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Dossier

Utilité et privilèges de l’interface : deux groupes locaux d’agriculteurs sur le Mont Elgon (Ouganda)

Manoel Auffray
p. 291-315

Abstracts

Mount Elgon is regarded historically as a Ugandan “food basket”. Located on the southwestern slopes of this extinct volcano, Bugisu, once a prosperous coffee producing area is facing serious socioeconomic issues. The numerous development project are presenting a grim situation in which economic activities and environmental concerns are opposed. The soil fertility and the reduction of available land are indeed problematic in this heavily populated context. Looking at two farmer groups, we analyze the relationship between the inhabitants of this rural area and external actors trying to act on their farming practices. This reveals complex interactions between individual livelihood strategies and the rationality of agricultural development projects.

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Full text

Introduction

  • 1 Le nom de la région renvoie à une langue (lugisu) et à la population qui la parle (Bagisu).
  • 2 Cet article se fonde sur une enquête de 3 mois en 2018 sur le Mont Elgon. Les données (observations (...)

1À l’est de l’Ouganda, sur les pentes du Mont Elgon, se trouve le Bugisu1, l’une des régions les plus densément peuplées du continent africain. Elle occupe les versants ouest et sud-ouest de ce volcan bouclier culminant à 4 321 mètres d’altitude. Durant la colonisation anglaise ce territoire est devenu le principal producteur de café arabica du pays, la montagne favorisant une production paysanne intensive du fait de ses ressources hydriques et de sols particulièrement riches. Aujourd’hui le Bugisu continue de produire du café, mais subit des recompositions économiques, sociales et environnementales extrêmement importantes2. Ces recompositions sont révélatrices des difficultés qui touchent une population d’agriculteurs ne disposant que d’un patrimoine foncier très faible.

2Les enjeux du Bugisu font aujourd’hui l’objet d’actions publiques et de projets de développement qui cherchent entre autres à augmenter les revenus des ruraux, à enrayer la déforestation, à limiter les processus érosifs, etc. La sociologie de la paysannerie montre cependant depuis plusieurs décennies l’ambiguïté voire la conflictualité des rapports entre les ruraux et les institutions politiques externes. Le gouvernement ougandais s’est orienté depuis les années 80 dans une stratégie d’extraversion dans le cadre d’un régime d’aide. La libéralisation des filières agricoles a ainsi marqué le début des années 90. Elle a signifié, localement, la fin du système coopératif qui préexistait. Les dernières décennies ont vu l’émergence d’une grande diversité d’acteurs : institutions internationales, ONG, entreprises multinationales, grossistes... Le Bugisu réunit une véritable « constellation agropolitique » (Leblond 2017), qui oriente le système agraire. À travers cette notion, Leblond fait référence à « l’ensemble des acteurs déployant des stratégies de contrôle et de gestion de la production agricole ainsi que les relations tissées entre ces acteurs autour de ces enjeux » (2017, p. 48). Le concept permet d’aborder les acteurs publics et privés du développement simultanément, de rendre compte de leurs interactions, entre eux et avec les agriculteurs perçus comme un groupe non-homogène.

Figure 1 – Localisation de la zone d’étude

Figure 1 – Localisation de la zone d’étude

Auffray 2019

3Les acteurs du développement agricole orientent leurs actions au Bugisu dans deux directions principales : l’accroissement des rendements et la conservation des écosystèmes. Ils se heurtent néanmoins à des entraves importantes comme l’incapacité financière à accéder aux solutions technologiques promues, la réticence à allouer des surfaces arables à des usages non directement productifs, etc. Pour contrecarrer celles-ci, le plan stratégique national du ministère de l’agriculture (MAAIF, 2016), en écho à des tendances internationales, promeut la généralisation de groupes locaux d’agriculteurs (farmers groups) servant d’interlocuteurs pour les acteurs extérieurs et constituant ainsi la base de l’inscription des producteurs dans les chaines de valeurs. Cette « multiplication des groupements locaux » est une tendance lourde en Afrique subsaharienne (Dugué et al., 2012). Ces organisations s’inscrivent cependant dans un champ social déjà dense et structuré par d’autres collectifs, coutumiers, religieux ou politiques.

4Dans ce texte, on cherche à comprendre la nature et le rôle de ces groupes d’agriculteurs. On ne dispose pas d’une étude systématique permettant de discuter la pertinence et l’impact économique et environnemental des projets évoqués. Nous souhaitons ici rendre compte d’un processus contemporain de connexion des campagnes à d’autres ensembles. Malgré la profonde asymétrie qui le caractérise, il s’incarne dans des jeux d’acteurs complexes. En réaction à des décisions prises à d’autres échelles, les ruraux du mont Elgon utilisent les ressources à leur disposition pour servir des stratégies individuelles diverses. S’intéresser aux groupes d’agriculteurs, et surtout à leurs dirigeants comme interfaces, permet l’analyse des arbitrages, compromis, manipulations qui caractérisent la rencontre entre des rationalités diverses.

5Notre travail questionne donc la figure du courtier-producteur décrite par Grassin (2018). À la suite du concept, plus général, de courtier du développement (Olivier de Sardan, Bierschenk 2000), il rend compte de l’utilisation par l’État malawite d’agriculteurs privilégiés comme relai de sa politique agricole. La position d’interface occupée par ces individus, cooptés par un État encore très engagé dans la filière tabacole, leur permet d’obtenir des rétributions spécifiques et de transmettre les discours productivistes auprès de leurs voisins moins aisés.

  • 3 Un subcounty est la 3e unité administrative ougandaise après le village et la parish, et avant le c (...)

6Les exemples utilisés dans ce texte correspondent à deux subcounties3 du Bugisu. Ce niveau représente le premier qui dispose d’une véritable capacité, les deux précédents ne détenant ni personnel ni locaux. Les subcounties étudiés ont une population entre 10 000 et 15 000 habitants. Les villages et les parishes disposent néanmoins d’un conseil local qui les représente avec à sa tête un chairman. On se référera parfois à ces ensembles lorsque la démonstration le demandera.

7On se demande dans quelle mesure les groupes locaux d’agriculteurs reflètent-ils les dynamiques économiques rurales au Bugisu ? En quoi les stratégies de promotion individuelles des dirigeants de groupes d’agriculteurs rencontrent-elles les objectifs de projets de développement confrontés à une zone rurale profondément fragmentée ? Pour répondre à ces questions on décrit tout d’abord la variété des stratégies économiques individuelles ainsi que les principaux facteurs qui les conditionnent. On peut ainsi contextualiser la formation des groupes d’agriculteurs et donner une image des individus qui les composent. Dans un second temps, on s’intéresse à la nature de la constellation agropolitique précédemment mentionnée. On définit ainsi plus en détail ses caractéristiques ainsi que la manière dont sont perçues localement les initiatives de développement. Enfin, on s’intéresse directement aux activités menées par les groupes, les logiques qui organisent leur composition ainsi que le rôle d’individus clefs qui incarnent une forme d’autorité au sein de ces groupes. On opérera ainsi une descente du général au particulier en nous basant de plus en plus sur les exemples de deux groupes.

Des stratégies économiques diverses et fluctuantes

  • 4 Dans les deux sites (subcounties) mentionnés, elles avoisinaient les 700 habitants par kilomètre ca (...)

