours d’une centaine de voyages, parcourant ainsi plus de 5 000 km. Comme pour ses précédents ouvrages, l’auteur inscrit cette enquête dans une histoire politique et culturelle des cérémonies d’État, dans le sillon des études symbolistes de tels rites1. Toutefois, l’organisation concrète de ces voyages présidentiels et impériaux demeure centrale dans cette étude particulièrement riche en données empiriques.

• 2 Xavier Mauduit, Le Ministère du faste. La maison de l’empereur Napoléon III, Paris /Versailles, Fay (...)

2L’ensemble des rouages propres à l’organisation de ces grands événements sont disséqués en quatre chapitres, qui suivent le cheminement de ces déplacements et leurs évolutions : le voyage, l’arrivée, le séjour, la parade. Pour rendre ces voyages possibles, toute une intendance et une administration s’activent. Officiers, serviteurs, personnels civils, grands maîtres des cérémonies, rassemblés au sein de la Maison de l’Empereur2, participent à cette machinerie qui codifie progressivement le voyage impérial en une véritable « épopée » (p. 17). Des budgets colossaux sont investis pour la réussite des événements, aussi bien par l’État que par les villes ayant l’heureux privilège d’accueillir l’Empereur. La remise symbolique des clés de la commune, les défilés, les décorations (à l’image de la reconstitution factice d’une mine et de l’aigle géant taillé dans la houille de charbon à Saint-Étienne), les coups de canon, les arcs de triomphe, les offrandes, les fêtes et les bals géants exhibent une compétition locale sans limite pour « faire une meilleure impression que les villes voisines » (p. 97).

• 3 Nicolas Mariot, Bains de foule : les voyages présidentiels en province, 1888-2002, Paris, Belin, 20 (...)
• 4 Annie Collovald, Le Populisme du FN, un dangereux contresens, Bellecombe-en-Bauges, Éditions du Cro (...)

5Le public de ces cérémonies occupe enfin une place centrale dans l’ouvrage. Si les contestations et les incidents sont évoqués, l’auteur accrédite surtout la véracité et l’efficacité des scènes de liesse (s’appuyant sur la très critiquable psychologie des foules) dont font état les comptes rendus des voyages napoléoniens. L’ampleur du travail empirique mené atteste pourtant du rôle joué par le contrôle de la presse et par l’organisation répressive des voyages dans cette mise en forme des voyages impériaux. Il semble donc difficile d’inférer une adhésion politique à la participation d’un bain de foule impérial, et de ne pas interpréter les scènes de liesse comme une institution à la fois intériorisée par une partie de ses publics (des conduites sans croyances, selon l’expression de Paul Veyne) et construite a posteriori3. De même, la caractérisation « populiste » des voyages de Napoléon III ouvre, dans un cinquième et dernier chapitre, à une comparaison transhistorique avec les voyages du général Boulanger, du maréchal Pétain, pour rejoindre ceux des présidents Sarkozy et Macron. Mais la très large définition retenue du populisme (la rencontre entre un peuple et son « leader »4) essentialise des voyages qui font pourtant l’objet de divers usages, qui disposent d’un sens toujours redéfinissable et qui se présentent sous des formes variées, car redevables du travail d’institutions historiquement situées.