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DOSSIER

Introduction. Police et État de droit : à la recherche d’un maintien de l’ordre démocratique

Grégoire Le Quang et Jeanne-Laure Le Quang
p. 13-27

Résumés

L’action policière, souvent placée sous les feux des projecteurs de l’actualité à l’occasion de faits de violence, est au cœur de nombreux débats qui agitent les sociétés démocratiques contemporaines. Si la question est éminemment politique, opposant les partisans autoproclamés de l’ordre aux militants qui dénoncent les entorses aux droits de l’homme, les sociologues pointent depuis de nombreuses années les dysfonctionnements et un rapport problématique de la police aux populations. L’objectif de ce numéro des Cahiers d’histoire est d’ouvrir le dialogue entre historiens et sociologues et de mener la réflexion sur les caractéristiques d’un ordre démocratique sur la longue durée, de la Révolution au 21e siècle.

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À bas l’État policier !

  • 1 Dominique Grange, À bas l’État policier, mai 1968.
  • 2 Fabien Jobard, « Matraques, gaz et boucliers : la police en action », dans Philippe Artières et Mic (...)

1En quelques notes, en quelques mots, Dominique Grange, parolière engagée des « années 68 » et d’après, résume la perception que développe la gauche radicale de la police : une force armée au service du maintien de l’ordre injuste instauré, à son profit exclusif, par la bourgeoisie1. La question de la police est posée avec force par Mai 68, chantée dans les textes engagés, affichée, graffitée, hurlée dans les slogans en manif et ailleurs. La haine de la police occupe ainsi une place centrale dans les imaginaires de la contestation, mais la confrontation avec la violence répressive, en manifestation notamment, joue aussi un rôle capital dans la radicalisation d’une partie du mouvement, qui théorise et pratique l’assaut contre les forces de police2.

  • 3 Le Nouvel Observateur, n° 183, 15 mai 1968.
  • 4 Christian Delporte, « Maurice Grimaud, le préfet médiatique », Histoire@Politique, n° 27, 16 décemb (...)

2Mai 68 est aussi le moment où la violence policière déborde et s’affiche hors des cercles militants, à travers les photographies qui, parfois, gagnent la une des magazines et peuvent alors rendre visible le visage en sang d’un manifestant3. Mais la police – ou plutôt les polices, dans toute la diversité des différentes forces qui participent, d’une manière ou d’une autre, au maintien de l’ordre – ne reste pas inactive face à la pression d’une partie de l’opinion publique. La célébrissime circulaire du préfet de Paris Maurice Grimaud, qui pointe la nécessité de développer une action proportionnée (« Frapper un manifestant tombé à terre, c’est se frapper soi-même »), doit certes être comprise comme un appel à une saine modération, toute violence visible étant contre-productive, susceptible d’entraîner une perte de légitimité et de nourrir en retour une spirale de radicalisation. Mais elle est aussi et surtout une opération de communication en bonne et due forme, de la part d’une institution soucieuse de l’acceptabilité de son action4.

Police et politique : la violence légitime en question

3On le voit, la question des violences policières est polarisée à l’extrême. En effet, face aux contestations, les forces de la conservation sociale prennent ouvertement la défense d’un usage de la violence répressive, au besoin en s’affranchissant des règles du droit. Dans une formule appelée à faire date, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau – Les Républicains – affirme ainsi en septembre 2024 que l’État de droit « n’est pas intangible ni sacré5 », quand le programme du FN puis Rassemblement national prévoit, à chaque élection depuis 2007, de créer une « présomption de légitime défense » pour les policiers et les gendarmes, ce qui permettrait de restreindre fortement les poursuites pénales en cas d’usage d’armes à feu. Il ne s’agit là que d’une traditionnelle posture de valorisation de l’ordre, qui repose au fond sur une approche sécuritaire. Dans cette optique, la conflictualité sociale, la délinquance en particulier, est attribuée à la déviance des acteurs sociaux concernés. Dès lors, l’appel à l’ordre et l’exaltation de la police ne sont pas seulement une (fausse) manière de résoudre le problème, c’est aussi un capital politique. Cela explique aussi la considérable inertie des pouvoirs publics face au problème des rapports entre police et société, au sujet desquels les diagnostics sont posés avec acuité par les chercheurs depuis longtemps.

  • 6 Ce constat est formulé par des sociologues, depuis les années 1970. Jacques De Maillard, Carole Gay (...)

4Les rapports publiés ces dernières années, tout comme les travaux des sociologues et politistes, font en effet un constat unanime, celui d’un profond malaise entre la population et les forces de l’ordre, fondé sur une défiance réciproque qui s’installe sur la durée6. Les statistiques sont édifiantes. Les sondages réguliers produits par l’IFOP sur les rapports des Français·es à la police révèlent qu’à la question « Que vous inspire spontanément la police ? », seulement un tiers des Français·es répond : « de la confiance », alors que plus de 20 % répondent : « de l’inquiétude ». La France a d’ailleurs été condamnée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l’homme pour recours excessif ou injustifié à la force.

  • 7 Étude commandée par le Défenseur des droits, publiée en février 2024, intitulée « Déontologie et re (...)

5Dans le même temps, les études menées auprès des policiers et des gendarmes afin de questionner leurs attitudes vis-à-vis de la population révèlent qu’ils entretiennent un rapport bien fluctuant avec l’usage de la force et le respect du droit : 60 % des sondé·es considèrent que dans certains cas, « l’utilisation de plus de force que ce qui est prévu dans les textes devrait être toléré », et plus d’un sur deux estiment que « mener à bien leur mission est prioritaire sur le respect de la loi7 ». Ces études révèlent également que le malaise est présent du côté des forces de l’ordre, qui dénoncent des agressions régulières, mais aussi le manque de formation (initiale ou continue) en matière de déontologie, de gestion des attitudes violentes par la désescalade, ou de droits des citoyens, et un manque d’accompagnement sur le terrain.

