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DOSSIER

Race et violences policières aux États-Unis. Au-delà du réductionnisme racial

Olivier Mahéo
p. 95-121

Résumés

Les discours sécuritaires, la police et le système judiciaire jouent un rôle central dans la recomposition du racisme, un racisme désormais « sans racistes », qui rejette la faute sur les victimes des discriminations. L’acharnement policier modèle profondément une société marquée par l’incarcération massive des jeunes Africains-Américains. Il participe d’un système qui perpétue le racisme, une société où le corps noir continue d’être représenté comme une menace. Cet article de synthèse s’appuie sur des données statistiques, des articles de presse et des sources secondaires pour montrer l’imbrication des questions policières avec les questions raciales, dans une société où les politiques de sécurité participent des processus de racialisation. Les violences policières ne sont pas simplement les symptômes de la persistance du racisme, mais des éléments essentiels de sa perpétuation. Cependant, lorsque le combat contre le racisme se limite à leur dénonciation, il risque d’isoler les Africains-Américains en masquant ce qui lie étroitement racisme et inégalités sociales.

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Texte intégral

  • 1 Keeanga-Yamahtta Taylor, Black lives matter : le renouveau de la révolte noire américaine, Marseill (...)
  • 2 Khalil Gibran Muhammad, The Condemnation of Blackness : Race, Crime, and the Making of Modern Urban (...)

1Le mouvement Black Lives Matter a rencontré un écho international en 2020, à la suite de la diffusion des images atroces de la mort en direct de George Floyd, asphyxié par un policier1. Les violences policières étatsuniennes sont souvent présentées en France comme un révélateur des inégalités raciales qui persistent, ce qu’elles sont à n’en pas douter. Cependant, cette perspective est réductrice et, si on s’y limite, elle tend à accréditer la vision relativement optimiste d’une société qui se bat contre ses anciens démons, hérités d’une histoire coloniale et esclavagiste. Cela correspond à une part de la vérité, qu’il est nécessaire de compléter en renversant la perspective : loin de n’être qu’un aspect de l’injustice raciale, les violences policières sont également analysées aux États-Unis comme la pierre angulaire, aux côtés du système judiciaire, de la persistance du racisme au cœur de la société américaine. Cet article s’appuie sur des données statistiques, des articles de presse et des sources secondaires pour montrer l’imbrication des questions policières avec les questions raciales, dans une société où les politiques de sécurité participent des processus de racialisation. Plutôt que simples survivances du passé, les violences policières contribuent à la perpétuation des inégalités raciales. Ce texte s’appuie en particulier sur des recherches étatsuniennes qui cherchent à contrer les représentations, qui ont longtemps prévalu, d’une minorité noire structurellement violente2.

  • 3 Ainsi la catégorie Asian American Pacific Islander, AAPI, a remplacé le terme d’Asiatiques et est d (...)

2La violence policière participe des processus de racialisation. Nous utilisons ici le terme de race sans guillemets, dans le sens où il est employé couramment aux États-Unis, dans une société où chacun est invité, lors des recensements et dans la plupart des formulaires administratifs, à indiquer la manière dont il ou elle se perçoit et veut être perçu·e, en cochant différentes cases, qui renvoient aussi bien au phénotype qu’à l’appartenance à une communauté, hispanique, asiatique ou autre, selon des catégories qui évoluent3.

3Après avoir discuté des lacunes des statistiques sur les violences policières, une brève histoire des polices américaines nous permettra de situer ces faits dans la longue durée. Les mobilisations des années 1960-1970 avaient permis que soit pris en compte le racisme au sein des forces de l’ordre. Cependant, l’offensive des néoconservateurs depuis les années 1980 a contribué à promouvoir des techniques policières dangereuses et des représentations à charge des Africains-Américains. Prendre en compte les violences policières, mais aussi la manière dont elles sont perçues permet de comprendre la manière dont le racisme s’est transformé pour mieux perdurer après les lois sur l’égalité civique et les mobilisations des années 1960.

Expériences des violences policières : mesures et représentations

  • 4 Ta-Nehisi Coates, Between the World and Me, New York, Random House, 2015, p. 18.
  • 5 Le premier titre en français, Une colère noire, faisait disparaître la référence à un poème de Rich (...)

4Bien que leurs récits soient pénibles à dire et à lire, les circonstances précises des meurtres d’Africains-Américains par des policiers disent beaucoup sur la réalité de la violence au sein de la société américaine. Le 9 août 2014 à Ferguson le cadavre du jeune Michael Brown a été laissé quatre heures sur la chaussée, entouré par des cordons de policiers qui empêchaient y compris ses parents d’approcher du corps. Plus récemment, à Minneapolis en 2020, le policier Derek Chauvin a écrasé le cou de George Martin durant neuf minutes – la scène filmée s’est rapidement trouvée diffusée sur les réseaux sociaux. Ainsi, être noir au mauvais endroit et au mauvais moment peut représenter un danger mortel. Dans Between the World and Me, le journaliste et auteur Ta-Nehisi Coates décrit dans une lettre à son fils le danger qui menace tout corps noir en Amérique : être noir aux États-Unis, c’est connaître la « guerre pour la possession de son corps4 », que les institutions tentent de soumettre5. Lors des manifestations qui ont suivi la mort de Freddie Gray, le 12 avril 2015 à Baltimore, un enfant de 5 ans a été menotté. Notons que le choix des mots n’est pas neutre, et le fait de nommer « émeutes » (« riot ») les réactions à ces violences policières tend à les disqualifier d’emblée.

  • 6 Mary E. Pattillo, Black Picket Fences : Privilege and Peril Among the Black Middle Class, Chicago, (...)
  • 7 Robert Staples, « White Power, Black Crime, and Racial Politics », Black Scholar 41-4, 2011, p. 31‑ (...)

5La violence policière menace indistinctement toute personne noire qui se déplace dans l’espace public, elle transcende les catégories sociales, des habitants du ghetto aux élites noires6. Une anecdote connue, à propos d’un professeur à Harvard, le très influent Henry Louis Gates Jr., ami personnel de Barack Obama, permet d’en mesurer la portée. En juillet 2009, alors qu’il rentrait tard chez lui, dans un bel immeuble où aux yeux des policiers il était impossible qu’il puisse habiter, Gates Jr. fut interpellé violemment par la police. Au commissariat, il ne dut son salut qu’à un coup de fil passé à son ami Barack Obama. Cet incident suscita une controverse nationale sur le « profilage racial » et la formation des policiers7, sans pour autant que ces débats permettent de réelles avancées contre ces pratiques. En 2015, Sandra Annette Bland, arrêtée pour avoir prétendument brûlé un feu rouge, s’est suicidée en prison quelques heures après son arrestation. Elle n’avait commis aucun crime, hormis ce que les Africains-Américains surnomment DWB, Driving While Black, qu’on peut traduire par « conduire en étant noir ». Sur la même construction, l’acronyme LWB, Living While Black, « vivre en étant noir », est de plus en plus fréquemment utilisé. Cette violence policière a pour effet d’unir sous sa menace la minorité noire. Même les plus fortunés, les 9 % qui perçoivent plus de 100 000 $ par an, peuvent courir le même danger d’être froidement abattus ou de voir leurs enfants tués. Le jeune Trayvon Martin, tué en 2012 en Floride, n’était pas un enfant du ghetto. Il a été assassiné devant les portes d’une gated community, une résidence fermée, dans les beaux quartiers de Sanford en Floride, par George Zimmerman, le coorganisateur d’une « neighbourhood watch », une milice de quartier qui, comme dans beaucoup de villes, prétend assister la police pour assurer la sécurité. Le cadavre a fait l’objet d’une prise de sang pour détection de substances illicites, tandis que son assassin, George Zimmerman a pu rester 45 jours en liberté après son acte, avant d’être finalement interpellé.

  • 8 Jordan T. Camp, Christina Heatherton (eds.), Policing the Planet : Why the Policing Crisis Led to B (...)

6Les inégalités liées au racisme, économiques comme sociales, sont nombreuses et se traduisent par la permanence d’une ségrégation spatiale pour les plus pauvres des Africains-Américains, un moindre accès aux études, un taux de chômage sans commune mesure et une moindre espérance de vie, que la crise du COVID a tragiquement rappelée. Mais finalement, ce qui a déclenché la réaction massive qu’a été le mouvement Black Lives Matter en 2013, et avec beaucoup plus de force en 2020, c’est précisément la question de la violence policière8. Cette menace, qui semble peser sur toutes et tous, indépendamment des catégories sociales, a réuni les manifestant·es bien au-delà de la minorité noire. Malgré ce contexte, malgré le caractère massif des violences contre les Africains-Américains, les données statistiques officielles sont loin d’être exhaustives et, de fait, participent de la négation du problème policier. Compter, rendre visibles ces actes de violences, est un enjeu militant et politique.

7Il est difficile de trouver des données fiables sur ces questions et les différentes statistiques officielles sont sujettes à de nombreuses critiques. Les autorités fédérales ne se sont jamais donné les moyens de quantifier précisément ces faits. Certes, il existe différents instruments étatiques de mesure, mais les chiffres ne concordent pas et de nombreuses études montrent qu’ils sont grossièrement sous-évalués9. Ces statistiques émanent de deux sources différentes : d’une part le FBI et son Supplementary Homicide Reports, d’autre part le système de santé, avec le Center for Disease Control and Prevention (CDC) National Vital Statistics System. La base des données collectées par le FBI repose sur les déclarations des autorités locales de police, sans que rien ne les oblige à communiquer leurs informations. Ces statistiques sont donc partielles, collectées irrégulièrement, et leur agrégation n’est réalisée que plusieurs années après. Fait notable, la Floride n’y participe pas et maintient ses propres statistiques, qu’elle refuse de transmettre à l’échelon fédéral. Un article du Guardian constatait encore en 2021 l’échec du FBI à collecter des données fiables auprès des différents services de police, alors même qu’un programme en ce sens avait été mis en oeuvre en 201810. La seconde base de données fait partie des statistiques de santé tenues par le CDC qui mentionnent les causes de décès, sans qu’il soit possible de savoir si l’intervention policière est considérée ou pas comme une bavure par les autorités elles-mêmes11.