8La démographie du Mont Elgon reflète tout d’abord les avantages environnementaux typiques des milieux montagnards en Afrique de l’Est (Bart, 2005). L’altitude induit en effet une pluviométrie qui avantage les productions agricoles. Ce sont des zones de fixation de population depuis plusieurs siècles. Le bastion du Mont Elgon atteint cependant aujourd’hui des niveaux de population décrits comme problématiques par François (2006). Dans certaines parties de la région les densités (rurales) dépassent les 1 000 habitants par kilomètre carré4. De telles densités ont un impact sur la disponibilité et l’usage des ressources. Le plus direct est la réduction des surfaces cultivables disponibles. Lors de nos entretiens, les estimations (très vagues) faites par le personnel administratif local étaient d’environ 0,2 hectare par foyer. Si ces estimations ne peuvent être confirmées, les entretiens avec les agriculteurs décrivent une réduction continue des surfaces transmises par héritage depuis plusieurs décennies. La grande majorité des personnes interrogées insistent également sur l’impossibilité de tirer un revenu suffisant de la terre héritée.

9De plus, l’ancienneté et l’intensité des transactions foncières ont contribué à la fragmentation et à la diminution de la taille des parcelles. Contrairement à d’autres régions ougandaises (Torretti, 2018), un véritable marché de la terre est observable au Bugisu depuis de nombreuses années (François, 2006). Ce marché foncier intègre la ville de Mbale, la terre étant un investissement toujours privilégié par les personnes vivant et travaillant dans les villes. Il est cependant notable que ce marché semble limité géographiquement et nous n’avons rencontré lors de l’enquête aucun agriculteur venant d’autres régions du pays.

  • 5 La population du Bugisu a été multipliée par 6 entre 1959 et 2014, toujours selon UBOS. La probléma (...)
  • 6 Si le terme est ambigu, les personnes interviewées agrémentaient régulièrement ce diagnostic d’exem (...)

10L’accroissement naturel très important est, de plus, doublé de l’exclusion des populations du parc national situé en altitude5. Face à la réduction des surfaces disponibles, les agriculteurs utilisent des stratégies d’intensification. Elles s’incarnent par exemple dans la disparition quasi-totale de la jachère et plus généralement la réduction au strict minimum des intervalles non-productifs (temporels et spatiaux). Dans les entretiens, l’adjonction d’engrais est présentée comme indispensable pour obtenir des rendements acceptables. Les propos recueillis présentent en effet de manière quasi-systématique une diminution importante de la fertilité6 au cours des décennies précédentes.

Figure 2 – Une zone rurale fortement peuplée

Figure 2 – Une zone rurale fortement peuplée

La photographie illustre l’occupation, par la mise en culture et l’habitat, de la bordure d’une falaise. Les glissements de terrain sont très fréquents et touchent particulièrement les pentes fortes et déboisées. En contrebas, les toits des maisons rendent compte de la très forte densité de population.

Auffray, 2018

  • 7 Voir notamment les travaux de Frank Mugagga, dont Buyinza et Mugagga (2010) : « Economics of Land d (...)
  • 8 Voir Showers pour le Lesotho : Showers K., 2005, Imperial gullies, Soil Erosion and Conservation in (...)

11L’activité humaine apparait ainsi, pour agriculteurs et membres de l’administration, comme responsable de l’épuisement des ressources pédologiques. Ce constat n’est pas un énoncé neutre mais le produit de l’interaction entre les processus érosifs et les interprétations qui en ont été données, dans les politiques environnementales, les rapports d’experts et les publications scientifiques7. Les interactions complexes entre ces différents acteurs (experts, membres de l’administration, institutions internationales) ont abouti à la reprise par les acteurs locaux d’un discours de la dégradation dont l’étude impliquerait un travail poussé d’étude des sciences et technologies8.

12Il ne s’agit pas pour nous de confirmer une explication malthusienne réductrice, l’impact de la démographie ne peut être considéré comme variable unique de la modification des conditions environnementales. L’augmentation de la population a ainsi été décrite comme un des facteurs d’une diminution de l’érosion dans certains contextes (Tiffen et al., 1994). Produire un tel constat est néanmoins impossible sur le Mont Elgon (à moins de contredire l’intégralité des personnes interrogées). Face à la dégradation des conditions de production agricole, autant du point de vue des rendements que de l’accès à la terre, on va voir que les ruraux du Mont Elgon adoptent massivement des stratégies de diversification qui leur permettent de faire face avec plus ou moins de succès à leur pressant besoin de revenus.

Diversification des revenus

13L’agriculture est aujourd’hui l’élément central de l’économie du Mont Elgon. Les processus de marchandisation et de monétarisation qui ont marqué le xxe siècle ont profondément modifié les modalités d’exploitation du milieu. Les parcelles actuelles reflètent ainsi les connexions successives du Bugisu à d’autres ensembles géographiques. Pratiquée depuis plusieurs siècles, la culture de la banane plantain constitue encore aujourd’hui un élément économique et identitaire important. Son importance dans le régime alimentaire n’est surpassée que par le maïs et le haricot. Souvent associés dans le même champ, ils ont remplacé largement la culture des céréales comme le mil ou le sorgho. Le maïs dont la présence précède les débuts de la colonisation sert également de base à la confection de la bière, qui accompagne de nombreux moments de sociabilité.

14Comme dans d’autres montagnes et hautes terres Est-africaines (Kilimandjaro, Rwanda, etc.), l’association de la banane et du café est devenue, dans le cadre de la colonisation, un élément paysager important. Le couple s’enrichit souvent d’autres arbres (fruitiers ou non) et de tubercules qui rajoutent un étage (supérieur ou inférieur) au jardin.

  • 9 L’effondrement de la production caféière dans les années 80 est évidement multifactoriel. Les facte (...)

15Le café, autrefois culture commerciale quasi exclusive sur le Mont Elgon s’est vu concurrencé à partir des années 70 par d’autres productions permettant des rentrées d’argent plus régulières9. Le maraîchage a ainsi été juxtaposé à la caféiculture jusqu’à représenter une part importante voire dominante des revenus agricoles des ménages (Charlery de la Masselière et al., 2009). Cette dynamique s’inscrit dans le virage vers le « vivrier marchand », déjà analysé dans de nombreux autres contextes (Chaléard, 1996). Il convient cependant de relever plusieurs dimensions notables.

16Tout d’abord la culture de légumes (carotte, tomate, oignons, pommes de terre, etc.) est perçue négativement du point de vue environnemental. Un pan important de l’action de développement auprès des paysans concerne la protection des écosystèmes. Ainsi, les acteurs du projet ILM (Integrated Land Management), décrit ultérieurement, considèrent la conversion au maraîchage comme un facteur aggravant des problèmes environnementaux. Ils estiment que le maraîchage induit l’usage intensif d’intrants (herbicides, insecticides, fongicides, fertilisants, etc.) et qu’il réduit la couverture foliaire et le développement racinaire, causes de l’érosion contre laquelle ces acteurs se mobilisent.

17À l’opposé, ces cultures assurent potentiellement des revenus plus importants et plus fréquents que d’autres cultures, notamment l’association café/banane. Particulièrement adaptées aux conditions pédoclimatiques liées à l’altitude, elles constituent aussi des opportunités dans les zones frontalières du parc national, espaces propices aux conflits sur le marquage des limites du parc – empiètement sur le parc. Cette précarité plus importante de la propriété foncière renforce la volonté de tirer les revenus le plus rapidement possible de la terre (Mugagga et Buyinza, 2013) et l’exploitation de cultures saisonnières. Le maraîchage signifie une utilisation accrue d’intrants mais aussi de travail. De nombreux agriculteurs emploient et/ou sont employés pour les différentes tâches (semis, labour, désherbage et récolte) qui ponctuent les cycles culturaux.