  • 8 Le président Emmanuel Macron a ainsi déclaré dans une interview au Parisien en avril 2023 : « Je ré (...)
  • 9 Max Weber, Le Savant et le politique, Paris, Union générale d’éditions, 1963, p. 86-87.
  • 10 Fabien Escalona, « “Monopole de la violence légitime” : la foire aux contresens », Médiapart, 1er a (...)
  • 11 Dominique Linhardt, Cédric Moreau de Bellaing, « Légitime violence ? Enquêtes sur la réalité de l’É (...)

6Du côté des autorités, si l’existence même de violences policières est largement niée8, c’est parce que la police incarnerait l’usage légitime de la force, dont le monopole reviendrait à l’État selon la théorie déformée de Max Weber9. Plusieurs sociologues et politologues dénoncent l’usage politicien de la théorie wébérienne10. Ils soulignent qu’aux yeux de Max Weber, l’usage de la violence par l’État ne va pas de soi : c’est le concept de légitimité qui doit être central, dans la mesure où « l’exercice de la domination par l’État dépen[d] du jugement porté par ceux auxquels il s’applique11 ». La théorie de Max Weber n’implique donc nullement comme postulat la justification de toute violence policière, bien au contraire. D’autant que dans nos démocraties contemporaines, l’usage de la violence par l’État est théoriquement soumis à des contraintes très fortes, celles du respect de l’État de droit, c’est-à-dire de la préservation des libertés individuelles et d’une justice égale pour toutes et tous. La police est certes le bras armé de la loi – « force à la loi », proclament les boutons des gendarmes révolutionnaires – mais celle-ci protège en retour le citoyen de l’arbitraire : la violence dont les forces de l’ordre disposent doit être réduite au minimum nécessaire.

  • 12 Sebastian Roché, « Trois concepts clés pour analyser la relation police-population : confiance, lég (...)
  • 13 Jacques De Maillard, Sebastian Roché, « Police : de la crise de l’autorité à l’autorité juste », AO (...)

7Dès lors, l’enjeu est bien d’évaluer selon quelles conditions et quelles modalités la force exercée par la police et la gendarmerie peut être considérée comme légitime, ce qui ne peut être considéré comme un acquis12. Les injonctions faites aux policiers et aux gendarmes par leurs supérieurs reposent sur la rapidité d’action (des interventions « coup-de-poing »), le fait d’aller au contact – avec les manifestant·es notamment –, le nombre d’arrestations (selon une politique du chiffre et l’injonction de résultat), l’usage de la force, la hiérarchisation des dangers et donc des cibles du contrôle. Du côté des autorités policières et politiques, les choses sont pensées non en termes de légitimité, mais à l’aune d’une supposée « crise de l’autorité13 » qui véhicule l’image d’une société hostile, de plus en plus violente, qui empêcherait la police de faire son travail et porterait donc entièrement la responsabilité des dysfonctionnements de la relation police-population.

  • 14 C’est à la fin du 17e siècle que le sens du mot « police » évolue, d’une définition très large de g (...)

8Derrière la police et ses agents, c’est bien la question de l’État qui se pose. La police et la gendarmerie ne sont pas de simples institutions chargées de maintenir la tranquillité publique. Loin de se réduire à un ensemble technique, à des savoirs policiers en constante évolution, le maintien de l’ordre obéit aussi à des logiques de contrôle, de répression et parfois de domination, qui répondent à des directives venues d’en haut, au moins depuis le 18siècle, où la police cesse progressivement d’être un instrument local chargé de veiller au bien-vivre ensemble pour devenir un organe au service de l’État14.

  • 15 Dominique Monjardet, Ce que fait la police. Sociologie de la force publique, Paris, La Découverte, (...)
  • 16 Hélène L’Heuillet, Basse politique, haute police : une approche historique et philosophique de la p (...)

9S’il doit rester dans le cadre de l’État de droit démocratique, l’État doit dans le même temps assumer sa fonction de protection des citoyen·nes. Pour Dominique Monjardet, ainsi, tout appareil policier est à la fois une profession (qui a ses propres intérêts), un service public (auquel chaque citoyen peut faire appel) et un instrument de pouvoir15. Hélène L’Heuillet va plus loin dans la reconnaissance de la nature intrinsèquement politique de la police : « La police n’est pas un simple moyen de la politique, mais un élément constitutif de sa structure, [...] elle participe de la définition de ses fins » et elle est chargée de « protéger le politique16 ». Pour cela, l’institution policière entretient un rapport qui est tout sauf direct avec les règles de droit, dont le respect strict est susceptible d’entraver son fonctionnement.

  • 17 Voir les rapports de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, créée en 1947, qui (...)

10Si l’on part de ce postulat que l’action policière émane des directives politiques qu’elle reçoit, le malaise entre les forces de l’ordre et la population s’éclaire d’une autre manière. Alors que les outils scientifiques existent pour expliciter ce malaise et que de nombreuses solutions concrètes sont avancées (et même, présentées aux autorités de façon régulière17) pour rétablir une confiance des citoyen·nes envers ces agents, le manque de volonté politique est patent : la situation profite à celles et ceux qui refusent de remettre en cause les injustices de l’ordre social.

11Dès lors, les violences policières sont le révélateur des limites de la démocratisation des institutions de la République : alors que les plus spectaculaires abus enflamment momentanément le débat public, la plupart restent invisibles, ou invisibilisés, lorsqu’ils se déploient à l’encontre des sujets marginaux, criminalisés, dont la contestation peut être rejetée hors des marges du débat public : mobilisations d’ouvriers, de sans-papiers ou de prostituées, de populations coloniales ou qui en sont issues, de jeunes hommes racisés des quartiers périphériques de nos métropoles, de migrant·es. L’usage de la force publique dépend donc in fine à la représentation des cibles de l’action policière, à la fois du point de vue de l’institution policière et du pouvoir en général.

  • 18 Didier Fassin, La Force de l’ordre, une anthropologie de la police des quartiers, Paris, Seuil, 201 (...)