8Une difficulté est liée à l’éclatement structurel de la police en de multiples corps. Hormis les différentes forces fédérales, il faut aussi prendre en compte les polices étatiques et celles des « gouvernements locaux », nous dirions les polices municipales : plus de 18 000 services différents existent et le total des policiers assermentés s’élève à presque 850 000 en 2022. Un effectif en hausse rapide depuis dix ans, comme le montre le graphique ci-dessous : les effectifs policiers masculins montrent une progression constante.

Figure 1 - Hausse des effectifs policiers depuis 201412

  • 13 John David Skrentny, After Civil Rights : Racial Realism in the New American Workplace, Princeton, (...)

9Au total, les hommes représentent près de 86 % des policiers. Entre 1987 et 2016, le nombre de policiers noirs a augmenté de 22 %, tandis que le nombre de policiers hispaniques a quadruplé (mais il était initialement bien plus faible). Cette évolution s’explique en partie par des décisions de la justice qui, à plusieurs reprises, ont jugé que les effectifs policiers devaient tenir compte de la composition des populations locales et embaucher en conséquence13. D’après les statistiques raciales – elles sont déclaratives, les Américains se classent eux-mêmes lors des recensements, et peuvent actuellement cocher autant de cases « raciales » qu’ils le souhaitent – plus de 70 % des policiers sont des hommes blancs (et non hispaniques), comme le montre le graphique ci-après.

Figure 2 - Catégories « raciales » des policiers, 202214.

10L’absence de statistiques fiables à l’échelle fédérale a conduit différents acteurs, particulièrement au sein de la presse, à prendre des initiatives pour compter les victimes des forces de police. En 2015, le Washington Post a commencé son propre comptage, disponible en ligne, qui constitue aujourd’hui sans doute la référence la plus fiable15. Cette initiative fait suite à la mort de Michael Brown, un Afro-Américain de 18 ans, à Ferguson, dans la banlieue de Saint-Louis, Missouri. Les autorités policières ont alors généralisé les caméras portées par les policiers, dans le but de lutter contre l’arbitraire – une caméra de ce type a filmé le lynchage de Tyre Nichols, en 2023 à Memphis16. Malgré cela, la litanie des noms de victimes n’a cessé de s’allonger : Trayvon Martin en 2012, Tamir Rice en 2014, Freddie Gray en 2015, George Floyd en 2020, pour les quelques-uns qui ont trouvé un écho dans les médias, mais qui ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Un site plus ouvertement engagé, Mapping Police Violence, établit ses propres statistiques et annonce pour la seule période de janvier à novembre 2024 un total de 1 007 personnes tuées par la police, sans qu’il soit possible de dire si la violence exercée était légitime ou non, ni même comment les autorités de police elles-mêmes jugent ces faits17. La collecte de ces données s’appuie sur des alertes Google, des projets de recherche collaboratifs qui font appel au public (crowd-sourcing), et les signalements faits par les médias. De son côté, le site Fatal Encounters repose sur l’activité bénévole de chercheur·ses qui rendent précisément compte de la manière dont leurs données sont collectées18. Celles qui concernent les homicides commis par la police sont effrayantes.

  • 19 Catherine Barber, Deborah Azrael, Amy Cohen, Matthew Miller, Deonza Thymes, David Enze Wang et Davi (...)
  • 20 <https://mappingpoliceviolence.us/>.
  • 21 Cody T. Ross, « A Multi-Level Bayesian Analysis of Racial Bias in Police Shootings at the County-Le (...)
  • 22 Washington Post, Police shootings database 2015-2024 : Search by race, age, department, <https://ww (...)

11Chaque année, environ 100 000 personnes sont admises aux urgences pour des blessures non létales infligées par les forces de l’ordre19. Selon le décompte du Washington Post, 1 158 personnes ont été tuées par des policiers dans les douze derniers mois, entre novembre 2023 et 2024, principalement par arme à feu, un total qui ne cesse de progresser. Les Africains-Américains représentent 27 % des personnes tuées, pour près de 13 % de la population totale. Mapping Police Violence indique qu’ils sont trois fois plus susceptibles d’être tués par la police que les Blancs20. Une étude très complète menée sur les tirs effectués par des policiers entre 2011 et 2014, à partir d’une source policière, la base de données U.S. Police-Shooting Database, montre que la probabilité pour un Africain-Américain non armé d’être la cible d’un tir policier est 3,5 fois plus élevée que pour un Blanc non armé21. Le graphique reproduit ci-dessous, publié par le Washington Post, éclaire la disproportion entre le nombre de victimes et la part que chaque composante « raciale » représente dans la population totale22.

Figure 3 - Personnes tuées par la police en proportion de leur représentation dans la population totale.

  • 23 Adolph Reed Jr. et Hope Reese, Adolph Reed Jr. : The Perils of Race Reductionism, <https://daily.js (...)
  • 24 Rogers Brubaker, Ethnicity without groups, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 2004.
  • 25 Touré F. Reed, « Pourquoi les libéraux progressistes séparent la race de la classe », La Pensée, n° (...)
  • 26 Rogers Brubaker et Frederick Cooper, « Beyond “Identity” », Theory and Society, 29-1, 2000, p. 1‑47 (...)

12Il est cependant important de rappeler que la race n’est pas l’unique déterminant. Sans nier le rôle que joue le racisme, différents chercheurs, parmi lesquels Adolph Reed Jr. et son fils Touré Reed, dénoncent le « réductionnisme racial », qui conduit à lire tous les faits sociaux sous le seul angle de la race. Selon le premier, les violences policières démontrent avant tout le rôle qu’elles jouent « dans la protection des biens et le contrôle des classes indisciplinées23 ». À partir de l’exemple d’États où la présence des Africains-Américains est marginale, il montre que les violences policières s’y concentrent contre les plus pauvres. À l’inverse, les tenants d’une vision purement raciale limitent volontairement leur regard pour éviter de prendre en compte les écarts sociaux qui traversent tous les groupes ethnoraciaux, selon une forme de cécité volontaire que le sociologue Rogers Brubaker nomme « groupisme24 ». Touré Reed démontre de son côté que les partisans de la vision racialiste font l’impasse sur les violences qui concernent des Blancs pauvres, de même qu’elles et ils omettent de souligner que l’essentiel des Africains-Américains victimes de telles violences sont avant tout des pauvres25. Le choix de la seule catégorie raciale comme un facteur isolé permet de présenter des résultats qui sont conformes à ce qu’on cherche à démontrer. En réalité, les prémices scientifiques de telles recherches seraient de commencer par distinguer nettement les catégories pratiques des catégories analytiques, et de nombreuses analyses sur les questions des violences policières se contentent précisément d’un usage courant du concept de race26.

  • 27 Rogers Brubaker, The Danger of Race Reductionism, <https://publicseminar.org/essays/the-danger-of-r (...)
  • 28 Roland G. Fryer, « Reconciling Results on Racial Differences in Police Shootings », AEA Papers and (...)
  • 29 Steven N. Durlauf et James J. Heckman, « An Empirical Analysis of Racial Differences in Police Use (...)

13Selon Adolph et Touré Reed, les visions racialistes partagent trois limites importantes, celles d’une présentation abstraite, ahistorique et essentialisante de la réalité sociale. Le racisme est présenté comme une réalité immuable, tandis que la minorité noire est décrite comme essentiellement homogène27. Certains chercheurs insistent sur la diversité des situations locales. Roland G. Fryer Jr. utilise des données concernant Houston pour montrer que les Noirs ont 27,4 % de probabilité d’être la cible de tirs policiers28. Pour des incidents comparables, les Noirs ont 21 % plus de risques d’être la cible de violences physiques de la part de policiers, alors même qu’ils n’opposaient aucune résistance aux ordres des agents29. On comprend que ces analyses sont extrêmement ardues, avec des données incomplètes et des risques importants de biais statistiques.

  • 30 Ces données s’appuient sur des échantillons très importants, près de 8 000 personnes sondées. Drew (...)
  • 31 « “Gilets jaunes” : pas de “violences policières”, selon Emmanuel Macron », Le Monde.fr, 08/03/2019

14Il en va de même pour les représentations de ces violences. Différentes enquêtes concourent à montrer le clivage dans la perception de ces faits sociaux, tel le rapport de synthèse publié en 2020 par le Pew Research Center : si 84 % des Africains-Américains pensent qu’elles et ils sont traités d’une manière discriminatoire par la police, seulement 63 % des Blancs le perçoivent ainsi. En ce qui concerne les Africains-Américains tués par des policiers en service, 72 % des policiers blancs les considèrent comme des incidents isolés, tandis que 57 % des policiers noirs pensent qu’ils révèlent un problème social30. Gardons-nous également de tout anti-américanisme primaire, en rappelant que Macron est allé plus loin dans le déni, en 2019 : « Ne parlez pas de “répression” ou de “violences policières”, ces mots sont inacceptables dans un État de droit31. » Cette injonction au silence et la négation de la réalité mettent en lumière les mêmes mécanismes d’invisibilisation des violences policières et du racisme.

  • 32 Rashad Shabazz, Les Policiers noirs ont les mêmes préjugés anti-Noirs que la police et la société a (...)
  • 33 James Doubek, « Police Researcher : Officers have Similar Biases Regardless of Race », NPR, 22/06/2 (...)

15Un exemple récent est révélateur. En février 2023, Tyre Nichols, 29 ans, est arrêté à Memphis alors qu’il se rendait chez sa mère. Les cinq policiers qui l’interpellent, tous Africains-Américains, le battent sévèrement et appellent les secours avec retard. Il meurt trois jours après à l’hôpital. Cela révèle-t-il le racisme de l’institution32 ? La presse a écrit à ce propos que ce meurtre policier avait été commis en dehors de tout contexte racial, simplement parce que les cinq policiers étaient noirs. Mais il n’existe pas de situation « en dehors de tout contexte racial ». Bien que noirs, ces cinq policiers ont été socialisés dans une société profondément raciste, où sont partagées les représentations qui désignent les Africains-Américains comme violents et dangereux, y compris souvent par les victimes de ces stéréotypes eux-mêmes. La police est d’ailleurs, selon différentes enquêtes sociologiques, particulièrement marquée par ces préjugés raciaux33. Le service spécial de police où exerçaient ces cinq policiers a été dissous, mais le nouveau, aussitôt créé en lieu et place, est présenté comme « une unité de huit agents qui arrêteront les mineurs non accompagnés qui vendent de la nourriture, jouent de la musique forte, sont “habillés de manière inappropriée” ou dansent dans la rue dans le centre-ville de Memphis. » Visiblement, le paradigme sécuritaire n’a pas été modifié.

