Résumés
En 1918, l’écrivain Mushanokōji Saneatsu (1885-1976) fonde Atarashiki-mura (le Nouveau village), communauté utopique dédiée à l’accomplissement de soi et aux arts. Héritier de la pensée de Tolstoï, Mushanokōji critique par son initiative la dévalorisation de la vie induite par le capitalisme. En 1942, le même Mushanokōji publie Dai Tōa sensō shikan [Point de vue personnel sur la guerre de la Grande Asie orientale], l’un des essais les plus radicaux en faveur de l’impérialisme et du militarisme japonais. A travers la mise en perspective de l’entreprise de l’écrivain et de l’expansion nippone en Mandchourie, notamment la construction du village mandchou d’Iyasaka-mura, mais aussi de certains motifs récurrents de l’œuvre de Mushanokōji, le présent article explore la convergence entre utopisme et impérialisme chez l’auteur et la possible continuité qui unit ces deux dimensions. Par le biais notamment de l’identification du moteur sous-jacent de l’autonomie, l’analyse s’attachera en particulier à montrer l’intrication de l’utopie rurale qu’est Atarashiki-mura et de la dynamique impérialiste, deux pôles apparemment contradictoires que l’engouement de l’auteur pour la guerre dans les années 1940 a contribué à réunir.
In 1918, the writer Mushanokōji Saneatsu (1885–1976) built Atarashiki-mura (the New Village), a utopian community dedicated to the perfection of the self and the practice of art. Influenced by Tolstoy, Mushanokōji’s initiative criticised the devaluation of life induced by capitalism. In 1942, the same Mushanokōji published Dai Tōa sensō shikan [A Personal View of the Greater East Asia War], one of the most radical essays on Japanese imperialism and militarism. Through the drawing of a parallel between Mushanokōji’s initiative and Japanese expansion in Manchuria, especially through the comparison between Atarashiki-mura and the Manchurian village of Iyasaka-mura, as well as with some recurrent motives in his writings, the article examines the convergence of utopianism and imperialism in the author’s thought and the possible continuity binding these two dimensions. Through the identification of autonomy as an underlying drive, the analysis will try to show the link between the rural utopia of Atarashiki-mura and the imperial dynamics, apparently opposite terms that Mushanokōji’s war enthusiasm during the 1940s concretely helped reunite.
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Plan
Introduction
Mushanokōji et la fondation d’Atarashiki-mura
L’ombre de Tolstoï et l’idéal rural
Concevoir la communauté utopique
La vie à Atarashiki-mura
Le tournant impérialiste : l’hypothèse Mandchourie
Atarashiki-mura comme pré-Mandchoukouo ?
Iyasaka-mura : une analogie possible
Entre utopisme et impérialisme
Le motif de l’autonomie
Le motif du « pays divin »
L’empire japonais comme utopie mondiale
Conclusion
Aperçu du début du texte
Introduction
En 1918, l’écrivain Mushanokōji Saneatsu (1885-1976) fonde Atarashiki-mura (le Nouveau village), communauté dédiée à l’accomplissement de soi, aux arts et à la conduite d’une vie digne. Initiative caractéristique de la pensée agraire de l’« abandon à la nature » (shizen inin), ou du « retour à la terre » (kinō) des années 1910 (Iwasaki 1997), la construction d’Atarashiki-mura s’appuie sur la pensée de Léon Tolstoï. A première vue, l’idéal communautaire de Mushanokōji semble l’éloigner de la trajectoire impérialiste et militariste prise par le Japon durant la première moitié du 20e siècle. L’idéologie qui sous-tend cette dynamique s’appuie en effet principalement sur l’idée de renonciation à l’individualité et de sacrifice de soi au nom de l’empereur ; elle implique aussi concrètement la répression des artistes en vue d’assurer leur soutien à l’effort de guerre. Il publie pourtant en 1942 l’essai Dai Tōa sensō shikan [Point de vue personnel sur la guerre de la Grande Asie...
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Pour citer cet article
Référence papier
Édouard L’ Hérisson, « Pour l’autonomie du pays divin : utopisme et impérialisme chez Mushanokōji Saneatsu », Civilisations, 70 | 2021, 51-72.
Référence électronique
Édouard L’ Hérisson, « Pour l’autonomie du pays divin : utopisme et impérialisme chez Mushanokōji Saneatsu », Civilisations [En ligne], 70 | 2021, mis en ligne le 01 janvier 2025, consulté le 10 décembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/civilisations/6724
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Auteur
Édouard L’Hérisson est docteur en études japonaises (2020) de l’Institut français de recherche sur l’Asie de l’Est (IFRAE). Il a réalisé une thèse de doctorat sur la propagation du shintō en Mandchourie durant la première moitié du 20e siècle. Il a été ATER à l’université d’Aix-Marseille et est actuellement post-doctorant à l’Institut français d’Extrême-Orient, et chercheur associé à l’Institut de recherches asiatiques. Il est l’auteur de « Dix mille courants, une seule racine » paru en 2022 dans la revue Extrême-Orient, Extrême-Occident, et de L’expédition en Mongolie de Deguchi Onisaburō avec Ueshiba Morihei (2017) │ Institut français de recherche sur l’Asie de l’Est (IFRAE/UMR 8043), Inalco, 2 rue de Lille, 75007 Paris, France – edouard.lherisson[at]gmail.com
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Droits d’auteur

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