12En fonction des contextes, ces normes et ces imaginaires définissent qui est perçu comme dangereux et pourquoi ; dans un second temps, les normes judiciaires et les pratiques policières se développent dans le but de la préservation de l’ordre. Cela explique que le degré de violence répressive soit variable en fonction de ses cibles et des contextes, et soit différemment perçu et accepté par la population, dont une partie se sent moins protégée que ciblée par la police, notamment, par des contrôles d’identité au faciès, qui s’apparentent à des « rappels à l’ordre social » empreints de biais racistes, et dont les études ont montré l’effet délétère sur le lien de confiance entre police et population18. Force est de constater les très grandes différences de traitement policier – en termes de gestion des manifestant·es, d’arrestations ou de blessures infligées – entre les jeunes qui se sont soulevés suite à la mort de Nahel en juin-juillet 2023, ou les militants écologistes mobilisés à Sainte-Soline contre le projet de mégabassine en mars 2023 d’une part, et les mobilisations des agriculteurs à l’automne 2024 d’autre part, face auxquels il n’a pas été décidé d’utiliser de moyens de répression violents. En effet,

  • 19 Laurent Bonelli, Hervé Rayner et Bernard Voutat, « Contestations et (re)légitimations du renseignem (...)

« Ce sont [les forces de l’ordre] qui habilitent certains acteurs à participer au jeu politique, ou au contraire les disqualifient. Ce sont également [elles] qui neutralisent, fragilisent ou maintiennent sous contrôle les individus ou les groupes les plus susceptibles de perturber l’ordre social et politique ou de porter atteinte aux “intérêts nationaux”. [Elles] apparaissent ainsi simultanément comme des vecteurs de la violence symbolique de cet “appareil de domination spécialisé” qu’est l’État, mais également de sa violence physique. »19

  • 20 Anthony Pregnolato, « L’espace des mobilisations contre les violences des forces de l’ordre en Fran (...)

13L’opacité et l’impunité qui accompagnent encore trop souvent les exactions policières empêchent la tenue d’un débat démocratique sain et apaisé. Lorsque celui-ci éclate, notamment lorsque la mort violente survient, les mobilisations, animées autour de collectifs de familles de victimes, aimantent une forte colère populaire20. L’ampleur de ces émotions dépasse parfois les frontières nationales, comme en témoigne le mouvement Black Lives Matter, propulsé mondialement après la mort de George Floyd, le 25 mai 2020 à Minneapolis.

  • 21 Anthony Pregnolato, « La Ligue des droits de l’homme face aux violences policières », Matériaux pou (...)
  • 22 Remedium, Cas de force majeure : histoires de violences policières ordinaires, Paris, Stock, 2022.
  • 23 Après son décès, en 2020, ses archives ont été données à La Contemporaine.
  • 24 Voir les Causeries au poste de David Dufresne ; Anti.Média, Chroniques de l’oppression quotidienne  (...)
  • 25 Jérémie Gauthier et Fabien Jobard (dir.), Police : questions sensibles, Paris, PUF, 2018 ; Fabien J (...)
  • 26 Gwénola Ricordeau (dir.), 1312 raisons d’abolir la police, Montréal, Lux Éditeur, 2023.

14Représenter, recenser la violence du quotidien constitue un enjeu politique essentiel pour les militant·es, les organisations démocratiques ou progressistes, au premier rang desquelles la Ligue des droits de l’homme, qui prend position avec constance contre les violences policières et en faveur d’un autre maintien de l’ordre21, ou les artistes engagés comme Jossot, dont les caricatures acerbes représentent une violence policière trop souvent dissimulée – et donc niée – ou, plus récemment, l’auteur de bande dessinée Remedium22. Plusieurs entreprises citoyennes de recensement permettent de rendre visible le caractère endémique, sinon systémique, des abus de violence policière. Ainsi, le rôle du journaliste et militant Maurice Rajsfus, déporté à 14 ans à Drancy, est remarquable : sa vie durant, il a tenté de lutter contre l’arbitraire en recensant les violences policières collectées sur tout le territoire national, mais dont aucune statistique officielle n’existe, qui sont la matière de son bulletin Que fait la police, diffusé de 1994 à 2012 sur papier puis sur Internet23. Un travail similaire a été repris par des citoyens ou des collectifs24. Certain·es chercheur·ses et militant·es réfléchissent à la possibilité d’une autre police, en comparant le modèle français avec d’autres pays25. D’autres envisagent un abolitionnisme pénal qui engloberait les prisons, la police et la justice26.

  • 27 Voir notamment Quentin Deluermoz et Aurélien Lignereux, « L’Empire, c’est la sécurité. Offre et dem (...)
  • 28 Sheila Fitzpatrick et Robert Gellately, « Practices of Denunciation in Modern European History, 178 (...)

15Pour autant, la visibilisation croissante (notamment grâce aux réseaux sociaux et à la démocratisation des outils de captation d’images) de cette posture critique de l’action policière d’une part, et le constat que les forces de l’ordre constituent un outil majeur au service du pouvoir politique d’autre part, ne doivent pas faire oublier une dimension essentielle du contrôle social exercé par celles-ci : la légitimité policière n’est pas seulement tirée du pouvoir que lui délègue le politique, mais également de la forte demande d’ordre qui émane d’une partie de la société – celle qui ne subit pas directement l’action policière et qui soutient le maintien d’un ordre inégalitaire qui lui convient. La vision d’une police, au service du politique, qui s’abattrait sur une société victime de ses exactions est par trop schématique. L’efficacité policière repose, depuis l’Ancien Régime, sur son appui sur une population en demande de protection et de sécurité face à une délinquance présentée comme galopante27, et qui vient même lui apporter son concours28. Si la promesse de protection contre la délinquance, les violences politiques ou terroristes, constitue un capital électoral très important des forces conservatrices (« La sécurité… première des libertés », proclamait une affiche de campagne de Jean-Marie Le Pen pour les régionales en 1992), la question du respect de l’ordre républicain est aussi un enjeu politique à gauche, comme en témoignent la pluralité des prises de position au sein de la NUPES vis-à-vis des révoltes urbaines de juin-juillet 2023, mais aussi le positionnement du PS vis-à-vis des questions de sécurité depuis les années 1980-1990. Ce rapport entre demande sociale et action policière est également alimenté par les médias conservateurs, qui font de l’insécurité supposée l’un de leurs marronniers.