  • 34 Rebecca C. Hetey et Jennifer L. Eberhardt, « Racial Disparities in Incarceration Increase Acceptanc (...)
  • 35 Rebecca C. Hetey et Jennifer L. Eberhardt, « The Numbers Don’t Speak for Themselves : Racial Dispar (...)
  • 36 Hubert M. Blalock, Toward a Theory of Minority-Group Relations, New York, Wiley, 1967.
  • 37 Brian J. Stults et Eric P. Baumer, « Racial Context and Police Force Size : Evaluating the Empirica (...)

16Un cercle vicieux se met ainsi en place, qui tend à conforter les préjugés contre les Africains-Américains, comme le montrent différentes recherches en sociologie. La surreprésentation de la minorité au sein de la population carcérale, au lieu d’exposer les biais judiciaires, conforte une partie de l’opinion dans ses préjugés et justifie les politiques les plus punitives34. « Le fait d’évoquer les disparités raciales dans ce domaine peut déclencher la peur et alimenter les stéréotypes associant les Noirs à la criminalité35. » Ces représentations ont été analysées dans le cadre de la théorie dite de la « menace minoritaire », minority threat, d’abord proposée par Hubert M. Blalock en 1967 pour décrire comment une population majoritaire réagit face à l’augmentation des effectifs d’une minorité36. Récemment, deux sociologues ont pu démontrer comment les effectifs policiers étaient localement plus importants lorsque la perception d’une « menace minoritaire » augmentait37.

  • 38 Correctional Populations in the United States, 2022 – Statistical Tables, Bureau of Justice Statist (...)
  • 39 Citation originale : « The stigma of race was once the shame of the slave ; then it was the shame o (...)

17De telles représentations justifient un emprisonnement massif : la population carcérale des États-Unis est la première du monde en 2023, avec 1 767 200 détenus. Sans surprise, sur l’ensemble des personnes sous le contrôle du système pénal, les Africains-Américains sont proportionnellement quatre fois plus nombreux (2 507 000 Blancs, 1 723 000 Noirs, 892 000 hispaniques)38. L’avocate Michelle Alexander a dénoncé en 2010 cette situation dans « The New Jim Crow: Mass Incarceration in the Age of Colorblindness » : « Le stigmate de la race impliquait autrefois […] l’esclavage. Puis de n’être qu’un citoyen de seconde zone ; aujourd’hui, il rend criminel39. » Selon elle, le système judiciaire aboutit à créer une nouvelle sous-caste raciale, fondée sur la criminalité comme autrefois les discriminations étaient fondées sur la race. Les anciens détenus sont souvent privés d’emploi, du droit de vote et de l’accès à un logement :

  • 40 Michelle Alexander et Patrick Simon, « Le nouveau Jim Crow : comment l’incarcération de masse trans (...)

« Ce qui a changé depuis l’effondrement de Jim Crow relève moins des structures de base de notre société que du langage que nous utilisons pour justifier les dramatiques inégalités. À l’ère de la colorblindness, il n’est plus socialement admissible de recourir explicitement à la race pour justifier la discrimination, l’exclusion ou le mépris social. Il est légal aujourd’hui de discriminer des ex-délinquants de la même manière qu’il a été jadis légal de discriminer les Afro-Américains. […] Nous n’avons pas mis fin à la caste raciale en Amérique, nous en avons seulement changé la forme. »40

18Replacer ces faits dans le temps long permet de comprendre le rôle joué par un lourd héritage de représentations biaisées.

Racialisation et police, une longue histoire

  • 41 Bell hooks, Black Looks : Race and Representation, Boston, South End Press, 1992 ; Bernard A. Drew, (...)
  • 42 Elijah Anderson, « The Iconic Ghetto », The Annals of the American Academy of Political and Social (...)
  • 43 Chanelle Rose, « Reimagining Black Conservatism : The Invisible Black Community and the Forgotten W (...)
  • 44 Loïc Wacquant, Jim Crow : le terrorisme de caste en Amérique, Paris, Raisons d’agir, 2024, p. 108.
  • 45 Après l’abolition de l’esclavage, tandis qu’une ségrégation de facto s’était installée dans le Nord (...)

19Comment expliquer de tels écarts dans la manière dont les violences policières sont perçues ? Les interprétations racistes incriminent la minorité noire, présentée comme plus violente, plus délinquante, et donc logiquement plus suspectée, interpelée, contrôlée. Depuis le 19e siècle, les représentations qui décrivent les Noirs comme violents et dangereux ont accompagné la propagande anti-abolitionniste41. De même les ghettos ont été et sont régulièrement dépeints comme des foyers de délinquance42. L’expression « Black-on-Black crime », c’est-à-dire une criminalité noire qui viserait d’abord les Noirs eux-mêmes, témoigne de la persistance de ces représentations racistes, qui tendent à construire une vision pathologique de la minorité noire43. Ce type de discours, celui de la « responsabilité », est porté y compris par les conservateurs africains-américains, mais pas uniquement. En réalité, selon le sociologue Loïc Wacquant, les violences policières et les représentations stigmatisantes constituent « un moyen de dissuasion et d’imposition ethno-raciales » qui perpétue l’ordre racial existant44. Wacquant décrit de quelle manière la « terreur blanche » a rendu possible le système Jim Crow, qui prévalait dans les États sudistes avant les années 196045. Certes, ce passé est révolu, mais la violence raciale, elle, n’a pas disparu et demeure une menace sur la vie de chaque Africain-Américain.

  • 46 Michael Omi et Howard Winant, Racial Formation in the United States : from the 1960s to the 1990s, (...)
  • 47 Stuart Hall (dir.), Representation : Cultural Representations and Signifying Practices, London, Tho (...)

20La racialisation est un processus historique toujours à l’œuvre, que les sociologues Michael Omi et Howard Winant ont défini comme « l’extension d’une signification raciale à une relation, une pratique sociale ou un groupe auparavant non classifié. Il s’agit d’un processus idéologique inscrit dans l’histoire », par lequel un groupe se voit attribuer une identité essentielle dans laquelle il ne se reconnaissait pas auparavant46. Il est nécessaire de dépasser la conception courante d’un racisme hérité, qui ne serait qu’un reliquat d’une histoire marquée par l’esclavage et la ségrégation. En réalité, le racisme est continuellement produit et actualisé dans nos sociétés, au sein de systèmes de représentations en évolution constante47.

  • 48 Quatre historiens renommés, James McPherson, Gordon Wood, Victoria Bynum et James Oakes, publièrent (...)
  • 49 Le « compromis des trois cinquièmes » est établi au moment de la rédaction de la Constitution de 17 (...)
  • 50 Le système des plantations s’accompagnait de nombreuses naissances d’enfants métis, fruits des viol (...)

21La minorité noire étatsunienne a subi une mise à l’écart spécifique, différente de celles réservées aux autres minorités. Cela est d’autant plus notable que les Africains-Américains sont, après les Amérindiens puis les colons anglais, les premiers habitants de l’Amérique du Nord. Le projet éditorial 1619 et le livre associé, critiqués pour leurs simplifications, ont eu le mérite de rappeler la date à laquelle les vingt premiers Noirs ont débarqué à Jamestown48. Ils étaient sans doute des esclaves vendus à un certain John Rolfe par des Hollandais. Le racisme étatsunien dépend étroitement de l’histoire de l’esclavage aux 18e et 19e siècles. La Constitution américaine comptait les esclaves sans les nommer comme « trois cinquièmes » d’une personne, ce qui permettaient d’attribuer plus de sièges aux représentants des États du sud49. Tant que les Noirs libres étaient très peu nombreux, essentiellement présents dans les États du Nord et quelques grandes villes du Sud, la question du racisme ne se posait pas d’une manière aiguë : le statut des esclaves n’était pas remis en cause, ils n’étaient pas considérés comme des êtres humains à part entière50. C’est l’augmentation des effectifs des Noirs libres, du temps de l’esclavage, puis bien sûr après son abolition, qui rendit plus pressant le besoin de définir une infériorité raciale.

  • 51 Stuart Hall, Race, ethnicité, nation : le triangle fatal, Paris, Amsterdam éditions, 2019 ; Magali (...)
  • 52 « The ultimate trope of difference ». Nous choisissons de traduire trope par métaphore, tout en sac (...)
  • 53 Ronald E. Hall, Racism in the 21st Century, op. cit.
  • 54 Eduardo Bonilla-Silva, Racism Without Racists : Color-Blind Racism and the Persistence of Racial In (...)

22Le racisme s’est continuellement transformé pour mieux perdurer. L’abolition de l’esclavage s’est accompagnée de la définition de multiples stéréotypes raciaux. Ils s’appuyaient sur un racisme biologique classique, mais également sur un racisme « culturel », qui stigmatise la minorité noire comme socialement pathologique et violente51. Depuis les années 1960 et la conquête des droits civiques, les représentations à charge des Africains-Américains et des ghettos continuent de circuler. Bien que la race soit désormais perçue comme un mythe, son prisme n’en a pas moins des effets bien réels. L’historien Henry Louis Gates la définit comme la « métaphore ultime de la différence » arbitrairement produite pour maintenir des relations de pouvoir, tout comme le genre ou la classe52. Par-delà les préjugés explicites, les représentations en apparence neutres d’une société qui se serait débarrassée du racisme, qui serait désormais une société postraciale, contribuent également à alimenter les discriminations53. Ce « racisme sans racistes », selon l’expression du sociologue Eduardo Bonilla-Silva, ignore ou minore les inégalités raciales, invisibilise le racisme pour mieux nier les discriminations54. Les violences policières participent de ces mutations récentes d’un système qui reste inégalitaire et discriminatoire. Elles n’en sont pas seulement le résultat et le symptôme, elles sont aussi partie prenante de sa continuation, par la manière dont elles perpétuent les préjugés contre la minorité noire. L’histoire de la police américaine permet de situer ces violences depuis leur origine à la fin du 18e siècle.