18Le maraîchage implique donc dans ce contexte, l’achat d’intrant (semences, fertilisant, pesticides), l’emploi de main-d’œuvre salariée et plus généralement l’accroissement des dépenses et des recettes des agriculteurs. Cette circulation croissante de l’argent associée à la baisse de l’autoconsommation peut être interprétée comme un facteur renforçant la marchandisation de l’économie rurale.

  • 10 D’après nos propres entretiens et observations.

19Troisièmement, la croissance du vivrier marchand implique une connexion importante entre les villes et les campagnes. L’intensité des réseaux commerciaux est en effet un indicateur de la proximité géographique et économique des zones urbaines et rurales. Des camions relient directement les zones étudiées et les centres urbains (Mbale mais aussi Kampala plusieurs fois par semaines). Certains agriculteurs cumulent les activités de production et de commercialisation de produits agricoles. Plus généralement, les produits du Mont Elgon sont exportés dans le nord de l’Ouganda mais aussi dans les pays voisins : Soudan du Sud (Calas, Racaud, Toretti, 2016), Kenya et Rwanda10. Les réseaux commerciaux ne sont pas unidirectionnels et les flux de marchandises dirigés vers les campagnes constituent également des opportunités économiques, comme ceux des produits bon marché importés de Chine (Racaud 2020).

  • 11 Il convient ici, en paraphrasant H. Cochet de rappeler que la pluriactivité est une dimension inhér (...)

20Les travaux sur la diminution de la dimension agraire des économies rurales africaines (Bryceson, 2002) indiquent que la part des activités non-agricoles dans les revenus des ménages augmente de manière très significative11. Les entretiens réalisés sur le mont Elgon révèlent en effet l’existence d’une très grande variété de stratégies économiques individuelles. On doit tout d’abord noter que l’accès au capital foncier constitue un frein majeur à la pratique de l’agriculture, les prix sont en effet très hauts du fait d’une forte demande dans cette zone très agricole et très peuplée. De ce fait, les ménages les moins dotés et les individus les plus jeunes s’engagent dans des activités non-agricoles qui nécessitent généralement très peu d’investissements monétaires. Si le transport des personnes (en moto ou en minibus), le commerce et l’artisanat (notamment la construction) offrent des opportunités en ville, une grande partie de ces activités gravitent cependant autour de l’agriculture (transport, transformation, commercialisation).

21Qu’elles soient agricoles ou non, les stratégies économiques des ruraux se caractérisent par une grande réactivité par apport aux changements personnels et contextuels. Les ruraux font face à des incertitudes majeures. Les variations de prix, la mise en danger des récoltes par les ravageurs ou le climat, l’obtention ou la perte de capital foncier, les maladies, les vols, le développement de nouveaux réseaux commerciaux ou d’un marché pour un nouveau produit peuvent remettre en cause ou renforcer la rentabilité d’une activité. La rentabilité elle-même est estimée et fait parfois l’objet d’un pari qui peut coûter cher. La culture de la pomme de terre, de plus en plus populaire subissait, lors de l’enquête, des problèmes de surproduction. Certains agriculteurs interrogés ne parvenaient pas à compenser leurs investissements (semences, intrants). Le coût de mise en culture d’un champ d’environ 0,4 hectare pouvant dépasser 500 euros, les pertes étaient importantes.

22La mobilité, la variété des activités exercées, la rapidité dans le changement technique sont donc des éléments caractéristiques des ruraux du Mont Elgon. Dans ce contexte, les pratiques agricoles changent très régulièrement. La grande flexibilité des comportements économiques ruraux est une problématique majeure pour les acteurs cherchant à contrôler ces activités.

Moderniser les pratiques agricoles au Bugisu

  • 12 C’est moins que le Rwanda (76 %), mais beaucoup plus que le Kenya (13 %).

23L’aide au développement est une source importante de devises et représente 53 % de la dépense publique ougandaise en 2016 selon l’OCDE12. Ces flux financiers constituent un moyen majeur d’alignement des politiques nationales sur les agendas d’acteurs internationaux. En effet, Yoweri Museveni, le Président ougandais au pouvoir depuis 1986, s’est révélé être un collaborateur zélé des institutions financières et des plus grands donneurs internationaux. Dans les années 90, son application des programmes d’ajustements structurels et sa gestion de la dramatique épidémie de VIH avaient fait de l’État ougandais et de son président un exemple du « New leadership » africain. La « stratégie d’extraversion » prise par l’Ouganda permettait d’attirer des ressources en jouant sur l’application des multiples recommandations des acteurs internationaux (Banégas, 1999). Sur le Mont Elgon, ce virage s’incarnait par la réhabilitation et le renforcement de l’aire protégée, appliquant ainsi les préceptes de la conservation promus par les grandes organisations comme l’union internationale pour la conservation de la nature (IUCN). La rente reste aujourd’hui très importante malgré le déclin de Museveni sur la scène internationale, la crispation autoritaire et la situation économique morose.

24La construction des politiques agricoles par l’État ougandais et les transferts de discours venus d’autres contextes ont été étudiés par exemple par le prisme des programmes d’irrigation. Comme l’indique Torretti (2018), ce qui est en jeu dans la reprise par le gouvernement ougandais du discours techniciste de la modernisation agricole (et notamment le ministère de l’eau et de l’environnement dans ce cas), c’est l’accès à une manne financière. Cette capacité à attirer les investissements joue également un rôle dans des concurrences intra-étatiques.

25Le plan stratégique pour le secteur agricole (Agricultural Sector Strategic Plan, ASSP) se présente comme l’application nationale des principes du CAADP (Comprehensive Africa Agriculture Development Programme) développé par l’Union Africaine et le NEPAD (New Partnership for African Development). Comme signalé dans ce document, l’État se considère comme coordinateur et régulateur en matière de développement agricole. Pour parvenir à ces fins et impliquer les petits producteurs dans des filières identifiées, le document insiste sur le rôle du réseau de conseillers agricoles (agricultural extension officer). En 2014, le ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche (MAAIF) a été chargé de la refonte du système de conseil, afin d’étendre la couverture du territoire et d’harmoniser les activités de conseil avec les organismes de recherche afin de faire face à l’inefficacité des services nationaux de conseil agricole (National Agricultural Advisory Services, NAADS).

26Dans les sites étudiés, ces acteurs jouent aujourd’hui un rôle important dans la sélection des bénéficiaires des programmes puis dans la mise en œuvre des projets. Ils encouragent la création des groupes d’agriculteurs, qui conditionnent parfois l’accès aux aides gouvernementales et la participation aux projets étudiés.

27Les programmes de développement agricole, impliquant les petits producteurs sont ainsi monnaie courante. Les acteurs du développement sont multiples et entretiennent des relations de proximité diverses avec l’administration. Les approches dominantes insistent néanmoins sur : 1. L’accès au marché et l’augmentation des rendements comme levier d’action sur les revenus des ruraux 2. La protection de l’environnement, la conservation des sols et la lutte contre la déforestation.

Des objectifs contradictoires ?