Historiciser le rapport entre police et population

16Cette tension entre État, forces de l’ordre et citoyens se joue, avec des fluctuations, sur le temps long. De l’Ancien Régime aux années 2020, le maintien de l’ordre est loin d’évoluer de manière continue vers une lente modération de la violence. L’enjeu de ce dossier est donc d’interroger les rapports entre police et démocratie dans une perspective diachronique. Reconnecter les questionnements des militant·es et des sociologues à une histoire longue permet de mettre au jour les recompositions, au fil du temps et des vicissitudes politiques, des réponses apportées par le pouvoir et par l’institution policière à une question centrale : comment concilier maintien de l’ordre et libertés publiques ? Comment des pratiques policières sont-elles perçues, acceptées ou rejetées par la population, dans un contexte donné ?

  • 29 Paolo Napoli, Naissance de la police moderne, Paris, La Découverte, 2003 ; Jean-Marc Berlière, « Hi (...)
  • 30 Pour une synthèse des travaux historiques sur la police : Vincent Milliot, Emmanuel Blanchard, Vinc (...)
  • 31 La complexité des relations entre polices et crises révolutionnaires, ou entre police et groupes ré (...)

17La police, qui constitue un champ fertile de l’historiographie depuis les années 1990, est appréhendée par les historien·nes à la fois comme un « miroir des pratiques sociales », permettant, à travers ses archives, d’appréhender le quotidien d’une société à un moment donné, mais aussi comme un moyen de connaître tant les représentations que les procédés d’action du pouvoir à son égard et d’interroger la place de la police dans l’État29. Si les travaux historiens sont attentifs à saisir la part d’inertie des pratiques, du répertoire d’action policier et les continuités par-delà les césures politiques, les moments de crise apparaissent également comme des jalons essentiels pour questionner les mécanismes du pouvoir et la place des appareils policiers en leur sein30. Parce qu’elles peuvent entraîner un usage exceptionnel de pratiques jugées légitimes par le pouvoir par rapport à des circonstances hors-norme, mais illégitimes par une partie de la population, les crises constituent des points d’entrée majeurs pour envisager les tensions sociales vis-à-vis de l’appareil policier et questionner le rapport de ce dernier avec les règles de l’État de droit. En outre, certains moments de répression policière particulièrement violente (comme le massacre de Peterloo en 1819 à Manchester ou la fusillade de Fourmies en 1891) deviennent par la suite des marqueurs mémoriels pour les milieux militants qui se mobilisent contre l’ordre policier, considéré comme révélateur d’une injustice plus générale31.

  • 32 Catherine Denys, « La territorialisation policière dans les villes au XVIIIe siècle », dans le doss (...)
  • 33 Steven L. Kaplan et Vincent Milliot, « La police de Paris, une “révolution permanente” ? Du commiss (...)

18À partir du 17e siècle, la police constitue un attribut de la souveraineté d’un État monarchique qui se renforce et veut asseoir son emprise sur le territoire. Sa définition, bien plus large qu’aujourd’hui, englobe des domaines variés, tels que la subsistance, la prospérité, la stabilité de l’ordre social. Elle est constituée alors de forces locales multiples, sans direction nationale unifiée. Dans les espaces urbains se met en place un découpage policier du territoire, à des fins de contrôle des populations et particulièrement des étrangers et des populations migrantes32. Dès la fin du 18e siècle, la police réfléchit à la nécessaire modération de ses actions afin de garantir leur acceptabilité33, alors même qu’une défiance croît au sein de la population : en 1789, la police et la maréchaussée d’Ancien Régime sont fustigées comme des symboles de l’arbitraire du pouvoir royal. Dès lors, les hommes et les femmes révolutionnaires entendent réaliser l’idéal d’un État de droit au sein duquel les droits des citoyens seraient défendus par une force publique qui serait véritablement à leur service, garante de leurs libertés (l’article 12 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen institue ainsi une force publique « pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée »).

  • 34 Bernard Gainot et Vincent Denis, Un siècle d’ordre public en Révolution : de 1789 à la Troisième Ré (...)
  • 35 Sous le Directoire est créé un ministère de la Police générale, le 12 nivôse an IV (2 janvier 1796) (...)

19Pour autant, ces principes entrent immédiatement en tension avec la nécessité de se prémunir contre la menace d’une contestation politique, de troubles à l’ordre public, d’atteintes à la propriété. Alors qu’au début de la Révolution le maintien de l’ordre est laissé entre les mains d’une force militaire citoyenne – la garde nationale –, à partir de 1792 c’est une police de plus en plus professionnalisée qui reprend la main34. L’action des forces de police se resserre progressivement sur les questions de sécurité publique et de sûreté de l’État, et leurs fonctions de surveillance préventive deviennent de plus en plus importantes, alors que, dans le même temps, à partir du Directoire, la police devient une institution autonome, d’envergure nationale, coordonnée depuis la capitale35.

  • 36 Jean-Marc Berlière, Catherine Denys, Dominique Kalifa et Vincent Milliot (dir.), Métiers de police  (...)
  • 37 Citons par exemple la garde républicaine à Paris, ou la police spéciale des chemins de fer, police (...)
  • 38 Caroline Douki, « Entre État et société : la gendarmerie au XIXe siècle », Revue d’histoire moderne (...)
  • 39 Arnaud-Dominique Houte, Citoyens policiers. Une autre histoire de la sécurité publique en France, d (...)
  • 40 Édouard Ebel, « Du maintien de l’ordre à la guerre des rues : la gestion des foules entre 1830 et 1 (...)

