Texte intégral
1Situation inédite et inquiétante, la pandémie de la Covid-19 a donné un coup d’arrêt brutal à la production cinématographique et a provoqué la fermeture des salles de cinéma, pour des périodes plus ou moins longues, privant les spectateurs du plaisir de la salle obscure et de l’émotion partagée. Bien sûr les professionnels du cinéma et des festivals ont été réactifs et ont inventé des moyens de diffuser les œuvres en utilisant les moyens télévisuels et informatiques, mais le grand écran et l’expérience collective, l’intensité d’une session physique qui font l’essence même du cinéma, ont momentanément disparu.
2L’ensemble de l’écosystème, directeurs de salles, programmateurs et distributeurs, la filière de création, est affecté par les conséquences de l’épidémie. Le cinéma est aussi une industrie et la grave crise économique met en danger le 7e art pour une longue période bien au-delà la crise sanitaire.
3Les plateformes numériques sont les principales bénéficiaires de cette situation et on voit se renforcer de nouvelles formes audiovisuelles comme les séries télévisuelles, les chaînes ou plateformes thématiques qui proposent des films anciens ou récents à la demande avec des modalités d’accès abordables au plus grand nombre.
4Le festival Cinelatino annulé en 2020 a eu recours à ces outils pour ne pas pénaliser les films latino-américains que nous avions sélectionnés en compétition, ce qui a permis de remettre les prix. En ces temps de pénurie, ce n’est pas une offre à dénigrer, mais il ne faudrait pas penser que ces rustines sur le pneu crevé peuvent durablement remplacer la diffusion cinématographique.
5Nous le soulignions dès l’an dernier dans cette même revue, la production des séries par des plateformes est conçue comme un retour vers les goûts du public par la logique de l’intellectual properties qui est l’inverse de la création artistique. Il y a danger à plus ou moins long terme, de voir disparaître nombre de cinémas d’art et essai et que les salles de cinéma soient réservées aux blockbusters de l’industrie.
6Notre engagement pour défendre la richesse du cinéma de création a remporté cette année quelques succès puisque dorénavant, en Europe et dans les différents pays qui la composent, les grandes plateformes internationales seront contraintes de participer au financement du cinéma comme le font déjà les chaînes de télévision. La diversité culturelle en sera renforcée.
7Ce numéro 29 de notre revue aborde la thématique de l’humour sous toutes ses formes dans les cinématographies latino-américaines, le rire comme remède à la morosité ambiante en quelque sorte. Les formes de la comédie sont très variées selon les publics auxquels elle s’adresse et selon la période de création. Nos auteurs proposent des analyses circonstanciées. Vous trouverez le compte-rendu d’un long entretien avec l’acteur Alfredo Castro qui par sa singulière filmographie retrace tout un pan du cinéma chilien post dictatorial.
8Nous tenions aussi à rendre hommage à trois réalisateurs disparus cette année et qui ont beaucoup contribué à forger notre vision des cinémas latinos, le mexicain Paul Leduc, le cubain Enrique Colina et l’argentin Fernado Solanas, ainsi qu’à notre ami José María Riba qui n’a cessé d’œuvrer à la découverte de nouveaux talents et à la promotion de tant de films.
9Favoriser la création et la créativité, stimuler l’ouverture d’esprit, soutenir et diffuser les films de l’autre Amérique sont nos objectifs fondateurs, qu’aujourd’hui plus que jamais, nous défendrons coûte-que-coûte pour que vive le cinéma.
Pour citer cet article
Référence papier
Francis Saint-Dizier, « La pandémie et le cinéma », Cinémas d’Amérique latine, 29 | 2021, 3.
Référence électronique
Francis Saint-Dizier, « La pandémie et le cinéma », Cinémas d’Amérique latine [En ligne], 29 | 2021, mis en ligne le 31 mai 2023, consulté le 14 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/cinelatino/8374 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cinelatino.8374
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