28Deux initiatives ont été observées durant le terrain. Elles visent à modifier des pratiques agricoles des ruraux du Mont Elgon, identifiées (par ces acteurs) comme inefficaces, minières ou rétrogrades… Elles sont tous deux financées par des institutions internationales ou des agences de développement européennes et mises en place par des acteurs locaux (administration, ONG ou entreprise). Malgré leurs différences elles reflètent ainsi des préoccupations qui émergent à des échelles globales et la circulation rapide des idées des bailleurs vers les pays sous régime d’aide. Ces deux projets sont, de plus, présents dans les deux groupes d’agriculteurs dont nous tirons la plupart de nos observations.

  • 13 Le nom complet : Integrated Landscape Management for Improved Livelihood and Ecosystem Resilience i (...)
  • 14 L’agriculture de conservation (conservation agriculture) est notamment portée par la FAO et repose (...)

29Le premier projet illustre les préoccupations environnementales. Son nom inclut plusieurs concepts chers aux bailleurs de la résilience jusqu’à la durabilité et est réduit systématiquement à l’acronyme ILM13. Ce projet est financé par le programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et mis en œuvre notamment par le ministère de l’environnement ougandais (Ministry of Water and Environment). Il promeut une réponse communautaire aux problématiques d’usage des ressources en organisant l’adoption d’une planification territoriale à l’échelle de la paroisse (parish, environ 2 800 personnes et 580 foyers sur la zone étudiée en 2014). Celle-ci s’accompagne ensuite d’un soutien financier aux initiatives locales. Dans les faits, le projet consiste surtout dans la promotion de l’agriculture de conservation14 et de diverses mesures antiérosives (bandes herbeuses, tranchées, cordons pierreux…), qui doivent réduire les transports des sols, notamment par ruissellement.

30Pour ILM, les groupes servent à mobiliser les agriculteurs. Tout d’abord durant la phase de consultation, un consultant est dépêché sur place pour recueillir le point de vue de la communauté, en utilisant des outils de cartographie participative. Une délégation incluant des membres de l’administration (conseillers agricoles locaux, chef du service environnement du district) se rend également sur le terrain pour constater les enjeux et échanger avec la population. Dans un second temps, des membres de groupes sont formés par l’équipe locale du projet à l’agriculture de conservation. Ils se rendent dans les locaux de l’administration du district et sont informés sur la mise en place de dispositifs antiérosifs puis font office de formateur au sein de leur groupe. En utilisant ces techniques sur leurs propres parcelles, ils contribuent à prouver l’efficacité des techniques sur la fertilité des sols et induisent la reproduction par les pairs des méthodes promues.

31L’obtention de financements dans le cadre d’ILM est complexe. La participation aux formations, ne suffit pas. Les groupes concernés doivent également produire un document écrit présentant les objectifs et les modalités d’utilisation de l’argent apporté par le programme. Le projet reproduit ainsi à l’échelle des paroisses les procédures d’appel d’offres et la mise en concurrence des populations pour les fonds tout en déclarant se baser sur les organisations communautaires. Cette méthode est mal-perçu par certains acteurs interrogés qui ne disposent pas des moyens de rédiger de tels documents.

Figure 3 – Une parcelle illustrant les méthodes promues de conservation des eaux et des sols

Figure 3 – Une parcelle illustrant les méthodes promues de conservation des eaux et des sols

Cette parcelle présente de nombreux bananiers mais aussi du maïs, des haricots et du café. Au centre de l’image, une tranchée recueille les eaux de pluie et réduit le ruissellement. En bordure de celle-ci, des graminées (Cenchrus purpureus) ont été plantées. Elles consolident les rebords de la tranchée et servent aussi de fourrage pour le bétail. Au second plan, on distingue une étable. La stabulation permanente permet, pour ses promoteurs, la diminution des inconvénients associés à l’élevage, tout en profitant du fumier et des autres bénéfices (fonction d’épargne, lait…).

32Le second projet s’attache à développer l’usage des agro-technologies dans les mêmes contextes. ABI (AgriBusiness Initiative) est un organisme financier à but non lucratif qui a été fondé par les gouvernements danois et ougandais et propose, à travers son programme VCD (Value Chain Development), un appui au développement des chaines de valeurs agricoles en vue notamment d’augmenter les revenus des agriculteurs. Le programme s’incarne localement dans la promotion des tests chimiques des sols pour identifier les besoins en intrants et adapter l’utilisation d’engrais. Après avoir mesuré l’acidité, les niveaux d’azote et de phosphate, l’entreprise propose une gamme de fertilisants adaptée à la culture envisagée.

33Pour remporter l’adhésion des agriculteurs, les promoteurs d’ABI utilisent un système de parcelle témoin en collaboration avec des membres des groupes. Les techniques de conseil agricole utilisées ici sont notamment portées par la FAO, qui a développé le concept de champs école (farmer field schools). Une parcelle sélectionnée sert donc de démonstration de la technique promue. Dans le cas des tests de sols, une analyse est réalisée, elle sert de base à la fourniture par l’entreprise d’intrants et de semences. Le producteur fournit la parcelle et le travail nécessaire, il peut en échange garder la récolte à la fin de la saison. Le système est globalement le même pour la caféiculture, si ce n’est que l’appui prend également la forme d’une formation au long de la saison pour illustrer les pratiques adaptées aux différents stades du développement du fruit ainsi et les traitements de lutte contre maladies et ravageurs.

34Un deuxième volet s’attache plus spécifiquement à la caféiculture et à une démarche de labélisation. Le projet bien que financé par une structure à but non-lucratif est mis en place par deux entreprises. La première commercialise des analyses de sols, la seconde achète, conditionne et exporte le café.

35Les deux projets, bien qu’agissant dans les même contextes et parfois auprès des mêmes personnes, sont marqués par des rationalités contradictoires. Dans le premier cas, il s’agit de concilier impératifs économiques et lutte contre la dégradation environnementale. Les promoteurs sont principalement préoccupés par l’acceptabilité des solutions proposées dans la mesure où elles ne représentent pas de gains monétaires directs. Le problème principal identifié est la dégradation des écosystèmes. La solution est la formation des agriculteurs à des techniques plus efficaces, préservant les sols et donc les rendements futurs.

36Dans le second cas, l’accent est mis sur une congruence d’intérêts au sein des chaînes de valeurs : producteurs et intermédiaires cherchant une augmentation de la production (qui impliquent dans ce contexte l’amélioration des rendements). Cette augmentation passe par l’application de technologies développées par les entreprises de l’agrobusiness. Pour un exercice réussi de l’agriculture commerciale, les agriculteurs utilisent les outils (payants) qui leur permettent d’augmenter rapidement leurs rendements.

37Lors des entretiens, les promoteurs des projets tenaient des discours presque opposés sur des sujets comme les cultures maraîchères ou sur les sols. Il est cependant notable que la réalisation de leurs objectifs passe dans les deux cas par la participation des agriculteurs. Leurs approches non-coercitives impliquent de convaincre un nombre conséquent d’individus de l’utilité des solutions promues (par des voies éducatives et/ou monétaires).

