1Mettre au jour et rassembler les archives de diverses natures permettant de documenter les actions éducatives – au sens large – conduites sur le territoire de la Seine-Saint-Denis depuis le 19^e siècle, tel est le projet à l’origine de l’exposition « Un pan de l’histoire de la Seine-Saint-Denis : éducation et formation à l’âge adulte (19^e-21^e siècles) ». Ces actions éducatives ont touché les classes populaires qui se sont installées en vagues migratoires successives et qui ont contribué au développement des villes du département. L’exposition est le fruit d’un projet de recherche intitulé « Savoirs et formation des travailleurs et travailleuses en Seine-Saint-Denis (19^e-21^e siècles) : recherche et valorisation des sources » (SAFO-93), soutenu par la MSH Paris Nord et le Campus Condorcet. Elle s’inscrit dans le sillage des travaux des historiennes et des historiens de la banlieue qui ont entrepris de déconstruire l’idée selon laquelle elle aurait été une zone de non-droit ou un désert culturel. Elle entend éclairer un angle encore peu exploré d’une histoire de la Seine-Saint-Denis : celui des nombreuses initiatives d’éducation visant explicitement des populations adultes, femmes et hommes, d’âge mûr ou jeunes déjà dans la vie active.

4Les thèmes suivants ont été retenus :

• Formes scolaires de l’éducation des adultes,

• Les universités populaires au tournant du 20^e siècle : une longévité remarquable en Seine-Saint-Denis,

• L’éducation populaire en mouvements : promouvoir la culture pour un « vivre ensemble » éclectique,

• Formation professionnelle : se perfectionner dans son travail, obtenir une promotion, se maintenir en emploi,

• Engagements militants et formation individuelle et collective.

6Ce que l’on apprend tout au long de la vie ne se résume pas aux apprentissages faits à l'école, bien loin de là ! Les savoirs que nous tirons de notre expérience, après l’école ou la formation professionnelle initiale, sont souvent bien plus importants pour notre vie de tous les jours. Nous pouvons, certes, nous former dans des cadres formels (centres de formation, cours du soir, stages), mais aussi au travail, à travers nos relations sociales, dans la vie quotidienne, dans l’action militante.

7Ce dernier thème fait l’objet d’un panneau à part entière. En effet, par rapport à d’autres territoires français étudiés par l’histoire de l’éducation des adultes, celui de l’actuelle Seine-Saint-Denis apparaît de ce point de vue spécifique, du fait de la longue implication de ses populations dans les luttes syndicales, de la vigueur de sa vie associative et de l’inscription politique de nombre de ses communes dans la « banlieue rouge ». Les formations militantes sont celles organisées par des partis politiques, des syndicats, mais aussi par toutes sortes d’associations visant à une transformation sociale par l’action collective (associations d’éducation populaire, ONG ou associations militantes sur différents terrains : la santé, les droits sociaux, l’accueil, le lien social, la culture, la vie de quartier). Ces formations peuvent revêtir différentes formes : elles peuvent se dérouler dans des écoles à part entière (par exemple, les écoles du Parti communiste), au travers de stages plus ou moins longs, de sessions de perfectionnement ou d’échange de pratiques, et aujourd’hui par toutes sortes de vidéos ou de tutoriels en ligne.

8Mais ces formations intentionnellement organisées n’épuisent pas le sujet, car la formation des militantes et des militants ne passe pas forcément – et dans tous les cas pas uniquement – par elles. Ils et elles se forment en effet sans doute principalement à travers l’action collective elle-même, par la prise de responsabilités collectives, par des lectures individuelles, des discussions en petits groupes de pairs, ou au travers d’autres médias (des films notamment).

9Étant donné la multiplicité des formes de formations, des plus formelles aux plus informelles, les archives seront elles-mêmes diverses et parfois peu « classiques ». Bien sûr on trouve des programmes de formation, avec des contenus, des dates, et même parfois des listes de participants, de formateurs/formatrices, des manuels ou autres supports de cours, etc. Cela donne une idée de ce que les organisateurs ont voulu faire passer comme message, comme enseignement. C’est souvent le problème des archives conservées : elles donnent bien davantage d’informations sur les intentions et les discours que sur leur réception chez les personnes visées.

10Quant aux (auto)formations personnelles, différentes pour chaque militante ou militant, il n’y a qu’elles et eux qui puissent en parler. Ici, constituer un fonds d’archives orales sur ce sujet s’avère indispensable. Des entretiens avec des militantes et des militants, centrés sur leurs parcours de formation singuliers, abordent donc les questions suivantes : où, quand, comment, avec qui, dans quelles conditions, ont-ils et elles appris ce qu’ils et elles savent pour s’engager ou se perfectionner dans l’action militante ? Pour tout simplement devenir un ou une militant·e ? Cette histoire orale ne peut bien entendu documenter que les périodes les plus récentes.

12L’exposition a été accrochée durant six mois à la MSH Paris-Nord, à Saint-Denis, du 18 janvier au 27 juin 2024. Plusieurs événements l’ont accompagnée, dont une série de visites commentées ouvertes à tous les publics et des « causeries » autour des archives. De nouveaux accrochages sont en cours de préparation pour les mois à venir, aux Archives départementales de la Seine-Saint-Denis et à la Bourse du travail de Bobigny. Les dates sont encore en négociation.