  • 55 Sally E. Hadden, Slave Patrols : Law and Violence in Virginia and the Carolinas, Cambridge, Mass., (...)
  • 56 K.-Y. Taylor, Black Lives Matter, op. cit, p. 195.
  • 57 Randy Krehbiel, Tulsa, 1921 : Reporting a Massacre, Paperback edition., Norman, University of Oklah (...)

23La police a été fondée aux États-Unis dans le contexte de l’esclavage. Les Slave Patrols, « patrouilles des esclaves » ont d’abord été créées dans les Carolines au début des années 1700 avec la mission de prévenir et de réprimer les révoltes d’esclaves55. Après l’abolition de l’esclavage et la courte période de la Reconstruction, durant laquelle les anciens États sécessionistes restaient sous le contrôle de l’armée unioniste, des Codes noirs sont mis en place dans les États du Sud et la suprématie blanche s’impose par la terreur du Ku Klux Klan. Dans les États du Nord, les schémas policiers ciblent en priorité les Africains-Américains et les ghettos, qui se développent à partir du début du 20e siècle. À Detroit, au cours des six premiers mois de 1925, 55 Noirs sont tués par des policiers56. Ainsi, de la coercition sous l’esclavage à la mise en place du système ségrégationniste et discriminatoire après 1865, la terreur a toujours été utilisée contre les Africains-Américains. Trump a montré son mépris pour cette histoire en réunissant un premier rassemblement de campagne en 2022 à Tulsa, 99 ans après l’émeute de 1921 durant laquelle des Blancs avaient attaqué le quartier noir de cette ville, massacré plus de 300 personnes et contraint à un exil forcé plus de 10 000 autres57.

  • 58 « Ni esclavage ni servitude involontaire, si ce n’est en punition d’un crime dont le coupable aura (...)

24Si le XIIIe amendement de la Constitution américaine abolit l’esclavage, il laisse une brèche ouverte, qui autorise le travail forcé pour manquement à la loi58. Dès la fin du 19e siècle, des centaines de milliers de Noirs sont condamnés sous le moindre prétexte : loués à des entrepreneurs dans le cadre du « convict leasing », ils construisent les voies ferrées, assèchent les « bayous », les marécages du sud de la Louisiane, et cassent des cailloux sur les routes, au sein des fameux « chain gangs », ces groupes de prisonniers enchaînés.

  • 59 D’autres émeutes avaient eu lieu auparavant, à commencer par celle de Harlem en 1964, mais la viole (...)

25Dans les années 1960, les mobilisations décisives du mouvement pour les droits civiques, puis les révoltes urbaines de la période du Black Power, permettent le développement d’un système de protection sociale qui avait été mis en œuvre par la politique du New Deal. En août 1965, le président Johnson signe le Voting Rights Act. Cinq jours plus tard, le 11 août, les émeutes d’un grand ghetto noir de Los Angeles, Watts, choquent l’opinion et semblent réduire à néant la politique des libéraux menée au nom du programme de la Grande Société du président Lyndon B. Johnson (1963-1969)59. Avec la fin de l’inégalité juridique en 1965 et les révoltes des ghettos, les inégalités économiques sont désormais au premier plan, en lien avec les mobilisations des années du Black Power. Stokely Carmichael, alors leader du Student Non Violent Coordinating Committee, rallié aux Black Panthers, définit en 1967 le racisme institutionnel :

  • 60 Littéralement le Comité étudiant non violent de coordination, il est fondé en avril 1960 lors d’une (...)
  • 61 Stokely Carmichael et Charles V Hamilton, Black Power : The Politics of Liberating in America, New  (...)

« Le racisme est à la fois manifeste et dissimulé60. Il prend deux formes étroitement liées : d’une part, celle de Blancs agissant à titre individuel contre des individus noirs, et d’autre part celle d’actions de la communauté blanche globale contre la communauté noire. Nous les appelons racisme individuel et racisme institutionnel. »61

  • 62 Adolph Jr. Reed, « The Kerner Commission and the Irony of Antiracist Politics », Labor : Studies in (...)
  • 63 Steven M. Gillon, Separate and Unequal : The Kerner Commission and the Unraveling of American Liber (...)
  • 64 Thomas J. Hrach, The Riot Report and the News : How the Kerner Commission Changed Media Coverage of (...)

26Les autorités ne sont sans doute jamais allées aussi loin dans la reconnaissance du racisme qu’avec le rapport Kerner. En juillet 1957, alors que plus de 150 émeutes ont eu lieu depuis le début de l’année et qu’à Detroit des événements violents se poursuivent depuis plusieurs jours, Lyndon B. Johnson confie à une commission présidentielle, présidée par Otto Kerner, le gouverneur de l’Illinois, le soin d’enquêter sur ces événements62. Les onze membres de la commission s’entourent de plus de 200 enquêteurs, et leur recherche documente le parcours de plus de 13 000 personnes qui ont été interpellées pour avoir participé à une émeute63. Le rapport de 426 pages, Report of the National Advisory Commission on Civil Disorders, ou plus simplement rapport Kerner, publié en 1968, devient aussitôt un succès de librairie, avec plus de deux millions d’exemplaires vendus. Il participe à la construction d’une représentation plus progressiste des ghettos et des violences urbaines64. En voici un extrait :

« Nous avons visité les villes émeutières et entendu de nombreux témoins. […] Notre conclusion est simple : notre pays est en train de se fissurer en deux sociétés, l’une noire, l’autre blanche, séparées et inégales. La ségrégation et la pauvreté ont créé […] un environnement délétère, totalement inconnu de la plupart des Américains blancs. Ce que les Américains blancs n’ont jamais totalement compris – mais que les Noirs ne peuvent pas oublier – est le fait que la société blanche est profondément responsable de l’existence du ghetto. Les institutions blanches l’ont créé et le maintiennent, et la société blanche le justifie. Les conditions sociales et économiques des villes émeutières sont présentées par les Noirs – qu’ils vivent ou non dans le quartier où l’émeute a eu lieu – comme défavorisant clairement les Noirs par rapport aux Blancs. »

27Et plus loin sur la police :

  • 65 « The Kerner Report. The 1968 Report of the National Advisory Commission on Civil Disorders », New  (...)

« Pour certains Noirs, la police en est venue à symboliser le pouvoir, le racisme et la répression des Blancs. Il est vrai que nombre de policiers reflètent et expriment ces attitudes. Le climat d’hostilité et de cynisme est renforcé par le fait que les Noirs sont nombreux à croire en l’existence des violences policières et d’une justice ainsi que d’une protection “à deux vitesses” – une pour les Blancs et l’autre pour les Noirs. La profonde animosité entre la police et le ghetto […] est la principale cause des émeutes. »65

  • 66 Affirmative Action, souvent traduit par « discrimination positive », consiste en un ensemble de mes (...)

28Une telle enquête et la tonalité de ses résultats ne peuvent s’expliquer que par un niveau de mobilisation sans précédent, alors que les images de véhicules blindés dans les rues des grandes villes choquent et que beaucoup redoutent une guerre civile. Cette mobilisation des ghettos permet la mise en œuvre des politiques d’« affirmative action », autrement dit des mesures de discrimination positive à partir de 196766. Cependant, le reflux du mouvement noir s’accompagne dès les années 1970 d’un repli, tandis que les néoconservateurs passent à la contre-offensive et imposent progressivement de nouvelles représentations et une nouvelle interprétation du racisme, encore aujourd’hui dominante. Pour ce faire, ils empruntent aux sciences sociales, y compris à des auteurs progressistes, des concepts dont ils détournent le sens originel.

Offensive conservatrice et recomposition du racisme

  • 67 Sara M. Evans, Personal Politics : The Roots of Women’s Liberation in the Civil Rights Movement and (...)
  • 68 Rhonda Y. Williams, « Black Women, Urban Politics, and Engendering Black Power. », in Black Power M (...)

29Les attaques contre les conquêtes des années 1960 se sont multipliées contre le mouvement noir, qui pouvait apparaître comme la pointe avancée et le modèle de toutes les formes de mobilisation. Il a inspiré en effet les combats des autres minorités, mais a participé également à un renouveau des mouvements féministes – parfois d’ailleurs en partie en réaction au sexisme de certaines organisations des années du Black Power67. De même, tout au long des années 1970, les organisations syndicales elles aussi se sont renforcées d’une manière conséquente, enrichies par l’apport militant de nouveaux salariés noirs, dont certains avaient pu participer aux mobilisations des années du Black Power. C’est parce que le mouvement noir apparaissait comme l’élément le plus avancé et le plus radical des années 1960 qu’il a été la cible des gouvernements républicains, mais aussi démocrates, qui ont mené un combat acharné contre les organisations noires radicales68.

  • 69 Daniel Patrick Moynihan, alors au US-Departement of Labor, et déjà sollicité par Kennedy, écrit ce (...)
  • 70 Hélène Le Dantec-Lowry et Claudine Raynaud, Incidences de l’événement : enjeux et résonances du mou (...)
  • 71 James T. Patterson, Freedom Is Not Enough : The Moynihan Report and America’s Struggle Over Black F (...)
  • 72 Oscar Lewis, « The Culture of Poverty », On Understanding Poverty : Perspectives from the Social Sc (...)