Des perceptions locales ambiguës

38Le nombre d’institution, ONG nationales et internationales, et de programmes est assez vertigineux et rend confus l’historique de l’aide dans les sites d’étude. Le gouvernement japonais a financé un projet sur l’accès à l’eau. L’association de l’épouse du Président Museveni (UWESO) offre des micro-crédits aux groupes de femmes. Les différentes compagnies de café ont des programmes d’aides, sous la forme de prêt ou de partenariat avec une association confessionnelle américaine. Le FIDA (Fond International de Développement Agricole) et l’International Potatoe Center ont construit un hangar de stockage pour les semences de pommes de terre. Le gouvernement gallois finance un programme de lutte contre la déforestation (Ten Million Trees). Cette liste non exhaustive s’ajoute aux activités du NAADS (National Agricultural Advisory Services) et aux initiatives gouvernementales, NUSAF (Northern Ugandan Social Action Fund) et OWC (Operation Wealth Creation) qui donnent des semences et plus rarement des animaux aux agriculteurs. Les relations avec l’administration locale, qui représente la continuité dans ces initiatives limitées dans le temps, sont souvent antagonistes. Les agriculteurs accusent souvent les membres de l’administration de partialité et critiquent l’inadéquation de l’aide à leur besoin. Une femme membre d’un groupe d’agriculteur mentionne par exemple que les distributions de semences pour le maïs se font souvent trop tard. Certains lavent donc les graines enrobées de pesticides avant de les consommer directement. Les membres de l’administration font eux part de leur fatigue et de leur incapacité à répondre aux demandes pressantes de la population.

39Ces conflits rappellent l’importance des besoins de la population, besoins que les habitants eux-mêmes ne manquent pas de rappeler aux chercheurs. Cette demande insistante d’aide ne signifie pas l’acceptation mécanique de celle-ci. En effet, les critiques apparaissent souvent à l’égard d’une aide inadaptée, arbitrairement distribuée et provenant d’acteurs qui masquent leurs véritables intentions. Certains interlocuteurs ont ainsi mentionné l’existence d’une véritable malveillance à leur égard, l’existence d’une volonté consciente et organisée de leur faire du mal. Cette idée s’incarnait par exemple dans des interprétations de l’apparition de pandémies ou de nouveaux insectes ravageurs, mais aussi dans l’organisation du commerce international. Les ruraux utilisent de plus régulièrement le lexique et la rhétorique de la politique du ventre (Bayart, 1989) : l’aide est souvent « mangée » avant d’atteindre ceux qui en ont vraiment besoin.

40Ces discours semblent trahir l’ambivalence des ruraux à l’égard des acteurs extérieurs. Cette logique binaire de la Communauté contre un Autre aux contours flous se lie également, dans les propos recueillis, à la description idéalisée d’un passé, où l’agriculture et la santé, ancrées dans la tradition garantissaient un bien-être aujourd’hui disparu. Encore une fois cette glorification du passé n’interdit pas un enthousiasme parfois vif vis-à-vis des innovations technologiques et des produits manufacturés.

41Comprendre la participation des ruraux aux initiatives de développement devrait passer par une meilleure analyse non seulement de l’intérêt économique, mais aussi des grilles de lecture politiques qui fondent les jugements locaux. On peut ainsi déceler dans les freins aux programmes de développement, la ruse décrite par Laurent au Burkina Faso (Laurent, 1994) ou les « armes des faibles » de James Scott en Malaisie : « le trainage de pied, le chapardage, la dissimulation, la désertion, la fausse conformité, l’ignorance feinte, le sabotage, etc. » (Scott, 1985).

Réseau et interface : des individus clefs

Les groupes d’agriculteurs comme interlocuteurs locaux du développement agricole

42On a posé le contexte dans lequel évoluent les groupes d’agriculteurs. On peut à présent décrire leurs activités et la manière dont ceux-ci interviennent dans les projets précédemment cités.

43Il convient tout d’abord de mentionner le caractère flou de la catégorie « groupe local d’agriculteurs ». Comme on l’a mentionné précédemment le ministère de l’agriculture, à travers les conseillers locaux, cherche à structurer les agriculteurs en petits groupes. En conditionnant la fourniture de semences ou de plants (café, banane) à l’adhésion à un groupe, les conseillers cherchent à généraliser ces collectifs. Mais les dysfonctionnements et les limites de l’appui gouvernemental démotivent et dissuadent beaucoup d’agriculteurs de participer. Les groupes sont donc des entités parfois précaires. Ils apparaissent et disparaissent parfois avant d’avoir été formellement enregistrés par l’administration. On compte de plus un nombre significatif de groupes en dormance ou n’ayant quasiment pas d’activités significatives.

44Les groupes servent également des objectifs divers. En effet, au-delà de l’administration déconcentrée, des entreprises de café ou une grande brasserie nationale ont créé des maillages spécifiques de groupes de producteurs, dont nous ne traitons pas ici. Ces groupes sont centrés sur le regroupement (bulking) de produits agricoles. Les entreprises réunissent la production des agriculteurs par zone pour s’assurer un approvisionnement stable d’une année sur l’autre et diminuer les coûts (de transport notamment). Ces groupes mettent également parfois en place des mécanismes d’épargne. Cependant, ces activités sont plus souvent le fait de groupes spécifiques, organisant des collectes d’argent et des prêts à l’échelle du village (savings groups).

45Pour le gouvernement ougandais, il s’agit principalement de favoriser l’intégration des petits agriculteurs au marché en créant un maillage de petites organisations servant de relais aux actions de développement de filières agricoles productivistes. Cette politisation de la modernisation agricole a été observée dans d’autres contextes africains (Planel, 2016 pour le cas plus coercitif de l’Éthiopie). En cela, la petite taille et l’absence de rôle politique de ces organisations est significative. En aucun cas il n’est question de faire de ces organisations des vecteurs de mobilisation politique, comme pouvaient l’être les coopératives agricoles des années 50 à 70. Dans un contexte de raidissement autoritaire en Ouganda, le parti au pouvoir ne souhaite évidemment pas faire émerger de nouvelles plates-formes de contestation. Il est notable que loin d’être mal vue par les autorités locales, l’émergence de leaders agricoles se fait dans une grande symbiose avec l’appareil politico-administratif, les deux groupes présentés constituant de fait des exemples mis en valeur par des responsables du district.

46Les promoteurs des projets recherchent la participation du plus grand nombre. Ils ne fournissent pas d’infrastructures mais prétendent orienter les pratiques agricoles vers des modèles plus efficaces, durables, etc. Les groupes d’agriculteurs servent donc d’interlocuteurs permettant une certaine stabilité dans l’identité des bénéficiaires. Dans les deux projets, un constat a été établi : il est considéré que les agriculteurs ont tendance à adopter les techniques qui leur sont proposées quand elles ont déjà été expérimentées avec succès par leurs pairs.

  • 15 Pour ILM, dans le cas de ABI, les tests sont pour l’instant fournis gratuitement dans le cadre du p (...)
  • 16 Une matinée de travail dans le champ d’un voisin est rétribuée en moyenne entre 3 000 et 5 000 UGX.

47Malgré ces actions, l’adoption des techniques promues semble faible15 et les entretiens avec le personnel chargé de la mise en place des projets traduisent un certain fatalisme. Les agriculteurs semblent peu enclins à adopter des méthodes qui sont dans un cas relativement chères (un test de sols coûtant environ 30 000 shillings16, soit environ 7 euros) et dans l’autre cas gourmandes en temps et en énergie. Comme on l’a évoqué précédemment, la capacité des paysans à investir est limitée et les intrants concentrent la majeure partie des dépenses. La réalisation des mesures antiérosives se heurte à d’autres problèmes. Amputer son champ de plusieurs dizaines de mètres carré pour le creusement de tranchées est un choix difficile pour beaucoup d’agriculteurs qui n’ont déjà qu’une petite parcelle. De plus, certains considèrent que leur entretien est trop fatigant au regard des résultats escomptés, le rapport coût-bénéfice est donc perçu comme non-incitatif.

  • 17 Sustainable Land Management, un projet porté par l’institut ougandais de recherche agronomique.

