• 1 Frank Noulin, Jean-François Wagniart (dir.), « La Commune est vivante ! », Cahiers d’histoire. Revu (...)
• 2 Catherine Bertho-Lavenir, « Sambre, question de genre, ou migration des concepts », Revue d’histoir (...)
• 3 Revue d’histoire culturelle XVIII^e-XXI^e siècles, n° 1, 2020, <https://journals.openedition.org/rhc/386>.
• 4 Erwan Lecoeur, « Métapolitique », dans Erwan Lecoeur (dir.), Dictionnaire de l’extrême droite, Pari (...)
• 5 Yohann Douet, L’Hégémonie et la révolution. Gramsci penseur politique, Paris, Éditions Amsterdam, 2 (...)
• 6 En France, la bataille fait rage sur fond de restrictions budgétaires : la présidente LR de la régi (...)

4Dans son introduction, Sylvie Allouche montre comment les séries sont déjà entrées depuis des années dans l’histoire que font les Cahiers d’histoire, avec l’évidence de faits sociaux familiers, notamment à travers la rubrique « Un certain regard ». Bien sûr, nous nous soucions de longue date de ce que les fictions font à l’histoire, fictions littéraires et, plus souvent, cinématographiques. Notre dossier autour de la Commune de Paris avait fait le choix des usages de cet événement dans le présent des luttes du cent-cinquantenaire, en particulier à travers des productions culturelles, elles aussi en spectaculaire expansion ces dernières années, comme la bande dessinée ou, dans une moindre mesure, le théâtre1. Les chercheur·ses prennent acte, avec plus ou moins d’appétence, de ces évolutions qui se traduisent aussi par des études spécifiques sur la « migration des concepts » entre les sphères académiques, les sphères militantes et le grand public à travers ces nouveaux médias2. Aussi par le développement de revues spécialisées, telle la revue pluridisciplinaire Sociétés et représentations, fondée en 1995, telle, sur un objet en partie différemment découpé, la revue Sensibilités créée par les jeunes éditions Anamosa et, bien sûr, la récente Revue d’histoire culturelle créée en 2020 à l’initiative de l’Association pour le développement de l’histoire culturelle (ADHC). Nous sommes convaincu·es que l’histoire culturelle a lieu de se développer dans un monde foisonnant de médiatisation et que le volontarisme de celles et ceux qui créèrent cette association ne fut pas vain. En même temps, nous pensons légitime, dans nos approches qui tentent de rendre compte au mieux des interactions entre différents acteurs et actrices du réel, entre les différentes dimensions des fonctions et fonctionnements des sociétés du passé qui s’entrelacent et se modifient les unes les autres, de nous saisir d’une histoire, certes culturelle, mais aussi toujours politique et économique. Les initiateurs et initiatrices de l’histoire culturelle ne dirent pas vraiment autre chose lorsqu’ils intitulèrent leur premier numéro : « La culture, ça sert aussi à gouverner ?3 ». L’impact politique, dont traitent à travers le prisme de la violence tous les articles du présent dossier, est obsédant pour toutes celles et ceux qui traitent de productions culturelles, particulièrement de celles qui ambitionnent les succès médiatiques dans un monde où les rapports de force internationaux sont en reconfiguration rapide. La question de la place de l’hégémonie culturelle dans la lutte pour le pouvoir est plus que jamais posée. On sait comment cet apport majeur d’Antonio Gramsci aux lectures de Marx a été reprise de plus en plus ouvertement par l’extrême droite, dans des lectures certes réductrices, mais qui disent l’urgence, de son point de vue, des luttes idéologiques4. Les rachats de maisons d’édition, de journaux, de chaînes de télévision par des milliardaires qui investissent l’argent gagné ailleurs témoignent assez, ici aussi à l’échelle du globe, de l’importance politique accordée aux productions culturelles5. Autre versant : dans le même temps, diverses instances publiques réalisent des coupes drastiques dans les budgets de la culture, privant associations et institutions de leurs moyens d’intervention sociale, et beaucoup de créateurs et créatrices de leurs moyens d’exister6. Cette lutte idéologique a sa dimension économique, producteurs et diffuseurs privés étant à l’affût dans un environnement où les productions culturelles sont aussi des produits sur un marché mondialisé.

• 7 Grégoire Le Quang (dir.), « Extrême droite. De la marginalité au pouvoir ? », Cahiers d’histoire. R (...)

5De façon cohérente avec la vivacité des enjeux des productions culturelles, dans ce numéro des Cahiers, « Chantiers » traite aussi de culture à propos du rapport au théâtre des catégories populaires (et du rapport du théâtre aux catégories populaires) dans le second 20^e siècle avec un article d’une spécialiste, Marjorie Glas. « Métiers » aborde à son tour la façon dont l’histoire est transmise à travers des médias très divers et des médiateur·trices aux formations et ambitions diverses, depuis les cartes, support télévisuel, dont les enjeux sont présentés par Émilie Aubry à l’historienne Chloé Maurel, à l’écriture romanesque dont Jérôme Leroy, auteur du récent, Les Derniers jours des fauves, explicite l’efficience pour rendre compte des transformations politiques et sociales en cours. Ce romancier « d’intervention sociale violente », comme il se définit lui-même à la suite de Manchette, nous ramène frontalement à la grande obsédante interrogation de notre temps, interrogation inquiète qui traverse au fond toutes nos publications : comment en sommes-nous arrivé·es là, à cet envahissement des sociétés et des consciences par les idées et les politiques de l’extrême droite ? Comment pourrons-nous lutter si cette force pourvoyeuse de violences et d’injustices devient plus puissante encore ? Nous avons consacré à cette histoire un dossier7. Ici, Adrian Thomas explore dans « Débats » un autre versant de cette histoire. Nous savons que nous ne sommes pas au bout de notre peine.

• 8 Grégoire Le Quang, Jeanne-Laure Le Quang (dir.), « Police et État de droit : le maintien de l’ordre (...)
• 9 Table ronde « Histoire (s) de violences policières », mercredi 26 mars, 20 h-21 h, à la librairie J (...)

6Sans capitaux, sans ambition de conquérir des parts de marché, nous espérons fournir à nos lecteurs, lectrices et ami·es des repères avec lesquels cheminer en meilleure connaissance de cause. Nous les remercions de leur fidélité et de leur soutien pour que nous continuions à apporter notre contribution à l’existence d’une vaste sphère de libres créations et de libres débats. Le prochain dossier fera part d’analyses sur les rapports entre pratiques policières et ordre politique, puis nous traiterons des gauches et de leurs brutales répressions en Amérique latine8. Les prochaines Rencontres d’histoire critique (28-29 novembre 2025) se saisiront de ce que l’empire des médias, dans l’horizon politique de la modernité, fait à la liberté, autour de la problématique volontariste, « Médias. Construire la liberté ». Avant ce rendez-vous d’automne, il y en aura beaucoup d’autres, aux croisements de multiples espaces des pensées critiques, des Nocturnes de l’histoire le mercredi 26 mars au dernier rendez-vous des Rencontres d’histoire critique 2025, visite guidée de Trésors de banlieue le samedi 5 avril, « Égaux en art, égaux par l’art ? »9. Dans l’immédiat, bonne lecture de notre retour critique sur les séries, pour échapper – passagèrement ? – à leur envoûtement.