20Le 19e siècle voit la poursuite de la professionnalisation policière, dans un contexte d’industrialisation, de fort essor urbain et d’émergence de la question sociale36. Plusieurs corps sont créés et se spécialisent37. L’importance de la gendarmerie, seule force à caractère national, se renforce38. Pour autant, certaines fonctions policières continuent d’être exercées par des « citoyens policiers », non professionnels, comme avec la garde nationale, qui continue de faire appliquer la loi jusqu’en 1871 et joue un rôle important lors des révolutions de 1830 et de 184839. Face à cette diversité des corps de police, c’est sur l’armée que le pouvoir compte en cas de révoltes ou de soulèvements révolutionnaires, ce qui entraîne un surcroît de violence envers les émeutiers, qualifié de « guerre des rues40 ».

  • 41 Ibid.
  • 42 Quentin Deluermoz, « Quelques échelles de la violence : les policiers en tenue et l’espace parisien (...)
  • 43 Le rôle qu’a joué Alphonse Bertillon dans la création de ces pratiques d’identification est bien co (...)

21Tout le 19e siècle est traversé de questionnements sur les atteintes portées par les forces de l’ordre au respect des libertés publiques, notamment dans les milieux libéraux, les juristes ou les groupes de la gauche révolutionnaire. À partir de l’instauration de la IIIe République, plusieurs auteurs militaires commencent à leur tour à réfléchir à la mise en place de dispositifs visant à une désescalade, afin d’éviter le contact entre gendarmes et manifestants41. À la fin du 19e siècle, on peut parler, selon Quentin Deluermoz, d’une « baisse tendancielle de la violence sur un temps long », du moins pour les policiers parisiens42. Cela s’accompagne d’une modernisation policière sans précédent, qui repose sur un système national d’identification et de surveillance43.

  • 44 Martine Kaluszynski, « La construction d’une politique “républicaine” de sécurité ? », dans Jean-Ch (...)
  • 45 Patrick Bruneteaux, Maintenir l’ordre : les transformations de la violence d’État en régime démocra (...)
  • 46 Emmanuel Blanchard, « Police judiciaire et pratiques d’exception pendant la guerre d’Algérie », Vin (...)
  • 47 Mathieu Rigouste, L’Ennemi intérieur. La généalogie coloniale et militaire de l’ordre sécuritaire d (...)

22La IIIe République poursuit le renforcement de l’étatisation des forces de police, qui s’accompagne d’un accroissement des effectifs. La gendarmerie mobile est créée en 1921, puis la police nationale en 1941 et les compagnies républicaines de sécurité en 1945. Cette professionnalisation, allant de pair avec des réformes visant à faire une police républicaine adaptée aux normes démocratiques, conduit pendant une large partie du 20e siècle à une décrue de la violence policière, dans la mesure où le maintien de l’ordre, en manifestation notamment, est moins létal qu’auparavant parce qu’il repose sur des forces spécialisées et non plus sur le recours à l’armée44. La doctrine de la « mise à distance », qui gagne du terrain à partir des années 1970, s’accompagne du développement de techniques de maintien de l’ordre moins spectaculaires même si toujours violentes (matraques en caoutchouc, gaz toxiques45). Toutefois, cette idée d’une pacification progressive du maintien de l’ordre en France ne doit pas faire oublier la violence parallèle de celui-ci dans le contexte colonial, mais aussi en métropole vis-à-vis de ceux qui sont issus des espaces coloniaux46 ; violence dont, pour plusieurs chercheurs, les rapports actuels tendus entre police et population issue de l’immigration constituent un héritage47.

  • 48 Olivier Fillieule et Fabien Jobard, Politiques du désordre : la police des manifestations en France(...)
  • 49 Fait révélateur, la France n’a pas souhaité participer à un programme de recherches réunissant neuf (...)
  • 50 Didier Fassin, « Pouvoir discrétionnaire et politiques sécuritaires : le chèque en gris de l’État à (...)

23Par ailleurs, cette lente décrue de la violence se voit fortement remise en question par les évolutions récentes. Depuis les années 2010, le maintien de l’ordre a repris une allure plus offensive, avec une gestion plus frontale des manifestations, qui entraîne un surcroît de blessures graves, liées à l’utilisation d’armes nouvelles capables de meurtrir durablement le corps des individus (lanceurs de balles de défense, grenades de désencerclement). Loin des efforts de désescalade et de tenue à distance des manifestant·es des décennies précédentes, les forces de l’ordre mobilisées face aux mouvements de contestation sociale vont au contact de manière offensive, ce qui mène à une « brutalisation » du maintien de l’ordre48. Là encore, ces inflexions sont largement imputables aux directives politiques, qui envoient désormais majoritairement sur le terrain non plus des unités spécialisées (CRS, gendarmes mobiles), mais des policiers non formés dans la gestion des foules, issus notamment des Brigades anticriminalité (BAC)49, en comptant sur le pouvoir discrétionnaire de ces forces de police, qui bénéficient d’une impunité quasi totale, en dépit des demandes de poursuites régulièrement adressées par le Défenseur des droits au ministère de l’Intérieur50.

  • 51 Le titre de la loi de 2021 est révélateur de la fragilité de l’équilibre en la matière : « Loi pour (...)
  • 52 Laurent Bonelli, Hervé Rayner et Bernard Voutat, « Contestations et (re)légitimations du renseignem (...)

24Enfin, la lutte antiterroriste constitue une inflexion majeure des politiques de sécurité insufflées par le gouvernement. Cette lutte justifie des pratiques nouvelles de surveillance à la fois physique et numérique, qui viennent mettre en danger une nouvelle fois le respect de l’État de droit51. Si elle suscite une forte adhésion de la population, qui embrasse l’argumentaire d’urgence brandi par les politiques52, elle vient redoubler les tensions entre les forces de l’ordre et une partie de la population, devenue cible d’un contrôle préventif au nom de la menace qui pèserait sur notre démocratie.