48Les deux groupes que nous avons étudiés sont assez différents. Cependant ils constituent des exemples de réussite mis en valeur par les porteurs locaux des projets. Le groupe « J. Farmers » est composé de plus de cinquante agriculteurs, localisés dans un même village. Il a été fondé en 2015 et présente des caractéristiques uniques dans nos observations. Très axé sur la promotion et la réalisation de techniques liées à l’agriculture de conservation, il met en place des formes de travail collectif pour la réalisation des tranchées et leur entretien, tâche impliquant un travail intensif et régulier. L’adhésion au groupe induit des dispositions contraignantes sur la quantité de travail à fournir et également des objectifs chiffrés de mètres de tranchées. Ce groupe est original à plusieurs points de vue, le nombre de membres est d’abord très important (les autres groupes comptant environ vingt à trente personnes). Le rôle central des mesures antiérosives et la présence d’amendes pouvant atteindre la somme très importante de 30 000 shillings pour les membres ne respectant pas les objectifs du groupe sont également notables. ILM n’est pas ici responsable de l’engagement des producteurs dans l’agriculture de conservation. Les entretiens montrent d’ailleurs que bien qu’engagés dans ILM, les agriculteurs l’assimilent à un projet précédent17 et minimisent l’impact des acteurs extérieurs dans leurs actions. ABI est aussi présent et a mis en place un champ école, peu de membres ont néanmoins de véritables contacts avec le projet.

49Le deuxième groupe est moins atypique. Créé en 2010, le groupe « P.Farmers » réunit un nombre plus faible d’agriculteurs d’un même village (une vingtaine environ). L’engagement dans les techniques antiérosives est plus récent et plus limité. La différence avec le premier groupe apparait à la fois dans le nombre mais aussi dans la qualité des tranchées, parfois mal-orientées ou peu entretenues, selon le président du groupe lui-même. La formation de l’un des membres lors du projet ILM a été cruciale dans l’application de techniques comme les tranchées et les cordons herbeux. Cependant, le travail nécessaire à la réalisation de ces dispositifs est une activité individuelle qui est à la charge de chaque membre. Aucune forme de travail collectif n’a en effet été mentionnée dans les entretiens. La présence d’ABI apparait, elle, à travers la création sur deux saisons, d’une parcelle témoin de maïs, toujours dédiée à la promotion des tests de sols et à l’utilisation « rationnelle » des engrais.

50En présentant brièvement les dirigeants des groupes on comprend les facteurs qui expliquent leurs succès hétérogènes. La différence entre les deux groupes s’explique, en effet, moins par leurs compositions que par l’identité de l’individu qui en est à l’origine. Ce sont des initiatives relativement individuelles qui reposent sur la mobilisation des capitaux et réseaux disponibles.

Le rôle central des « leaders agricoles »

51À un peu plus de 60 ans, Michael est le président du groupe J.F. Il a dû quitter le système scolaire après avoir validé le certificat d’études ougandais et est ensuite entré dans l’administration pour travailler au service de la comptabilité du district. Il y a travaillé pendant plus de vingt ans. En 1995, il a pris sa retraite et est rentré dans son village pour pratiquer l’agriculture. Durant ses années de fonctionnaire, il a envoyé régulièrement de l’argent à ses parents pour investir dans des parcelles. Il disposait donc d’un capital foncier relativement important au moment de commencer sa nouvelle carrière. Il disposait aussi d’un magasin au marché de Mbale dont il a depuis laissé la gestion à son frère. Au cours des années suivantes, il a continué à acheter de la terre et aujourd’hui il dispose de près de trois hectares particulièrement bien situés dans l’un des subcounties les plus peuplés du Mont Elgon (soit environ quatorze fois la moyenne locale). Sa pratique de l’agriculture est un motif de fierté et Michael semble habitué à justifier ses choix devant un interlocuteur externe. Il présente sans hésitation ses rotations culturales pour les trois prochaines années, en détaillant les raisons de ses choix. En 2009, il a commencé à mettre en place des mesures de conservation des eaux et des sols à sa propre initiative. En effet, un épisode d’intempéries particulièrement important avait presque enseveli la source située sur son terrain. C’est le point de départ de ce qui deviendra le groupe d’agriculteur. Il revendique également un rôle central, en tant que président de son groupe, dans la construction d’un hangar de stockage pour les pommes de terre, d’un centre de santé en collaboration avec une grande ONG internationale, d’une nouvelle école. Il reconnaît que ces projets sont facilités par son réseau de contact dans l’administration. Il refuse néanmoins toute carrière politique. Pour lui, son rôle d’agriculteur modèle serait compromis par un engagement officiel qui l’écarterait de sa communauté.

  • 18 La circoncision, ou imbula, est un rite de passage crucial dans la vie des jeunes hommes du Bugisu. (...)

52Gary est le président de P. Farmers. Il est né en 1969, dans une famille qui ne disposait pas des ressources pour payer une longue éducation. Il a donc quitté l’école à 8 ou 9 ans et s’est lancé progressivement dans les travaux agricoles. Son père ne lui a donné que très peu de terre après sa circoncision18. Après son mariage et son premier enfant, il commence à s’intéresser à la politique. Au milieu des années 90, il devient le président du conseil de village. L’année suivante il acquiert une position dans le groupe d’anciens en charge de l’organisation des cérémonies de l’Imbula. Il tente en 1998 une reconversion dans le transport de marchandises et passe son permis poids-lourd. Cette tentative est infructueuse et il retourne au village où il devient de plus en plus investi dans les nombreux projets qui ciblent le subcounty. Il s’occupe tout d’abord de la gestion d’une action de lutte contre les violences conjugales. Cet engagement ne lui rapporte que très peu sur le plan financier et entraine des conflits avec certains voisins. Il continue néanmoins cette collaboration et développe des compétences diverses dans les années suivantes (aussi bien en lutte contre les incendies qu’en conservation des sols). La même année, il est élu chef de sa parish et décide de poursuivre sa carrière politique. Six ans plus tard, il est ainsi candidat aux élections pour la présidence du subcounty, mais le parti au pouvoir désigne un autre candidat. Il parvient néanmoins à conserver la position de porte-parole qu’il occupait auparavant.

53On remarque que les engagements de ces deux acteurs s’intègrent de manière cohérente dans des trajectoires biographiques à l’interface entre leur village natal, la ville et l’État. Les deux acteurs ont tenté d’améliorer leur condition sociale avec les outils à leur disposition. Dans la première situation, l’éducation ouvre les portes de l’administration. Ce travail permet une source régulière de revenu dont le réinvestissement permet une accumulation de capital foncier qui sera déterminante. Le retour au village se fait ainsi dans des conditions particulièrement confortables. Le réseau acquis joue ensuite un rôle central. Michael s’affirme peu à peu comme une personne contact pour les acteurs externes cherchant un relais local. Il est à la recherche de toutes les sources potentielles d’aides pour son village. Son rôle est crucial, puisqu’en plus d’être le président, il est aussi propriétaire des locaux du groupe.

54Dans le second cas, Gary s’oriente progressivement vers un engagement politique et communautaire de plus en plus important. Il n’occupe pas une position aussi centrale que Michael mais il est dans une recherche constante de responsabilités. Sa position d’interface est cependant plus dépendante de l’administration que Michael. En effet, son contact n’est obtenu que par l’intermédiaire des fonctionnaires du subcounty. Il est donc volontaire pour toutes les initiatives extérieures mais ne disposent pas des réseaux lui permettant d’attirer plus de projets, et ne peut mobiliser de manière aussi efficace les membres de son groupe.