30Plutôt que du rapport Kerner, les conservateurs s’inspirent d’un autre document officiel, qu’ils interprètent dans le sens qui leur convient. Ce texte, publié en 1965, The Negro Family : The Case For National Action, est plus connu sous le nom de son auteur, le sociologue et homme politique démocrate Daniel Patrick Moynihan (1927-2003)69. Ce dernier faisait le lien entre la situation par laquelle les femmes sont souvent le seul soutien économique des familles noires, et ce qu’il considère comme un échec, la fréquence des familles monoparentales. Il constate que le nombre élevé de mères célibataires va de pair avec un chômage important chez les hommes et avance l’idée de causes internes à la pauvreté des ghettos. Les difficultés des Noirs sont présentées comme une conséquence à la fois d’un dysfonctionnement de la structure des familles noires et de la culture du ghetto. Cette analyse est marquée par une tonalité générale qui rejette la faute sur la victime, exonérant la société américaine de sa responsabilité vis-à-vis de la situation des Africains-Américains, dont la structure familiale est considérée comme « pathologique »70. Le débat occasionné par ce rapport donne l’occasion aux néoconservateurs de déplacer la question raciale en dehors du terrain des inégalités sociales, pour l’installer sur celui des jugements de valeur, des qualifications morales71. Les néoconservateurs empruntent aux sciences sociales le concept de « culture de la pauvreté », lancé en 1958 par l’anthropologue Oscar Lewis, au sujet des familles mexicaines en Amérique72. Il s’agissait d’en préciser les caractéristiques économiques et psychologiques à partir d’un échantillon de cinq familles. Ses recherches, comme celles du sociologue William Julius Wilson dans les années 1980, font l’objet d’une récupération conservatrice, qui définit une culture du ghetto comme responsable des difficultés de la minorité noire.

  • 73 K.-Y. Taylor, Black Lives Matter, op. cit, p. 235.

31Ces discours sont repris y compris par les démocrates. Nixon comme Carter, puis Reagan comme Clinton, et Obama plus encore, présentent le racisme comme un problème que les Noirs devraient régler eux-mêmes et tendent de plus en plus à blâmer les victimes. On retient parfois de Barack Obama sa déclaration de 2012 à la suite de la mort de Trayvon Martin : « Si j’avais un fils, il ressemblerait à Trayvon. Quand je pense à lui, je pense à mes propres enfants ». Cependant, il a également multiplié les discours accusateurs et moralisateurs et demandé aux Noirs de « prendre leur vie en main », une manière de mettre de côté tout contexte social73. Au point qu’un musicien de hip-hop, Ted Poe, a pu résumer ainsi l’état d’esprit de la jeunesse noire qui avait cru en ce président, dans une lettre ouverte qui reçut un large écho en 2012 :

« Je parle pour toute cette partie de la population qui a longtemps attendu de son président noir qu’il prenne clairement position contre les meurtres dans nos quartiers. De notre point de vue, votre déclaration de Ferguson a complètement fait le jeu des sous-entendus racistes qui nous présentent comme des pillards violents et inéduqués qui profitent du système. Votre soutien aux assauts de la garde nationale contre nous et notre communauté a englouti notre dignité. »74

32Dans leur offensive contre l’héritage des mobilisations noires, les néoconservateurs instrumentalisent le concept de colorblindness, c’est-à-dire d’indifférence à la couleur de la peau. Il s’agit de prétendre que les politiques d’affirmative action seraient désormais inutiles. Le terme de « post-racialism » qui s’impose dans les années 1990, puis la victoire d’Obama en 2008, semblent confirmer que la société américaine aurait tourné la page du racisme. Post-racialism semble dans un premier temps offrir une alternative progressiste à l’expression « colorblindness », étroitement attachée aux années Reagan et Bush. Cependant, le sens des deux formules converge finalement, alors que post-racialism a été récupéré par les partisans du whitelash, du « retour de bâton blanc », porté notamment par la génération des millenials inquiets de perspectives démographiques qui annoncent la perte de la majorité pour les Blancs. L’offensive idéologique du whitelash sous-tend les nouvelles politiques policières, dans un contexte où depuis les années 1980 les droits des Africains-Américains n’ont cessé d’être remis en cause. La société américaine n’est pas avare de représentations à charge des Africains-Américains, décrits comme violents, fainéants, batailleurs, irresponsables. Malheureusement, ces stéréotypes sont également véhiculés par les membres de l’élite noire. Ils participent de l’invisibilisation des violences policières, dès lors perçues comme légitimes au nom de la défense des policiers, du « Blue Lives Matter ». De fait, cette contre-offensive conservatrice a d’abord emprunté la voie des politiques sécuritaires.

  • 75 Nelson Blackstock, Cointelpro : The FBI’s War on Political Freedom, New York, London, Pathfinder, 2 (...)
  • 76 Jeffrey Haas, The Assassination of Fred Hampton : How the FBI and the Chicago Police Murdered a Bla (...)

33Un programme secret du FBI, le Counter Intelligence Program, COINTELPRO, devint dans les années 1970 le volet répressif de cette contre-offensive conservatrice75. Créé en 1956, dans la foulée de la période maccarthyste, il consiste en une série de programmes secrets, et pour certains illégaux, qui visent à démanteler toutes les organisations qui sont perçues comme une menace intérieure, et cible dans un premier temps les organisations socialistes ou communistes. Mais dans les années 1960-1970, COINTELPRO menace également celles et ceux qui protestent contre la guerre au Vietnam, les organisations noires, indiennes ou chicano. Plus de 50 militants du Black Panther Party sont ainsi assassinés au début des années 197076.

34Depuis ces années, la politique sécuritaire a connu trois moments principaux. En 1969, Nixon déclare la « guerre contre la drogue », poursuivie par Reagan dans les années 1980. Dans un second temps, à partir de 1993, Clinton lance la politique de lutte contre la délinquance au travers de la loi Violent Crime Control. Il s’agit d’un ensemble de mesures – 356 pages – qui prévoient la définition de nouveaux crimes, un contrôle renforcé des armes à feu et le recrutement de plus de 100 000 policiers fédéraux77. En 1992, Clinton choisit d’interrompre sa campagne électorale pour assister en personne à l’exécution d’un prisonnier noir, Ricky Ray Rector, dont les troubles mentaux sont évidents : alors qu’on lui demandait ses dernières volontés, celui-ci avait demandé que son gâteau préféré lui soit servi après l’exécution. Afin de démontrer sa volonté de rendre une justice impitoyable, Clinton, alors gouverneur de l’Arkansas, choisit de s’afficher publiquement lors de cette mise à mort afin de démontrer son soutien à la peine capitale et de prouver que les Démocrates « ne doivent plus se sentir coupables de vouloir protéger les innocents »78. Enfin, la campagne de « guerre contre la terreur », « War on Terror », lancée après les attentats du 11 septembre 2001 par George W. Bush, marque une nouvelle étape de cette criminalisation : elle suspend différents droits politiques et met en place une surveillance numérique généralisée, au nom de la menace terroriste79. Comme on le voit, d’un gouvernement à l’autre, une même orientation se maintient vers des politiques sécuritaires de plus en plus affirmées. Elles partagent le même résultat : criminaliser toujours davantage la minorité noire.

  • 80 George L. Kelling et James Q. Wilson, « Broken Windows », The Atlantic, 1er mars 1982.
  • 81 C. Recoquillon, « Se protéger de la police aux États-Unis », art. cit.
  • 82 Martin Lamotte, « La police, le “gang” et le non-profit. Logiques de pacification dans un ghetto no (...)

35Cette politique donne lieu à la mise en place de nouveaux principes d’intervention policière. D’une part, la théorie dite de la « vitre brisée », est développée au tournant des années 1990, au service d’une politique dite de « tolérance zéro ». Ces conceptions sont issues des recherches en criminologie poursuivies par James Wilson et George Kelling à partir de 198280. La « vitre brisée » est appliquée à New York sous le mandat de Rudolph Giuliani par son chef de la police, William Bratton. Sa logique est la suivante : la plus petite infraction doit être contrôlée, car elle est supposée ouvrir la voie à une réelle délinquance. Cette théorie n’a jamais été vérifiée, et en réalité cette stratégie « lutte moins contre la criminalité à proprement parler que contre les personnes jugées déviantes81 ». La « tolérance zéro » se traduit avant tout par une brutalité policière accrue, sans que des résultats sur la criminalité soient avérés. De son côté, la technique du Stop-and-Frisk (littéralement « stopper et immobiliser »), également exercée à New York entre 1993 et 2001, permet le contrôle de toute personne « raisonnablement » soupçonnée de porter une arme à feu et conduit à la mort de nombreuses personnes interpellées82. Ces techniques sont complétées par un système de comptabilisation pointilleux, actualisé toutes les semaines à travers la technologie dite Compstat, un logiciel qui donne chaque jour un retour sur les infractions et l’action policière. Cette logique du chiffre jusqu’à l’absurde permet une politisation à outrance de la question sécuritaire, alors que les médias locaux publient chaque semaine des bilans chiffrés.

  • 83 K.-Y. Taylor, Black Lives Matter, op. cit, p. 220.

36Cette systématisation de la tolérance zéro a un versant financier des plus profitables pour les municipalités : des règles souvent absurdes permettent de multiples verbalisations, voire des incarcérations quand la personne ne peut pas payer. Certaines polices locales pratiquent régulièrement le harcèlement pour des infractions routières, même mineures. Un rétroviseur défectueux peut coûter des centaines de dollars. Dans le Texas, l’absentéisme scolaire est pénalisé : en 2013, la condamnation de 115 000 enfants a permis à l’État d’engranger 16 millions de dollars. Bien sûr, les familles noires sont les premières ciblées83. Ces millions de dollars qui entrent dans les caisses des autorités locales servent d’ailleurs parfois à armer la police avec du matériel militaire, comme à Ferguson, Missouri. Dans cette ville, en août 2014, le meurtre du jeune Michael Brown par le policier Darren Wilson, puis le choix du grand jury de ne pas inculper ce dernier déclenchent des manifestations de colère : les Noirs font face aux véhicules blindés de la police locale, dans cette petite commune équipée comme si elle devait mener la guerre à une partie de sa propre population. On comprend l’enjeu du slogan « Defund the Police », littéralement « cesser de financer la police », largement repris par les manifestants du mouvement Black Lives Matter en 2020.

Figure - 1er juin 2020, Colombus, Ohio84, (Becker 1999, Licence CC By).

  • 85 K.-Y. Taylor, Black Lives Matter, op. cit, p. 282.

37Les violences policières mettent en lumière les transformations du racisme depuis les trente dernières années. Les politiques sécuritaires ont eu comme résultat d’exclure de la société la majeure partie des jeunes hommes noirs. L’historienne Keanga-Yamatha Taylor qualifie d’« hommes manquants » les 460 000 Africains-Américains « arrachés à la société par une peine d’emprisonnement ou par une mort prématurée »85.

  • 86 Richard Delgado et Jean Stefanic, Critical Race Theory : The Cutting Edge, Philadelphia, Temple Uni (...)