25Les contributions rassemblées dans ce dossier éclairent quelques-unes de ces grandes problématiques, sans prétendre à l’exhaustivité tant est grande la diversité des contextes historiques et géographiques. Déborah Cohen propose en premier lieu une réflexion sur la fabrique d’un ordre public révolutionnaire : à travers l’analyse des violences policières sous la monarchie constitutionnelle, elle montre que l’exercice de la force, y compris contre les corps, est légitimé a priori par la référence à la loi, qui émane certes de la nouvelle assemblée et non plus du roi, mais dont la finalité n’est pas interrogée : maintien de l’ordre pour qui et au détriment de qui ? La contribution de Vincent Bollenot prolonge la réflexion sur le rapport entre police et droit, dans le contexte de l’entre-deux-guerres, avec une cible spécifique : la lutte contre l’activité politique des ressortissants des colonies en métropole. L’auteur montre que, in fine, malgré le vide juridique, des mesures répressives sont inventées pour lutter contre ce qui est présenté comme une menace d’importance. L’ordre public républicain s’exerce donc avec une bonne part d’arbitraire.

26L’article d’Élie Teicher est consacré à la répression des manifestations ouvrières, à partir du cas d’étude des sidérurgistes belges au début des années 1980. Si la tendance est à considérer que l’État tolère progressivement la pratique manifestante, l’auteur montre cependant que d’autres formes de répression policière peuvent limiter, de manière invisible, ce qui est considéré comme un potentiel trouble à l’ordre public, notamment par le biais d’arrestations préventives. Le droit de manifester reste un combat. Enfin, le travail d’Olivier Mahéo permet de faire le point sur le problème social et politique de grande ampleur que posent les violences policières aux États-Unis, et la persistance d’une asymétrie de traitement en fonction de la race. Certes, le racisme explique la surreprésentation des victimes noires, mais l’auteur va plus loin en présentant un corollaire moins connu : le discours conservateur qui interprète les violences policières contre les Noirs comme le signe que ces citoyens sont à l’origine du problème. D’où un « réductionnisme racial » que l’auteur s’emploie à critiquer.

27Enfin, nous avons voulu, étant donné l’importance du problème contemporain posé par la question du maintien de l’ordre démocratique, organiser un dialogue entre deux historiens (Danielle Tartakowsky et Arnaud Houte) et trois sociologues (Laurent Bonelli, Sebastian Roché et Mathieu Rigouste), chargés d’éclairer à la lumière de leurs recherches respectives les enjeux contemporains et historiques du problème policier.

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Notes

1 Dominique Grange, À bas l’État policier, mai 1968.

2 Fabien Jobard, « Matraques, gaz et boucliers : la police en action », dans Philippe Artières et Michelle Zancarini-Fournel (dir.), 68, une histoire collective : 1962-1981, Paris, La Découverte, 2008, p. 181-185.

3 Le Nouvel Observateur, n° 183, 15 mai 1968.

4 Christian Delporte, « Maurice Grimaud, le préfet médiatique », Histoire@Politique, n° 27, 16 décembre 2015, p. 33‑42.

5 Le Monde, 30 septembre 2024, https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/09/30/les-propos-de-bruno-retailleau-sur-l-etat-de-droit-et-l-immigration-suscitent-la-reprobation-des-macronistes_6339655_823448.html.

6 Ce constat est formulé par des sociologues, depuis les années 1970. Jacques De Maillard, Carole Gayet-Viaud, Sebastian Roché, Mathieu Zagrodzki, « Les relations entre la population et les forces de l’ordre. Un état des lieux en France », dans Observatoire national de la politique de la ville. Bien vivre dans les quartiers prioritaires, Rapport annuel, 2019 ; Christian Mouhanna, La Police contre les citoyens ?, Nîmes, Champ social, 2011.

7 Étude commandée par le Défenseur des droits, publiée en février 2024, intitulée « Déontologie et relations police/gendarmerie-population : la nécessité d’asseoir une confiance réciproque », en ligne : <https://www.defenseurdesdroits.fr/etude-deontologie-et-relations-police-gendarmerie-population-la-necessite-dasseoir-une-confiance>.

8 Le président Emmanuel Macron a ainsi déclaré dans une interview au Parisien en avril 2023 : « Je récuse [...] le terme de violences policières. La police et la gendarmerie ont le monopole de ce qu’on appelle la violence légitime, elles protègent le citoyen, s’opposent à ces gens aux comportements inacceptables », https://www.leparisien.fr/politique/emmanuel-macron-face-a-nos-lecteurs-ce-qui-mimporte-cest-que-le-pays-avance-23-04-2023-VTUBFRQLDNEH5NEJJY2UKPAIZM.php?ts=1682344440946.

9 Max Weber, Le Savant et le politique, Paris, Union générale d’éditions, 1963, p. 86-87.

10 Fabien Escalona, « “Monopole de la violence légitime” : la foire aux contresens », Médiapart, 1er avril 2023.

11 Dominique Linhardt, Cédric Moreau de Bellaing, « Légitime violence ? Enquêtes sur la réalité de l’État démocratique », Revue française de science politique, n° 55, 2005, p. 269-298 et p. 280. Voir aussi Fabien Jobard, Bavures policières ? La force publique et ses usages, Paris, La Découverte, 2002.

12 Sebastian Roché, « Trois concepts clés pour analyser la relation police-population : confiance, légitimité et justice procédurale », Cahiers de la sécurité et de la justice, n° 40, 2017, p. 103-111.

13 Jacques De Maillard, Sebastian Roché, « Police : de la crise de l’autorité à l’autorité juste », AOC Media, lundi 8 mars 2021, <https://aoc.media/analyse/2021/03/07/police-de-la-crise-de-lautorite-a-lautorite-juste/>.

14 C’est à la fin du 17e siècle que le sens du mot « police » évolue, d’une définition très large de gestion de la cité à une mission spécifique, le maintien de l’ordre et la prévention du crime. Clive Emsley, « Police, maintien de l’ordre et espaces urbains : une lecture anglaise », RHMC, n° 50, 2003, p 5-12.

15 Dominique Monjardet, Ce que fait la police. Sociologie de la force publique, Paris, La Découverte, 1996, p. 9.

16 Hélène L’Heuillet, Basse politique, haute police : une approche historique et philosophique de la police, Paris, Fayard, 2001, p. 11.