55Cette fonction d’interface occupée par certains acteurs n’est pas nouvelle. Stephen Bunker montrait ainsi la construction des élites locales en lien avec la colonisation et le développement des coopératives agricoles (Bunker, 1987). La Bugisu Cooperative Union (BCU) était à cet égard particulièrement importante. Principale coopérative d’Ouganda jusqu’au début des années 70, elle a joué un rôle important dans les négociations sur les prix entre l’État et les agriculteurs. Grâce à son quasi monopôle sur la production de café arabica du pays, elle disposait d’un important pouvoir de négociation (bargaining power) notamment grâce à la menace d’un retrait massif des agriculteurs de la caféiculture. Les dirigeants de la coopérative s’opposaient parfois frontalement à l’État et ont contribué à la relative prospérité qui caractérisait le Bugisu jusqu’aux années 70. Ils poursuivaient également des « stratégies de promotion individuelle » selon Bunker. Les bénéfices de la position d’interface étaient en effet nombreux. Avec le régime d’Idi Amin, puis la libéralisation de la filière caféière, la coopérative a perdu sa position dominante. Aujourd’hui la BCU joue un rôle classique d’acheteur de café en concurrence avec d’autres entreprises.

56Les groupes locaux d’agriculteurs ne permettent pas de reconstituer un collectif de l’ampleur des coopératives. En tant que représentant des caféiculteurs, elle disposait d’une véritable capacité de pression. Les groupes que nous avons étudiés, ne sont pas liés à d’autres ensembles et n’organisent pas de coordination entre groupes. Si les dirigeants sont capables de se mobiliser (lutte sur le marquage des frontières du parc national, lutte contre les coupures de ligne électrique), les groupes ne semblent pas s’allier pour porter des revendications au-delà de leur localité.

57Malgré cette différence essentielle, les dirigeants de l’ancienne coopérative et des groupes locaux contemporains jouent de leur position. Profondément insérés dans la vie sociale locale, ils tirent parti d’une connexion avec des réseaux extérieurs. Le succès des acteurs à l’interface dépend donc de leur capacité à diriger la rente vers les personnes qu’ils représentent.

58Gary et Michael affirment dans les entretiens, à la fois la nécessité pour les agriculteurs de s’engager dans une intensification « scientifique », et de pratiquer une agriculture « durable » tournée vers l’agroforesterie. En cela, ils développent des argumentaires qui confirment les diagnostics des promoteurs des projets. Ils réalisent une synthèse de ces discours et en illustrent d’ailleurs les principes dans leurs propres choix de systèmes de culture. Gary est ainsi particulièrement fier de son jardin où l’on trouve de nombreuses espèces qu’il destine exclusivement à sa consommation domestique. Il cultive également un champ d’oignon et deux parcelles de maïs où il illustre les pratiques culturales prescrites par les entreprises de tests de sols. Mickael dispose d’une plantation de banane et de café, couverte de dispositifs antiérosifs, par ailleurs il teste régulièrement des nouveaux intrants et des semences améliorées sur des parcelles maraîchères. Pour ces acteurs, les discours s’accompagnent d’une illustration par leurs pratiques. En s’affirmant comme des agriculteurs modèles, ils légitiment leur position auprès des acteurs externes comme auprès des agriculteurs locaux. En effet, leur position d’interface ne va pas de soi. Elle procure des bénéfices et peut être contestée.

59En s’intéressant à la biographie de ces deux acteurs, on perçoit la nécessité d’insérer la position qu’ils occupent dans des trajectoires biographiques plus vastes. Pris dans cette perspective, la collaboration exceptionnelle de ces individus avec les acteurs extérieurs cesse d’être une anomalie. En effet, il serait insuffisant, voire faux, de considérer cette originalité comme le fruit d’un ethos progressiste, d’une ouverture d’esprit particulière. La collaboration avec les acteurs du développement est aussi (et parfois surtout) une entreprise de promotion personnelle, dont les bénéfices sont clairs. Dans les faits, un équilibre est recherché entre la poursuite des intérêts personnels et des intérêts collectifs. L’intermédiaire talentueux satisfait les demandes des donneurs et des destinataires. L’exemple de Michael illustre parfaitement cette double exigence. En étant un vecteur efficace de la rente, il est en mesure de montrer des résultats tangibles aux acteurs extérieurs et aux membres de sa communauté. Il y trouve simultanément son compte en localisant les infrastructures près de chez lui et en devenant un interlocuteur indispensable. Les acteurs précédemment décrits tentent donc de développer des réseaux de clientèle en s’inscrivant dans la stratégie globale de constitutions de groupes d’agriculteurs. Ces réseaux s’intègrent de manière positive aux initiatives des acteurs du développement que nous avons observées. En effet, ils permettent de lier les différents projets ensemble et de restituer une logique à l’échelle locale. Par ce fait, les agriculteurs sont plus à même de s’engager dans des actions dont les bénéfices sont collectifs et s’ancrent dans le long terme. Les programmes de promotion de l’agriculture de conservation trouvent dans ces contextes des groupes qui font office de communautés paysannes prêtes à participer. Par ce biais, ils tendent vers leurs objectifs chiffrés de mètres de tranchées, de cordons pierreux ou herbeux, etc. Les entreprises de l’agrobusiness trouvent, elles aussi, des ensembles prêts à collaborer, disposant de terre pour mettre en place des parcelles de démonstration pour de nouvelles cultures, techniques, outils, etc. Cette situation de gagnant-gagnant crée cependant ses exclus et renforce la position d’individus déjà privilégiés.

Conclusion

60Les groupes d’agriculteurs étudiés représentent donc une congruence entre des intérêts locaux et les agendas d’acteurs évoluant à des échelles différentes. On a donc vu que la multiplication et le soutien aux groupes locaux d’agriculteurs s’intègrent dans la vision promue par la stratégie gouvernementale du secteur agricole. Reprenant, les grands principes du CAADP (Comprehensive Africa Agricultural Development Programme), elle défend une modernisation agricole techniciste. Les préoccupations environnementales et productivistes s’incarnent dans les deux projets que nous avons étudiés.

61Les deux groupes présentés reposent de fait sur des individus qui disposent de ressources spécifiques et utilisent ce biais pour les convertir et les faire fructifier. Les groupes d’agriculteurs constituent dans ces deux cas la formalisation de dynamiques clientélistes de plus long terme. Pour ces individus, le groupe d’agriculteurs ne constitue néanmoins qu’une dimension de stratégies économiques qui à l’instar du reste de la population sont extrêmement diversifiées. Il faut en effet considérer ces leaders agricoles comme des membres (certes spécifiques) à part entière de la localité. Leurs actions sont le fruit d’une constante négociation avec leurs voisins et sont conditionnées par la bonne volonté de ceux-ci.

62Ces individus en tant qu’interface entre les acteurs du développement et les agriculteurs, renvoient à la figure du courtier producteur. Notre étude s’éloigne cependant relativement du cas étudié par Grassin (2018). En effet la domination du tabac sur les revenus des agriculteurs du Malawi semble beaucoup plus forte que celle du café sur ceux du Bugisu. De même l’État Malawite semble maintenir un encadrement plus fort de la commercialisation du produit. La diversité culturale sur le mont Elgon, symbolisée par l’essor du maraîchage, largement à l’initiative des populations elles-mêmes, pourrait en effet limiter la capacité de l’État et des entreprises à « capturer » des petits producteurs aux stratégies fluctuantes.

