La première édition du Prix du film de fiction historique

1Cette année, pour la première fois, s’est réuni le jury du nouveau « Prix du film de fiction historique », à Blois, sous la coprésidence d’Olivier Loubes et d’Antoine De Baecque.

2Nous étions dix membres du jury, cinq hommes et cinq femmes, d’âges et d’horizons différents. En quatre jours, nous avons visionné neuf films, au cinéma « Les Lobis », à Blois. Parmi eux, deux étaient hors compétition, diffusés en avant-première : le premier, présenté par Julie Gayet, coproductrice et cette année présidente du cycle cinéma du festival, est Grand Marin, de Dinara Drukarova, d’après le récit éponyme de Caroline Poulain, un film très personnel qui relate le périple en Islande d’une femme en rupture de la société. Lili, surnommée « moineau » en raison de son allure frêle, tente de s’insérer sur un navire de pêche en haute mer, un chalutier, en vouant une fascination à son capitaine, le « grand marin », un homme rustre et taciturne. Le second film est Tirailleurs, de Mathieu Vadepied, avec Omar Sy, un film original, tourné en langue peul et montrant un aspect peu représenté de la Première Guerre mondiale : le rôle des « tirailleurs sénégalais », arrachés sans explications à leur terre d’origine et propulsés en première ligne du front. Dans le film, Omar Sy joue le rôle de Bakhary Diallo, envoyé au combat avec son fils Thierno, qu’il essaie de faire évader du front. Mais le fils se prend au jeu de la guerre, encouragé par un officier français… Un film sur les relations père-fils, le clivage pacifisme-patriotisme et les relations entre colonisés et colonisateurs, donc une œuvre émouvante et parfaitement adaptée pour les élèves de collège et de lycée, en rapport avec le programme d’histoire sur la Première Guerre mondiale et la colonisation.

3Parmi les sept films de la sélection, en lice pour le prix : Le Dernier Duel, de Ridley Scott, un film à gros budget, aux décors et costumes soignés, qui relate le dernier duel judiciaire documenté en France, en 1386, le « Jugement de Dieu », qui a opposé Jean de Carrouges et Jacques Le Gris, deux chevaliers, amis devenus au fil du temps des ennemis irréductibles à la suite du viol commis par l’un sur l’épouse de l’autre. C’est un film en phase avec l’essor du mouvement Mee Too et avec la dénonciation des violences faites aux femmes.

4À côté de cette grosse production hollywoodienne, nous avons visionné également Illusions perdues, de Xavier Gianolli, qui adapte le roman de Balzac ; First Cow, de Kelly Reichardt, un film relatant l’amitié entre deux hommes, deux pionniers, un Occidental et un Asiatique, dans l’Ouest américain, qui, pour gagner leur vie, commercialisent des beignets cuisinés grâce à un ingrédient secret : le lait volé d’une vache appartenant au notable local ; Une jeune fille qui va bien, le premier film de l’actrice Sandrine Kiberlain, d’inspiration autobiographique, qui montre une jeune fille juive parisienne passionnée par ses études de théâtre et pleine de gaieté, esquivant la funeste réalité d’un Paris occupé, théâtre des persécutions antisémites.

5De nos frères blessés, d’Hélier Cisterne, retrace la vie de Fernand Iveton, militant communiste et anticolonialiste, seul Européen guillotiné pendant la guerre d’Algérie, car ayant pris parti pour le FLN et l’indépendance algérienne. Une belle reconstitution historique, d’après le récit de Joseph Andras, s’appuyant sur un patient travail d’enquête de Jean-Luc Einaudi.

6Un film d’animation, Ma famille afghane, de Michaela Pavlatova, s’est attaché au destin d’une jeune fille d’origine tchèque, Herra, qui, par amour, décide de suivre son bien-aimé, l’Afghan Nazir, en 2001, pour aller s’installer en Afghanistan. On suit ses déconvenues et ses difficultés quotidiennes dans ce pays en proie à la guerre et à l’islamisme fondamentaliste.

7Et Bruno Reidal, confession d’un meurtrier, de Vincent Le Port, sur l’histoire vraie d’un tueur psychopathe au 19^e siècle, un film dérangeant à la précision ethnologique, montrant, par le récit qu’il fait de sa vie à la demande de ses médecins, comment son enfance sans tendresse a fait de lui un homme attiré par la pulsion irrépressible de tuer.

8Après d’intenses discussions et analyses passionnantes entre les dix membres du jury, orchestrées de manière excellente par Olivier Loubes, nous avons choisi d’attribuer le premier prix à First Cow, à la fois pour son approche d’un sujet original, le personnage principal du film étant un animal, la première vache introduite en Amérique, pour la belle description de la nature sur les terres sauvages de l’Oregon et celle de l’amitié entre deux hommes, un immigrant d’origine chinoise et un humble cuisinier américain. À cela s’ajoute une subtile évocation des rapports de domination et d’exploitation, consubstantiels à la civilisation américaine naissante.

9Le deuxième prix a été décerné à Illusions perdues, qui retrace l’ascension très balzacienne d’un jeune poète inconnu dans la France du 19^e siècle. Quittant l’imprimerie familiale de sa province natale, il s’attaque à la capitale, et est protégé par une femme puissante. Mais il va bientôt découvrir l’envers du décor de la fascinante Paris. C’est une belle reconstitution cinématographique de la « comédie humaine », où le héros se rend compte, désabusé, que tout s’achète et que les sentiments élevés ne pèsent pas lourd comparés au règne de l’argent et du pouvoir.

10Enfin, le troisième prix a récompensé Une jeune fille qui va bien, à la fois pour le jeu excellent de l’actrice qui tient le rôle principal, Rebecca Marder, toute en gaieté et en spontanéité, et pour l’approche sensible, toute en suggestions poignantes, de l’époque de l’Occupation et de la tragédie de la Shoah, montrant Irène, 19 ans, une jeune fille joyeuse, tentant de résister au danger mortifère menaçant.

11Un grand merci à Olivier Loubes pour sa supervision très chaleureuse des délibérations, et à Jean-Marie Génard pour l’organisation très efficace de ce nouveau prix !

Une remise du Prix lycéen du livre d’histoire, pour sa 3^e édition, à Jérémie Foa

15Des élèves de différents lycées, présents à la cérémonie, ont lu avec émotion des passages du livre lauréat et ont posé des questions à l’auteur, ce qui a donné lieu à un échange intéressant, courant sur trois générations.

Le Grand Prix des Rendez-vous de l’Histoire 2022 décerné à Malika Rahal