17 Voir les rapports de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, créée en 1947, qui auditionne de nombreux experts (scientifiques comme policiers et gendarmes), pointe les dysfonctionnements de manière très éclairante et propose aux dirigeants des listes de résolutions concrètes, qu’elle réitère d’année en année, faute de voir ses conseils recevoir un écho concret. Lire en ligne : <https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043163337?init=true&page=1&query=avis+cncdh+police+population&searchField=ALL&tab_selection=all>.

18 Didier Fassin, La Force de l’ordre, une anthropologie de la police des quartiers, Paris, Seuil, 2011, p. 145. Voir aussi Fabien Jobard, René Lévy, John Lamberth et Sophie Névanen, « Mesurer les discriminations selon l’apparence : une analyse des contrôles d’identité à Paris », Population, n° 67, 2012, p. 423-451 ; Jacques De Maillard et Mathieu Zagrodzki, « Styles de police et légitimité policière. La question des contrôles », Droit et société, n° 97, 2017, p. 485-501.

19 Laurent Bonelli, Hervé Rayner et Bernard Voutat, « Contestations et (re)légitimations du renseignement en démocratie », Cultures & Conflits, n° 114-115, 2019, p. 7-28. Voir aussi Fabien Jobard, « Le banni et l’ennemi. D’une technique policière de maintien de la tranquillité et de l’ordre publics », Cultures & Conflits, n° 43, 2001.

20 Anthony Pregnolato, « L’espace des mobilisations contre les violences des forces de l’ordre en France depuis les années 1990 », Mouvements, n° 92, 2017, p. 38-47.

21 Anthony Pregnolato, « La Ligue des droits de l’homme face aux violences policières », Matériaux pour l’histoire de notre temps, n° 137-138, 2020, p. 87-96. Voir aussi le travail d’Human Rights Watch, qui émet également des recommandations pour des pratiques policières plus éthiques. Cf. par exemple leur rapport de 2020 « “Ils nous parlent comme à des chiens”. Contrôles de police abusifs en France », disponible en ligne : <https://www.hrw.org/fr/report/2020/06/18/ils-nous-parlent-comme-des-chiens/controles-de-police-abusifs-en-france>.

22 Remedium, Cas de force majeure : histoires de violences policières ordinaires, Paris, Stock, 2022.

23 Après son décès, en 2020, ses archives ont été données à La Contemporaine.

24 Voir les Causeries au poste de David Dufresne ; Anti.Média, Chroniques de l’oppression quotidienne : <https://antidotmedia.noblogs.org/> ; ou le collectif « Urgence notre police assassine » ; ainsi que les ouvrages publiés aux Éditions La Fabrique : Amal Bentounsi, Antonin Bernanos, Julien Coupat et David Dufresne, Police, 2020 ; Paul Rocher, Que fait la police ? Et comment s’en passer, 2022 ; Mathieu Rigouste, La Domination policière, 2021. Pour les violences policières commises à l’encontre des migrant·es et exilé·es sans papiers, voir Louis Witter, La Battue. L’État, la police et les étrangers, Paris, Éditions du Seuil, 2023.

25 Jérémie Gauthier et Fabien Jobard (dir.), Police : questions sensibles, Paris, PUF, 2018 ; Fabien Jobard et Olivier Fillieule, « Un splendide isolement. Les politiques françaises du maintien de l’ordre », La Vie des idées, 2016 <https://laviedesidees.fr/Un-splendide-isolement>.

26 Gwénola Ricordeau (dir.), 1312 raisons d’abolir la police, Montréal, Lux Éditeur, 2023.

27 Voir notamment Quentin Deluermoz et Aurélien Lignereux, « L’Empire, c’est la sécurité. Offre et demande de sécurité en régime bonapartiste », Revue d’histoire du XIXe siècle, n° 50, 2015, p. 57-78.

28 Sheila Fitzpatrick et Robert Gellately, « Practices of Denunciation in Modern European History, 1789-1989 », The Journal of Modern History, 1996, vol. 68, no 4, p. 747-767 ; Martine Charageat et Mathieu Soula (dir.), Dénoncer le crime, du Moyen Âge au XIXe siècle, Pessac, Maison des sciences de l’homme et d’Aquitaine, 2014 ; Arnaud-Dominique Houte, Citoyens policiers. Une autre histoire de la sécurité publique en France, de la garde nationale aux voisins vigilants, Paris, La Découverte, 2024.

29 Paolo Napoli, Naissance de la police moderne, Paris, La Découverte, 2003 ; Jean-Marc Berlière, « Histoire de la police. Quelques réflexions sur l’historiographie française », Criminocorpus. Revue d’histoire de la justice, des crimes et des peines, 2008.

30 Pour une synthèse des travaux historiques sur la police : Vincent Milliot, Emmanuel Blanchard, Vincent Denis et Arnaud-Dominique Houte, Histoire des polices en France : des guerres de religion à nos jours, Paris, Belin, 2020, p. 636.

31 La complexité des relations entre polices et crises révolutionnaires, ou entre police et groupes révolutionnaires, est interrogée dans un ouvrage à paraître : Félix Brêteau, Anne De Mathan, Thomas Hippler, Vincent Milliot, Corentin Sire (dir.), Polices et révolutions en Europe occidentale. Des années 1780 à la fin du XXe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2025.

32 Catherine Denys, « La territorialisation policière dans les villes au XVIIIe siècle », dans le dossier « Espaces policiers », Revue d’histoire moderne et contemporaine, n° 50-1, 2003, p. 13-26 ; Marie-Claude Blanc-Chaléard, Caroline Douki, Nicole Dyonnet et Vincent Milliot (dir.), Police et migrants : France, 1667-1939, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2001 ; Vincent Milliot, « L’admirable police » : tenir Paris au siècle des Lumières, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2016.

33 Steven L. Kaplan et Vincent Milliot, « La police de Paris, une “révolution permanente” ? Du commissaire Lemaire au lieutenant de police Lenoir, les tribulations du Mémoire sur l’administration de la police (1770-1792) », dans Catherine Denys et Brigitte Marin (dir.), Réformer la police : Les mémoires policiers en Europe au XVIIIe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009, p. 69-115.