38Depuis les années 2000 et les deux mandats de Barack Obama, une vaste offensive se déploie contre toutes les références progressistes qui affirment la persistance du racisme aux États-Unis, qualifiées de woke, accusées d’invisibiliser les Blancs. Désormais ce sont les libertés académiques qui sont menacées, ainsi que la Critical Race Theory, une approche critique qui trouve son origine dans les recherches en droit86. La Floride impose aux bibliothèques la mise à l’index de livres censés « endoctriner » la jeunesse. Parmi les censurés, Margaret Atwood, Richard Wright, et même Kurt Vonnegut, sans oublier la version traduite de Culottées, de Pénélope Bagieu. L’offensive conservatrice, qui vient de ramener Trump au pouvoir, s’est d’abord appuyée sur le racisme anti-Noir.

Conclusion

  • 87 James Davison Hunter, Culture Wars : The Struggle to Define America, New York, Basic Books, 1992 ; (...)

39Les discours sur la violence policière sont révélateurs des nouvelles formes que le racisme a revêtues aux États-Unis depuis les années 1970 et participent des « guerres culturelles » qui divisent la société et la scène politique, également la question du droit à l’avortement et celle de la réglementation des armes à feu87. Les discours sécuritaires, la police et le système judiciaire jouent un rôle central dans la recomposition du racisme, un racisme désormais « sans racistes », qui rejette la faute sur les victimes des discriminations. L’acharnement policier modèle profondément une société marquée par l’incarcération massive des jeunes Africains-Américains. Il est la pierre angulaire d’un système qui perpétue le racisme, une société où le corps noir continue d’être représenté comme une menace. Les violences policières sont ainsi au cœur du débat sur les fondements du racisme, qui oppose les partisans de la thèse d’une société postraciale, « colorblind », à celles et ceux qui dénoncent l’ère du « New Jim Crow ».

  • 88 Vincent W. Lloyd, Black Dignity the Struggle Against Domination, New Haven, Yale University Press, (...)
  • 89 Michael Goldfield, The Southern Key : Class, Race, and Radicalism in the 1930s and 1940s, New York, (...)

40Les mouvements contre le racisme qui se sont développés depuis 2013 avec Black Lives Matter se sont d’abord construits contre ces violences. Cependant, comme le démontrent différents critiques, ces mobilisations restent dans le cadre de l’antiracisme libéral, qui prévaut depuis les années 196088. Le maccarthysme a fait disparaître de la scène politique les courants critiques qui à gauche refusaient de dissocier les inégalités sociales des inégalités raciales89. Comme l’écrit l’historien Cedric Johnson :

  • 90 Cedric Johnson G., « The Panthers Can’t Save Us Now », Catalyst, 1-1, 2017, p. 57-85.

« Le découplage libéral de la race et de la classe a supplanté les perspectives radicales d’une politique de classe et cet effacement a eu des conséquences politiques considérables. […] Au cours des années soixante, cet exceptionnalisme noir a comblé le vide laissé par le militantisme ouvrier qui prévalait durant l’entre-deux-guerres. Il s’est imposé également du fait de l’approfondissement de la séparation physique entre les travailleurs noirs et blancs, qui était renforcé par la transformation spatiale des villes – les travailleurs blancs et une grande partie de l’industrie déplacés vers les banlieues alors que les Noirs restaient relégués dans les ghettos des centres. […] Cette réorganisation spatio-économique des villes américaines après la Seconde Guerre mondiale […] a enraciné Noirs et Blancs comme les référents symboliques de l'inégalité des classes. »90

  • 91 Kimberlé Crenshaw, « Mapping the Margins : Intersectionality, Identity Politics, and Violence again (...)
  • 92 Keeanga-Yamahtta Taylor, Black Lives Matter : le renouveau de la révolte noire américaine, Marseill (...)

41Ainsi, les politiques dites « identitaires » (identity politics) ont pris le pas sur la perspective d’une alliance au nom des mêmes intérêts de classe91. Les violences policières ne sont pas seulement les symptômes de la persistance du racisme, mais aussi des éléments essentiels de sa perpétuation. Leur multiplication provoque une juste colère. Cependant, la manière dont elles sont présentées tend à les dissocier de tout arrière-plan social. Et lorsque le combat contre le racisme se limite à leur dénonciation, il tend à une forme d’exceptionnalisme noir, qui, de facto, risque d’isoler les Africains-Américains en masquant ce qui lie étroitement racisme et inégalités sociales. Face à une telle approche libérale de l’antiracisme, qui se limite aux questions policières, d’autres mettent en avant la nécessaire solidarité avec les travailleurs blancs, au nom d’un combat plus large contre les inégalités sociales92.

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Notes

1 Keeanga-Yamahtta Taylor, Black lives matter : le renouveau de la révolte noire américaine, Marseille, Agone, 2017 ; Audrey Célestine, Nicolas Martin‑Breteau et Charlotte Recoquillon, « Introduction - Black Lives Matter : un mouvement transnational ? », Esclavages & Post-esclavages. Slaveries & Post-Slaveries, 6, 2022.

2 Khalil Gibran Muhammad, The Condemnation of Blackness : Race, Crime, and the Making of Modern Urban America, Cambridge, Harvard University Press, 2011.

3 Ainsi la catégorie Asian American Pacific Islander, AAPI, a remplacé le terme d’Asiatiques et est désormais elle-même remplacée par Asian Pacific Islander Desi American, APIDA, où Desi représente les personnes qui veulent s’identifier comme originaires d’Asie du Sud. Paul Schor, Compter et classer : histoire des recensements américains, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 2009.

4 Ta-Nehisi Coates, Between the World and Me, New York, Random House, 2015, p. 18.

5 Le premier titre en français, Une colère noire, faisait disparaître la référence à un poème de Richard Wright, ce que la nouvelle traduction a réparé : « Entre le monde et moi ».

6 Mary E. Pattillo, Black Picket Fences : Privilege and Peril Among the Black Middle Class, Chicago, University of Chicago Press, 2013 ; Lawrence Graham, Our kind of people : inside America’s Black upper class, New York, Harper & Collins, 1999.

7 Robert Staples, « White Power, Black Crime, and Racial Politics », Black Scholar 41-4, 2011, p. 31‑41 ; Emily Guskin, Mahvish Shahid Khan et Amy Mitchell, « The Arrest of Henry Louis Gates Jr. », blog Pew Research Center, 2010, <https://www.pewresearch.org/journalism/2010/07/26/arrest-henry-louis-gates-jr/>, consulté le 1er novembre 2024.

8 Jordan T. Camp, Christina Heatherton (eds.), Policing the Planet : Why the Policing Crisis Led to Black Lives Matter, Londres, Verso, 2016 ; Charlotte Recoquillon, « Se protéger de la police aux États-Unis : Pratiques militantes du mouvement Black Lives Matter », Mouvements, n° 92, vol. 4, 2017, p. 21‑29.

9 Colin Loftin, Brian Wiersema, David McDowall et Adam Dobrin, « Underreporting of Justifiable Homicides Committed by Police Officers in the United States, 1976-1998 », American Journal of Public Health, 93-7, 2003, p. 1117‑1121.

10 Aaron Miguel Cantú with graphics by Erin Davis, « The FBI is Supposed to Track How Police Use Force - Years Later, It’s Falling Well Short », The Guardian, 17/05/2021.

11 NVSS - Leading Causes of Death, <https://www.cdc.gov/nchs/nvss/leading-causes-of-death.htm>, consulté le 24 octobre 2024.

12 Police officers - Data USA, <https://datausa.io/profile/soc/police-officers>, consulté le 31 octobre 2024.

13 John David Skrentny, After Civil Rights : Racial Realism in the New American Workplace, Princeton, Princeton University Press, 2014, p. 135.

14 Police officers - Data USA, <https://datausa.io/profile/soc/police-officers>, op. cit.

15 Police shootings database 2015-2023 : Search by race, age, department, <https://www.washingtonpost.com/graphics/investigations/police-shootings-database/>, consulté le 17 avril 2023.

16 Mort de Tyre Nichols : les États-Unis malades de leur police, <https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/01/30/mort-de-tyre-nichols-les-etats-unis-malades-de-leur-police_6159871_3232.html>, consulté le 17 avril 2023.

17 Mapping Police Violence, <https://mappingpoliceviolence.us>, consulté le 31 octobre 2024.

18 Fatal Encounters, « Methodology ».

19 Catherine Barber, Deborah Azrael, Amy Cohen, Matthew Miller, Deonza Thymes, David Enze Wang et David Hemenway, « Homicides by Police : Comparing Counts from the National Violent Death Reporting System, Vital Statistics, and Supplementary Homicide Reports », American Journal of Public Health, 106-5, 2016, p. 922‑927.

20 <https://mappingpoliceviolence.us/>.

21 Cody T. Ross, « A Multi-Level Bayesian Analysis of Racial Bias in Police Shootings at the County-Level in the United States, 2011–2014 », PLOS ONE, 10-11, 2015.

22 Washington Post, Police shootings database 2015-2024 : Search by race, age, department, <https://www.washingtonpost.com/graphics/investigations/police-shootings-database/>, consulté le 31 octobre 2024.

23 Adolph Reed Jr. et Hope Reese, Adolph Reed Jr. : The Perils of Race Reductionism, <https://daily.jstor.org/adolph-reed-jr-the-perils-of-race-reductionism/>, consulté le 18 novembre 2024.

24 Rogers Brubaker, Ethnicity without groups, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 2004.

25 Touré F. Reed, « Pourquoi les libéraux progressistes séparent la race de la classe », La Pensée, n° 408, vol. 4, 2021, p. 127‑135.

26 Rogers Brubaker et Frederick Cooper, « Beyond “Identity” », Theory and Society, 29-1, 2000, p. 1‑47, ici p. 5‑7 ; Pierre Bourdieu, « L’identité et la représentation », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n° 35, vol. 1, 1980, p. 63‑72.

27 Rogers Brubaker, The Danger of Race Reductionism, <https://publicseminar.org/essays/the-danger-of-race-reductionism/>, consulté le 18 novembre 2024.