63Les deux groupes d’agriculteurs du Bugisu que nous avons étudiés sont donc eux-mêmes relativement précaires. Basés sur la direction de flux monétaires vers des zones rurales saturées, ils dépendent aussi de la participation de ces individus qui ont des stratégies économiques très volatiles. L’importance de figures individuelles locales posent également des questions importantes concernant la pérennisation et l’institutionnalisation de ces groupes pourtant parmi les plus dynamiques et présentés comme ceux ayant le mieux réussi. En cela, ils nous semblent bien plus être des révélateurs de la situation contemporaine, d’extraversion et d’incertitude économique que de potentiels vecteurs de changement structurels. Notre étude semble confirmer l’idée qu’ils favorisent grandement la réalisation des projets de développement agricole et plus généralement les relations entre producteurs et constellation agropolitique. Reste entière la question, évoquée en introduction, de la pertinence de ces actions et des solutions proposées.

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Toretti C., 2018 – « Elaborating Public Action for Irrigation in Uganda: Who Does What, Why and How? », Mambo!, vol. XV, (4).

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Notes

1 Le nom de la région renvoie à une langue (lugisu) et à la population qui la parle (Bagisu).

2 Cet article se fonde sur une enquête de 3 mois en 2018 sur le Mont Elgon. Les données (observations, entretiens, relevés…) ont été produites par l’auteur et Maria Sarah Nadunga dans le cadre du projet CNRS-défi OASIC : AMONT. Environ 60 entretiens ont été réalisés avec des ruraux et une douzaine avec des acteurs institutionnels. Tous les toponymes et patronymes ont été modifiés.

3 Un subcounty est la 3e unité administrative ougandaise après le village et la parish, et avant le county et le district.

4 Dans les deux sites (subcounties) mentionnés, elles avoisinaient les 700 habitants par kilomètre carré selon les recensements du Bureau National des Statistiques (UBOS). Les subcounties limitrophes présentent eux aussi, des densités proches.

5 La population du Bugisu a été multipliée par 6 entre 1959 et 2014, toujours selon UBOS. La problématique de la conservation sur le Mont Elgon a été étudiée par plusieurs auteurs. Pour un historique des différentes formes de politiques environnementales voir Peturson et Vedeld (2015) : « The “nine lives” of protected areas. A historical-institutional analysis from the transboundary Mt Elgon, Uganda and Kenya », Land Use Policy, p. 251-263.

6 Si le terme est ambigu, les personnes interviewées agrémentaient régulièrement ce diagnostic d’exemples sur les baisses de rendement obtenu sur les parcelles.

7 Voir notamment les travaux de Frank Mugagga, dont Buyinza et Mugagga (2010) : « Economics of Land degradation in midhills of Mount Elgon watershed, Eastern Uganda », j. Soil Nature, p. 1-6. Pour la littérature « grise » voir le livre édité par organisation nationale de recherche agronomique ougandaise : Mukibiid dir., (2001) : Agriculture in Uganda, Fountain Publisher, Kampala, 466 p.

8 Voir Showers pour le Lesotho : Showers K., 2005, Imperial gullies, Soil Erosion and Conservation in Lesotho, Athens, Ohio University Press, 376 p.

9 L’effondrement de la production caféière dans les années 80 est évidement multifactoriel. Les facteurs micro-économiques de rentabilité masquent les dimensions institutionnelles nationales et les tendances lourdes sur les marchés des matières premières. Bunker (1987) décrit notamment l’hostilité de l’État à l’égard des coopératives caféières et l’influence de l’insécurité et la violence étatique sur la baisse de la production. À cet égard le régime d’Idi Amin et la période d’instabilité qui lui a succédé sont des causes majeures de la baisse de la production.

10 D’après nos propres entretiens et observations.

11 Il convient ici, en paraphrasant H. Cochet de rappeler que la pluriactivité est une dimension inhérente à la vie des ruraux, et que le cantonnement de population à la production de denrées alimentaires est plutôt la conséquence de l’intégration à l’économie mondiale. Cochet H. (2011) : « L’Agriculture Comparée », Paris, Quae, 171 p.

12 C’est moins que le Rwanda (76 %), mais beaucoup plus que le Kenya (13 %).

13 Le nom complet : Integrated Landscape Management for Improved Livelihood and Ecosystem Resilience in Mount Elgon.

14 L’agriculture de conservation (conservation agriculture) est notamment portée par la FAO et repose sur trois principes : la réduction du labour, une couverture organique permanente pour les sols, l’utilisation de nombreuses espèces en culture associée ou dans les rotations culturales.

15 Pour ILM, dans le cas de ABI, les tests sont pour l’instant fournis gratuitement dans le cadre du projet. Le service deviendra payant après la fin des activités de formation.

16 Une matinée de travail dans le champ d’un voisin est rétribuée en moyenne entre 3 000 et 5 000 UGX.

17 Sustainable Land Management, un projet porté par l’institut ougandais de recherche agronomique.

18 La circoncision, ou imbula, est un rite de passage crucial dans la vie des jeunes hommes du Bugisu. Il marque l’entrée dans la vie adulte.

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List of illustrations

Title Figure 1 – Localisation de la zone d’étude
Credits Auffray 2019
URL http://journals.openedition.org/com/docannexe/image/9201/img-1.jpg
File image/jpeg, 1.6M
Title Figure 2 – Une zone rurale fortement peuplée
Caption La photographie illustre l’occupation, par la mise en culture et l’habitat, de la bordure d’une falaise. Les glissements de terrain sont très fréquents et touchent particulièrement les pentes fortes et déboisées. En contrebas, les toits des maisons rendent compte de la très forte densité de population.
Credits Auffray, 2018
URL http://journals.openedition.org/com/docannexe/image/9201/img-2.jpg
File image/jpeg, 2.0M
Title Figure 3 – Une parcelle illustrant les méthodes promues de conservation des eaux et des sols
Caption Cette parcelle présente de nombreux bananiers mais aussi du maïs, des haricots et du café. Au centre de l’image, une tranchée recueille les eaux de pluie et réduit le ruissellement. En bordure de celle-ci, des graminées (Cenchrus purpureus) ont été plantées. Elles consolident les rebords de la tranchée et servent aussi de fourrage pour le bétail. Au second plan, on distingue une étable. La stabulation permanente permet, pour ses promoteurs, la diminution des inconvénients associés à l’élevage, tout en profitant du fumier et des autres bénéfices (fonction d’épargne, lait…).
URL http://journals.openedition.org/com/docannexe/image/9201/img-3.jpg
File image/jpeg, 2.3M
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References

Bibliographical reference

Manoel Auffray, “Utilité et privilèges de l’interface : deux groupes locaux d’agriculteurs sur le Mont Elgon (Ouganda)”Les Cahiers d’Outre-Mer, 278 | 2018, 291-315.

Electronic reference

Manoel Auffray, “Utilité et privilèges de l’interface : deux groupes locaux d’agriculteurs sur le Mont Elgon (Ouganda)”Les Cahiers d’Outre-Mer [Online], 278 | Juillet-Décembre, Online since 01 January 2022, connection on 29 March 2024. URL: http://journals.openedition.org/com/9201; DOI: https://doi.org/10.4000/com.9201

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About the author

Manoel Auffray

Ancien étudiant en master International, master of African studies, Université Bordeaux Montaigne. Courriel : manoel.auffray(at)gmail.com

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