34 Bernard Gainot et Vincent Denis, Un siècle d’ordre public en Révolution : de 1789 à la Troisième République, Paris, Société des études robespierristes, 2009.

35 Sous le Directoire est créé un ministère de la Police générale, le 12 nivôse an IV (2 janvier 1796). Il disparaît sous la Restauration, en 1818. En 1791, par ailleurs, est créée la gendarmerie, qui est également une institution d’échelle nationale.

36 Jean-Marc Berlière, Catherine Denys, Dominique Kalifa et Vincent Milliot (dir.), Métiers de police : être policier en Europe, XVIIIe-XXe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008.

37 Citons par exemple la garde républicaine à Paris, ou la police spéciale des chemins de fer, police politique chargée de la surveillance, à partir du Second Empire. Fabien Cardoni, La Garde républicaine, d’une République à l’autre (1848-1871), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009.

38 Caroline Douki, « Entre État et société : la gendarmerie au XIXe siècle », Revue d’histoire moderne et contemporaine, n° 50, 2003, p. 189-197.

39 Arnaud-Dominique Houte, Citoyens policiers. Une autre histoire de la sécurité publique en France, de la Garde nationale aux voisins vigilants, Paris, La Découverte, 2024.

40 Édouard Ebel, « Du maintien de l’ordre à la guerre des rues : la gestion des foules entre 1830 et 1871 », dans Pierre Bergel et Vincent Milliot (dir.), La Ville en ébullition : sociétés urbaines à l’épreuve, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, p. 127-143.

41 Ibid.

42 Quentin Deluermoz, « Quelques échelles de la violence : les policiers en tenue et l’espace parisien dans la seconde moitié du XIXe siècle », Déviance et Société, n° 32, 2008, p. 75-88.

43 Le rôle qu’a joué Alphonse Bertillon dans la création de ces pratiques d’identification est bien connu. Ilsen About, « Les fondations d’un système national d’identification policière en France (1893-1914) », Genèses, n° 54, 2004, p. 28-52.

44 Martine Kaluszynski, « La construction d’une politique “républicaine” de sécurité ? », dans Jean-Charles Froment, Jean-Jacques Gleizal et Martine Kaluszynski (dir.), Les États à l’épreuve de la sécurité, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2003, p. 15‑30 ; Jean-Marc Berlière, « Du maintien de l’ordre républicain au maintien républicain de l’ordre ? Réflexions sur la violence », Genèses. Sciences sociales et histoire, n° 12, 1993, p. 6-29 ; Jean-Noël Luc, « Pour une histoire totale du maintien de l’ordre. La longue marche de la gendarmerie mobile et de la police française des foules », dans Roseline Letteron (dir.), La Liberté de manifestation, du XIXe siècle aux Gilets jaunes, Paris, SUP, 2020, chapitre 13.

45 Patrick Bruneteaux, Maintenir l’ordre : les transformations de la violence d’État en régime démocratique, Paris, Presses de Sciences-Po, 1996 ; Luca Provenzano, « Beyond the Matraque : State Violence and its Representation during the Parisian 1968 Events », The Journal of Modern History, 91-3, 2019, p. 586-624.

46 Emmanuel Blanchard, « Police judiciaire et pratiques d’exception pendant la guerre d’Algérie », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, no 90, avril-juin 2006, p. 61-72 ; Emmanuel Blanchard, « Contrôler, enfermer, éloigner. La répression policière et administrative des Algériens de métropole (1946-1962) », dans Sylvie Thénault et Raphaëlle Branche (dir.), La France en guerre (1954-1962). Expériences métropolitaines de la guerre d’indépendance algérienne, Paris, Autrement, 2008.

47 Mathieu Rigouste, L’Ennemi intérieur. La généalogie coloniale et militaire de l’ordre sécuritaire dans la France contemporaine, Paris, La Découverte, 2011.

48 Olivier Fillieule et Fabien Jobard, Politiques du désordre : la police des manifestations en France, Paris, Seuil, 2020 ; Lesley J. Wood, Mater la meute. La militarisation de la gestion policière des manifestations, Montréal, Lux éditeur, 2015.

49 Fait révélateur, la France n’a pas souhaité participer à un programme de recherches réunissant neuf pays européens entre 2010 et 2013, intitulé Godiac, Good practice for dialogue and communication as strategic principles for policing political manifestations in Europe.

50 Didier Fassin, « Pouvoir discrétionnaire et politiques sécuritaires : le chèque en gris de l’État à la police », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 201-202, 2014, p. 72-86.

51 Le titre de la loi de 2021 est révélateur de la fragilité de l’équilibre en la matière : « Loi pour une sécurité globale préservant les libertés ». Voir aussi Didier Bigo et Laurent Bonelli, « Ni État de droit, ni État d’exception. L’état d’urgence comme dispositif spécifique ? », Cultures et Conflits, n° 112, 2018, p. 7-14 ; et CREDOF, « La place des libertés face à la lutte contre le terrorisme », Revue des droits de l’homme, n° 9, 2016.

52 Laurent Bonelli, Hervé Rayner et Bernard Voutat, « Contestations et (re)légitimations du renseignement en démocratie », Cultures & Conflits, n° 114-115, 2019, p. 7-28.

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Pour citer cet article

Référence papier

Grégoire Le Quang et Jeanne-Laure Le Quang, « Introduction. Police et État de droit : à la recherche d’un maintien de l’ordre démocratique »Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 162 | 2025, 13-27.

Référence électronique

Grégoire Le Quang et Jeanne-Laure Le Quang, « Introduction. Police et État de droit : à la recherche d’un maintien de l’ordre démocratique »Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique [En ligne], 162 | 2025, mis en ligne le 07 avril 2025, consulté le 24 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/chrhc/25132 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13wnj

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Auteurs

Grégoire Le Quang

Institut catholique de Paris, chercheur associé à l’ISP (Paris-Nanterre)

Articles du même auteur

Jeanne-Laure Le Quang

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chercheuse associée à l’IHMC

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