28 Roland G. Fryer, « Reconciling Results on Racial Differences in Police Shootings », AEA Papers and Proceedings, 108, 2018, p. 228‑233, ici p. 229.

29 Steven N. Durlauf et James J. Heckman, « An Empirical Analysis of Racial Differences in Police Use of Force : A Comment », Journal of Political Economy, 128-10, 2020, p. 3998‑4002, ici p. 3999.

30 Ces données s’appuient sur des échantillons très importants, près de 8 000 personnes sondées. Drew DeSilver, Michael Lipka and Dalia Fahmy, « 10 Things We Know About Race and Policing in the US. », Pew Research Center, 3 juin 2020, <https://www.pewresearch.org/short-reads/2020/06/03/10-things-we-know-about-race-and-policing-in-the-u-s/>, consulté le 10 octobre 2024.

31 « “Gilets jaunes” : pas de “violences policières”, selon Emmanuel Macron », Le Monde.fr, 08/03/2019.

32 Rashad Shabazz, Les Policiers noirs ont les mêmes préjugés anti-Noirs que la police et la société américaines, <http://theconversation.com/les-policiers-noirs-ont-les-memes-prejuges-anti-noirs-que-la-police-et-la-societe-americaines-198955>, consulté le 14 avril 2023.

33 James Doubek, « Police Researcher : Officers have Similar Biases Regardless of Race », NPR, 22/06/2020.

34 Rebecca C. Hetey et Jennifer L. Eberhardt, « Racial Disparities in Incarceration Increase Acceptance of Punitive Policies », Psychological Science (0956-7976), 25-10, 2014, p. 1949‑1954.

35 Rebecca C. Hetey et Jennifer L. Eberhardt, « The Numbers Don’t Speak for Themselves : Racial Disparities and the Persistence of Inequality in the Criminal Justice System », Current Directions in Psychological Science, 27-3, 2018, p. 183‑187.

36 Hubert M. Blalock, Toward a Theory of Minority-Group Relations, New York, Wiley, 1967.

37 Brian J. Stults et Eric P. Baumer, « Racial Context and Police Force Size : Evaluating the Empirical Validity of the Minority Threat Perspective », American Journal of Sociology, 113-2, 2007, p. 507‑546, ici p. 540.

38 Correctional Populations in the United States, 2022 – Statistical Tables, Bureau of Justice Statistics, <https://bjs.ojp.gov/library/publications/correctional-populations-united-states-2022-statistical-tables>, consulté le 3 novembre 2024.

39 Citation originale : « The stigma of race was once the shame of the slave ; then it was the shame of the second-class citizen ; today the stigma of race is the shame of the criminal ». Michelle Alexander, The New Jim Crow, New York, NY New Press, 2010, p. 192.

40 Michelle Alexander et Patrick Simon, « Le nouveau Jim Crow : comment l’incarcération de masse transforme les personnes de couleur en citoyens de seconde zone de façon permanente », Mouvements, n° 88, vol. 4, 2016, p. 59‑64.

41 Bell hooks, Black Looks : Race and Representation, Boston, South End Press, 1992 ; Bernard A. Drew, Black Stereotypes in Popular Series Fiction, 1851-1955 : Jim Crow Era Authors and Their Characters, Jefferson, McFarland, 2015.

42 Elijah Anderson, « The Iconic Ghetto », The Annals of the American Academy of Political and Social Science, 642, 2012, p. 8‑24 ; Olivier Maheo, « Une peur blanche : la peur du ghetto aux États-Unis depuis 1945 », dans Philippe Chassaigne, Adèle Delaporte et Caroline Le Mao (dir.), Peurs urbaines, du XVIe au XXIe siècle, La Crèche, co-éditions Presses universitaires de Nouvelle Aquitaine/La Geste, 2022, p. 289-301.

43 Chanelle Rose, « Reimagining Black Conservatism : The Invisible Black Community and the Forgotten War on “Black-on-Black Crime” during the Post-World War II Urban Crisis (1970s-1980s) », Journal of Urban History, 50-4, 2024, p. 902‑920 ; Delores Jones-Brown, Kenethia McIntosh Fuller, Paul Reck et Waverly Duck, « Why We Should Stop Using the Term “Black-on-Black Crime”: An Analysis Across Disciplines », Journal of Ethnicity in Criminal Justice, 19-3/4, 2021, p. 311‑338 ; Eric Pierson, Black on Black Crime : Hollywood’s Construction of the Hood, Urbana, Educational Ressources Information Center, 1997.

44 Loïc Wacquant, Jim Crow : le terrorisme de caste en Amérique, Paris, Raisons d’agir, 2024, p. 108.

45 Après l’abolition de l’esclavage, tandis qu’une ségrégation de facto s’était installée dans le Nord, une ségrégation de jure fut institutionnalisée dans le Sud : les lois dites « Jim Crow » promulguées à partir de 1877 restèrent en vigueur jusqu’au milieu des années 1950 dans les États du Sud. Par la violence, celle du Ku Klux Klan par exemple, puis par la jurisprudence, avec l’arrêt Plessy vs Ferguson en 1896, la classe dirigeante blanche du Sud impose la ségrégation raciale et les lois ségrégationnistes dites « Jim Crow », du nom d’un personnage grimé en Noir des Minstrel Shows du 19e siècle. De fait cette expression désigne tout à la fois un système juridique, une période et l’ensemble d’un système social. C. Vann Woodward, The Strange Career of Jim Crow, New York, Oxford University Press, 1955 ; Bernard A. Drew, Black Stereotypes in Popular Series Fiction, 1851–1955, op. cit.

46 Michael Omi et Howard Winant, Racial Formation in the United States : from the 1960s to the 1990s, New York, Routledge, Chapman & Hall, 1986.

47 Stuart Hall (dir.), Representation : Cultural Representations and Signifying Practices, London, Thousand Oaks, Sage Publications & Open University, 1997 ; Bell Hooks, Black Looks, op. cit ; Ronald E Hall, Racism in the 21st Century : An Empirical Analysis of Skin Color, New York, Springer, 2011.

48 Quatre historiens renommés, James McPherson, Gordon Wood, Victoria Bynum et James Oakes, publièrent une lettre qui mettait en cause un projet plus idéologique que scientifique. Nikole Hannah-Jones, Caitlin Roper, Ilena Silverman, et al., The 1619 Project : A New Origin Story, New York, One World, 2021 ; Adam Serwer, « The Fight Over the 1619 Project is Not About the Facts », Blog The Atlantic, 2019, en ligne : <https://www.theatlantic.com/ideas/archive/2019/12/historians-clash-1619-project/604093/>, consulté le 1er novembre 2024.

49 Le « compromis des trois cinquièmes » est établi au moment de la rédaction de la Constitution de 1787 pour déterminer le nombre de sièges que devaient obtenir les États du Sud à la Chambre des représentants. Le nombre de sièges étant calculé en fonction du nombre d’habitants des États, les délégués du Sud esclavagiste souhaitaient, pour obtenir le maximum de sièges à la Chambre, que les esclaves noirs soient comptabilisés à part entière, bien qu’ils n’aient pas le droit de vote. Les délégués des États du Nord s’opposaient à cette mesure cynique qui aurait permis au Sud de dominer la Chambre. Le compromis consista à prendre en compte l’ensemble des résidents blancs et à ne comptabiliser que les trois cinquièmes de la population noire, tout en excluant les Indiens du comptage. Les Noirs privés de droit de vote comptaient donc pour « 60 % d’un citoyen », ce qui fut du reste insuffisant pour empêcher les États du Sud de dominer le Congrès jusqu’en 1861. Le compromis fut abrogé par le XIVe amendement de 1868.

50 Le système des plantations s’accompagnait de nombreuses naissances d’enfants métis, fruits des viols très fréquents des esclaves. C’est pourquoi le Sud esclavagiste est obsédé par le risque d’un métissage (miscegenation), et interdit absolument tout mélange entre Blancs et Noirs. Le principe qui prévaut dans la séparation des « races » est celui de la One-Drop-Rule, autrement dit une seule goutte de sang suffit à définir votre identité. Ira Berlin, Many Thousands Gone : The First Two Centuries of Slavery in North America, Cambridge, Belknap press of Harvard university press, 1998 ; Peter Kolchin, American Slavery: 1619-1877, Londres, Penguin Books, 1995.

51 Stuart Hall, Race, ethnicité, nation : le triangle fatal, Paris, Amsterdam éditions, 2019 ; Magali Bessone et Daniel Sabbagh, Race, racisme, discriminations : anthologie de textes fondamentaux, Paris, Hermann, 2015 ; Les Back et John Solomos, Theories of Race and Racism: A Reader, Londres, Psychology Press, 2000.

52 « The ultimate trope of difference ». Nous choisissons de traduire trope par métaphore, tout en sachant que la figure du « trope » regroupe en français d’autres types de figures de style, afin de faciliter la compréhension de cet extrait. Henry Louis Gates, « Race » Writing, and Difference, Chicago, University of Chicago Press, 1986, p. 5.

53 Ronald E. Hall, Racism in the 21st Century, op. cit.

54 Eduardo Bonilla-Silva, Racism Without Racists : Color-Blind Racism and the Persistence of Racial Inequality in America, Lanham, Rowman & Littlefield, 2006.

55 Sally E. Hadden, Slave Patrols : Law and Violence in Virginia and the Carolinas, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 2003.

56 K.-Y. Taylor, Black Lives Matter, op. cit, p. 195.

57 Randy Krehbiel, Tulsa, 1921 : Reporting a Massacre, Paperback edition., Norman, University of Oklahoma Press, 2021.

58 « Ni esclavage ni servitude involontaire, si ce n’est en punition d’un crime dont le coupable aura été dûment convaincu, n’existeront aux États-Unis ni dans aucun des lieux soumis à leur juridiction. », États-Unis, Constitution américaine, 1787, USA, <https://mjp.univ-perp.fr/constit/us1787a.htm>, consulté le 1er novembre 2024.

