Argumentaire

Sans doute, chacun ou chacune sait, pour l’avoir intimement vécu, qu’à l’âge de l’enfance, jeu et oralité sont étroitement associés. Il suffit de penser à une « petite bête qui monte », à une devinette, à une formulette d’élimination, à une ronde chantée pour rappeler à la mémoire de beaucoup d’adultes des sons, des mots, des attitudes verbales et ludiques qui remontent à un autre temps. Pourtant à y regarder de plus près, ces termes de jeu, d’enfance et d’oralité soulèvent bien des questions : Comment définir le jeu ? Quel sens les enfants donnent‑ils à leurs jeux en temps et lieu de leur performance ? En quoi ces « textes » ludiques sont‑ils indexés à des contextes (allant du contexte de l’énonciation à l’environnement culturel) ? Quand se termine l’enfance ? Quelles relations s’établissent – dans les situations ludiques – entre oralité, gestualité, écriture, rythme, musique ?

En lançant cet appel à proposition qui mobilise les notions d’enfance, de jeu et d’oralité, les Cahiers de littérature orale entendent ainsi susciter des articles qui associent étroitement réflexion théorique et observation approfondie, description et interprétation.

À cette fin, l’enfance pourra, selon les perspectives privilégiées, s’étendre jusqu’à l’apprentissage de l’écriture, jusqu’à la puberté ou l’initiation, voire jusqu’à la majorité civile. Il faudrait, idéalement, réussir à ne pas réifier l’enfance tout en étant attentif aux conceptions que les différents acteurs sociaux (adultes comme enfants) se font des premiers temps de la vie humaine.

Un traitement comparable peut être mis en œuvre dans l’approche du jeu. Il se décline, chez les enfants, en d’infinis dispositifs ludiques qui peuvent, selon les cas, se pratiquer seuls, entre pairs, avec des plus âgés, avec des parents, des adultes, des éducateurs. Beaucoup font une place noble à l’oralité. Les ritournelles, comptines et devinettes, les jeux de tape‑mains chantés, les « plouf‑plouf » et « pierre‑feuille‑ciseau », le jeu de l’élastique, la marelle, les jeux de ficelles, relèvent d’une littérature orale et populaire, voire manifestent une (ou des) « culture(s) enfantine(s) ». On pensera aussi aux surgissements ludiques du quotidien (jeux de mots, insultes ludiques, blagues), à des registres émergents comme la création par les enfants de vidéos sur Internet, aux commentaires que les enfants, ou les adultes parlant à des enfants, font de ce qu’est un jeu, une règle, un « gros mot ».

Ce lien des jeux de l’enfance avec l’oralité s’exprime de multiples façons. Il y a ceux dont le ressort ludique repose directement sur l’oralité (par exemple, la devinette), mais aussi ceux où les paroles accompagnent le jeu (interaction langagière et négociation pendant le jeu ; narration en lien avec le jeu ; inventivité verbale pour décrire les éléments du jeu, pour assurer la cadence du jeu). Dans les jeux, par les jeux, les enfants parlent, chantent, scandent, crient, chuchotent, raisonnent et délirent… Le geste, le rythme et le verbe souvent se confondent, s’entraînent les uns les autres. La parole se fait danse, mouvement, chorégraphie tandis que le plaisir d’agir devient parole vive. On oscille entre poétique et kinésique, entre spontanéité et normativité.

Ce dossier des Cahiers de littérature orale publiera donc des études de ces jeux en acte, de ces paroles en action (y compris dans leur éventuelle dimension réflexive) où les enfants jouent une part prépondérante.

Calendrier et procédure

Les propositions d’articles (comportant un titre et un texte de 2 000 à 3 500 signes maximum, éléments bibliographiques compris) accompagnées d’un bref Curriculum Vitae, sont à adresser à steven.prigent@u-bordeaux.fr et à thierry.wendling@cnrs.fr avant le 10 juillet 2021.

Une réponse sera signifiée aux auteurs de proposition avant le 31 juillet 2021.

Un atelier collectif de discussion est actuellement envisagé pour réunir les participants début 2022.

Les articles devront parvenir sous une version aboutie avant le 31 mars 2022 ; ils feront l’objet d’une évaluation externe par deux relecteurs.

La parution du numéro Oralité et jeux d’enfants est prévue pour début 2023 (n^o 93).

Theme

No doubt everyone knows from experience that in childhood play and orality are closely linked. Just thinking of songs like “eensy weensy spider,” of riddles, counting games and rounds will bring back to the minds of most adults sounds and words, verbal and playful attitudes that belong to another time in their lives. Yet on closer inspection, terms like play, childhood and orality raise a number of questions: How does one define play? What meaning do children attribute to their games in the “here and now” of the performance? How are these playful “texts” indexed to contexts (from the context of utterance to the cultural environment)? When does childhood end? What relations exist—in situations of play—between orality, gesture, writing, rhythm and music?

In launching this call for papers revolving around the notions of childhood, play and orality, the Cahiers de littérature orale invite contributions based on a close connection between theory and in‑depth observation, description and interpretation.

Childhood can be interpreted, depending on the author’s point of view, as extending to the mastery of writing, to puberty or initiation, or even to adulthood (legal majority). Hopefully the perception of childhood should remain flexible while at the same time taking into account the differing conceptions that a variety of social actors (adults as well as children) may have of the first years of life.

A comparable flexibility can be applied to talking about play. Children’s play takes a variety of forms, some of which can be practiced alone, others with playmates of the same age or older, with relatives, adults or educators. Many of them give pride of place to orality. Jingles, nursery rhymes and riddles, singing and clapping games, rock‑scissors‑paper, jumping rope games, hopscotch, string games (like cat’s cradle) and others all belong to a popular, oral culture and are examples of one (or several) cultures of childhood. One is also reminded of forms of verbal play (puns, poking fun, jokes), of emerging forms like the making of Internet videos by children, of the comments that children, or adults talking to children, make about what is a game, a rule, a “swear word”.

This link between orality and childhood play and games is expressed in many ways. There are those that function on the basis of orality (like riddles), but also those that involve the use of words to accompany play (verbal interaction and negotiation during play; storytelling related to play; verbal inventiveness to describe the elements of a game, to underline the rhythm). In play, through play, children speak, sing, chant, shout, whisper, reason and rave… Gestures, rhythm and words get mixed up, all staying in tune and keeping time. Words become dance, movement, choreography, while the pleasure of “acting out” becomes living language. There is an oscillation between poetics and kinesics, between spontaneity and normativity.

This issue of Cahiers de littérature orale will publish studies devoted to these games and forms of play that involve words and movement, verbal and motor activity, these words in action (including their possible reflexive dimension) in which children play a major role.

Deadlines and submission

Proposals for articles (including a title and a text of 2,000 to 3,500 characters maximum, including bibliographic elements) accompanied by a brief Curriculum Vitae, should be sent to steven.prigent@u-bordeaux.fr and to thierry.wendling@cnrs.fr before July 10, 2021.

Proposers will be notified by July 31, 2021.

A workshop is currently being considered to bring together participants in early 2022.

Articles must be submitted by March 31, 2022 and will be reviewed by two independent reviewers.

The publication of the special issue on Orality and Children’s Play and Games is planned for early 2023 (n^o 93).