59 D’autres émeutes avaient eu lieu auparavant, à commencer par celle de Harlem en 1964, mais la violence de celle-ci et surtout sa quasi-concomitance avec les progrès de la législation marquent. Le 7 mai 1964, Johnson prononce un discours célèbre qui met en avant son programme, qui conjugue progrès dans la législation raciale et lutte contre la pauvreté (War on Poverty). Le slogan de la « Grande Société » désigne un ensemble de mesures et de réformes qui visaient à répondre à la protestation sociale. Cette politique incluait des projets de rénovation urbaine, une politique de transport et une réforme du système éducatif. Il s’agit d’une extension de l’État social sans précédent depuis Roosevelt. Nicholas Eberstadt, « The Great Society at Fifty », American Enterprise Institute, 2014.

60 Littéralement le Comité étudiant non violent de coordination, il est fondé en avril 1960 lors d’une assemblée de jeunes Noirs et Blancs réunis à l’université de Shaw, à Raleigh, à l’initiative d’Ella Baker. En 1969, il change son nom pour Student National Coordinating Committee, alors qu’il renonce à la non-violence et se tourne vers un nationalisme radical. Clayborne Carson, In Struggle : SNCC and the Black Awakening of the 1960s, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1981.

61 Stokely Carmichael et Charles V Hamilton, Black Power : The Politics of Liberating in America, New York, Random House, 1967, p. 41.

62 Adolph Jr. Reed, « The Kerner Commission and the Irony of Antiracist Politics », Labor : Studies in Working-Class History of the Americas, 14-4, 2017, p. 31‑38.

63 Steven M. Gillon, Separate and Unequal : The Kerner Commission and the Unraveling of American Liberalism, New York, Basic Books, 2018 ; National Advisory Commission on Civil Disorders, Report of the National Advisory Commission on Civil Disorders : special introduction by Tom Wicker of The New York Times ; [chairman, Otto Kerner], New York, Bantam Books, 1968.

64 Thomas J. Hrach, The Riot Report and the News : How the Kerner Commission Changed Media Coverage of Black America, Amherst, University of Massachusetts Press, 2016.

65 « The Kerner Report. The 1968 Report of the National Advisory Commission on Civil Disorders », New York, Pantheon Books, 1988 [1968].

66 Affirmative Action, souvent traduit par « discrimination positive », consiste en un ensemble de mesures destinées à augmenter la participation à tous les niveaux d’individus ou de groupes auparavant exclus d’une participation complète en raison de pratiques discriminatoires et/ou ségrégationnistes. Ces programmes fédéraux sont mis en place par l’administration de Lyndon B. Johnson à la suite du vote du Civil Rights Act de 1964. Les Africains-Américains bénéficient de ces dispositifs, mais aussi d’autres minorités ethno-raciales et les femmes. Ils visent à attribuer aux membres de ces groupes un traitement préférentiel dans l’attribution de certains postes ou pour l’entrée à l’université. Si les quotas sont interdits depuis 1978 après la décision de la Cour suprême dans l’affaire Bakke, l’identité raciale peut être invoquée comme critère de recrutement, s’il n’est pas exclusif. Ainsi la mixité scolaire est encouragée dans les universités, même si certaines ont désormais choisi de ne plus appliquer le traitement préférentiel. Howard Ball, The Bakke Case : Race, Education, and Affirmative Action, Lawrence, University Press of Kansas, 2000.

67 Sara M. Evans, Personal Politics : The Roots of Women’s Liberation in the Civil Rights Movement and the New Left, New York, Knopf, 1979 ; Carol Giardina, Freedom for Women : Forging the Women’s Liberation Movement, 1953-1970, Gainesville, University Press of Florida, 2010 ; Carol Giardina, « The “Borning” Movement », in Freedom for Women : Forging the Women’s Liberation Movement, 1953-1970, Gainesville, University Press of Florida, 2010, p. 34‑55.

68 Rhonda Y. Williams, « Black Women, Urban Politics, and Engendering Black Power. », in Black Power Movement : Rethinking the Civil Rights-Black Power Era., New York, Routledge, 2006, p. 79‑103.

69 Daniel Patrick Moynihan, alors au US-Departement of Labor, et déjà sollicité par Kennedy, écrit ce texte dans le cadre de la guerre contre la pauvreté du président Lyndon Johnson. Il fondait son travail sur un modèle selon lui idéal, celui de la famille nucléaire blanche, modèle largement inventé de fait. À ce sujet et sur le rapport Moynihan, voir : Hélène Le Dantec-Lowry, De l’esclave au président : discours sur les familles noires aux États-Unis, Paris, CNRS Éditions, 2010, p. 59‑61 ; Daniel Geary, Beyond Civil Rights : The Moynihan Report and its Legacy, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2015.

70 Hélène Le Dantec-Lowry et Claudine Raynaud, Incidences de l’événement : enjeux et résonances du mouvement des droits civiques, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2007, p. 110.

71 James T. Patterson, Freedom Is Not Enough : The Moynihan Report and America’s Struggle Over Black Family Life, From LBJ to Obama, New York, Basic Books, 2010 ; D. Geary, Beyond Civil Rights, op. cit ; Hélène Le Dantec-Lowry, « The Moynihan Report as an Event : From the Civil Rights Movement to the Writing of History », dans Incidences de l’événement : enjeux et résonances du mouvement des droits civiques, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2017, p. 195‑213.

72 Oscar Lewis, « The Culture of Poverty », On Understanding Poverty : Perspectives from the Social Sciences, New York, Basic Books, 1969 ; Oscar Lewis, The children of Sánchez : Autobiography of a Mexican Family, New York, Vintage Books, 1961.

73 K.-Y. Taylor, Black Lives Matter, op. cit, p. 235.

74 Tef Poe, Dear Mr. President : A Letter from Tef Poe, <https://www.riverfronttimes.com/music/dear-mr-president-a-letter-from-tef-poe-2664845>, consulté le 19 avril 2023.

75 Nelson Blackstock, Cointelpro : The FBI’s War on Political Freedom, New York, London, Pathfinder, 2001.

76 Jeffrey Haas, The Assassination of Fred Hampton : How the FBI and the Chicago Police Murdered a Black Panther, Chicago, Lawrence Hill Books/Chicago Review Press, 2010 ; Ward Churchill et Jim Vander Wall, Agents of Repression : The FBI’s Secret Wars Against the Black Panther Party and the American Indian Movement, Boston, South End Press, 1988 ; Bryan Burrough, Days of Rage : America’s Radical Underground, the FBI, and the Forgotten Age of Revolutionary Violence, New York, Penguin Press, 2015.

77 Son nom exact est « Violent Crime Control and Law Enforcement Act », elle est votée en 1994. Jack E. Call et Richard Cole, « Assessing the Possible Impact of the Violent Crime Control Act of 1994 on prison and jail... », Prison Journal, 76-1, 1996, p. 92.

78 Andrew Hartman, A War for the Soul of America : A History of the Culture Wars, Chicago, University of Chicago Press, 2015, p. 12.

79 George W. Bush Library, Global War on Terror, <https://www.georgewbushlibrary.gov/research/topic-guides/global-war-terror>, consulté le 1er novembre 2024.

80 George L. Kelling et James Q. Wilson, « Broken Windows », The Atlantic, 1er mars 1982.

81 C. Recoquillon, « Se protéger de la police aux États-Unis », art. cit.

82 Martin Lamotte, « La police, le “gang” et le non-profit. Logiques de pacification dans un ghetto nord-américain », L’Homme, n° 219‑220, vol. 3 et 4, 2016, p. 149‑174.

83 K.-Y. Taylor, Black Lives Matter, op. cit, p. 220.

84 <https://flickr.com/photos/21426642@N07/49958024753>.

85 K.-Y. Taylor, Black Lives Matter, op. cit, p. 282.

86 Richard Delgado et Jean Stefanic, Critical Race Theory : The Cutting Edge, Philadelphia, Temple University Press, 2000 ; Kimberlé Crenshaw, Critical Race Theory : The Key Writings That Formed the Movement, New York, The New Press, 2010.

87 James Davison Hunter, Culture Wars : The Struggle to Define America, New York, Basic Books, 1992 ; Robert Stam et Ella Habiba Shohat, Race in Translation : Culture Wars Around the Postcolonial Atlantic, New York, New York University Press, 2012.

88 Vincent W. Lloyd, Black Dignity the Struggle Against Domination, New Haven, Yale University Press, 2023 ; Fredrik DeBoer, How Elites Ate the Social Justice Movement, New York, Simon & Schuster, 2023 ; Arun Kundnani, What Is Antiracism ? : And Why It Means Anticapitalism, Londres, Verso, 2023.

89 Michael Goldfield, The Southern Key : Class, Race, and Radicalism in the 1930s and 1940s, New York, Oxford University Press, 2020 ; Olivier Maheo, De Rosa Parks au Black Power, une histoire populaire du mouvement noir, 1945-1970, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2024 ; Robin D. G. Kelley, Hammer and Hoe : Alabama Communists During the Great Depression, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1990.

90 Cedric Johnson G., « The Panthers Can’t Save Us Now », Catalyst, 1-1, 2017, p. 57-85.

91 Kimberlé Crenshaw, « Mapping the Margins : Intersectionality, Identity Politics, and Violence against Women of Color », Stanford Law Review, 43-6, 1991, p. 1241‑1299 ; Lawrence Grossberg, Stuart Hall et Paul Du Gay, «  “Identity” and Cultural Studies  : Is That All That There Is ? », dans Stuart Hall, Paul Du Gay (dir.), Questions of Cultural Identity, Londres, Sage, 1996, p. 87‑107 ; Olivier Richomme, « It’s the Identity, Stupid », Pouvoirs, n° 172, vol. 1, 2020, p. 99‑110.

92 Keeanga-Yamahtta Taylor, Black Lives Matter : le renouveau de la révolte noire américaine, Marseille, Agone, 2017.

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Pour citer cet article

Référence papier

Olivier Mahéo, « Race et violences policières aux États-Unis. Au-delà du réductionnisme racial »Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 162 | 2025, 95-121.

Référence électronique

Olivier Mahéo, « Race et violences policières aux États-Unis. Au-delà du réductionnisme racial »Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique [En ligne], 162 | 2025, mis en ligne le 07 avril 2025, consulté le 24 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/chrhc/25206 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13wno

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Auteur

Olivier Mahéo

collaborateur scientifique de l’Institut d’histoire du temps présent, CNRS, Université Paris 8

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